La Bible en ses Traditions

Actes des Apôtres 7,55–60

Byz TR Nes D
V
S

55 Mais [Stephanus] rempli de l’Esprit saint

ayant fixé les yeux au ciel vit la gloire de Dieu

et Jésus debout à la droite de Dieu

55  Mais rempli d’Esprit Saint, Étienne

fixant les yeux au ciel vit la gloire de Dieu

et Jésus debout à la droite de Dieu et il dit :

— Voici, je vois les cieux ouverts

et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ...

55 ...

56 et il dit : — Voici que je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.

56 Alors poussant des cris d'une voix forte ils se bouchèrent les oreilles

et se précipitèrent tous ensemble sur lui

56 ...

57  Alors poussant des cris d'une voix forte ils se bouchèrent les oreilles et se jetèrent d'un même cœur sur lui

57 et après l’avoir entraîné hors de la cité ils le lapidaient.

Et les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme qui était nommé Saul.

57 ...

58  et après l’avoir entraîné hors de la ville ils le lapidaient. Et les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul.

58 Et ils lapidaient Étienne qui invoquait Dieu et disait :

— Seigneur Jésus, reçois mon esprit !

58 ...

59  Et ils lapidaient Stephanus qui invoquait [Dieu] et disait :   — Seigneur Jésus, reçois mon esprit !

59 Or s’étant mis à genoux il s’écria d’une voix forte :

— Seigneur, ne leur impute pas ce péché ! 

Et ayant dit cela, il mourut.

Or Saul consentait à son meurtre.

59 ...

60  Or s’étant mis à genoux il s’écria d’une voix forte :

— Seigneur, ne leur imputez pas ce péché !  Et cela dit il s'endormit.

60  

60 ...

Réception

Arts visuels

55–60

55–60 La lapidation d'Étienne

La couronne qui ne se flétrit pas

Deux couronnes (en signe de la glorification des martyrs) descendent du soleil. L'une se dirige vers saint Étienne sur le point d'expirer. L'autre descend-elle sur le personnage en arrière-plan, qui pourrait être saint Paul, encore Saul, observant la scène (Ac 7,57b.59b) ?

Paolo Uccello (1397-1475), La lapidation de saint Étienne (fresque, ca. 1435), 310 x 420 cm

cathédrale de Prato, Toscane (Italie) © Domaine public→

Agonie à l'envers

Dans la fresque de Fra Angelico, le premier martyr semble faire le même chemin que le Christ la veille de sa Passion, mais à l'inverse : on l'emmène hors des remparts de la ville pour le conduire au jardin où il doit être tué, tandis que Jésus était déjà sorti de la ville pour prier au jardin pour ensuite être saisi et emprisonné en ville. La boucle est bouclée, dans un même témoignage rendu à Dieu.

Jean de Fiesole, dit Fra Angelico (ca. 1395-1455), La lapidation de saint Étienne (fresque, 1447-1449), 322 x 473 cm

chapelle Nicoline, palais (Cité du Vatican) © Domaine public→

Ouvrir une brèche

Tout converge vers la mort d'Étienne : la ligne descendante formée par la moitié gauche de la toile, très obscure ; les trois bourreaux les bras brandis, à l'instant qui précède un dernier et triple coup de pierre qui va certainement être fatal ; et le rayon de lumière qui se pose sur le martyr, dont le regard illuminé et le geste gracieux d'offrande de sa personne le font déjà appartenir au ciel qu'il contemple.

Rembrandt Harmenszoon van Rijn dit Rembrandt (1606-1669), La lapidation de saint Étienne (huile sur panneau de chêne, 1625), 89,5 x 123,6 cm

Musée des Beaux-Arts de Lyon (France) © Domaine public→

Église militante et Église triomphante

Pierre Paul Rubens (1577-1640), Le Martyre de saint Etienne (huile sur toile, ca. 1616-1617), 437 x 278 cm, P.46.1.10

Musée des Beaux-Arts, Valenciennes (France) © Domaine public→

Avec Rubens, le tableau se divise en deux parties : l'une terrestre et l'autre céleste, avec chacune ses populations respectives. Sur terre, nul n'aperçoit la vision glorieuse sinon Étienne lui-même ainsi que deux discrets personnages sur la gauche ne prenant pas part à sa lapidation. C'est donc surtout le spectateur qui partage la vision du saint martyr. Est-ce Saul que l'on aperçoit au bas de son flanc droit, en-dessous du pompon ? En tout cas, saint Étienne rayonne déjà de la gloire du ciel alors que son visage semble déjà cadavérique.

Contexte

Repères historiques et géographiques

58ss Le lieu de la lapidation d'Étienne Parce que les frères dominicains responsables de la Bible que vous lisez et de l'application que vous utilisez y vivent, voici une présentation du « lieu saint » traditionnel lié au martyre de saint Étienne à Jérusalem, en guise d'invitation à y rendre visite lors de votre prochain voyage ou pèlerinage en Terre sainte. 

 Entrée du cloître de la basilique Saint-Étienne sous la neige (photo : M.R. Fournier, janvier 2022) © BEST AISBL

Récit biblique

  • Étienne, l’un des sept diacres choisis par l’assemblée des disciples (Ac 6,1-6), fut accusé de blasphème devant le Sanhédrin (Ac 6,11-14). 
  • Après son discours, qui provoqua la colère de ses auditeurs, il fut emmené pour être lapidé hors de la ville (Ac 7,58), comme c'était la coutume (Lv 24,14 ; Dt 17,5 ; 1R 21,13 ; m. Sanh. 6,1).
  • Saul, qui approuvait ce meurtre (Ac 8,1), gardait à ses pieds, sur les lieux, les vêtements des témoins qui lapidaient Étienne (Ac 7,58 ; 22,20).
  • Après cette lapidation, les chrétiens furent persécutés (Ac 8,1.3), mais cela n’empêcha pas des hommes dévots d’ensevelir Étienne (Ac 8,2). 

 Statue de saint Étienne à l'entrée de la basilique (photo : M.R. Fournier, mai 2024) © BEST AISBL

Autres sources écrites et traditions interprétatives

La tradition jusqu'au 13e s. situe le lieu de la lapidation sur ce bord de route au nord de la porte de Damas actuelle.

  • Dans sa lettre (dicté en grec à Avitus et traduit par celui-ci en latin), le prêtre Lucien, un prêtre du diocèse de Jérusalem résidant à Caphargamala (Beit Gemal), raconte les trois apparitions qu'il eut de Gamaliel lui indiquant le lieu de la sépulture du protomartyr Étienne (Repères historiques et géographiques Ac 8,2) — qu’il avait enseveli — et lui demandant de ramener les reliques à Jérusalem. Suit le récit de l’invention des reliques au mont Sion en décembre 415. La lettre précise le lieu où Étienne fut lapidé : « hors de la ville, à la porte du nord, sur la route de Cedar » (Lagrange 1894, 45).
  • La découverte des reliques est mentionnée par Augustin d’Hippone Tract. ev. Jo. 120,4 (sur Jn 19,38-39) ; Augustin d’Hippone Serm. 318.
  • Évagre le Scholastique Hist. eccl. 1,22 « Eudocie éleva un très grand sanctuaire (temenos), remarquable par ses proportions et sa beauté, à Étienne, le premier des diacres et des martyrs. Il est distant de Jérusalem de moins d’une stade : elle y fut déposée lorsqu’elle passa à la vie immortelle » (PG 86/2,2484). 
  • Théodose Situ 8 « Saint Étienne a été lapidé hors de la porte de Galilée. Là se trouve son église, construite par l'impératrice Eudocie, femme de l’empereur Théodose » (CCSL 175,118).
  • Itin. Ant. Plac. 25.1-4 « L’impératrice Eudocie ajouta des murs à la ville et construisit la basilique et le tombeau de saint Étienne ; elle-même a son tombeau près du tombeau de saint Étienne, et, entre les tombeaux, il y a six pas (d’autres manuscrits ont vingt ou vingt-six pas). Saint Étienne lui-même repose hors de la ville, à un jet de flèches, sur la route qui regarde l’Occident. » La porte du nord était tournée vers le couchant où partait la route vers Joppée (Milani 1977, 170-171).
  • Adamnan Loc. sanct. 1,18 dit avoir vu en relique dans la basilique du mont Sion, « la pierre sur laquelle saint Étienne, lapidé hors de la ville, s'endormit ».
  • Bède le Vénérable Hist. eccl.1,2 mentionne aussi, dans la basilique du mont Sion,  la relique de  « la pierre sur laquelle fut lapidé saint Étienne, le premier martyr, en dehors de la cité ». 
  • Comm. casis (en l'an 808) « À Saint-Étienne, au lieu de sa sépulture, se trouvent deux clercs et quinze lépreux » (Wilkinson 2002, 253).
  • Plan (datant de 1170), Koninklijke Bibliotheek, La Haye (KB 76 F 5, fol. 1r) : On voit à gauche la porte Saint-Étienne (la porte de Damas) avec la rue Saint-Étienne ; à l’extérieur des hommes avec des pierres ; un homme à genoux, sans doute Étienne.
  • Tudebode Hist. Hier. 14,1 : En juin 1099, Robert de Normandie et le comte de Flandre assiègent la ville de Jérusalem depuis le nord, près de l’église Saint-Étienne, le lieu où il a été lapidé (Académie impériale des inscriptions et belles-lettres 1866, 102).
  • Saewulf Peregr. « La lapidation de saint Étienne eut lieu hors des murs, à deux ou trois portées d’arbalète. Une magnifique église y avait été construite, du côté du nord, elle a été complètement détruite par les païens » (CCCM 139,71).
  • Ernoul Iherusalem (ca. 1231) : L’église où Étienne a été lapidé, en dehors de la porte Saint-Étienne, a été détruite par les chrétiens lors du siège parce qu’elle se trouvait près du mur. Il ne reste plus que l’asnerie, qui va servir ensuite aux pèlerins comme hébergement (Michelant et Raynaud 1882, 41).
  • Wilbrand d'Oldenbourg Itin. (en 1211) « Approchant de Jérusalem, on nous força d’entrer dans une certaine cours près des murs de la cité. C’est là que fut martyrisé le bienheureux Étienne, en l’honneur duquel nos fidèles fondèrent une église, toujours visible, et un archevêché. C’est là qu’on pousse les ânes du Soudan. Comment donc l’or s’est-il obscurci, cette belle couleur s’est-elle changée, pour qu’une église, un lieu consacré aux reliques, soit devenu un lieu d’ordures ? » (Laurent 1873, 184-185).

Dominicains, Le jardin du domaine Saint-Étienne et les remparts de Jérusalem (négatif sur plaque de verre, vers 1900)

© Couvent Saint-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.

Au nord de la ville de Jérusalem, à quelques pas de la porte de Damas (l'ancienne porte de Saint-Étienne), que l'on aperçoit sur la photo, se trouve le domaine Saint-Étienne dont nous voyons ici le mur sud et une partie du jardin. 

Histoire du site

  • 1er s. : Les basses collines le long de la route du nord de Jérusalem étaient couvertes de nombreuses tombes creusées dans la roche.  
  • Décembre 415 : Apparition de Gamaliel au prêtre Lucien ; découverte des sépultures d'Étienne, Nicodème, Gamaliel et son fils sur les lieux indiqués par le songe ; translation des reliques de Caphargamala vers l’église du mont Sion par l'évêque Jean en attendant d’avoir un sanctuaire.
  • 422 : L'évêque Juvénal érige un sanctuaire sur le lieu de la lapidation du protomartyr. 
  • 438 : Arrivée de l'impératrice Eudocie à Jérusalem. Elle fait construire une immense basilique sur ce même lieu.
  • 15 mai 439 : Déposition des reliques d'Étienne dans le nouveau sanctuaire. Cérémonie de dédicace officiée (à la demande d’Eudocie) par Cyrille d'Alexandrie, de passage à Jérusalem ( Jean Rufus Vita Petri Ib. [Raabe 1895, 37]). Ce sanctuaire devient le principal martyrium à Jérusalem (un autre martyrium est construit sur le sommet du mont des Oliviers).
  • 444 : Eudocie embellit le sanctuaire et place le moine Gabriel, disciple d'Euthyme le Grand, sur les lieux pour être l'hygoumène. Une forte muraille est construite pour protéger les lieux. Avec ses dépendances, Saint-Étienne devient le plus vaste établissement de Jérusalem.
  • 15 juin 460 : Seconde dédicace de Saint-Étienne par le patriarche Anastase (en présence d'Eudocie). À vingt pas de la crypte, Eudocie est ensevelie quatre mois après.
  • 513 : Des milliers de moines et fidèles s’y entassent pour écouter la condamnation par l’empereur Anastase de ceux qui n’adhéraient pas au concile de Chalcédoine. 
  • 614 : Les Perses détruisent la basilique et tous les bâtiments monastiques.
  • vers 635 : Sous le patriarche Sophrone(+638) une église est construite dans l’atrium . Le Lectionnaire Georgien de Jérusalem mentionne la célébration en ce lieu des fêtes d' Eudocie (19 octobre), de sa petite fille Eudoxia (10 septembre), une synaxe (14 janvier), la translation des reliques de saint Etienne (15 juin), la translation des reliques des martyrs Tarachus, Probus et Andronic  (27 juin),  la mémoire de tous les martyrs (22 janvier) .
  • 1099 : Les croisés font une procession avec station à Saint-Étienne avant de prendre la ville de Jérusalem. L'ordre des Hospitaliers restaure la chapelle et bâtit ses écuries à côté.
  • 1187 : Les croisés démolissent les bâtiments pour éviter que Saladin ne s'en serve pour prendre Jérusalem. 
  • 13e s. : L'asnerie sur le lieu sert de logement aux pèlerins. Le site est encore considéré comme le lieu de la lapidation d'Étienne, mais son délabrement va conduire à l'oubli. Après le 13e s., la tradition le déplace dans la vallée du Cédron.
  • 1881-1885 : Redécouverte des ruines byzantines et croisées par les dominicains, qui y établissent leur couvent le 26 décembre 1884. 
  • 1900 : Consécration de la nouvelle basilique construite sur les plans de la basilique byzantine d'Eudocie.
  • 1938 : Le vénérable Père Marie-Joseph Lagrange, qui fonda l’École biblique et archéologique française de Jérusalem en 1890, est enterré dans le chœur de la basilique.

Dominicains, Vestiges de la basilique d'Eudocie et de l'église croisée sur le domaine Saint-Étienne (négatif sur plaque de verre, 1892)

© Couvent Saint-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.

Sur cette photo prise après les fouilles et la construction de l'école (à droite) et avant la construction de la nouvelle basilique, nous voyons au premier plan les vestiges de l'abside croisée, le puits surmonté d'un trépied, et les restes de la basilique byzantine en arrière. Au fond, on aperçoit l'ancien couvent, premier logement des frères dominicains. 

Sources archéologiques

  • Une hypogée antique fut découverte en 1885, proche de la grotte de Jérémie et à 280 m de la porte de Damas. L’entrée, unique et sans décoration, fait accéder à un atrium de 2 m sur 2,5 m, auquel succède un deuxième de 4,25 m sur 5,40 m. À gauche, à droite et en face de cette salle s’ouvrent des portes donnant sur les chambres funéraires à trois couchettes. Cette nécropole pouvait recevoir jusqu’à 30 personnes. Des sépultures chrétiennes en contre-bas ont été ajoutées avec des épitaphes du 5e s.
  • À l’époque byzantine, une basilique de 20 m sur 40 m fut construite en ce lieu. En 1887, les dominicains font des fouilles dans la partie nord de leur terrain et découvrent des mosaïques, une colonne monolithe, des colonnes de marbre blanc, une balustrade, une dalle de marbre blanc sillonnée de rigoles, un revêtement de marbre sur un soubassement de colonne. Une crypte taillée dans le roc et des restes de murs avec une abside apparaissent ensuite, dévoilant le plan entier de la basilique. Deux moules eucharistiques en pierre, l’un grec, l’autre syrien, ont été découverts dans la basilique.
  • Devant la basilique, l’atrium était un carré dallé de 26,5 m de côté avec un portique. Le long du portique se trouvait des tombeaux. Au nord deux tombeaux sont de l’époque byzantine. L’un était fermé par une meule de pierre roulée et l’autre recouvert d’une dalle posée à plat. Ce dernier, jamais ouvert, contient une inscription en latin : « Tombeau particulier du diacre Nonnus, Onésime, de la sainte Résurrection du Christ, et de ce monastère ». À l'intérieur se trouvent deux arcosolia : l’un fermé et réservé au diacre Nonnus, l’autre ouvert et servant de tombe commune aux moines du couvent. Trois autres inscriptions apparaissent dans ce tombeau : « Celui qui habite dans le secours du Très-Haut » (Ps 91,1) ; « En vous Seigneur j’ai espéré, je ne serai pas confondu » (Ps 31,2) ; « Le Seigneur est ma lumière » (Ps 27,1).
  • Entre l’hypogée et la basilique, des fouilles en 1891 permirent de mettre au jour une chambre pavée en mosaïques, entourée de tombeaux et d’une grotte naturelle avec un banc de pierre et une croix gravée. La mosaïque porte un agneau en son centre. Un fragment d’épitaphe en grec indique « Le tombeau de Michel ».
  • Après sa destruction lors de l’invasion des Perses en 614, la basilique voit ses pierres disparaître du fait de pillages successifs.
  • Avant l’achat du terrain par les dominicains, un petit oratoire de 21 m sur 7,4 m, dont il ne restait que le pavé, avait été mis en évidence. Les premières fouilles donnèrent le plan de l’église, avec un narthex et une iconostase grecque devant le chœur. Les pierres de ces vestiges sont de l’époque des croisés.

Dominicains, La basilique Saint-Étienne vue des remparts de Jérusalem (négatif sur plaque de verre, vers 1900)

© Couvent Saint-Étienne de Jérusalem — É.B.A.F.

Cette photo prise juste après la construction de la basilique, que l'on voit sur la gauche, nous éclaire sur la topographie du lieu. À proximité du terrain des dominicains se trouve la grotte de Jérémie.