La Bible en ses Traditions

Apocalypse 1,9

Byz V TR Nes
S

Moi Jean votre frère

et qui ai part avec vous à la tribulation, au royaume et à l'endurance en Jésus

j’étais dans l’île appelée « Patmos »

à cause de la parole

Vdu verbe de Dieu et du témoignage de Jésus.

...

Réception

Cinéma

1,1–22,21 Allusions à l'Apocalypse

  • Ingmar Bergman, Det sjunde inseglet [« le septième sceau »] (1957).
  • Vincente Minnelli, The Four Horsemen of the Apocalypse (1961).
  • Andrei Tarkovski, Offret [« le sacrifice »] (1985).
  • Peter Jackson, The Lord of the Rings (en particulier le 3e film, 2003).

Arts visuels

9 j'étais dans l'île La possibilité d'une île ... L'île est un observatoire privilégié. Montagne dans la mer, Patmos déploie tout le symbolisme de l’île. Espace séparé, l'île favorise le recueillement. C’est joliment montré par les imagiers médiévaux qui prennent soin de représenter tout le contour de l’île où Jean reçoit sa révélation.

Frères Limbourg (ca. 1402-1416), Saint Jean sur l'île de Patmos (tempera sur parchemin de veau, ca. 1411-1416), 29 x 21 cm (Très Riches Heures du duc de Berry) — Ms.65, f.17

Musée de Condé (Chantilly, France) © Domaine public→

Texte

Procédés littéraires

1.9 de Jésus Christ ÉNONCIATION emboîtée : ambiguïté du génitif objectif et subjectif  L'ambiguïté du génitif en Ap 1,1.2.9  Grammaire désigne Jésus Christ

  • à la fois comme auteur et origine de la révélation qui débute dans ce verset, en quelque sorte son locuteur principal ;
  • et comme le personnage dont parle le texte.

Par la proclamation d'Ap, c'est Jésus Christ lui-même qui adresse à l'auditeur/lecteur une parole sur lui-même. On retrouve ici quelque chose de la structure d'énonciation en bande de Möbius qui caractérise les évangiles en tant que vecteurs de l'Évangile. Pour leur lecteur actuel, Jésus y est, sans plus solution de continuité entre les deux qu'il n'y en a entre l'intérieur et l'extérieur de l'anneau de Möbius, à la fois 

  • « contenu » dans l'énonciation de l'écrivain inspiré (en tant que personnage dans un récit) 
  • et « contenant » de cette énonciation même puisque c'est lui qui, par sa propre activité d'enseignement, a donné et autorisé la parole de ceux qui parlent de lui.

BojanV03, 3D Rendering of a Mobius Strip, (Image numérique, 2015)

© CC-BY-SA-4.0→,

En topologie, la « bande (ou ruban ou boucle) de Möbius » est une surface compacte dont le bord est homéomorphe à un cercle : il ne possède qu'une seule face, contrairement à un ruban classique qui en possède deux. Il a été décrit indépendamment en 1858 par les mathématiciens August Ferdinand Möbius (1790-1868) et Johann Benedict Listing (1808-1882), et baptisé du nom du premier en raison du mémoire qu’il présenta à son sujet à l'Académie des sciences à Paris. La bande de Möbius se visualise aisément, il suffit de tordre d'un demi-tour une bande de papier, puis de collant les deux extrémités : la forme qui en résulte est « sans fin », n'ayant ni intérieur ni extérieur. Elle fascine de nombreux graveurs (Escher), peintres, sculpteurs et plasticiens modernes et contemporains.

  • En 2012, Alice Pilastre a mis au jour Mobius Gymnopedy→, boîte à musique dans laquelle le ruban métallique de la partition a une forme de ruban de Mobius. Ce ruban contient les premières notes de la première des Gymnopédies d'Erik Satie. Quand on fait défiler la bande, on entend ces notes, puis les mêmes avec une inversion de hauteur.
  • Dans la culture populaire, depuis le premier « jour de la Terre » en 1970, elle est un symbole de l’éternité et même… du recyclage, sous forme d'un ruban vert formant flèches à trois demi-tours, signifiant qu'un produit peut être recyclé, ou a été fabriqué à partir de matériaux recyclés.

Contexte

Repères historiques et géographiques

9 l'île appelée «Patmos » Patmos : île de relegatio ? Île de la mer Egée (Sporades) située à un jour de mer d’Ephèse.

Lieux de mémoire sur l'île de Patmos, M.R. Fournier © BEST AISBL

Durant le règne de Domitien (81-96), de nombreux opposants ont été exilés, mais Pline Nat.4,69-70 ne mentionne pas Patmos comme île de bannissement (Textes anciens Ap 1,9). Patmos n’est pas connue comme île de déportation dans l’Empire romain. Les historiens antiques nomment Patmos en passant, sans aucun détail, mais l’archéologie et l’épigraphie ont retrouvé des indices qui permettent de dire que dès le 2e s. av. J.-C., Patmos était peuplée et religieuse. Géostratégiquement, Patmos est cruciale pour la sécurité de l’état de Milet. C'en fut probablement un phrourion, une forteresse, aux frontières du territoire, dont reste trace au lieu-dit « Castelli » : une acropole fortifiée au dessus du petit port de Scala...

Paweł Niedbalski, Ruines Castelli (phrourion antique ?), (photographie numérique, 2021)

© Fair Use (snapshot de Googlemaps→)

Comme tout phrourion elle était peuplée par sa cité de rattachement de citoyens modèles, dont le comportement ne laissait place à aucune incertitude, sous le contrôle d’un phrourarque. C’était donc un lieu de mise en résidence surveillée de personnes politiquement suspectes dans la capitale (références en  Saffrey, « Relire l’Apocalypse ...» op. cit., p.386-391). Patmos n’était  donc pas une des îles à chèvres nombreuses dans la mer Égée, dès le 2e s. av. J.-C. Les inscriptions retrouvées sur place apprennent qu’elle était peuplée au point d’être dotée d’un gymnase au centre d’une vie culturelle et intellectuelle active, et d’un temple porteur de la légende nationale patmienne (H. D. Saffrey, « Relire l’Apocalypse à Patmos », RB 82 (1975) 385-417, ici p.393-398).