La Bible en ses Traditions

Psaumes 137,8–9

M
G S
V

Fille de Babylone, vouée à la ruine

heureux celui qui te rendra le mal

que tu nous as fait !

...

Fille misérable de Babylone

heureux qui te paiera ta rétribution que tu nous as rétribuée !

M V
G S

Heureux celui qui saisira et brisera

tes petits contre la pierre !

...

9 Massacre des enfants Os 14,1

Réception

Histoire des traductions

1–9 Traduction poétique at temps de la Réforme.  Dans d'admirables motets, la mélodie officielle de Genève fut utilisée par Goudimel  soit comme un cantus firmus, soit comme un motif donnant lieu à des imitations.

  • Claude Goudimel (vers 1514-1572)-Clément Marot (1496-1544) Pseaumes de David, traduictz par Clement Marot & Theodore de Besze, nouvellement mis en musique à quatre parties par Claude Goudimel, dont le subject se peut chanter en taille, ou en dessus, imprimés en quatre volumes, Paris : Adrian Le Roy & Robert Ballard, 1562. 4 vol. Ps 137  Estans assis aux rives aquatiques. Super flumina Babylonis : « Estans assis aux rives aquatiques De Babylon. Plorions melancoliques, Nous souvenans du pays de Sion ; Et au milieu de l'habitation Où de regrets tant de pleurs espandismes. Aux saules verds nos harpes nous pendismes. —— Lors ceulx qui là, captifs nous emmenerent De les sonner fort nous imponunerent. Et de Syon les chansons reciter : Las dismes nous, qui pourroit inciter Nos trites cueurs à chanter la louange De nostre Dieu en une terre estrange ? —— Or toutefoys. puisse oublier ma dextre L'art de harper, avant qu'on te voye estre lerusalem, hors de mon souvenir : Ma langue puisse à mon palays tenir — Si je t'oublie, et si jamais ay joye, Tant que premier ta delivrance j'oye. »

Arts visuels

1–9

19e s.

Eugène Delacroix (1798-1863), Les Juifs en exil à Babylone, (huile sur toile, 1838-1847), 221 × 292 cm

Peinture dans la coupole consacrée à la Théologie, bibliothèque du Palais Bourbon, Paris

Domaine public © Wikimedia commons→

Propositions de lecture

1–9 « By the rivers of Babylon »

Vous allez adorer chanter les psaumes sur des airs aussi entraînants

Boney M. est un groupe jamaïco-antillais de disco-pop. Parmi leurs titres les plus célèbres, on compte : Rasputin ou Daddy cool. Et leur carton Rivers of Babylon* n’est autre que le psaume 137 Musique Ps 137,1–5 ! Pour être parfaitement exact, Boney M chante uniquement les 4 premières strophes du psaume en boucle et rajoute 2 phrases !

Nabuchodonosor, une influence historique

Au VIe avant Jésus-Christ, Nabuchodonosor, empereur de Babylonie, assiège Jérusalem. La ville sainte est pillée, détruite et la population est déportée à Babylone. Cet événement est fondamental pour comprendre nombres de textes bibliques qui évoquent l’exil du peuple juif. Les 70 ans qu'ils passèrent à l'étranger marquèrent à jamais la mémoire d'Israël.Ce Psaume 137, chanté par Boney M, fait mémoire de cet exil à Babylone et de la nostalgie du peuple élu éloigné de sa Jérusalem : « Au bord des fleuves de Babylone, là nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion. » Sion est le nom symbolique du site de la ville de Jérusalem.

Babylone : un symbole universel puissant

Au-delà de la destinée juive, cet exil à Babylone marque aussi la culture occidentale et la spiritualité chrétienne. En effet, il devient un symbole de l’état de l’homme éloigné de Dieu. Mais la poésie qui naît de cet exil, comme dans le psaume d'aujourd'hui, maintient la joie au coeur de la tristesse et sa solitude. Comme le dit le père Alexandre Schmemann à propos de ce psaume : « Il est devenu à jamais le chant de l’homme qui réalise son exil loin de Dieu, et, ce faisant, redevient un homme : celui que rien de ce monde déchu ne peut combler, car, par nature et par vocation, il est un pèlerin de l’Absolu. » Alexandre Schmamann, Le grand Carême, Éditions Monastiques, Spiritualité orientale n°13, Abbaye de Bellefontaine, 2011.

Le lien entre l'exil à Babylone et la liturgie du Carême chez les chrétiens

Dans la tradition liturgique orientale, on chante le psaume 137 les trois dimanches qui précèdent le Carême. Tel le Juif au bord des rivières de Babylone, le croyant est ainsi invité à prendre conscience de son exil sur cette Terre, loin de la Jérusalem céleste, à se souvenir des moments de joie de sa vie et à se retourner vers Celui qui en est la source. Ce retournement vers Jérusalem, vers la Patrie Céleste, c’est la metanoïa, mot grec traduit par repentir.

Le mot de la fin

"Un pays lointain : telle est la définition de notre condition humaine que nous devons assumer et faire nôtre, quand nous commençons à marcher vers Dieu. L’homme qui n’a jamais fait cette expérience, ne fût-ce que très brièvement, qui n’a jamais senti qu’il est exilé de Dieu et de la vraie vie, ne comprendra jamais ce qu’est le christianisme. Et celui qui est parfaitement 'chez lui' en ce monde et dans la vie de ce monde, qui n’a jamais été blessé par le désir nostalgique d’une autre réalité, celui-là ne comprendra jamais ce qu’est le repentir." Alexandre Schmemann, Le grand Carême, Éditions Monastiques, Spiritualité orientale n°13, Abbaye de Bellefontaine, 2011, p24.

Comparaison des versions

8 V—IUXTA HEBR.

  • Fille de Babylone, vouée à la ruine | heureux celui qui te rétribuera la réciprocité que tu nous as rétribuée !

Musique

1–9 Le psaume 137 a été mis en musique à de très nombreuses reprises.

16e s. : motets

  • le texte latin est utilisé par Palestrina, Tomás Luis de Victoria, Orlando di Lasso, Nicolas Gombert, Luca Marenzio, Philippe de Monte, Costanzo Festa et Antonio Savetta dans des motets pour quatre à huit voix.

17e s.

  • Salomone Rossi (compositeur juif italien): עַל נַהֲרוֹת בָּבֶל, [Al naharot Bavel] chant à quatre voix.
  • Henry de Thier « Du Mont », et Marc-Antoine Charpentier (H. 170) Super flumina Babylonis.

18e s.

  • Michel-Richard de Lalande écrit pour Louis XIV un motet sur ce Ps en latin (S. 13).

19e s.

  • Charles-Valentin Alkan, op. 52 : Super Flumina Babylonis.
  • Guy Ropartz
  • Giuseppe Verdi, dans Nabucco (Nabuchodonosor), opéra en quatre actes tiré de Nabuchodonosor (1836), drame d'Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu, évoque l'épisode biblique de l'esclavage des juifs à Babylone symbolisé par le chœur de la troisième partie, le Va, pensiero des Hébreux auxquels s'identifiait la population milanaise alors sous occupation autrichienne. Cet air célébrissime est tiré du troisième acte : sur les bords de l'Euphrate, les Hébreux, vaincus et prisonniers, se rappellent avec nostalgie et douleur leur chère patrie perdue (chœur : Va, pensiero, sull' ali dorate).

Giuseppe Verdi (1813-1901) Nabucco, Va pensiero, ou « Chœur des esclaves », Livret : Temistocle Solera opéra en quatre actes tiré d'Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu, Nabuchodonosor, drame (1836), Scala de Milan, 1842

Riccardo Muti dir., Chœur et orchestre de l'Opéra de Rome, Italie, théâtre Costanzi, Juillet 2013

© Licence Youtube standard, Ps 137 (136) ; Ez 3,15 ; Lm 3,48 ; Is 24,8 ; Jr 25,10 ; Lm 5,14 ; Jr 51,14 ; Ez 25,12

Paroles 
  • "Va', pensiero, sull'ali dorate; — Va, ti posa sui clivi, sui colli, — ove olezzano tepide e molli — l'aure dolci del suolo natal! — Del Giordano le rive saluta, — di Sionne le torri atterrate… — Oh mia Patria sì bella e perduta! — O membranza sì cara e fatal! — Arpa d'or dei fatidici vati, — perché muta dal salice pendi? —— Le memorie nel petto raccendi, — ci favella del tempo che fu! —  O simile di Solima ai fati, — traggi un suono di crudo lamento; — o t'ispiri il Signore un concento — che ne infonda al patire virtù!"
  • "Va, pensée, sur tes ailes dorées, — Va te poser sur les versants, sur les collines, Où embaume, tiède et suave, — L'air doux de la terre natale ! — Salue les rives du Jourdain, — Les tours renversées de Sion. — O, ma patrie, si belle et perdue ! O souvenir, si cher et funeste ! — Harpe d'or des prophètes du destin, — Pourquoi, pends-tu, muette, aux branches du saule ? — Ravive les souvenirs gravés dans nos coeurs,— Parle-nous du temps passé ! — Rappelle-nous le sort de Solime — Dans une complainte aux tristes accents, — Laisse le Seigneur t'inspirer une harmonie — Qui nous donne la force d'endurer nos souffrances !"

20e s.

  • Harry Patch « By the Rivers of Babylon » pour voix et violon
  • David Amram, air pour soprano.
  • Arvo Pärt utilise le texte allemand : An den Wassern zu Babel saßen wir und weinten, 1976.
  • Stephen Schwartz « On the Willows », chant dans la comédie musicale Godspell
  • William Walton, oratorio Belshazzar's Feast, ouverture.
Musique populaire :
  • The Melodians (groupe jamaïcain), Rivers of Babylon, chanson, reprise par Boney M. dans les années 1970 et par Sublime (groupe rock/reggae), album 40 oz. to Freedom.
  • Matisyahu (chanteur de reggae juif) reprend les v.5-6 pour le chœur dans le single Jerusalem.
  • Fernando Ortega, City of Sorrows, chanson.
  • Don McLeanBabylon et Naomi Shemer, Al naharot Bavel reprennent v.1.
  • En 2015, Will Butler (membre de Arcade Fire) interprète By the waters of Babylon en l'associant à la souffrance des peuples écrasés l'état Islamique, notamment à l'attentat à la culture qu'ont été les événements du musée de Mossoul.