Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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33 Et lorsqu’ils
Vaprès qu’ils furent arrivés au lieu appelé Crâne
ils le crucifièrent
ainsi que les malfaiteurs
Vvoleurs, l’un à droite, l’autre à gauche.
34 Jésus disait :
— Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
Et, se partageant ses vêtements, ils jetèrent les sortsSsur eux.
34–46 Les sept paroles du Christ en croix
La solitude de Jésus sur la croix est traduite dans l'effectif de cette composition: un violon (ou alto) non-accompagné, abandonné par tout le monde, sans contact avec la terre. La pièce suit les sept dernières paroles à travers sept miniatures. Un "motif de croix" reconnaissable sert comme ponctuation entre les paroles: un accord très court et fort (verticalité) suivi d'une longue seconde soutenue douce (horizontalité).
La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ...") est un jeu très virtuose, diabolique, on dirait fou, dépeignant ceux qui "ne savent pas ce qu’ils font."
Dans la deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.") deux voix chantent librement et paisiblement ensemble.
La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) se traduit en une valse noble, intime, pleine d'une joie intérieure.
Apogée et centre pivot des sept paroles, la quatrième parole "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est mis en musique en glissandi répétés de dissonants criants dans le suraigu.
"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) est évoqué par des sons expérimentaux, imitant des gémissements et des souffles secs.
"Tout est accompli" (Jn 19,30: sixième parole) est reflété par seulement quelques harmoniques, ne donnant que les contours d'une mélodie presque évaporée.
La septième parole (Lc 23,46: "Père, entre tes mains je remets mon esprit." - voir aussi Ps 31,6) est une mélodie sereine, dépassionnée.
Motets en latin sur les sept dernières paroles du Christ en croix. Contrairement aux «The Seven Last Words» qui sont très atonaux et expressionnistes, les «Septem verba Christi» sont dans un langage néo-modal.
La première parole (Lc 23,34: "Père, pardonne-leur ..."; "Pater, dimitte illis ...") se concentre sur la proclamation tranquille, paisible du texte.
La deuxième (Lc 23,43: "... aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis."; "... Hodie mecum eris in Paradiso") est plus mélismatique, évoquant l'atmosphère céleste.
La jonction de la Mère et du disciple (Jn 19,26-27: troisième parole) devient évident avec des mélismes à deux voix, un fleuve tranquille de deux mélodies qui coulent ensemble.
La quatrième parole "Deus meus, ut quid dereliquisti me?" (voir aussi Mc 15,34 et Ps 22,2) est le centre pivot des sept paroles. C'est pourquoi elle est traitée de manière spéciale, c'est-à-dire dans un langage plus atonal, donnant expression aux mots dramatiques de Jésus. Les dynamiques sont également plutôt dans le forte, tandis que les autres se situent dans les dynamiques douces.
"J'ai soif" (Jn 19,28: cinquième parole) n'est en latin qu'un seul mot: sitio. Des quintes ouvertes et une pédale sur "si" (à la fois la syllabe et la note musicale) créent une atmosphère de désert.
"Tout est accompli", "consummatum est" (Jn 19,30: sixième parole) est une longue séquence d'harmonies qui glissent de manière chromatique en bas.
La septième parole (Lc 23,46: "Père, entre tes mains je remets mon esprit."; "Pater, in manus tuas comendo spiritum meum." - voir aussi Ps 31,6) reprend la musique de la première parole, les deux commencant par l'acclamation "Pater".
33 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station
Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.
Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.
C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.
Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.
On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)
34 PARALITURGIE Chemin de croix : (neuvième et) dixième station
Les deux stations réunies couvrent une partie du bas-côté droit de la nef. Le Christ tombe, sur le globe terrestre, pour le monde entier, puis est dépouillé de ses vêtements par un bourreau. « De l’affaissement universel, seul, émerge le bourreau - bêtise et bassesse - la foule ! Il vient de dépouiller Jésus. Son ricanement insulte à la nudité minable de ce corps que blêmit et raidit une mort anticipée, acceptée. [...] En vérité, le peintre qui a équarri cette forme douloureuse a souffert, en son âme et sa chair. Il a souffert en peignant la Face effrayante et si douce, brouillée par la douleur, où s’enfoncent, à grands trous d’ombre, la bouche et les yeux. Il s’est substitué au Christ et il a prévu toutes les calamités, tous les maux qui allaient frapper l’homme. Car, dans un pieu, planté au premier plan de son Dépouillement de Jésus, j’ai salué une vieille connaissance, le piquet de réseau. Son obliquité, due sans doute à quelque éclatement voisin et l’enroulement d’une liane précisaient la ressemblance. J’ai interrogé l’artiste. Ainsi l’avait-il voulu. L’étroite et cruelle ressemblance du fil de fer barbelé et de l’épine était apparue, impérieusement, au commandant Desvallières, un jour que, dans une tranchée de première ligne, il ramassa cinquante centimètres de fil de fer barbelé, tressés en couronne. Il a connu, soudain, que ce symbole de la férocité humaine pouvait au front du Christ remplacer l’épine. Ceci l’a persuadé de ne pas séparer le meurtre de son Dieu du souvenir de l’affreuse tuerie. À propos de celui-là, il a évoqué celle-ci. Ce piquet, Jésus le prévoit et il ajoute à sa misère. » (Vallon) Oui, le peintre place, au premier plan à droite, le piquet de réseau de fil de fer barbelé des champs de bataille, façon de rappeler les souffrances des poilus, associées à la souffrance du Christ. Le large déploiement sur la gauche du grand manteau rouge, rappel de la pourpre impériale, sur lequel le corps blanc de Jésus se démarque, symbolise, malgré le ricanement du bourreau, la dignité du Seigneur dans l’épreuve.
Cette troisième chute du Christ lui semble fatale : Il est tombé face contre terre, et la Croix, bascule en avant, écrasant ses deux bras. Au loin, sur la gauche, la silhouette de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, symbole pour l’artiste croyant de la compassion du Christ à toutes les misères humaines, apparaît devant un coucher de soleil qui illumine tout le fond de la toile. Au-dessus, la grande fresque lumineuse d’André Meriel-Bussy représente quatre grands témoins chrétiens, sainte Jeanne d’Arc et saint Michel encadrés par sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Marguerite. Une variante de cette scène, CR 2331, a été peinte par Desvallières où le décor à l’arrière-plan est foisonnant de détails. Cette autre version a été acquise dès l’origine par le musée du Luxembourg.
Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)