La Bible en ses Traditions

Psaumes 103,4–22

M
G S
V

lui qui rachète ta vie de la fosse

qui te couronne de bonté et de miséricorde.

...

lui qui rachète ta vie à l'anéantissement

lui qui te couronne de miséricorde et de compassions

lui qui comble de biens ta parure 

et comme l'aigle se renouvelle ta jeunesse.

...

lui qui de biens comble ton désir

(ta jeunesse sera renouvelée comme celle de l'aigle) !

5 Renouvelé comme un aigle Is 40,31

YHWH exerce la justice

il fait droit à tous les opprimés.

...

Faisant miséricordes, le Seigneur

et justice à tous ceux qui subissent l'injustice,

M V
G S

il révéla

Vfit connaître  ses voies à Moïse

aux fils d’Israël ses exploits

Vvolontés.

...

M
G S
V

Miséricordieux et compatissant, YHWH

lent à la colère et riche en bonté.

...

Commisérant et miséricordieux, le Seigneur

longanime et très miséricordieux

Ce n’est pas pour toujours qu’il réprimande

et il ne garde pas à jamais sa colère.

...

n'enragera pas à perpétuité

ni ne menacera pour l'éternité :

M V
G S

10 il n'agit pas avec nous selon nos péchés

ni ne nous rend pas

Vnous a rendu  selon nos injustices

10 ...

M
G S
V

11 car autant le ciel s'élève au-dessus de la terre

autant sa bonté est grande envers ceux qui le craignent.

11 ...

11 puisque aussi haut que le ciel est par dessus la terre

il a fait grandir sa miséricorde sur ceux qui le craignent !

M V
G S

12 Aussi loin

Vdistant est l’orient de l’occident

Maussi loin de nous mit-il

Vil a mis nos forfaits,

Viniquités,

12 ...

13 comme un père fait miséricorde à ses fils 

YHWH fait

Vle Seigneur a fait miséricorde à ceux qui le craignent

13 ...

14 puisqu'il sait

Va bien su de quoi nous sommes façonnés

se souvient

Vil s'est rappelé que nous sommes poussière : 

14 ...

15 l’homme ! comme herbe

Vfoin sont ses jours !

comme

Vainsi que fleur des champs, Vainsi il fleurit

Vfleurira

15 ...

M
G S
V

16 Qu’un souffle passe sur lui, il n’est plus

et le lieu qu’il occupait ne le connaît plus.

16 ...

16 puisqu'un souffle le traversera mais n'y subsistera pas :

 il ne connaîtra même plus son propre lieu !

16 Inconnu de sa demeure Jb 7,10
M V
G S

17 La bonté

Vmiséricorde de YHWH

Vdu Seigneur, elle, dure d'éternité

en éternité sur ceux qui le craignent

et sa justice pour les fils de leurs fils,

17 ...

17s Grâce abondante pour ceux qui l’aiment Ex 20,6

18 ceux qui gardent son alliance

et se souviennent de ses commandements pour les pratiquer.

18 ...

19 YHWH dans les cieux a établi

VLe Seigneur dans le ciel a établi  son trône

Vsiège

et sa royauté domine sur toutes choses :

19 ...

20 bénissez YHWH

Vle Seigneur, vous ses anges

héros puissants qui exécutez sa parole

Vpuissants en force, réalisant son verbe 

en obéissant à la voix de sa parole !

Vpour que soit entendu le son de ses paroles ! 

20 ...

21 Bénissez YHWH

Vle Seigneur, toutes ses armées

Vvertus

ses serviteurs

Vministres qui faites

Vréalisez sa volonté !

21 ...

22 Bénissez YHWH

Vle Seigneur, toutes ses œuvres

en tous les lieu

Vtout lieu de sa domination

bénis, mon âme, YHWH

Vle Seigneur !

22 ...

Réception

Liturgie

19 LITURGIE JUIVE (rite séphardi) Ce verset est inclus dans le centon commençant par Ps 104-31 qui introduit l'office dit des zemirot, suite de psaumes formant la seconde partie de l'office journalier du matin.

10 LITURGIE JUIVE (rite séphardi) Ce verset est inclus dans le centon vehu raḥum (qui commence par Ps 78,38), prière d'indulgence lue dans l'office journalier du matin ainsi que lors des fêtes d'expiation.

14 LITURGIE JUIVE (rite séphardi) Ce verset est cité dans la prière de Abinou Malquenou qui fait partie des rogations des prières du matin et de l'après-midi des jours ouvrés.

1–22 LITURGIE JUIVE (rite séphardi) Psaume récité dans l'office dit des zemirot, suite de psaumes formant la seconde partie de l'office journalier du matin. Il n'est génralement pas récité dans les communautés israélites non françaises.

Propositions de lecture

5 ta gloire V littéralement : ton ornement, ton honneur

Tradition juive

11s Grâce de Dieu, qui rapproche les hommes

  •  Levinas Nouvelles lectures « Sur les chemins de la terre, dans les rues de la ville, les hommes dispersés se rapprochent et vont l'un vers l'autre. Mais déjà ils s'écartent l'un de l'autre dans la ruse astucieuse, dans la haine tortueuse, dans le meurtre secret du péché. Aliénation des identités humaines, prenant distance d'elles-mêmes dans leur rupture avec les autres. Il faut que tout cela se redresse, se rachète, se pardonne et revienne à sa juste droiture. Il y faut la hauteur. La vraie hauteur est cette élévation dans la bonté qui rétablit la paix troublée à travers les rapports entre les hommes [Philosophie Jb 26,7]. La métaphore de cette hauteur a d'autre sens que sa géométrie. C'est là que Dieu se pense. La grâce de Dieu n'est pas un méprisant coup d'œil de haut en bas, répondant au regard impuissant de bas en haut. Elle est toute la vigueur d'une miséricorde qui 'désaliène' les consciences distantes aussi d'elles-mêmes. Elle rapproche les hommes. Et, dans ce sens, il faut que la mesure de la terre au ciel égale celle qui va de l'est à l'ouest. Le psaume 103,11 l'affirme en évoquant les transgressions. La bonté divine aurait toute la hauteur nécessaire pour que ses rayons puissent égaler l'étendue des itinéraires des hommes exposés au péché » (52-53).

20 Faire avant d'entendre : un secret angélique

  • b. Šabb. 88b « Rabbi Éliézer a dit : ‘Lorsque les Israélites se sont engagés à ‘faire’ avant ‘d’entendre’ (Tradition juive Ex 33,6) - une voix du ciel s’écria : ‘Qui a révélé à mes enfants ce secret dont se servent les anges, car il est écrit (Ps 103,20)' » (Levinas Lectures 98).

  • Levinas Lectures « Ils exécutent avant d’entendre (Tradition juive Ct 2,3) ! Il s’agit d’un secret d’anges et non pas de la conscience enfantine. Israël aurait donc été un autre Prométhée. Il aurait ravi le secret des intelligences pures, des intelligences séparées. ‘Nous ferons et nous entendrons’, qui nous parut contraire à l’ordre logique, est l’ordre de l’existence angélique. [...] Le oui du 'nous ferons' ne peut être un engagement d'un faire en tant que faire, d'une je ne sais quelle praxis merveilleuse, antérieure à la pensée et dont l'aveuglement, fût-il celui de la confiance, mènerait à la catastrophe. Il s'agit au contraire d'une lucidité avertie comme le doute, mais engagée comme le faire — d'un savoir d'ange dont tout savoir ultérieur ne fera que le commentaire ; il s'agit d'une lucidité sans tâtonnement, non précédée d'un savoir-hypothèse, d'une idée, d'un savoir-essai (Philosophie Pr 11,3). Mais un tel savoir est celui dont le messager est, à la fois, le message même » (98-99, 104).    

Musique

17 La miséricordieuse bonté du Seigneur

18e s.

Georg Friedrich Händel (1685-1759), The merciful goodness of the Lord HWV 264-13, 1737

John Eliot Gardiner (dir.), Monteverdi Choir and Orchestra

© License YouTube Standard→, Ps 103,17

Liturgie

10 ; 79,8s Seigneur ne nous traite pas selon nos péchés Trait

« Domine non secundum »

Traditionnel, Trait — Domine non secundum

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 103,10.79,8s

20.1 Bénissez le Seigneur Introït

« Benedicite »

Traditionnel, Introït — Benedicite

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 103,20.1

Musique

47,5 ; 103,19 Ascendit Deus in jubilatione

17e s.

Peter Philips (ca. 1560-1628), Ascendit Deus in jubilatione, 1607

Timothy Brown (dir.), The Choir of Clare College

© License YouTube Standard→, Ps 47,5.103,19

Paroles

Ascendit Deus in jubilatione, et Dominus in voce tubae. Dedit dona hominibus. Alleluia. Dominus in caelo paravit sedem suam. Alleluia.

Compositeur

Peter Philips est un prêtre catholique, compositeur et organiste anglo-flamand. Grâce à lui, l'Europe continentale a pu se familiariser avec la musique anglaise. On compte plusieurs centaines de morceaux. Il ne les publie qu'au sommet de sa carrière, vers 1612 et jusqu'à 1628. Seul son contemporain le grand William Byrd en composa plus que lui.

16e s.

Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594), Viri Galilaei / Ascendit Deus (Liber primus motettorum), 1569

Philipe Herreweghe (dir.), Ensemble Vocal Européen De La Chapelle Royale

© License YouTube Standard→, Ac 1,11 Ps 47,5.103,19

Paroles

Viri Galilaei, quid admiramini aspicientes in caelum? Alleluia. Quemadmodum vidistis eum ascendentem in caelum, ita veniet, Alleluia. (Ac 1,11)

Composition

Giovanni Pierluigi da Palestrina est un compositeur italien de la Renaissance, reconnu et immensément admiré par tous les musiciens de son temps. Il a su appliquer les réformes du Concile de Trente à la musique sacrée voulant obtenir l'intelligibilité des paroles et une musique en rapport intime avec le texte sacré. Ce motet à 6 voix est issu de la Messe de l'Ascension.

Liturgie

2.5 Bénis le Seigneur ô mon âme

« Benedic anima mea Domino »

Traditionnel, Offertoire - Benedic anima mea Domino

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 103,2.5

20.1 Bénissez le Seigneur -Graduel

« Benedicite Dominum » Graduel

Traditionnel, Graduel - Benedicite Dominum

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 103,20.1

Graduel chanté pour la fête des saints archanges le 29 septembre.

Comparaison des versions

8 V—IUXTA HEBR.

  • Miséricordieux et clément, le Seigneur | patient et très miséricordieux

7 V—IUXTA HEBR.

  • il fit connaître ses voies à Moïse | aux fils d’Israël ses pensées

9 V—IUXTA HEBR.

  • Ce n’est pas pour toujours qu’il condamnera | et il ne sera pas éternellement en colère.

11 V—IUXTA HEBR.

  • Car autant le ciel est plus élevé que la terre | autant sa miséricorde est puissante envers ceux qui le craignent.

18 V—IUXTA HEBR.

  • Qu’un souffle est passé sur lui, il ne sera plus | et son lieu [qu’il occupait] ne le connaîtra plus.

20 V—IUXTA HEBR.

  • Bénissez le Seigneur, vous ses anges | puissants en force, faisant sa parole | obéissant à la voix de sa parole.

21 V—IUXTA HEBR.

  • Bénissez le Seigneur, toutes ses armées | ses serviteurs qui faites ce qui lui plaît

4 V—IUXTA HEBR.

  • lui qui rachète ta vie de la corruption | et te couronne de miséricorde et de tendresse

5 V—IUXTA HEBR.

  • lui qui comble de biens ta parure | comme les aigles se renouvellera ta jeunesse

16 V—IUXTA HEBR.

  • qu'un souffle passa sur lui, et il ne sera plus | et son lieu [qu’il occupait] ne le connaîtra plus.

Littérature

6 miséricordes (V) FRANÇAIS BIBLIQUE  Des œuvres, pas seulement un sentiment En français, le nom miséricorde désigne :

  • ou bien un sentiment de bonté généreuse et de compassion,
  • ou bien le petit appui-fesse ajouté par les ébénistes aux stalles dans lesquelles moines ou moniales passent des heures à chanter l'office divin, qui leur permet d'être debout tout en ... faisant miséricorde à leurs dos et à leurs jambes. (CNRTL→).

Pour ne pas alourdir la traduction et surtout pour conserver les variations du même terme au singulier et au pluriel, on emploie le terme par métonymie pour désigner les œuvres et les réalisations  inspirées par la miséricorde :

  • Henri Bremond, Histoire littérarie du sentiment religieux, t.4, 1920 : «... Dieu... disposait tellement toutes choses pour mon bien et pour mon édification, que je ne pouvais assez admirer la grandeur de ses miséricordes » (248). 
  • Thérèse de Lisieux Manuscrits autobiographiques  : Manuscrit A Folio 86 Recto.(En caractères Gothiques dessinés par Thérèse): JE CHANTERAI ETERNELLEMENT LES MISÉRICORDES DU SEIGNEUR ! (Ps 89,2)(Ici le dessin des armoiries : Colorié par Thérèse)(Et... en bas de page, en Gothique dessiné...) JOURS DE GRÂCES, ACCORDES PAR LE SEIGNEUR, A SA PETITE EPOUSE, etc. 

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Arts visuels

1–5 Le Seigneur est miséricordieux : le cas de David Attribué traditionnellement à David, le psaume pourrait faire allusion au grand péché de David (quand il commit l'adultère avec Bethsabée au prix du sang de son mari Urie le Hittie), et, au-delà même du pardon accordé au roi repentant pour cette faute, à la miséricorde insigne que lui fit le Seigneur de choisir comme son successeur le deuxième fils qu'il eut d'elle.

Cornelis de Vos (1584-1651), David présentant le sceptre à Salomon, (huile sur toile, ca. 1601-1650), 174 x 243 cm

Collection privée, Domaine public © Wikicommons→, 1R 2

Le Seigneur ne retient pas les fautes : c’est Salomon, le deuxième fils que David eut avec Bethsabée, qui succède finalement au roi.

Littérature

8 commisérant (V) FRANÇAIS BIBLIQUE   Quoique rare, le verbe est bien vivant en français contemporain, avec le sens de ressentir, exprimer de la commisération ou pitié miséricordieuse. On l'emploie pour traduire miserator, qui est différent de misericors qui apparaît deux mots après dans le verset. 

  • Renaud Camus, Demeures de l'esprit : Italie I Nord, 1], Paris: Fayard, Paris, 2012  « On ne sait pas s'il faut rire ou pleurer, commisérer ou s'indigner » (236).
  • Marguerite Yourcenar, L'Œuvre au Noir, Paris: Gallimard, 1968 « Tous deux commisérèrent sa mauvaise mine » (332).

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Histoire des traductions

20 La parole comme ses ordres

  • Levinas Lectures « Bénissez l’Éternel, vous, ses anges, héros puissants, qui exécutez ses ordres, attentifs au son de sa parole » (98, d'après b. Šabb. 88a).

Arts visuels

5 jeunesse sera renouvelée comme celle de l'aigle (V) Bestiaires anciens Dans le bestiaire médiéval, l'aigle est céleste et solaire, élevé au-delà du regard humaine et... capable de se régénérer et de se rajeunir. Lorsque l'aigle vieillit, ses ailes s'alourdissent et il commence à devenir aveugle. Pour retrouver sa jeunesse, l'oiseau s'envole dans l'atmosphère du soleil, brûlant ses vieilles plumes et ses yeux fatigués, puis plonge trois fois dans une fontaine, dont il ressort entièrement renouvelé. en cela, il ressemble à ceux qui sont aveugles à la parole du Christ et qui doivent se baigner dans sa lumière et plonger dans la fontaine spirituelle du Seigneur pour naître de nouveau par le baptême.

Anonyme, Aigles (détail), (détrempe sur parchemin, ca 1225-50), 30,8 x 23,2 cm, enluminure dans le Bestiaire, Harley Ms. 4751, fol. 35v., The British Library,

© Domaine public, photo numérique Bristish Library→ 

  • Brunetto Latini (ca 1220-1294) Li livres dou tresor (ca 1261-1268 ; d'après les MSS. de la Bibliothèque impériale, de la Bibliothèque de l'Arsenal et plusieurs MSS des départements et de l'étranger, Paris: impr. impériale, 1863→) « Et sachiez que li aigles vit  longuement , porce qu'il  renovele et despoille sa viellesce. Et dient li plusor que il vole en si haut leu vers la chalor dou soleil que ses pennes ardent o toute l'oscurté de ses oils ;  lors se laisse cheoir en aucune fontaine, oij il se baigne .iij. fois, et maintenant rajovenit autressi comme à son commandement Li autre dient que li becs de l'aigle croist et plie en son grant aage, en tel manière qu'il ne puet pluspenre de ces bons oisiaus qui le maintenoient en  jovente; lors le fiert et demaine tant as roides pierres que le sorplus en oste; et ses Les devient plus gens et plus esmoluz que devant, si que il manjue et prent ce que il li plaist » (196-197).

20 vous ses anges  (V) Entre le siège céleste de Dieu et ses opérations sur la terre : médiations angéliques entre Créateur et créatures L'iconographie d'inspiration biblique s'est plu à figurer les créatures spirituelles qui assurent la communication continuelle entre le Verbe créateur et les créatures.

Les anges conseillers

Fidelis Schabet (1813–1874), La création des anges, Plafond intérieur, caisson juste en avant de l'orgue

Stiftskirche Saint-Jacques le Majeur, Hechingen (Allemagne)

photo : Ralf Roletschek © Domaine public→

Au conseil divin, les ministres sont assimilés aux anges, naïvement présenté ici.

Les anges hiérarchisés

La Tradition a identifié leur hiérarchie, sur la base des textes bibliques. L'ensemble des Écritures évoque, en effet, 9 catégories différentes de créatures angéliques, organisées en trois ordres, selon leur systématisation chrétienne due en particulier au

Hiérarchie angélique environnant le trône divin 

12e s. : des derniers aux premiers

Anonyme, Vision de la hiérarchie angélique, (détrempe sur parchemin, fin 12e s.), enluminure, dans Hildegard von Bingen, Sci vias [Domini], 1, vision 6, Codex géant de Rupertsberger, Handschrift Nr.1, f.1-135., fol. 38r.

Hochschul- und Landesbibliothek RheinMain, Wiesbaden (Allemagne) © Domaine public→ 

La miniature présente en 9 cercles concentriques les 9 chœurs des « anges » (c’est-à-dire des créatures spirituelles envoyés par Dieu comme médiatrices entre lui et la création), réunis en une parfaite unité (« Einheit »), autour du centre blanc symbolisant l’irreprésentable simplicité (perfection et pureté) divine (dans l’iconographie postérieure, on montrera le chef du Christ).

2 cercles extérieurs

montrent Anges et Archanges, symbolisant l’aide surnaturelle apportée au corps et à l’âme humains :

  • Hildegarde de Bingen Scivias  ad loc. « Je vis dans les hauteurs des mystères célestes deux armées d'esprits d'en-haut, resplendissant d'une clarté admirable et qui dans la première légion avaient comme des ailes sur leurs poitrines ; leurs faces étaient semblables à celles des hommes, et leur visage humain apparaissait comme à travers une eau pure. Et ceux qui étaient dans l'autre légion, avaient aussi comme des ailes sur leurs poitrines ; et leurs faces étaient comme celles des hommes, et dans elles l'image du Fils de l'homme resplendissait comme dans un miroir. Mais dans les uns comme dans les autres, je ne pus discerner une autre forme. » « Mais que ces légions (Anges et Archanges) forment une couronne autour de cinq autres légions, cela signifie que le corps et l’âme de l’homme enserrent dans le réseau de leurs facultés, les cinq sens de l’homme purifiés par les cinq blessures de mon Fils ».
5 cercles intermédiaires

figurent les 5 légions d’anges (Vertus, les Puissances, les Principautés, les Dominations et les Trônes). Ces 5 légions soutiennent les 5 sens de l’homme : les Vertus aident aux bonnes œuvres, les Puissances à la clarté resplendissante, les Principautés qui sont les Princes des hommes dans le siècle, les Dominations casquées, les Trônes qui n’ont pas forme humaine, mais symbolisent la divinité s’abaissant vers l’humanité.

  • Hildegarde de Bingen Scivias  ad loc. « ceux qui étaient dans la première de ces cinq légions, avaient comme des apparences d'hommes, resplendissantes de clarté, des épaules jusqu'en bas. Ceux qui étaient dans la seconde (légion) étaient si éblouissantes de lumière, que je ne pouvais les regarder. Ceux qui étaient dans la troisième apparurent comme de marbre blanc, et leurs têtes étaient semblables à celles des hommes, desquelles émanaient des rayons ardents ; et, des épaules en bas, ils étaient environnés comme d'une épaisse nuée. Ceux qui étaient dans la quatrième légion, avaient la face humaine et des pieds d'hommes ; ils portaient sur leurs têtes des casques, et étaient revêtus de tuniques de marbre. Ceux enfin qui étaient dans la cinquième légion, ne montraient en soi aucune forme humaine ; mais étaient empourprés comme l'aurore. Et je ne voyais en eux aucune autre forme. Et ces légions formaient comme une couronne, autour des deux autres légions. »
2 cercles intérieurs

Incandescents, Chérubins et Séraphins, figurent le rayonnement double de l’Amour, pour Dieu et pour le prochain. Les Chérubins, remplis d’yeux et d’ailes, figurent la science et la sagesse divines. Les yeux sont le symbole de la connaissance divine. Les séraphins, dont le nom signifie « le brûlant », sont les plus proches du rayonnement divin. Ils ont six ailes : deux pour voler, deux pour se voiler la face devant l’Eternel, deux pour se couvrir les pieds, afin d’adoucir le feu d’amour qui les dévore :

  • Hildegarde de Bingen Scivias ad loc. « Ceux qui étaient dans la première de ces deux légions apparaissaient tout remplis d'yeux et d'ailes, et dans chaque oeil était un miroir ; et dans chaque miroir une face d'homme ; et ils élevaient leurs ailes à une suprême hauteur. Et ceux qui étaient dans la seconde légion brûlaient comme le feu ; et ils avaient une multitude d'ailes, où, comme dans un miroir, on voyait tous les ordres illustres de l'institution ecclésiastique. Mais je ne vis, ni dans les uns, ni dans les autres, aucune autre forme. Et toutes ces légions faisaient retentir, de leurs voix merveilleuses en de multiples harmonies, les louanges de celui qui opère des merveilles dans les âmes bienheureuses ; et elles glorifiaient Dieu magnifiquement. »
15e s. : des premiers aux derniers

maître du missel de Troyes, Hiérarchie angélique (tempera sur parchemin, ca 1460), enluminure de Nicolas de Lyre, Postilles sur l’Ancien et le Nouveau Testament Paris, Bibliothèque nationale de France, Lat.11972, fol.1r

Comm. inspiré de : Collectif OMCI-INHA/Marjolaine Massé « Hiérarchie angélique » in Ontologie du christianisme médiéval en images→(16.05.2022) © CC-BY-SA-4.0

 Gn 3,34 ; Is 6,1-2.6 ; Ez 1,4-14; Col 1,16 Ap 5,1-7.11

Présentation du manuscrit

Les Postilles de Nicolas de Lyre sont des commentaires de la Bible. Ce manuscrit a été enluminé par le maître du missel de Troyes vers 1460. Le Paradis est représenté au centre de la page sous la forme conventionnelle d’un jardin peuplé d’animaux dans lequel se trouvent Adam, Ève et les quatre fleuves. Cette vision paradisiaque est entourée d’une série de cercles concentriques représentant le ciel et l’univers. Au-dessus, dans la sphère du divin, sont disposés les neuf chœurs angéliques, dominés par Dieu le Père, sortant de l’image et esquissant un geste de bénédiction. 

L'image

En haut de l'image, les chœurs des anges forment une assemblée compacte, hiérarchisée par leur disposition en rangs.

  • Seule la triade supérieure se distingue par ses couleurs. Au plus près de Dieu se trouvent les Séraphins en rouge, les Chérubins en bleu (soutenant le trône divin), ainsi que les Trônes en brun.
  • Puis viennent les Dominations, tenant des insignes royaux, ici des sceptres fleurdelisés, les Vertus, faiseurs de miracles ici représentés en prière, et les Puissances, instruments du châtiment divin, tenant des verges.
  • Viennent enfin les Principautés, les Archanges et les Anges.

Tous participent de la diffusion de la lumière en tant qu'instrument du pouvoir divin. Plus ils sont proches de Dieu, plus ils sont représentés de manière abstraite ; plus ils s'en éloignent, plus ils sont incarnés, et donc proches des hommes. La place des anges dans l'image est conforme à leur rôle d'instruments du pouvoir divin : le grec aggelos  signifie « messager ». « Vicaires » de Dieu, ils sont envoyés en mission et participent à la Révélation du Verbe aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament.

Sous la hiérarchie céleste, l'univers comme somme de toutes les choses est représenté par une série de sphères au centre desquelles se trouve la Terre entourée d'eau, selon la tradition aristotélicienne.  On observe aussi un parallèle entre la structure chromatique des chœurs et celle du cosmos. Cette image montre l'organisation du pouvoir divin, et insiste sur son ordonnancement rigoureux. Elle met en avant les principes d'ordre et de cohésion au sein de l'univers chrétien, servant à l'expression de l'autorité divine en dehors de toute temporalité.

Littérature

20 son verbe  + pour que soit entendu le son de ses paroles (V) : FRANÇAIS BIBLIQUE Du Verbe aux verbes et réciproquement L'obéissance parfaite des anges envers le Verbe divin (facientes verbum illius, cf. v. 21 qui facitis voluntatem eius) semble ici décrite comme une condition de possibilité de l'écoute (ad audiendam vocem...) des paroles (... sermonum) qu'il fait entendre à ses créatures. 

Du latin ...

Le nom verbum, omniprésent dans les Écritures, signifie « mot, énoncé, parole(s) » et beaucoup plus encore. Il assume les significations de dabar et de logos, cristallisant la méditation sur la présence d'un « langage » transcendant avec le Créateur, participé dans la création. Cet usage culmine dans le Nouveau Testament pour désigner le mystère personnel de Jésus-Christ (cf. V—Jn 1,1.14.17).

L'expression verbum Domini, en particulier, crée donc un fil continu de révélation christique, de livre en livre. Pour les scribes latins :

  • elle dénote non seulement les paroles attribuées à Dieu, mais aussi Jésus-Christ comme ce Verbe ultime ;
  • elle connote donc aussi sa prééxistence, dans des proportions et selon des participations difficilement déterminables.

... au français

CNRTL →:

  • En littérature, un verbe peut encore signifier un énoncé, une parole ou une suite de paroles : Paul VerlaineSagesse, (OC. vol. I), Paris : Vanier, 1902 : « Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes » (238).
  • En philosophie, l'analyse du langage depuis l'antiquité grecque distingue entre « verbe intérieur » (espèce de parole sans mot non déterminée entièrement par une langue particulière, conçue par tout esprit qui pense) et « verbe extérieur » (parole exprimée avec des mots). 
  • En théologie, le Verbe est la Parole divine adressée aux hommes, Dieu lui-même incarné en sa deuxième Personne en Jésus-Christ. 

Autant que possible, nous traduisons donc verbum par « verbe », le plus souvent sans majuscule, parfois avec.

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