La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 10,1–20

M V
G S

Des mouches mortes empestent et putréfient l’huile du parfumeur

Vgâchent la suavité de l'onguent

un peu de folie Véphémère l’emporte sur la sagesse et la gloire.

...

1 Métaphore du levain Ga 5,9

Le cœur du sage est à sa droite et le cœur de l’insensé à sa gauche.

...

Et aussi, quand l’insensé va dans le chemin, le sens lui manque, et il dit à tous : c'est un

Vestime tout le monde comme  fou.

...

Si l’esprit de qui dirige s’élève contre

Vde qui a du pouvoir prend de l'ascendant sur  toi, ne quitte point ta place

car le calme prévient

Vla guérison fera cesser de grands péchés.

...

Il est un mal que j’ai vu sous le soleil comme une inadvertance

Verreur qui provient du souverain :

Vprince :

...

La folie occupe des postes élevés

VLe fou est établi dans une position sublime  et des riches sont assis dans de basses conditions.

...

6 Le monde à l’envers Pr 19,10 ; 30,22

J’ai vu des esclaves sur des chevaux et des princes marchant au sol comme des esclaves.

...

 Qui force une brèche y tombera et qui entaille une muraille un serpent

Vune couleuvre le mordra.

...

8 Qui creuse une fosse...  Pr 26,27 ; Ps 7,16 ; Si 27,26-27

Celui qui transporte des pierres y peinera

Vs'y blessera  et celui qui fend des bûches s'y risquera

Ventaillera.   

...

10 Si le fer est émoussé 

Vet s'il n'est pas comme auparavant, 

et si l’on n’a pas aiguisé le tranchant, Vet s'il est abîmé, 

on devra redoubler de force ;  

mais l'avantage de faire réussir : sagesse.  

10 ...

11 Si le serpent mord sans chuchotis,

Ven silence,

il n’y a pas d’avantage pour l’enchanteur.

11 ...

M G V S

12 Les paroles de la bouche du sage : grâce 

et les lèvres de l’insensé le perdront.

12 Lèvres du juste et bouche du méchant Pr 10,32 ; 15,2
M V
G S

13 Le commencement des paroles de sa bouche : sottise,

et l'après de sa bouche : démence furieuse

Verreur abominable.

13 ...

14 Et l’insensé multiplie les paroles !…

L’humain ne sait

                      Vce qui fut avant lui ce qui sera !... 

et qui lui rapportera

Vindiquera ce qui sera après lui ?

14 ...

14 L’homme ne sait ce qui sera 8,7

15 Le travail des sots le

Vles lasse

parce qu'il ne sait

Veux qui ne savent pas aller à la ville.

15 ...

16 Malheur à toi,

pays dont le roi est un enfant,

et dont les princes mangent dès le matin !

16 ...

17 Heureux es-tu, pays dont le roi est fils de nobles,

et dont les princes mangent à temps,

dans la vaillance, et non dans l'ivrognerie

Vpour la force et non pas pour l'ivresse.

17 ...

18 Quand les (deux) mains sont paresseuses,

VDans l'excès de paresse

la charpente s’affaisse,

et quand les (deux) mains sont lâches,

la maison suinte.

18 ...

19 Pour se divertir on fait un repas ;

le vin réjouit les vivants

et l'argent a réponse à tout.

19 ...

19 Le vin qui réjouit hommes et dieux Ps 104,15 ; Jg 9,13

20 Ne maudis pas le roi, fût-ce dans ta pensée,

et dans les alcôves de ta couche, ne maudis pas le riche, 

car un oiseau du ciel emporterait Vta voix,

celui qui a des ailes rapporterait la parole.

20 ...

20 Interdit de maudire le chef du peuple Ex 22,27 Rien de caché qui ne sera connu Lc 12,2-3

Réception

Liturgie

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Littérature

16 pays dont le roi est un enfant Un pensionnat régi par un élève indiscipliné 

  • Montherlant, La ville dont le prince est un enfant (1967), emprunte une partie de ce verset pour intituler sa pièce (en 3 actes). L'auteur a voulu dépeindre avec « honnêteté et vérité » « une cellule de la vie catholique » avec certains des personnages repris plus tard dans le roman Les Garçons. Se déroulant dans un collège-pensionnat de jeunes garçons, La ville dont le prince est un enfant met en scène la rivalité qui oppose l'abbé de Pradts à un élève brillant de dernière année, André Sevrais, et leur lutte pour l'affection du cancre indiscipliné Serge Souplier. Montherlant a voulu opposer « l'amour qui s'immole » en la personne de Sevrais, magnifié dans l'acte III, scène 3 et « l'amour des visages » en celui de l'abbé révélé dans la scène ultime de la pièce (acte III, scène 7). Après le départ de Sevrais orchestré par l'abbé, le supérieur du collège annonce à celui-ci le renvoi de Souplier, offrant la voie d'une purification profonde, dans l'espérance d'une conversion véritable. La catharsis est illuminée par la reprise du début du verset.

Musique

9,1–10,20 O Sagesse, cachée dans le mystère

17e s.

Jean-Baptiste Lully (1632-1687), O sapientia in misterio - LWV 77/11

Arlette Steyer, Marie Boyer, Les Arts Florissants, François Fauché, William Christie

© Licence YouTube Standard→, Qo 9,1-10,20

Composition

Ce « petit motet » de Jean-Baptiste Lully est à la louange de la Sagesse éternelle, décrite par l'Ecclésiaste comme « plus grande que la force », et identifiée dans ce motet à la charité du Christ.

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

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