Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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11 Puis je vis un grand trône éclatant de lumière
et celui qui était
Vquelqu'un assis dessus :
devant sa face
Và son regard s’enfuit la terre et le ciel
et de place, ils n'en trouvèrent plus !
12 Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône :
des livres furent ouverts
et un autre livre fut ouvert qui est le livre de la vie
et les morts furent jugés d’après ce qui était écrit dans ces livres
selon leurs propres œuvres ;
1,1–22,21 Allusions à l'Apocalypse
11–15 Dies irae Inspirée du célèbre poème latin qui amplifie la vision du Jugement (Liturgie Ap 20,11–15), Galina Oustvolskaïa — le plus singulier et le plus puissant des compositeurs que l'URSS ait produits — ne cherche certes pas à plaire.
« Galina
ne cherche pas à plaire. C'est, pour moi, le plus singulier et le plus puissant des compositeurs que l'URSS ait produit. Il y a chez elle, comme chez , une absence totale de séduction car celle-ci s'apparente à la fausseté. Oustvolskaïa peut se le permettre — le contenu de sa musique est tellement dense qu'elle n'a pas besoin d'artifices. Cette compositrice qui a vécu toute sa vie à Léningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg), dans une obscurité quasi totale et une grande pauvreté, a écrit la musique la plus terrible que je connaisse. Lorsque j'étais aux bords du lac Baïkal, seule la musique de me paraissait possible (écouter aurait été artificiel et même grossier).La musique d'Oustvolskaïa est l'une des rares qui pourrait sonner après une catastrophe écologique, ou comme épitaphe de la fin du monde, ou comme un contrepoids à tout cela — c'est l'une des très rares dont la gravité et la profondeur la rendraient alors crédible.
Menant une vie de recluse, avec son mari (de 22 ans plus jeune) et quelques rares amis comme vis-à-vis, hors du système soviétique qu'elle méprisait, mais aussi hors de toute politique, ignorant presque tout de ses collègues contemporains, dédaignant — les luttes des corporations (invitée à un festival de femmes compositeurs elle s'est estimée insultée), elle évoquait l'idéal de Diogène et vivait dans une tension et les douleurs permanentes d'enfantement :
« — Je compose sans instrument, derrière ma table. Tout est pensé tellement en détail qu'il ne me reste plus qu'à noter à la fin. Je suis en pensée tout le temps, jour et nuit, c'est pourquoi je ne n'arrive pas à me reposer. Les pensées me rongent. J'ai mon propre univers, j'entends et vois différemment des autres. Je vis une vie de solitude. »
Oustvolskaïa est l'exemple suprême de la démarche artistique absolue, vocationnelle, religieuse. C'est l'emblème de l'anti-prostitution en art. Redécouverte à 80 ans par le musicien hollandais Reinbert
, elle a commencé à être sollicitée, mais a refusé toute commande. Voici ce qu'elle écrit lorsque les Editions Sikorski s'adressent à elle dans ce sens :« — J'aurais volontiers écrit quelque chose pour vous, mais cela dépend de Dieu, pas de moi. S'il me donne la possibilité de composer quelque chose, je le ferai certainement. Ma manière de travailler diffère considérablement des autres compositeurs. Je n'écris que lorsque je saisis un état de grâce. Après cela l'œuvre se repose, et lorsque son heure arrive, je lui donne sa liberté. Et si ce temps n'arrive pas, je la détruis. Je ne peux donc pas accepter une commande. Tout le processus de composition se produit dans ma tête et dans mon âme. Je détermine ainsi la voie de mon travail. "Seigneur, donne-moi des forces de composer" — supplié-je.»
Sa liberté ultime, c'est la verticalité. Oustvolskaia chante la liturgie des condamnés. Sa musique incorpore la terreur stalinienne et le blocus fasciste de Léningrad (900.000 morts). Elle est l'écho amplifié des cataclysmes à venir. Ce choix de la marge, ce refus de tout compromis — qui lui a coûté ce que l'on appelle une carrière, — n'est pas sans parallèle avec le fol en Dieu de la tradition orthodoxe, cette figure libre, marginale et miséreuse, hors système qui a la liberté et le courage de dire ce que nul n'ose — le sens ultime des choses.
Ignorant l'essentiel des recherches sur le langage musical qui se sont déployées en Occident elle a su capter quelque chose de plus universel — sa vocation, comme celle de
, c'est de transformer la prière en sons pour corriger l'erreur du monde.« — Ma musique n'est pas religieuse, elle est spirituelle » précisait-elle cependant.
Voulant que sa musique soit jouée dans des églises ou des temples par préférence à une salle de concert, elle n'avait aucun lien avec une institution religieuse quelconque. Libre et seule, libre en tout... La phrase du critique littéraire
qui évoque les poètes russes s'adresse pleinement à la compositrice :« — Nous ne sommes pas les médecins, nous sommes la douleur. »
C'est l'étroitesse du rayon laser qui traverse le métal. C'est une musique de très haut voltage.Il est impossible de l'écouter entre la poire et le fromage. Elle exige d'être écoutée en entier, en silence.
Préparez-vous avant si vous souhaitez l'affronter, si vous voulez avoir un premier aperçu d'Oustvolskaïa à travers son oeuvre charnière, Composition n° 2 (sous-titre "Dies irae") pour piano, huit contrebasses et un cube en bois. C'est une musique qui est tellement loin de l'art de plaire, tellement autonome et grave, elle a l'audace de négocier de tels seuils qu'elle constitue, malgré son aspect ascétique, dur et sans charme une respiration essentielle et une guérison salutaire dans un monde joyeusement inconscient de son propre drame » (Michel , compositeur→, octobre 2019).
11 à son regard s'enfuit la terre et le ciel Contemplation : en forme de trône céleste
C’est une construction tout à fait singulière dans le paysage des édifices sacrés, même pour les plus modernes, que cette cathédrale de rite catholique inaugurée à Brasilia par l’architecte Oscar
en 1970, après onze années de travaux. Entourée d’un bassin d’eau qui la reflète par un bel effet de symétrie — une sorte de peinture illusionniste étendue au paysage brésilien — cette structure inédite admet un sommet à pointes qui évoque la couronne d’épines du Christ. Du fait de son orientation céleste et de la transparence de sa verrière, c’est bien vers un au-delà qu’elle tend : s’il est question de crucifixion, c’est davantage la résurrection du Fils de Dieu qui est exaltée — et qui atteint jusqu’à la sphère aquatique, l’eau étant la substance régénérative, la source de vie. (Cf. V.L.).6,12–16 ; 20,12–15 ; 22,7–10.18s comme un livre qu'on roule + le livre de la vie + ces choses ... Le livre plus solide que le monde L'apocalypticien compare volontiers le monde à un livre : →Apocalyptique (littérature —), 6.
Ici, il évoque la fragilité du cosmos ; à la fin du livre, qui coïncide avec celle du cosmos, tout laisse place à des livres (Ap 20,12-15) et le livre se termine comme il a commencé avec une insistante thématisation de l’écrit et livre eux-mêmes : Procédés littéraires Ap 6,12–16 ; 20,12–15 ; 22,7–10.18s
Si les savants ont peine à entrer dans le langage du cosmos, les artistes, eux, le connaissent bien. Plusieurs peintres ont été sensibles à cette inscription du livre et du paysage l’un dans l’autre. (Cf. Arts visuels Ap 1,11 ; 12,1 ; 15,1 ; 19,13).
,Sur cette petite peinture méconnue de Botticelli, par exemple, le livre que Jean est en train d’écrire et les rochers sur lesquels il s’appuie ne ressemblent-ils pas à des tomes sur une étagère dérangée ?
Et ne nous font-ils pas porter un regard nouveau sur les rochers volcaniques de Zouloufi, au nord de Patmos ?