La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 7,1–29

M V
G S

Mieux vaut une bonne renommée qu’un bon parfum et le jour de la mort que le jour de la naissance.

1 Le renom Pr 22,1

Aller à la maison de deuil vaut mieux qu’aller à la maison de festin

car dans la première apparaît

Von est averti de la fin de tout homme

Vtous les hommes et le vivant y applique

Vmédite sur son cœur.

Vce qui est à venir.

La tristesse

VRage vaut mieux que Mle rire, car un visage triste fait du bien au cœur.

V la dureté du visage peut corriger l'attitude de celui qui pèche.

Le cœur des sages est dans la maison de deuil

Vlà où il y a tristesse et le cœur des fous dans la maison de

V là où il y a joie.

Mieux vaut entendre la réprimande du

Vêtre repris par le sage que d’entendre

V séduit par la chanson

Vflatterie des fous

Vimbéciles

car semblable au pétillement des épines

Vépines ardentes sous la marmite est le rire des fous

Vde l'imbécile

mais c’est encore une vanité !

M
G S
V

Car l’oppression rend insensé le sage et les présents corrompent le cœur.

La calomnie trouble le sage et finira par ruiner la fermeté de son cœur.

M V
G S

La fin d’une chose

Vd’un discours vaut mieux que son commencement, l'esprit patient

Vl'endurant mieux que l'esprit hautain.

Vl'arrogant.

Ne te hâte pas Mdans ton esprit de t’irriter

Vte mettre en colère car l’irritation,

Vla colère, c'est dans le sein des fous qu'elle repose.

10 Ne dis pas : — D’où vientV, selon vous, que les jours anciens étaient meilleurs que ceux-ci ?

Vceux de maintenant ?

Car ce n’est pas par sagesse que tu interroges à ce sujet.

VFolle est, en effet, une interrogation de ce genre !

10 

11 La sagesse est bonne

Vplus utile avec un patrimoine

Vdes richesses et profitable

Vplus profitable à ceux qui voient le soleil

11 

12 car telle la protection de l’argent, telle la protection de la sagesse

Vcomme, en effet, la sagesse protège, ainsi protège l'argent 

mais un avantage du savoir Vet de la sagesse, c’est que la sagesse fait

Vqu'ils font vivre ceux qui la

Vles possèdent.

12 

13 Regarde l’œuvre de Dieu : qui pourra

V, vois que personne ne peut redresser ce

Vcorriger l'homme qu’il a courbé ?

Vméprisé.

13 

14 Le jour du bonheur, sois joyeux 

V favorable, jouis de tes biens et  le jour du malheur, réfléchis :

Vgarde-toi du jour de malheur :

Dieu a fait l’un comme l’autre de telle sorte que l’homme ne découvre pas ce qui doit lui arriver.

Vpas contre lui des motifs de plainte légitimes..

14 

14 Ce qui est courbé 1,15

15 Tout ceci

Vceci aussi, je l’ai vu au jour de ma vanité

il y a tel juste qui

Vle juste périt dans sa justice et il y a tel méchant qui prolonge sa vie

Vle méchant vit bien longtemps  dans sa méchanceté.

15 

16 Ne sois pas juste à l’excès et ne te montre pas sage outre mesure

Vplus que nécessaire : pourquoi voudrais-tu te détruire ?

Vde crainte que tu n'en sois paralysé.

16 

16 Justes et méchants injustement rétribués 8,14

17 Ne sois pas méchant

Vcriminel à l’excès et ne sois pas fou : pourquoi voudrais-tu mourir avant ton temps ?

Vde peur que tu ne meures avant ton temps.

17 

M
G S
V

18 Il est bon que tu retiennes ceci et que tu ne relâches pas ta main de cela, car celui qui craint Dieu évite tous les excès.

18 

18 Il est bon que tu soutiennes le juste, et ne retire pas de lui ta main, car celui qui craint Dieu ne néglige rien.

18 Les années du méchant abrégées Pr 10,27

19 La sagesse donne au sage plus de force que n’en possèdent dix chefs qui sont dans la ville

19 

19 La sagesse fortifie le sage plus que les dix princes d'une ville

19 “Ceci... cela” 3,14
M V
G S

20 car il n’y a pas sur terre d’homme juste qui fasse le bien sans jamais pécher.

20 

20 La sagesse vaut mieux que la force 9,16-18 ; Pr 21,22

21 Ne fais pas non plus attention

VN'applique pas non plus ton cœur à toutes les paroles qui se disent

de peur que tu n’entendes ton serviteur médire sur toi ;

21 

22 car ton cœur

Vta conscience sait que bien des fois aussi tu as médit sur les autres.

22 

23 De tout cela, j’ai fait l'expérience par la sagesse ;

j'ai dit : — Je veux être

Vdevenir sage ! Mais la sagesse

Velle-même est restée

Vs'est retirée loin

Vbien loin de moi.

Vmoi.

23 

M
G S
V

24 Ce qui arrive est lointain, profond, profond : qui peut l’atteindre ?

24 

24 bien plus qu'elle ne l'était

et sa haute profondeur, qui pourra la sonder ?

25 Je me suis appliqué et mon cœur a cherché à connaître, à sonder et à poursuivre la sagesse et la raison des choses

et j’ai reconnu que la méchanceté est une démence et qu’une conduite folle est un délire.

25 

25 J'ai éclairé l'univers en mon cœur pour connaître, examiner et chercher la sagesse et la raison des choses

et pour connaître la méchanceté du fou et l'erreur des imprudents.

26 Et j’ai trouvé plus amère que la mort la femme dont le cœur est un piège et un filet et dont les mains sont des liens.

Celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur sera enlacé par elle.

26 

26 Et j’ai trouvé plus amère que la mort la femme qui est un lacs de chasseur (un filet,  son cœur, et des chaînes, ses mains !) :

qui est agréable à Dieu lui échappera, mais qui est pécheur sera capturé par elle.

27  — Vois, j’ai trouvé ceci, dit Qoheleth, en considérant les choses une à une

pour en découvrir la raison

que mon âme a constamment cherchée, sans que je l’aie trouvée :

j’ai trouvé un homme entre mille, mais je n’ai pas trouvé une femme dans le même nombre.

27 

27 7,28. — Voici ce que j'ai trouvé, dit l’Ecclésiaste, un premier et un second faits 

(à supposer que je finisse par en trouver la raison 7,29 que jusqu'à présent cherche mon âme, et que je n'ai pas trouvée) : 

un seul homme entre mille, je l'ai découvert ; mais une femme entre toutes, je ne l'ai pas trouvée !

27 La femme étrangère Pr 5,3-4 Exemple de Samson et Dalila Jg 16

28 Seulement, vois, j’ai trouvé ceci : c’est que Dieu a fait l’homme droit, mais eux cherchent beaucoup de subtilités.

28 

28  7,30. j’ai trouvé seulement ceci : Dieu a fait l’homme droit, c'est lui-même qui s'est troublé par une infinité de questions !

Qui est comme le sage et qui a appris l'aisance de la parole ? 

Réception

Liturgie

1 LITURGIE JUIVE (rite séphardi) Ce verset est inclus dans les parties conclusives de l'office du samedi matin ainsi que dans l'Escaba (prière pour le repos de l'âme des morts) lorsque le défunt est homme.

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Musique

6,1–8,17 Ma fin est mon commencement 

14e s.

Guillaume de Machaut (1300-1377), Ma fin est mon commencement

Fairy Consort, label Panidea

© License YouTube Standard→, Qo 6,6 (Qo 6,1-8,17)

"Et quand il vivrait deux fois mille ans, sans jouir du bonheur, tout ne va-t-il pas au même lieu ?" (Qo 6,6).

Composition

Guillaume de Machaut est le plus célèbre compositeur et écrivain français du XIVe siècle. Ce Rondeau illustre dans un style médiéval la répétition sans fin du cycle du temps dont parle l'Ecclésiaste.

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

Tradition juive

5 Percer à jour les sept sciences

  • Buber Récits « Revêtu de ses fonctions, le Rav de Nikolsbourg consacra ses sept premiers sermons hebdomadaires à chacune des sept sciences profanes. De Sabbath en Sabbath, l'étonnement des fidèles se faisait plus grand devant le choix du prédicateur, encore que personne n'osât le questionner sur ce point d'une originalité inattendue. Arrivé au huitième Sabbath, il commença en ces termes : "Je suis resté longtemps sans saisir cette parole de l'Ecclésiaste (Qo 7,5) : 'Mieux vaut entendre la réprimande des sages que d'entendre la chanson des fous.' Pourquoi cette insistance sur 'entendre' et pourquoi pas tout simplement : 'que la chanson des fous' ? "C'est qu'il est bon d'entendre les remontrances du sage pour celui qui a écouté et entendu la chanson des fous, c'est-à-dire les sept sciences profanes qui sont un chant de folie devant la divine science sacrée. Les savants de ces sciences terrestres pourraient, en effet, demander à tout autre : 'Comment peux-tu mépriser et rejeter nos sciences, alors que tu n'as seulement pas goûté à leurs délices ?' Par contre, celui qui s'est appliqué aux sept sciences, celui qui a pénétré et percé à jour leur contenu avant que de choisir la sagesse sainte de la Thora, personne ne saurait, celui-là, le démentir !" » (266-267).

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...