La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 5,17–6,7

M V
G S

17 Voici donc ce que j’ai vu : c’est qu’il est bon

Vce qui m'a paru bon : 

et séant pour

Vque l’homme de manger

Vmange et de boire

Vboive et de jouir

Vjouisse du bien-être

Vde la joie dans tout

Vqu'il tire de son travail auquel il se livre sous le soleil,

durant les jours de vie que Dieu lui donne

Va donné ;

car

Vet c’est là sa part.

17 

18 De plus, pour tout homme à qui Dieu donne

Va donné richesses et biens,

avec

Vil lui a aussi accordé le pouvoir d’en manger, d’en prendre sa part et de se réjouir de son travail,

c’est là un don de Dieu.

18 

19 Car alors il ne songe guère aux

Vne pensera pas aux jours de sa vie parce que Dieu répand la joie dans

Vaccapare de délices son cœur.

19 

6,1 Il est un mal

Vun autre mal que j’ai vu sous le soleil et ce mal est grand sur

Vordinaire chez l’homme

Vles hommes :

6,2 tel 

Vl'homme à qui Dieu a donné richesses, trésors

Vaisance et gloire

Vhonneur, et qui ne manque pour son âme de rien de ce qu’il peut désirer ;

mais Dieu ne lui permet pas

Vne lui donne pas le pouvoir d’en jouir

Vde le consommer, car c’est un étranger qui en jouit :

Vqui dévorera tout :

voilà une vanité et un mal grave !

Vune grande misère !

2 Que sera le successeur ? 2,18-19 ; Lc 12,20

6,3 Quand un homme aurait engendré cent enfants, vécu de nombreuses années et que les jours de ses années se seraient multipliés,

si son âme ne s’est pas rassasiée de bonheur

Vde ses biens matériels et qu’il n’ait pas même eu

Vn’a pas de sépulture,

je dis

Vde lui, j'affirme qu’un avorton est plus heureux que lui

3 Job maudit sa naissance Jb 3,11

6,4 car c'est en vain qu'il est venu, il s’en va dans les ténèbres et les ténèbres couvriront

Vl'oubli couvrira son nom ;

M
G S
V

6,5 il n’a même ni vu ni connu le soleil, mais il a plus de repos que cet homme

il n'a pas vu le soleil ni connu la distance entre le bien et le mal

M V
G S

6,6 et quand il vivrait

Vaurait vécu deux fois mille ans, sans jouir du bonheur,

Vavoir joui de ses biens,  

tout ne va-t-il pas au même lieu ?

Vtous ne se hâtent-ils pas vers un lieu unique ?  

6,7 Tout le travail de l’homme est pour sa bouche, mais ses désirs ne sont

Vson âme n'est jamais satisfaits

Vsatisfaite.

Réception

Liturgie

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Musique

6,1–8,17 Ma fin est mon commencement 

14e s.

Guillaume de Machaut (1300-1377), Ma fin est mon commencement

Fairy Consort, label Panidea

© License YouTube Standard→, Qo 6,6 (Qo 6,1-8,17)

"Et quand il vivrait deux fois mille ans, sans jouir du bonheur, tout ne va-t-il pas au même lieu ?" (Qo 6,6).

Composition

Guillaume de Machaut est le plus célèbre compositeur et écrivain français du XIVe siècle. Ce Rondeau illustre dans un style médiéval la répétition sans fin du cycle du temps dont parle l'Ecclésiaste.

Littérature

6,1 Titre de roman

  • Agatha Christie, Evil under the Sun, emprunte Qo 6,1 pour le titre de son roman. Le mal visible (une actrice remariée très riche et frivole, qui s'affiche en vacances avec son nouvel amant) aveugle les esprits mais le détective Hercule Poirot dévoile le plus grand mal, invisible (l'assassinat de cette proie facile par ledit amant aidé par la femme de celui-ci).

Musique

5,1–20 Dieu est au ciel et toi sur la terre

18e s.

Antonio Vivaldi (1678-1741), «In exitu Israel» [psaume 115] RV 604, 1739

Kevin Mallon (dir.), Aradia Ensemble

© Licence YouTube Standard→, Qo 5,1-20 Ps 115,1-18

Composition

Antonio Vivaldi met en musique le texte du Psaume 114 d'une manière très dense et rapide par un style d'accompagnement très varié. Par la virtuosité de prononciation et le débordement de notes le compositeur laisse entrevoir la gravité de la phrase « Deus autem noster in cælo » que l'on retrouve dans l'Ecclésiaste pour inviter l'homme au silence.

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...