La Bible en ses Traditions

Matthieu 26,1–2

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V

...

Et il advint lorsque Jésus eut achevé toutes ces paroles

qu’il dit à ses disciples :

1–5 Mc 14,1-2 ; Lc 22,1-2 1 = 7,28 Comme Moïse Dt 31,1

...

— Vous savez que dans deux jours la Pâque arrivera

et le fils de l’homme sera livré pour être crucifié.

Réception

Danse

1s Prolégomènes chorégraphiques à tout récit de la passion Neumeier Passion.  En 2016 à l'occasion d'une nouvelle production de ce chef d'oeuvre avec une distribution entièrement renouvelée, le Ballet de Hamburg a proposé cette saisissante compilation de plusieurs grands moments.

John Neumeier (1942-), Johann-Sebastian Bach (1685-1750), Matthäus-Passion (BWV 244, 1729) : teaser officiel, Hamburg, 2016

John Neumeier (chorégr., mise en sc., décor et costumes), dir. mus. : Günter Jena ; Evangelist und Arien, Tenor: Peter Schreier ; Jesus, Basse : Bern Weilk ; Soprano: Mitsuki Shirai ; Alto : Marga Schiml ; Basse : Franz Grundheber ; St.-Michaelis-Orchester ; St.-Michaelis-Chor; Knabenchor Hannover ; Knabenchor St. Michaelis,

Das Hamburg Ballet→ © Licence YouTube standard

Silence initial

Un large podium au fond de la scène, sept bancs noirs perpendiculaires. Une flaque de lumière intense éclaire une pièce de tissu blanc au-devant. Un carré pourpre sur la droite, en avant.

  • Entrée de tout le corps de ballet depuis le fond à droite. Les hommes à gauche, les femmes à droite, quelques-unes devant, comme pour s’asseoir sur les bancs.
  • Dans le silence, lentement s’avancent deux danseurs (qui vont jouer Jésus et Judas).
  • Et deux grands et beaux personnages qui les encadrent en se faisant face (de profil vu de la salle).
  • Jésus se retourne pour regarder l’ensemble des danseurs, puis descend vers le sol.

Une grande chemise-tunique blanche se découvre sur le sol, dans la flaque de lumière.

  • Jésus se penche sur elle, la plie lentement et la prend sur le bras

— comme un manuterge, tel le prêtre s’apprête à offrir le sacrifice.

  • Après un éloquent échange de regards où se donnent à lire les prémisses de la trahison, de l’arrestation et de la mise à mort, Jésus l’emporte vers la gauche, flanqué de Judas et escorté de deux personnages.

— Gardes ? Anges ? Personnes, en tout cas. C’est ainsi que nous les nommerons : elles sont Quelqu’un et en même temps personne/s, en ce monde, mais au-delà du monde —

  • Ils l’accompagneront jusqu’au bout. Ils s’enfoncent dans la pénombre, traversant les rangs de spectateurs.

Premières mesures de l’orchestre.

  • De la foule massée sur le podium se détache un danseur qui avance jusqu’au premier plan de la scène et se met à genoux.
  • Un à un plusieurs les rejoignent

— ce seront les disciples Jean et Jacques, Pierre et André — 

  •  puis tous les autres, qui commencent une ronde de profil. Viennent aussi celles qui suivent le Christ

— femmes anonymes de l’Évangile.

  • Ils avancent en marchant, tout simplement : non pas une danse sophistiquée, mais le mouvement humain élémentaire, aussi simple que croire ou prier.

Ces danseurs représentent l’humanité.

Chœur puis choral

  • Pendant que se déploie le chœur symphonique d’entrée, la ronde devient une très belle théorie linéaire rappelant les frises antiques, marchant au pas de la musique, qui passe derrière les femmes.

La figure de la ronde reviendra souvent dans le ballet. Cette figure chorégraphique, présente dans les danses de tous les folklores, symbolise la communauté humaine. Elle a aussi une résonnance cosmique, si l’on pense à la ronde des planètes autour du soleil, aux danses de l’Égypte antique qui représentaient peut-être les douze signes du zodiaque. Elle rappellera une tradition picturale immémoriale : les figures de femmes sur les frises du palais de Knossos et sur les fresques égyptiennes antiques ; Fra Angelico, la ronde des anges du Jugement dernier (1431, Musée San Marco, Florence) ; Sandro Botticelli, la danse des anges de la Nativité mystique (ca. 1500, National Gallery, Londres) ; Henri Matisse, La danse (1909-1910, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg).

  • Les femmes dansent en un ensemble coordonné. 

Elles semblent plonger, nager, ramasser au sol la drachme perdue, mesurer de leurs paumes étendues la largeur, la hauteur et la profondeur du drame qui va commencer ; comprendre, puis ne plus comprendre, scruter cela, ce qui résonne déjà dans la gravité de la musique.

  • Leurs solos expressifs permettent de repérer Marie-Madeleine, la Femme au Parfum et une Femme Mystique — sœurs de compassion et de douleur, de foi et de tendresse.
  • Le groupe des disciples grandit pour se disloquer en courses éperdues.
  • Le symbole de la croix, figurée par le corps d’un danseur qui tombe sur la face, cloué au sol, fait sa première apparition — réalité palpable du supplice à venir.

On pense au prêtre au jour de son ordination, au religieux le jour de sa consécration perpétuelle, holocauste de tout son être. 

  • Il attire plusieurs femmes, dont les attitudes disent le désarroi face à sa chute.
  • Les femmes commencent une ronde semblable à celles des hommes, à droite.
  • Traverse en diagonale toute la scène le disciple Jean tâtonnant devant lui comme un aveugle, qui a pris par l’autre bras son frère Jacques, marchant d’un pied et d’une main.

— L’aveugle conduisant le boiteux, à l’orée du mystère ! N’illustrent-ils pas admirablement le face-à-face musical des chœurs 1 et 2 ?

  • La théorie des disciples reprend et dessine tout le périmètre de la scène, enveloppant plusieurs couples, alternant avec des **pas de deux où la Femme est tenue en croix par son partenaire. Entre deux figures, au détour de deux mouvements, la croix va apparaître, comme en clignotant, sur le corps des danseurs.
  • Finalement, plusieurs sont agenouillés, tournés vers la salle, comme en attente.
  • Pendant ce temps Jésus portant Judas sur ses épaules comme un fardeau inerte.

— La brebis perdue ? Le blessé secouru par le bon Samaritain ? — Le faix de l’humanité pécheresse humblement accepté.

  • Il est suivi des deux Personnes au port altier, a traversé toute la salle et rejoint la scène.
  • Lui fait écho en fond de scène un danseur portant sa partenaire à bout de bras, au-dessus de sa tête.
  • Jésus est happé par l’ensemble des danseurs, qui se rapprochent en un groupe compact, levant les mains puis les agitant comme des feuilles ou comme des flammes loin au-dessus de leurs têtes, et qui se referment autour de lui comme un rempart. Il s’abaisse soudain. On découvre Jésus debout, chargé de Judas au milieu du triangle de tout le corps de ballet agenouillé.
  • Encadré par les deux Personnes se faisant face, de profil, l’ensemble forme alors un magnifique triangle blanc, pointé vers la salle.

— Il concentre en sa direction tout le drame de l’Amour trinitaire incarné dans l’histoire qui va se déployer dans la passion réactualisée sur la scène.

(Fin du choral d’entrée)

Musique

1s Prologue : invitation à contempler Dans la tradition des passions responsoriales, Bach Passion fait précéder le récit évangélique d’une pièce introductive qui donne le ton de cette « grande passion ». Mais au lieu de faire aux fidèles la traditionnelle invitation à écouter le récit des dernières heures de la vie du Christ, il compose un double chœur d’ouverture invitant les fidèles moins à entendre qu’à voir le Christ en croix. Il met en scène les personnages symboliques des « Filles de Sion » (chœur 1), qui contemplent le mystère de la rédemption et invitent les « Croyants » (chœur 2) à faire de même. Ce double **chœur accompagné par un double orchestre (il y avait deux tribunes face à face dans l’église Saint-Thomas, pour laquelle cette passion a été conçue et où elle fut exécutée le 11 avril 1727, aux vêpres du vendredi saint) fait entrer dans un climat de contemplation à l’orée de la fresque qui suit. Le choral monophonique, qui fait intervenir un troisième chœur, et qui semble planer au-dessus du dialogue des deux premiers, y invite encore davantage.

Jean-Sébastien Bach (1685-1750), Matthäus-Passion BWV 244, Philippe Herreweghe, dir. ; Christoph Prégardien, ténor ; Tobias Berndt, baryton ; Dorothee Mields, soprano ; Hana Blažíková, soprano ; Damien Guillon, alto/contreténor ; Robin Blaze, alto/contreténor ; Colin Balzer, tenor ; Hans Jörg Mammel, ténor ; Matthew Brook, baryton-basse ; Stephan MacLeod, baryton-basse ; chœur et orchestre du Collegium Vocale Gent

Kölner Philharmonie, 2013 © Licence YouTube standard

Chœur « Kommt, ihr Töchter »

  • « Sion : Venez, mes filles, aidez-moi à lamenter. Voyez ! / Croyants : Qui ? / Sion : Le fiancé. Voyez-le ! / Croyants : Comment ? / Sion : Tel un agneau. Voyez ! / Croyants : Quoi ? / Sion : Sa patience. Voyez ! / Croyants : Où ? / Sion : Sur notre faute. Voyez-le qui par amour et par grâce porte lui-même le bois de la croix. »

Choral

  • « Ô Agneau de Dieu innocent, sacrifié sur le tronc de la croix, toujours trouvé patient, alors qu’on te méprisait, tu as porté tous nos péchés, autrement, nous aurions dû désespérer. Aie pitié de nous, ô Jésus. »

Tout au long de la passion, six dialogues entre les deux chœurs permettront d’approfondir pédagogiquement la contemplation de la passion du Christ, en mettant en abyme la situation dans laquelle se trouve la communauté réelle des spectateurs/auditeurs.

Le procédé du dialogue entre les deux chœurs est pédagogique : tandis que le chœur 1 sait d’emblée ce qu’il faut contempler dans la passion, le chœur 2 semble au contraire ne pas savoir comment regarder : il demande au premier de le lui apprendre. Est ainsi mise en œuvre la recommandation de Luther dans sa prédication : la passion du Christ engage une mystique du regard, qui doit être éduquée car le salut en dépend en partie.

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.