Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
Pour nous apporter votre aide, cliquer ici
22 Elle est une, c'est pourquoi je dirai ; le pur et le méchant, lui il les achève
22 ...
22 Je dis une seule chose ; lui consume et l'innocent et l'impie.
23 Si un fléau tuait soudain ! Il se moque de la détresse des innocents.
23 ...
23 S'il flagelle, qu'il tue d'un coup et qu'il ne rie des peines de l'innocent.
23 il ne rie des peines de l'innocent Réflexions concernant l'amour de Dieu et le malheur Ce verset est repris par la philosophe Simone dans son essai « L’amour de Dieu et le malheur », figurant dans le recueil Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu, (Espoir), Paris : Gallimard, 1962. À cause de ce verset, elle n’hésite pas à considérer Job comme un archétype du malheur : à l’image du Christ, il éprouve de la façon la plus profonde l’absence même de Dieu.
La philosophe commence par une distinction entre malheur et souffrance. Si la souffrance ne laisse pas de trace de son passage, le malheur « s’empare de l’âme et la marque, jusqu’au fond, d’une marque qui n’appartient qu’à lui, la marque de l’esclavage » (→, 85). Irréductible, le malheur frappe l’âme durablement et déracine la vie de celui qui en est affecté. C’est dans les profondeurs du malheur que se manifeste l’absence de Dieu. Cette expérience d'abandon, de solitude et de désarroi est celle-là même qui : « a contraint le Christ à supplier d’être épargné, à chercher des consolations auprès des hommes, à se croire abandonné de son Père » ( Pensées→, 88). Pensées
Dans les tréfonds du malheur, l’homme éprouve le néant, la vacuité, l’inanité qui tarit l’amour :
Dans le gouffre du malheur, se creuse la distance entre l’homme et Dieu :
Paradoxalement, cette distance incommensurable peut être source d’une infinie détresse tout comme d’un amour infini :
La distance d’avec Dieu, proportionnelle au malheur, peut se résorber grâce à l’amour de Dieu, le seul qui sauve. En ce monde déterministe, régi par des mécanismes aveugles, où les horreurs sont comme les plis imprimés aux vagues par la pesanteur et les criminels comme des tuiles que le vent détache et qui tombent au hasard (image que Weil reprend à
), l’auteur avance l’amour, non comme une affectation ou un sentiment mais comme volonté :Dans le malheur l’homme perd pied. Transpercé, il est cloué, l’âme perforée en son centre. Il subit, endure, pâtit, n’a aucune prise : « Il se débat comme un papillon qu’on épingle vivant sur un album. Mais il peut à travers l’horreur continuer à vouloir aimer » (ibid.).
Le seul soulagement possible est la Croix :
En effet, la croix du Christ éclaire le malheur. Dans le silence de Dieu, en son absence même, un visage apparait, le visage de l’amour : « Le vrai malheur, une seule chose permet d’y consentir, c’est la contemplation de la Croix du Christ. Il n’y a rien d’autre. Cela suffit. » (→, 125) Pensées