La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 3,4–15

M S
G
V

un temps pour pleurer, et un temps pour rire

un temps de lamentation, et un temps de danse

 ...

un temps pour pleurer et un temps pour rire

un temps pour se lamenter et un temps pour danser

un temps pour jeter des pierres, et un temps de ramassage des pierres

un temps pour étreindre, et un temps pour s’éloigner des étreintes

 ...

un temps pour jeter des pierres er un temps pour en ramasser

un temps pour embrasser et un temps pour s'abstenir d'embrassements

 un temps pour chercher, et un temps pour perdre 

un temps pour garder, et un temps pour jeter

 ...

 un temps pour chercher et un temps pour perdre

un temps pour garder et un temps pour jeter

un temps pour déchirer, et un temps pour coudre

un temps pour se taire, et un temps pour parler 

 ...

un temps pour déchirer et un temps pour coudre

un temps pour se taire et un temps pour parler

 un temps pour aimer, et un temps pour haïr

un temps de guerre, et un temps de paix.

 ...

 un temps pour aimer et un temps pour haïr

un temps pour la guerre er un temps pour la paix.

Quel profit celui qui agit retire-t-il de son labeur ?

Quel est l’avantage pour celui qui travaille de la peine qu’il se donne ? 

Que gagne l'homme de son travail ? 

10 J’ai vu le souci dont Dieu a donné aux fils de l’être humain de se soucier.

10 J’ai examiné le labeur auquel Dieu impose aux enfants des hommes de se livrer. 

10 J’ai vu l’affliction que Dieu a donnée aux enfants des hommes pour qu’ils se tourmentent avec elle. 

11 Il fait toute chose convenable en son temps ; aussi, il a donné le sens du siècle dans leur cœur

sans que l’être humain puisse découvrir l’œuvre que Dieu fait

du commencement jusqu’à la fin.

11 ...

11 Il a fait toute chose bonne en son temps et a livré le monde à leur questionnement

de telle sorte que l’homme ne découvre pas l’œuvre que Dieu a faite du commencement jusqu’à la fin.

11 L’homme ne peut comprendre les oeuvres de Dieu 8,17 ; 11,5 ; Ps 139,17 ; Si 11,4 ; 18,6 ; Is 55,8-9 ; Rm 11,33

12  Je sais qu’il n’y a pas de bonheur en eux si ce n’est de se réjouir et de se faire du bonheur dans sa vie.

12  ...

12  Et j’ai reconnu qu’il n’y a rien de meilleur que de se réjouir et de faire du bien pendant sa vie 

13  Mais aussi, tout être humain qui mange et boit et voit du bonheur dans tout son labeur, cela est un don de Dieu.

13  ...

13 Car tout homme qui mange et boit et voit le bien [issu] de son travail, c’est un don de Dieu. 

14 Je sais que tout ce que fait Dieu, cela sera pour l’éternité.

À cela il n’y a rien à ajouter et de cela il n’y a rien à retrancher,

et Dieu fait qu’on éprouve de la crainte devant lui.

14 J’ai reconnu que tout ce que Dieu fait durera toujours

qu’il n’y a rien à y ajouter ni rien à en retrancher (Dieu agit ainsi afin qu’on le craigne). 

14 J'ai appris que tous les ouvrages que Dieu a créés dureront toujours ;

nous ne pouvons rien ajouter ni rien retrancher à ce que Dieu a créé afin qu'on le craigne. 

14 Le plan de Dieu subsiste à jamais Ps 33,11

15 Ce qui est fut déjà ; ce qui sera est déjà. Et Dieu recherche ce qui échappe.  

15 ...

15 Ce qui s'est fait dure

ce qui se fera a déjà été : et Dieu ramène ce qui est passé. 

15 Ce qui fut, cela sera 1,9

Réception

Arts visuels

14s La fuite du temps

18e s.

  • Hubert Robert (1733-1808), Paysage avec cascade inspiré de Tivoli (huile sur toile, 1779), 248 x 378 cm, Musée du château de Maison-Lafitte.
CONTEMPLATION 

Hubert Robert a gardé toute sa vie, de son séjour à Rome, les souvenirs d’une terre emplie de lumière et un goût prononcé pour les ruines antiques. Il recomposa de mémoire ce paysage lors de son retour à Paris : aux escarpements rocheux de Tivoli, il ajoute une cascade et un aqueduc, le pont du Gard. Installé sur la rive, un couple de voyageur donne l’échelle de cet ensemble grandiose. De la cascade, symbole de l’écoulement du temps, en passant par les masses rocheuses et ce pont qui relie deux falaises, le regard est conduit vers le ciel. La recherche de profondeur devient élévation. 

La lumière demeure celle qui dévoile et le contre jour qui apaise. Il y a donc bien plus qu’un simple paysage de montagne. Il s’agit d’une véritable vision codée : une nature démesurée et indifférente à l’homme, la puissance sauvage et le jaillissement de la cascade, alors que l’aqueduc représente une eau domestiquée par le génie d’une civilisation. Il relie deux mondes, la civilisation et une nature à dominer, où l’architecture romaine est une métaphore du pouvoir.

Mais cette méditation est aussi la contemplation d'un passé qui s’est effondré et d'un futur qui s'écroulera, le déchirant spectacle de la mort des illusions de l’homme devant la permanence de la nature, l'image de la fragilité de notre condition … Diderot commente ainsi les œuvres d’Hubert Robert : « Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y a que le monde qui reste. Il n’y que le temps qui dure. Je marche entre deux éternités ». (d'après J.-M. N.)

Liturgie

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Musique

1–8 Il ya un temps pour tout

21e s.

Stephen Caracciolo (1962-...), To Everything there is a Season, 2013

Jonathan Brown (dir.), Canto Deo Chamber Choir

© Licence YouTube standard→, Qo 3,1-8

Composition

Stephen Caracciolo est un chef de chœur reconnu pour son art passionnel, son enseignement créatif. Il est un compositeur et arrangeur de renommée nationale dont les œuvres chorales ont été largement interprétées aux États-Unis et en Europe. Il est directeur artistique de "Lancaster Chorale", le premier chœur professionnel de chambre du centre de l'Ohio, à la tête d'un groupe de chanteurs talentueux qui interprètent une gamme impressionnante de chorales, dont la polyphonie du XVIe siècle, les motets baroques, les chansons allemandes, Britanniques et américains, chants de Noël, hymnes et chansons folkloriques.

Paroles

1 To every thing there is a season, and a time to every purpose under the heaven: 2 A time to be born, and a time to die; a time to plant, and a time to pluck up that which is planted; 3 A time to kill, and a time to heal; a time to break down, and a time to build up; 4 A time to weep, and a time to laugh; a time to mourn, and a time to dance; 5 A time to cast away stones, and a time to gather stones together; a time to embrace, and a time to refrain from embracing; 6 A time to get, and a time to lose; a time to keep, and a time to cast away; 7 A time to rend, and a time to sew; a time to keep silence, and a time to speak; 8 A time to love, and a time to hate; a time of war, and a time of peace.

20e s.

John Rutter (b. 1945), To everything there is a season, 1997

Emmanuel Drutel (dir.), Petits-Chanteurs de Saint-Thomas d'Aquin

© Licence YouTube standard→, Qo 3,1-8

Composition

To everything there is a season : Après une introduction surprenante et déroutante, ce motet qui tire son texte du livre de l'Ecclésiaste 3, 1- 8 déroule son thème avec ses oppositions permanentes : entre les voix aiguës et les voix graves, entre les quatre différents pupitres. John Rutter ne compose pas de la musique comme un prétexte, elle sert le texte : une véritable illustration sonore. La fin est particulièrement réussie, une évocation de la paix avec des harmonies chatoyantes et un climat de sérénité remarquable.

Paroles

1 To every thing there is a season, and a time to every purpose under the heaven: 2 A time to be born, and a time to die; a time to plant, and a time to pluck up that which is planted; 3 A time to kill, and a time to heal; a time to break down, and a time to build up; 4 A time to weep, and a time to laugh; a time to mourn, and a time to dance; 5 A time to cast away stones, and a time to gather stones together; a time to embrace, and a time to refrain from embracing; 6 A time to get, and a time to lose; a time to keep, and a time to cast away; 7 A time to rend, and a time to sew; a time to keep silence, and a time to speak; 8 A time to love, and a time to hate; a time of war, and a time of peace.

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...