La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 1,4–10

M S
G
V

Une génération s'en va et une génération s'en vient mais la terre pour toujours subsiste.

Une génération va et une génération vient et la terre pour toujours demeure.

Une génération passe et une génération vient mais la terre à jamais se tient.

4 La succession des générations Si 14,18

 Et se lève le soleil et se couche le soleil et vers son lieu il halète, là il se lève. 

Sse lève le soleil et se couche le soleil, et vers son lieu d’où il se lève là il retourne afin que de là il se lève de nouveau 

 Et se lève le soleil et se couche le soleil et vers son lieu il entraîne.

 Le soleil se lève et se couche et il revient à son lieu,

et là renaissant

 Allant vers le sud et tournant vers le nord,

tournant, tournant, il va, le vent et sur ses tours, il revient, le vent. 

Se levant là il va vers le midi et il circule vers le septentrion ;

il circule en cercles, va, le vent, et sur ses circuits retourne, le vent.

il tourne vers le midi et il fléchit vers l’aquilon ;

parcourant toutes choses en circuit, le vent se hâte et retourne à ses cercles.

Tous les torrents vont à la mer, mais la mer n’est pas remplie

vers le lieu d’où vont les torrents, là ils recommencent à aller. 

Tous les torrents vont à la mer, mais la mer n’est pas remplie 

vers le lieu d’où vont les torrents, là ils recommencent à aller.

Tous les fleuves entrent dans la mer, mais la mer ne déborde pas 

au lieu d’où sortent les fleuves ils reviennent pour de nouveau couler.

7 Les eaux retournent à la mer Si 40,11

 Toutes les paroles sont fatigantes,

l’homme est incapable de parler, 

S   l’homme ne se rassasie pas de parler, 

l’œil ne se rassasie pas de voir et l’oreille ne se remplit pas d’entendre. 

 Toutes les paroles sont fatigantes, l’homme est incapable de parler

et l’œil ne se rassasie pas de voir et l’oreille ne se remplit pas d’entendre.

Toutes les choses sont difficiles, l’homme ne peut les expliquer en discours ;

l'œil ne sature pas à force de voir ni l'oreille ne se bouche à force d'entendre.

8 Insatiables, les yeux de l’homme Pr 27,20

 Ce qui a été, c’est ce qui sera,

ce qui a été fait, c’est ce qui se fera et il n’y a rien du tout de nouveau sous le soleil ! 

Qu'est-ce qui a été ? C'est ce qui sera.

Qu'est-ce qui a été fait ? C'est ce qui se fera : il n’y a rien de récent sous le soleil.  

Qu'est-ce qui a été ? C'est ce qui sera.

Qu'est-ce qui a été fait ? C'est ce qui se fera. 

9 Répétition du même 2,12 ; 3,15

10   S’il y a une chose dont on dit : — Vois cela, c’est nouveau !

Déjà cela a été dans les siècles qui nous ont précédés. 

10 Qui parlera et dira : —Vois, cela est nouveau !

Déjà cela a été dans les siècles qui nous ont précédés.

10  Rien sous le soleil de nouveau, et nul ne peut dire : — Vois, ceci est récent !

Cela a déjà existé auparavant dans les siècles qui sont avant nous.

Réception

Littérature

9 rien de nouveau sous le soleil FRANÇAIS BIBLIQUE

  • Rien de nouveau sous le soleil : l'histoire se répète.

Liturgie

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Musique

1,1–2,26 Vanité des vanités

17e s.

Cristofaro Caresana (1640-1709), Vanitas vanitatum et omnia vanitas

Mysterium Vocis, Cappella de' Turchini, Antonio Florio

© License YouTube Standard→, Qo 1,1-2,26

Tradition juive

4s Espérance et nostalgie

« Ce sera lui »

  • Buber Récits « Rabbi Nahum de Tshernobil, à qui il fut donné, étant tout jeune encore, de voir le saint Baal-Shem, a dit : "Il est écrit que le 'soleil apparaît, le soleil disparaît ; une génération passe et une autre génération se lève'. Mais le Baal-Shem-Tov — que sa mémoire nous protège ! — il n'a pas eu son semblable avant lui et n'aura pas son pareil après lui, jusqu'à l'avènement du Rédempteur ; et quand le Rédempteur viendra, il sera là." Encore et par trois fois il répéta : "Il sera là" » (143). 

Les soleils et notre terre

  • Buber Récits « Paroles de Rabbi Mikhal : "Chaque génération compte des Tsaddikim qui se détournent de l'œuvre de rédemption pour cela seulement qu'ils s'attachent à l'étude de la Loi et s'appliquent à son accomplissement, chacun d'eux méditant sur l'origine sainte de son âme, sur le lieu sacré d'où elle est descendue et auquel elle doit retourner après son périple terrestre, afin d'y goûter la lumière de la céleste sagesse. Aux yeux de ces méditants, les choses du monde comptent pour rien. Et si, même, ils souffrent de l'Exil amer, s'ils s'affligent de la misère humaine, le cœur, pourtant, ne va pas chez eux jusqu'à oser dans la prière ce qui doit être osé, tout habité qu'il est par la nostalgie et la hâte de son retour en son lieu. "Une génération s'en va, une génération s'en vient, et la terre demeure au monde. Le soleil luit et le soleil s'en va, et il se hâte vers la place où il a lui" (Qo 1,4-5). Les soleils se lèvent et se couchent et la détresse de la terre demeure » (230).

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

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