La Bible en ses Traditions

Cantique des cantiques 8,8–14

M
G S
V

— Nous avons une petite sœur, qui n’a pas encore de seins.

Que ferons-nous à notre sœur le jour où on la recherchera ?

— Notre sœur est petite et n'a pas de seins :

que ferons-nous de notre sœur le jour où il faudra lui parler ?

M V
G S

Si c'est un rempart, nous lui ferons

Védifions dessus un couronnement

Vdes créneaux d’argent

si c'est une porte, nous la fermerons

Vfixons-la avec des ais de cèdre !

9 avec des ais de cèdre 1R 6,15
M
G S
V

10 — Je suis un mur et mes seins sont comme des tours ;

aussi suis-je, à ses yeux, celle qui a trouvé la paix.

10 

10 — Moi, je suis rempart et mes seins comme une tour

aussi suis-je à ses yeux devenue comme celle qui procure la paix 

11 Salomon avait une vigne à Baal-Hamon

il remit la vigne à des gardiens

et pour son fruit chacun devait lui apporter mille sicles d’argent.

11 

11 (Pacifique eut une vigne en Celle-qui-contient-les-peuples

il la confia à des gardiens

on lui apporte pour son fruit mille pièces d'argent.)

11 mille sicles d'argent Is 7,23

12 La vigne qui est à moi, j’en dispose :

à toi, Salomon, les mille sicles, et deux cents aux gardiens de son fruit.

12 

12 — Ma vigne est devant moi.

— Mille pour toi, Pacifique, et deux cents pour ceux qui en gardent les fruits !

13  Toi qui habites les jardins, les compagnons prêtent l’oreille à ta voix : daigne me la faire entendre.

13 ...

13  — Toi qui habites les jardins, les amis t'écoutent : fais-moi entendre ta voix !

M V
G S

14 — Cours

V— Fuis, mon bien aimé

Vpréféré, et sois semblable à la gazelle

Vau chevreuil ou au faon des biches

Vdes cerfs, sur les

Mdes montagnes des baumiers

Vd'aromates !

14 

Contexte

Milieux de vie

8a Les grandes eaux Symbole ambivalent

  • L'eau, réalité biblique, est une puissance ambivalente qui donne à la fois la mort et la vie. Mais ici, elle est prise dans une approche de menace de la vie. 
  • La notion des grandes eaux renvoie à une vaste étendue d'eau agitée (Ps 107,23-30 ; Mc 4,35-41), inhospitalière la mer en l'occurrence avec ses dangers (2Co, 11, 26); c'est un symbole des puissances maléfiques. 

Réception

Philosophie

1,1–8,15 Le Cantique comme symbole de la révélation Rosenzweig Stern (p. 235-242) interprète le caractère dialogal du Ct comme une instance de la structure dialogale de la révélation elle-même.  

  • Une première partie, intitulée « création », décrit une relation non personnelle, en 3e pers. et au passé, entre Dieu et le monde.
  • Au cœur de l'ouvrage, Rosenzweig fait de son commentaire du Ct le fil conducteur de la présentation de ce qu'il appelle « La révélation », c'est-à-dire le passage au « tu » et au présent et ainsi à l'avènement d'une relation personnelle entre Dieu et l'homme. Tout le Ct est un dialogue (à l'exception de Ct 8,6) : il ne dit pas que la révélation est dialogale, il le montre en étant lui-même dialogue et étant presque uniquement cela.

Révélation performée : importance du dialogue

La révélation n'est donc pas pour Rosenzweig la communication d'un ensemble d'informations sur Dieu, mais la naissance d'une relation entre Dieu et l'homme. Le Ct est pur dialogue — sans jamais de passage à la 3e pers. — et histoire au présent. Ces deux caractéristiques sont le fondement de la révélation : le dialogue et le présent.

Il ne s'agit donc plus de parler de la relation entre Dieu et l'homme, comme les prophètes qui décrivaient cette relation à l'aide de la métaphore des noces, mais de faire parler cette relation elle-même.

Révélation lyrique : importance de la subjectivité

Le discours du Ct est donc tout entier porté par la subjectivité.

  • Cela se manifeste par l'importance du « je » sous la forme du je-marqué (’ănî en héb.). Le Ct est le texte biblique qui utilise, proportionnellement à sa taille, le plus ce « je », après le livre du Qo (fréquence de 6,03 emplois pour 1000 mots en Ct, et de 6,50 en Qo).
  • Cela se remarque aussi au fait que les premiers mots du Ct expriment une comparaison : « tes amours sont meilleures que le vin » (Ct 1,2b), c'est-à-dire une appréciation subjective et non un simple constat, auquel cas un comparatif n'eût pas été nécessaire.

Dès le début du texte, la focalisation n'est pas celle d'une narration objective mais celle d'une subjectivité : les choses ne sont pas décrites pour elles-mêmes, l'enjeu est d'emblée perspectiviste. 

Critique de la réception moderne du Cantique

Rosenzweig critique les analyses modernes du Ct (à partir des 18e et 19e s.) qui ont cherché à effacer cette dimension dialogale du texte.

  • Il vise d'abord Herder et Goethe, qui ont fait du Ct un chant d'amour purement humain, prisonniers qu'ils étaient du préjugé que ce qui est humain ne peut être divin et que Dieu ne peut pas aimer. Cependant, leur tentative eut au moins le mérite de conserver cet aspect essentiel du Ct : le fait qu'il s'agisse d'un chant lyrique, de l'expression de deux subjectivités.
  • D'autres tentatives ont suivi, plus condamnables parce qu'elles ont réduit le Ct à un simple récit, narration entre plusieurs personnages : un roi, un berger, une paysanne. Dans ce dernier type d'interprétation le cœur du Ct, à savoir son caractère lyrique, est perdu et l'œuvre demeure incompréhensible.

Arts visuels

12 à toi, le Paisible Le roi Salomon

Gravure néerlandaise, 16e s.

Maerten de Vos est un peintre flamand s'intéressant principalement aux sujets religieux, historiques, allégoriques, et aux portraits. Il réalise dans les années 1580 de multiples conceptions d'estampes et d'illustrations de livres. Cette gravure réalisée en 1590 est une de ses illustrations réalisées pour Le Cantique des cantiques :

Maerten de Vos (1532-1603), Le roi Salomon sur le trône (gravure, 1590)

Musée national d'Allemagne, Nuremberg (Allemagne)  © Domaine public→