La Bible en ses Traditions

Matthieu 12,38–42

Byz V S TR Nes

38 Alors quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et Byz V TR Neslui dirent :

— Maître, nous voulons voir de toi un signe. 

39 Prenant la parole, il leur dit :

— Génération mauvaise et adultère, elle recherche un signe

et de signe, il ne lui sera pas donné, sinon le signe de Jonas le prophète

40 car de même que Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits

ainsi le Fils de l’homme sera dans le cœur de la terre trois jours et trois nuits.

41 Les hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération

et la condamneront

parce qu'ils firent pénitence à la prédication de Jonas

et voici, il y a ici plus que Jonas.

42 La reine du Midi se dressera au jugement avec cette génération

et la condamnera

parce qu'elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon

et voici, il y a ici plus que Salomon.

Réception

Tradition chrétienne

42 Jésus nouveau Salomon Le verset Mt 12,42 est l'un de ceux qui mettent le plus en valeur la typologie biblique entre Jésus et Salomon. Initiée par les écrits de l’Église d’Orient, cette tradition voit en Jésus le « vrai Salomon » [ἀληθὴς Σαλομὼν] selon les mots d'Athanase d'Alexandrie. Elle repose sur plusieurs points : 

L'onomastique :

L'argument selon lequel שלמה (Shlomô) dérive de שָׁלוֹם (shalom) et donc que « Salomon » signifie « pacifique » : 

  •  Origène Comm. Cant. prol. 4,17 : à plusieurs points de vue Salomon est le type du Christ, soit du fait qu'il est dit « Pacifique », soit du fait que « la reine du Midi vint depuis les confins de la terre entendre la sagesse de Salomon », je crois qu'on ne peut en douter (Cf. Tradition chrétienne Qo 1,1).
Les perspectives méssianiques du Ps 72 
  • Athanase d’Alexandrie Exp. Ps. : La venue du Christ est indiquée par ce psaume, ainsi que l'appel des nations. Il est intitulé pour Salomon, car c'est lui le véritable Salomon [ἀληθὴς Σαλομὼν], le pacifique, puisqu'il a réuni les deux en un seul et détruit le mur de séparation (Cf. Tradition chrétienne Ps 72,1a).
La contruction du Temple de Jérusalem

Dans la littérature chrétienne, Salomon est également connu comme le bâtisseur du Temple d'après Ac 7,47. Jésus lui est le nouveau Temple, car il incarne la présence de Dieu parmi les hommes. 

  • Origène Comm. Jo.: Quant à nous, voyant que l’explication de tous les détails concernant le temple au Troisième Livre des Rois est difficile, [...] nous nous efforcerons de notre mieux d'exposer brièvement le sens de ce qui regarde notre sujet, car nous avons appris de Pierre que l'Eglise est un corps et la maison de Dieu construite avec des pierres vivantes, une maison spirituelle pour un sacerdoce saint, de sorte que, d'après cela, le Fils de David qui construit le temple est la figure du Christ : quand les guerres ont cessé et que règne la paix la plus profonde, il construit le temple a la gloire de Dieu dans la Jérusalem terrestre, afin que le culte ne se célèbre plus près d'un objet mobile (comme l'était) la tente. Nous nous efforcerons de rapporter à l'Eglise chacun des éléments du temple.

    Lorsque tous ses ennemis seront devenus l'escabeau des pieds du Christ et que son dernier ennemi, la mort, aura été anéanti, alors régnera sans doute la paix la plus parfaite, le Christ sera Salomon [Χριστός ἔσται Σαλομών], ce qui se traduit par « pacifique », et alors sera accomplie la prophétie qui dit de lui: « Avec ceux qui haïssaient la paix, j'ai été pacifique ».

  • Origène Princ. éd. Koetschau, 3,3,1 p. 256-257 :  Voici plus que Salomon ici : ce qui montre que ceux qui étaient instruits par le Sauveur recevaient un enseignement supérieur à ce que savait Salomon. Quant à la Sagesse du Dieu unique elle-même, nous comprenons qu'elle s'était certes manifestée dans une moindre mesure chez les anciens et les anciens prophètes, mais qu'elle a été révélée de manière plus complète et plus manifeste par le Christ.
Jésus ne peut pas être comparé à Salomon 

L'interprétation typologique a suscité quelques réticences de la part de certains théologiens. Jean Chrysostome, dans son Homélie XXXVII consacrée à l'Évangile selon saint Matthieu, rappelle que Jésus ne saurait être comparé à Salomon, car il est inconmensurablement plus grand :

  • Jean Chrysostome Hom. Matt. : Quand saint Jean dit lui-même de Jésus-Christ : « Il est plus fort que moi », ce n’est point en se comparant à Jésus-Christ qu’il parle de la sorte. Que saint Paul parlant de Moïse dise que Jésus-Christ « mérite plus de gloire que lui (He 3,3), » ce n’est point en faisant aucune comparaison entre eux deux. Et lorsque Jésus-Christ dit de lui-même : « Celui qui est ici est plus grand que Salomon (Mt 12,42) », il ne se compare nullement avec ce roi. 
Jésus distinct de Salomon 

D'après Augustin, dans La Cité de Dieu la prophétie rapportée par Nathan au roi David n'est pas réalisée par Salomon, mais bel et bien par Jésus :

  • Augustin d’Hippone Civ. chap.XVII, § 8 éd. Pleiade, p.735 : Celui qui estime que cette promesse si importante a été accomplie en Salomon est dans une grande erreur. En effet, il ne prend garde qu'à cette parole : « C'est lui qui me contruira une maison », car Salomon a construit ce temple extraordinaire ; mais il ne prend pas garde à la suite : « Et sa maison sera fidèle et son royaume éternel devant moi ». Qu'il prête attention et considère la maison de Salomon pleine de femmes étrangères, honorant des faux dieux, et le roi lui-même, autrefois sage, séduit par elles et entraîné dans leur idolâtrie ! Cependant qu'il n'aille pas croire qye Dieu ait fait une promesse mensongère ou que sa préscience ait fait défaut en ce qui concerne Salomon et sa maison ! Nous ne devrions pas discuter de ces choses si nous ne les voyons pas déjà accomplies dans le Christ, notre Seigneur, né selon la chair de la postérité de David, et il ne faudrait pas chercher quelqu'un d'autre ailleurs vainement et inutilement, comme les juifs charnels. En effet, eux-mêmes, quand ils lisent le passage où un fils est promis au roi David, comprennent bien que ce ne fut pas Salomon et, même après l'évidente manifestation de celui qui était promis, ils disent dans leur aveuglement incroyable qu'ils en espèrent un autre (Cf. Tradition chrétienne 2S 7,1–17).