32 un homme de Cyrène du nom de Simon
Simon souffrit la passion
Irénée mentionne l'hérésie de Basilide selon qui le Christ Jésus ne fut pas crucifié et ne souffrit pas la Passion :
- →Irénée de Lyon Haer. 1,24,4 ''... il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c'est ce Simon qui, par ignorance et erreur, fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu'on le prît pour Jésus; quant à Jésus lui-même, il prit les traits de Simon et, se tenant là, se moqua des Archontes. Étant en effet une Puissance incorporelle et l'Intellect du Père inengendré, il se métamorphosa comme il voulut, et c'est ainsi qu'il remonta vers Celui qui l'avait envoyé, en se moquant d'eux...''
31s.35 pour le crucifier. à porter sa croix. l'ayant crucifié Esquisse d'une réflexion théologique et symbolique du mystère de la croix
Convenances de la croix
L'obéissance par la croix face à la désobéissance par l'arbre et le symbole cosmique de la rédemption
L'obéissance du Fils de Dieu par le moyen du bois de la croix détruit la désobéissance d'Adam perpétrée au moyen du bois et la préfiguration cosmique de la croix : le Verbe imprimé en forme de croix dans l'univers devenu visible sur la croix :
- →Irénée de Lyon Epid. 33-34 ''Et la transgression qui s'était perpétrée par le moyen du bois fut détruite par l'obéissance qui s'accomplit par le moyen du bois, cette obéissance par laquelle le Fils de l'homme obéit à Dieu lorsqu'il fut cloué au bois, abolissant par là la science du mal (cf. Gn 3,5) et procurant la science du bien [...] Donc par l'obéissance (cf. Rm 5,19) par laquelle il a obéi jusqu'à la mort (cf. Ph 2,8) en pendant au bois (cf. Ga 3,13), il a détruit l'antique désobéissance qui s'était perpétrée par le moyen du bois (cf. Gn 3,6). Et, parce que lui-même est le Verbe du Dieu tout-puissant, Verbe qui, au plan invisible, est coextensif à la création tout entière et soutient (cf. Sg 1,7) sa longueur et sa largeur et sa hauteur et sa profondeur (cf. Ep 3,18) — car c'est par le Verbe de Dieu que l'univers est régi —, il fut aussi crucifié (cf. Mt 27,35) en ces quatre dimensions, lui, le Fils de Dieu qui se trouvait déjà imprimé en forme de croix dans l'univers : il fallait en effet que le Fils de Dieu, en devenant visible, produisît au jour son impression en forme de croix <dans> l'univers, afin de révéler, par sa posture visible de crucifié, son action au plan <in>visible, à savoir que c'est lui qui illumine la hauteur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les cieux (cf. Col 1,20), qui soutient la profondeur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les régions de dessous la terre (cf. Ep 4,9), qui étend la longueur depuis le Levant jusqu'au Couchant (cf. Mt 24,27), qui dirige à la manière d'un pilote la largeur du Pôle et du Midi, et qui appelle de toutes parts les dispersés (cf. Is 11,12 ; Jn 11,52) à la connaissance du Père.''
- →Irénée de Lyon Haer. 5,17,4 ''Puisque nous l'avions perdu par le bois, c'est par le bois qu'il est redevenu visible pour tous, montrant en lui-même la hauteur, la longueur et la largeur (cf. Ep 3,18)...''
- →Irénée de Lyon Haer. 5,18,3 ''Car l'Auteur du monde, c'est en toute vérité le Verbe de Dieu. C'est lui notre Seigneur : lui-même, dans les derniers temps, s'est fait homme, alors qu'il était déjà dans le monde (cf. Jn 1,10) et qu'au plan invisible il soutenait toutes les choses créées (cf. Sg 1,7) et se trouvait imprimé en forme de croix dans la création entière, en tant que Verbe de Dieu gouvernant et disposant toutes choses. Voilà pourquoi il est venu de façon visible dans son propre domaine (Jn 1,11), s'est fait chair (Jn 1,14) et a été suspendu au bois (cf. Ac 5,30.10,39 ; Ga 3,31 ; Dt 21,22s), afin de récapituler toutes choses en lui-même (cf. Ep 1,10).''
Il semble qu'Irénée fasse allusion à un mot de Platon tel que le cite →Justin le Martyr 1 Apol. 60, 1 '' Ce que Platon dit dans le Timée (cf. →Platon Tim. 36B) en dissertant sur la nature du Fils de Dieu, à savoir qu'Il l'a imprimé en forme de croix dans l'univers, c'est encore à Moïse qu'il l'a emprunté...'' Il faut encore comprendre que dans la pensée d'Irénée pour le Logos divin, être imprimé en forme de croix dans l'univers, n'est pas autre chose qu'être présent, d'une présence créatrice, continuelle, directrice et illuminatrice, à cet univers dans sa totalité de ses dimensions.
Autres raisons données par Athanase
Athanase reprend une autre symbolique très antique, connue aussi d'Irénée (cf. →Irénée de Lyon Haer. 5,17 4), des mains étendues rassemblant les deux peuples et le thème de la purificaiton de l'air :
- →Athanase d’Alexandrie Or. incarn. 25,1-16.26,1 ''...pourquoi il ne subit pas une autre mort mais celle de la croix, qu'il apprenne à son tour que c'était précisément cette forme de mort qui tournait à notre avantage, et c'est elle que le Seigneur accepta non sans raison pour nous. [...] si la mort du Seigneur est une rançon pour tous, et que cette mort renverse la barrière de séparation, et que se réalise la vocation des Gentils, comment nous aurait-il appelés, s'il n'avait pas été crucifié ? Car c'est seulement sur la Croix que l'on meurt les mains étendues. Aussi convenait-il que le Seigneur subît cette mort et étendît les mains : de l'une il attirerait l'ancien peuple, de l'autre les Gentils, et il réunirait les deux en lui. Et cela, lui-même l'a dit, en indiquant par quelle mort il rachèterait tous les hommes : quand je serai élevé, je les attirerai tous à moi (Jn 12,32). De plus, si l'ennemi de notre race, le diable, tombé du ciel, erre dans les régions inférieures de l'air, et s'il y exerce son empire sur les démons qui l'entourent et qui lui ressemblent par la désobéissance [...] l'Apôtre dit à ce sujet : Selon le prince de l'empire de l'air (Ep 2,2) [...] Le Seigneur est donc venu pour abattre le diable, purifier l'air, et nous ouvrir le chemin qui fait monter au ciel, comme le dit l'Apôtre : à travers le voile, c'est-à-dire sa chair (He 10,20), et cela devait se faire par la mort; mais par quelle mort, sinon celle arrivée dans les airs, je veux dire par la croix ? Seule meurt dans les airs, celui qui meurt sur la croix. C'est donc avec raison que le Seigneur a subi celle-là. Ainsi, élevé de terre, il a purifié l'air de toutes les machinations du diable et des démons [...] mais il a recréé le chemin qui monte vers les cieux, en frayant la route [...] Car le Verbe lui-même n'avait pas besoin qu'on lui ouvrît les portes (cf. Ps 23,7), lui qui est le Seigneur de tous : aucune des créatures n'était fermée pour leur créateur ; mais c'est nous qui en avions besoin, nous qu'il a porté vers les hauteurs grâce à son propre corps. Car de même qu'il l'a livré pour tous à la mort, de même il a frayé par lui la route qui fait monter vers les cieux. La mort pour nous sur la croix fut donc sensée et adaptée : la cause en paraît raisonnable à tout point de vue, et se fonde sur des arguments valables : ce n'est pas autrement que par la croix que devait s'opérer le salut de tous. En effet, même ainsi il refusa de se rendre invisible sur la croix, mais il a fait témoigner la création tout entière de la présence de son créateur ...''
Symbole cosmique
Extension cosmique de l'oeuvre de la rédemption
L'explication cosmique de la croix, enracinée en Jn 12,32 et Ep 3,18s, thème très ancien, repris et enseigné par Irénée via Justin, s'est répandue dans l'antiquité chrétienne :
- →Méliton de Sardes Pascha 96 ''Celui qui suspendit la terre est suspendu, celui qui fixa les cieux est fixé, celui qui consolida tout est retenu sur le bois, celui qui est Maître est outragé.'' (117)
- →Méliton de Sardes Frag. Du Logos sur la croix 14,12-14 ''Il se tenait devant Pilate et il était assis avec son Père : il était fixé au bois et il soutenait l'univers.'' (241)
- → Origène Hom. Gen. 2,5,6-8 ''L'Apôtre, en un passage où il parlait du mystère de la croix plus mystiquement, a cette parole : Afin que vous connaissiez la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur (Ep 3,18).'' (99)
L'homélie suivante est inspirée d'Hippolyte. Il décrit la fonction consolidatrice de la croix :
- →Hom. pasc. 50-51,8-10 ''Et en conséquence, à la place du bois plantant le bois, à la place de la main perverse qui s'était tendue autrefois dans un geste d'impiété clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, il a montré en sa personne toute la vraie vie pendue [à l'arbre]. [...] Cet arbre m'est une plante de salut éternel [...] c'est l'échelle de Jacob et le chemin des anges, au sommet duquel le Seigneur est vraiment appuyé. Cet arbre aux dimensions célestes s'est élevé de la terre aux cieux, se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de toutes choses et appui de l'univers, support de toute la terre habitée et joint du monde, tenant assemblée la variété de la nature humaine et cloué par les chevielles invisibles de l'Esprit, afin qu'ajusté au divin, il n'en soit plus détaché. Touchant par son faîte le sommet des cieux, affermissant la terre par ses pieds, et étreignant de tous côtés par ses mains immenses l'esprit nombreux de l'air entre ciel et terre, il était tout entier en tout et partout.''(176-178)
- →Grégoire de nysse Hom. pasc. 2,7 ''Il revient au seul grand Paul, [...] d'expliquer ce mystère, tout comme dans un passage de son épître aux Éphésiens il a dévoilé ce secret en disant : Afin d'avoir la force de comprendre avec tous les saints ce qu'est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3,18s). Cet oeil divin de l'Apôtre n'a pas médité en vain sur la forme de la croix [...] Il a vu dans cette forme, constituée de quatre bras partant de son centre, l'image de la puissance universelle et de la providence de celui qui est apparu en elle. [...] il indique clairement qu'il n'est rien au monde qui ne soit soutenu par la nature divine [...] puissance qui supporte l'univers. [...] le grand Apôtre dit que celui qui est au-dessus de tout nom (Ph 2,10) est adoré sous le nom de Jésus-Christ, dans les cieux, sur la terre et sous la terre (Ph 2,10). Là encore, à travers ces paroles, il répartit l'adoration du Christ selon la forme de la croix : la région céleste adore le Seigneur dans la partie supérieure de la croix, la région du monde dans le milieu, tandis que la région souterraine s'attache au bas de la croix.'' (65-67)
- →Grégoire de Nysse Or. catech. 32,36-57 ''D'autre part, la croix renferme-t-elle encore quelque enseignement plus profond ? C'est ce que pourraient savoir ceux qui sont experts dans le dévoilement du sens caché. Voici ce qui, à ce sujet, nous vient de la tradition. [....] En effet, c'est le propre de la divinité de pénétrer toutes choses et de se répandre dans toutes les parties de la nature des êtres vivants : car rien ne saurait subsister dans l'être, sans rester en celui qui est ; et la nature divine est ce qui est au sens propre et premier, elle que la permanence des être créés nous oblige à croire présente dans tous les êtres. Par la croix, dont la forme en elle-même est quadripartite, si bien qu'à partir du centre où se trouve le point de convergence de l'ensemble, on peut compter quatre prolongements, nous apprenons que celui qui y fut étendu au moment où se réalisait l'économie selon la mort, est celui-là même qui relie et ajuste à lui-même l'univers...'' (289-291)