La Bible en ses Traditions

1 Rois 5,9–14

M V
G S

Dieu donna à Salomon de la sagesse et une très grande intelligence

Vaussi la sagesse à Salomon et la prudence en grande abondance

et un cœur large

Vune étendue de cœur comme le sable qui est au bord de la mer.

...

10 La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils d'Orient

VOrientaux et toute la sagesse de l'Égypte.

VÉgyptiens.

10 ...

11 Il était plus sage qu’aucun homme

Vque tous les hommes

plus que 'Éthān le 'Ezrāḥî, plus que 'Émān et Chalkōl et Darda‘, les fils de Māḥôl

Vplus sage qu’Éthan l’Ezrahite [Aethan Ezraita], que Héman, Chalcal et Dorda, les fils de Mahol 

et sa renommée était répandue parmi

Vil était renommé dans toutes les nations d’alentour.

11 ...

12 Il énonça

VSalomon dit aussi trois mille maximes

Vparaboles

et ses chants furent au nombre de mille cinq.

12 ...

13 Il parla des

Vdisserta sur les arbres

depuis le cèdre qui est au Liban jusqu’à l’hysope qui sort de la muraille

il parla

Vtraita aussi des quadrupèdes, des oiseaux, des reptiles et des poissons.

13 ...

14 On venait de tous les peuples pour entendre la sagesse de Salomon

de la part

et d'auprès de tous les rois de la terre qui avaient entendu

Ventendaient parler de sa sagesse.

14 ...

Réception

Mystique

9–14 Salomon magicien et astrologue

Salomon, Maître des sciences occultes ?

La sagesse de Salomon était si grande qu'elle embrassait tous les domaines du savoir, la philosophie, la physique, la biologie, l'astrogie, et même les sciences occultes. Au Ier siècle, dans les Antiquités Juives, Flavius Josèphe reprend l'idée véhiculée dans 1R 5,10  et affirme que la sagesse et la prudence de Salomon surpassent de loin celles des anciens : 

  • Josèphe A.J. livre VIII, chapitre 2, § 42-45 : Tels étaient le jugement et la sagesse dispensés par Dieu à Salomon qu’il surpassait les anciens, et qu’à le comparer même aux Égyptiens qu’on dit les plus intelligents du monde, non seulement sa supériorité n’était pas médiocre, mais on se convainquait qu’elle était éclatante. Il surpassa et vainquit en sagesse ceux qui en ce temps-là étaient réputés chez les Hébreux pour leur pénétration [...]. Il composa aussi mille cinq livres de poèmes et de chants, et trois mille livres de paraboles et de comparaisons. [...] Il n’ignora rien, en effet, de leur histoire naturelle, ne laissa rien inexploré ; il sut raisonner sur tous et montra une science parfaite de leurs propriétés. Dieu lui accorda aussi l’art de combattre les démons pour l’utilité et la guérison des hommes. Comme il avait composé des incantations pour conjurer les maladies, il a laissé des formules d’exorcisme pour enchaîner et chasser les démons, de façon qu’ils ne reviennent plus.

Origène, pour sa part, déclara dans son Commentaire sur Matthieu que « les Juifs sont considérés comme des adeptes de l'adjuration des démons et ils emploient des adjurations en langue hébraïque tirées des livres de Salomon ». Il ne s'agit évidemment pas de la trilogie salomonienne Tradition chrétienne Qo 1,1ss, mais de certains ouvrages d'exorcisme que l'on attribuaient à Salomon. 

D'où vient cette idée ? Quelle était la nature des ouvrages attribués à Salomon ?

Le Sepher ha-Razim, traité de magie angélique apparemment rédigé entre le IIIe et le VIIe siècle en Palestine, évoque d'anciens livres de magie qui aurait été transmis de génération en génération jusqu’à Salomon : 

  • Sef. Razim : Les Livres des Mystères lui furent révélés, et il devint très instruit dans les livres de l'intelligence, et il domina sur tout ce qu'il désirait, sur tous les esprits et les démons qui errent dans le monde, et, grâce à la sagesse de ce livre, il emprisonna et libéra, il envoya et fit venir, il construisit et il prospéra. Car beaucoup de livres étaient plus précieux, plus honorables et plus difficiles qu'aucun d'entre eux.

Ces ouvrages de magie ne sont pas sans rappeler les Cultes à mystères de la Grèce archaïque, ils enseignaient des incantations et des malédictions destinées à exorciser les démons et les esprits. Cette croyance se diffusera au Moyen Âge dans les traditions juive et chrétienne, notamment à travers les commentaires d'Isaac Abravanel sur la Torah, ou les travaux de grands théologiens tels qu'Albert le Grand dans son Speculum astronomiae.

À cette époque, plusieurs grimoires de magie prétendument attribués à Salomon virent le jour :

  • Clavicula Salomonis : Il s'agit d'un grimoire de magie rituelle contenant des instructions sur la préparation des magiciens, ainsi que des invocations, conjurations et exorcismes permettant de commander les esprits et entités surnaturelles.
  • Testament de Salomon : Cet écrit apocryphe et pseudépigraphique raconte comment Salomon aurait construit son Temple en commandant aux démons grâce à un anneau magique que Dieu lui aurait confié.
  • Lemegeton : Aussi appelé La petite clé de Salomon, celui-ci est un traité de magie rituelle composé au XVIIe siècle. Il est notamment célèbre pour sa démonologie détaillée séparée en : Ars Goetia, Ars Theurgia-Goetia, Ars Paulina, Ars Almadel et Ars Notoria.

De même, la littérature rabbinique traitera abondamment de ce sujet. Plusieurs penseurs juifs avanceront l'idée selon laquelle Salomon aurait eu des pouvoirs magiques et des connaissances occultes. Avec la redécouverte du corpus aristotélicien, la place de Salomon sera débattue, Aristote apparaissant comme l'homme le plus érudit de tous les temps. Dans un contexte polémique, une légende juive émergea, faisant de Salomon le magister omnium physicorum, et donc le maître d'Aristote. Selon cette légende, Salomon surpassait Aristote puisqu'il maîtrisait la philosophie naturelle et les sciences occultes. Salomon incarnait la prisca sapientia (sagesse ancienne dont l’ancienneté témoignait de sa vérité).

  • Shavit, An Imaginary Trio, King Salomon, Jesus, and Aristotle p. 12 : « Le philosophe médiéval et kabbaliste Rabbi Moïse ben Naḥman (Naḥmanide, 1194–1270) décrivit Aristote, "que son nom soit effacé", comme un rationaliste obstiné parce qu’il rejetait l’existence des "démons et sorcières" et autres phénomènes similaires, et niait la "spiritualité" — tandis qu’en revanche, la sagesse de Salomon, le plus sage des hommes, incluait la sorcellerie. »
Salomon savant astrologue ? 

Dans les Antiquités Juives, Flavius Josèphe rapporte que les fils de Seth auraient découvert la science des corps célestes et qu'Abraham aurait initié les Égyptiens à l'arithmétique et leur aurait transmis les lois de l'astronomie : 

  • Josèphe A.J.  : « Ils [les descendants de Seth] découvrirent la science des corps célestes et leur disposition ordonnée. » (livre I, chap. 2, § 3) ; « [Abraham] leur enseigna l'arithmétique et leur transmit les lois de l'astronomie, car avant cela, ils ne connaissaient rien de ces sciences. » (livre I, chap. 8, § 2).

C'est donc sous l'égide d'Abraham que se place la connaissance astrologique de Salomon. 

Cette idée prendra forme parmi les Sages juifs, les Hazal (חז״ל), puis au Moyen Âge  sous l'influence d'Abraham Ibn Ezra (1092-1167).

  • Shavit, An Imaginary Trio, King Salomon, Jesus, and Aristotle p. 146 : Abraham Ibn Ezra a trouvé dans les livres de Salomon une connaissance des « lois du ciel » (c'est-à-dire de l'astronomie) : « L'homme d'État, philosophe et commentateur biblique Isaac Abrabanel (1437-1508) a écrit, dans son commentaire sur 1 Rois 3, que Salomon avait excellé dans plusieurs types de connaissances : « et qu'il avait acquis ces connaissances non pas graduellement par induction, mais « merveilleusement », ce qui le rendait supérieur à Aristote et à tous les sages qui l'ont précédé et suivi.