La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 9,4–12

M
G S
V

Car pour l’homme qui est parmi les vivants, il y a de l’espérance

mieux vaut un chien vivant qu’un lion mort.

Il n'y a pas d'homme qui vive éternellement ni qui en ait l'espérance

mieux vaut un chien vivant qu’un lion mort.

M V
G S

Les vivants, en effet, savent qu’ils mourront,

mais les morts ne savent rien

Vrien de plus et il n’y a plus pour eux

Vils n'ont pas en plus de salaire

car leur mémoire est oubliée

Vlaissée à l'oubli.

Déjà leur amour, leur haine, leur envie ont péri

et ils n’auront

Vont plus jamais aucune part à ce

V aucune part dans ce monde, ni à l'œuvre qui se fait sous le soleil.

Va

VVa donc, mange avec joie ton pain et bois ton vin d’un cœur content

Vavec joie ton vin, puisque déjà Dieu se montre favorable à tes œuvres

Vtes œuvres plaisent à Dieu.

Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs et que l’huile parfumée ne manque pas sur ta tête.

Jouis de la vie avec une femme

Vl'épouse que tu aimes, pendant tous les jours de ta vie de vanité

Vchancelante

que Dieu t’a donnée

Vqui te furent donnés sous le soleil, pendant tous les jours

Và chaque moment de ta vanité

car c’est ta part dans la vie et dans le travail que tu fais sous le soleil.

10 Tout ce que ta main peut faire, fais-le avec ta force

Vpromptement

car il n’y a

Vaura plus ni œuvre, ni intelligence, ni science, ni sagesse, dans le schéol

Vles enfers où tu vas

Vcours.

10 

11 Je me suis tourné

Vtourné ailleurs et j’ai vu sous le soleil que la course n’est pas aux agiles, ni la guerre aux vaillants, ni le pain aux sages, ni la richesse aux intelligents

Vinstruits, ni la faveur aux savants

Vhabiles

car le temps et les accidents les atteignent tous.

11 

M
G S
V

12 Car l’homme ne connaît même pas son heure,

pareil aux oiseaux qui sont pris au piège

comme eux, les enfants des hommes sont enlacés au temps du malheur, quand il fond sur eux tout à coup.

12 

12 L’homme ne connaît pas son heure,

mais pareil aux poissons qui sont pris à l'hameçon et pareil aux oiseaux qui sont saisis au filet,

ainsi sont pris les hommes par l'adversité, quand  tout à coup elle fond sur eux.

12 Parabole de l’homme riche Lc 12,20

Réception

Liturgie

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Musique

9,1–10,20 O Sagesse, cachée dans le mystère

17e s.

Jean-Baptiste Lully (1632-1687), O sapientia in misterio - LWV 77/11

Arlette Steyer, Marie Boyer, Les Arts Florissants, François Fauché, William Christie

© Licence YouTube Standard→, Qo 9,1-10,20

Composition

Ce « petit motet » de Jean-Baptiste Lully est à la louange de la Sagesse éternelle, décrite par l'Ecclésiaste comme « plus grande que la force », et identifiée dans ce motet à la charité du Christ.

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

Plus→