La Bible en ses Traditions

Daniel 14,26–27

M S
G
V

26 ...

26 Et le roi dit : — Je te la donne.

26 ÷ Daniel prit donc de la poix et de la graisse et des poils

et les fit cuire ensemble et en fit des masses

et il les jeta dans la gueule du dragon et le dragon creva.

Et il dit : — Voilà ce que vous vénériez.

27 ...

27 Et Daniel prit de la poix et de la graisse et des poils

et il fit bouillir le tout ensemble et en fit des gâteaux

et il les mit dans la gueule du dragon et les ayant mangés le dragon creva.

Et il dit : — Voyez ce que vous vénériez.

27 ÷ Et lorsque les Babyloniens l’apprirent, ils furent extrêmement indignés et s'étant rassemblés contre le roi ils dirent :

— Le roi est devenu juif 

il a détruit Bel, tué le dragon et massacré les prêtres.

Réception

Arts visuels

1–27 Deux représentations de Daniel devant l'idole Bel L'épisode de Daniel et les prètres de Bel a suscité l'intérêt des plus grands artistes

17e s.

Rembrandt Harmenszoon van Rijn dit Rembrandt (1606-1669), Daniel et Cyrus devant l'idole Bel, (huile sur panneau, 1633), 23,5 x 30,2 cm,

Musée J. Paul Gett, Los Angeles CA (États-Unis) © Domaine public→

Daniel, en retrait dans l'ombre, dévoile peu à peu au roi Cyrus sa crédulité. Voit-on là le premier passage, où le roi, montrant les récipients vides de son sceptre, demande à Daniel : « Bel ne te semble-t-il pas être un dieu vivant ? Ne vois-tu pas tout ce qu’il mange et boit chaque jour ? » (Dn 14,5) ou bien le retour dans le temple après la nuit qui est ici représenté ? La signature de Rembrandt, comme tracée dans la cendre déposée sur le sol sous la table d'offrandes pour exposer la tromperie des prêtres de Bel, et le visage effrayé de ces derniers à l’arrière-plan laissent supposer qu’il s’agit plutôt de la fin de l’épisode.

19e s.

Gustave Doré (1832-1883), Daniel confond les prêtres de Bel (gravure sur bois, 1866)

in → Bible de Tours © Domaine public→

Au centre de la gravure, surplombant ses adversaires, Daniel dénonce l'idole Bel. Son regard orienté vers le haut indique qu'il s'adresse à une autorité, vraisemblablement le roi. Ses mains dirigées vers Bel évoquent le moment où Daniel dit au souverain que son idole est incapable de manger, qu'elle n'est faite que d'argile et d'airain. Gustave Doré a probablement représenté l'instant où, après que Daniel ait dénoncé la tromperie, le roi prend la parole et s'exclame : « — Si vous ne me dites pas qui est celui qui mange ces nourritures, vous mourrez ! ». En arrière-plan, des prêtres inquiets pointent du doigt Bel, tandis que d'autres, en second plan, dénoncent Daniel. Au premier plan, certains prêtres sont abattus. Peut-être se doutent-ils de leur funeste destin. 

26 Variations médiévales sur Daniel tuant le dragon Cette scène maintes fois représentée dans l'iconographie médiévale, apparaît aussi bien dans les bibles elles-mêmes que dans la littérature des « miroirs ».

12e s : Le dragon façon puzzle 

Anonyme (Espagne du nord), Daniel empoisonnant le dragon sacré des Babyloniens devant Cyrus (encres et pigments sur parchemin, 1197), 24 cm x 16,5 cm,

dans la Bible de Pampelune, f. 139v, n°0108, Bibliothèque Municipale→ Amiens,

© CC Initiales→

C'est morcelé, en pièces, que le dragon est présenté dans cette Bible en images. Il n'est pas empoisonné, mais bel et bien découpé en morceaux. Dans la vignette supérieure, on aperçoit Daniel, un bâton de marche à la main, écouter le roi.

Les deux cases sont encadrées par deux inscriptions qui reprennent les versets Dn 14,26-27 de la Vulgate en latin médiéval abrégé : « Tulit [ergo] daniel pice[m] [et] adipe[m] [et] pilof [et] cox[it] parit[er] fec[it]q[ue] maffas» et « [et] dedit i[n] of drachom [et] dirupt[us] e[st] dracho [et] dix[it] ecce que colebaf.».

15e s. : Quand le diable s'invite

Voici une gravure colorée, précédée d'une légende, écrite en français moyen : « Comment Daniel detruit Bel et le dragon au quatorzième chapitre de Daniel. »

Anonyme, Daniel empoisonnant le dragon sacré des Babyloniens (encres et pigments sur papier, 1482), 

dans Julien Macho (trad.) Mirouer de la redempcion de l'umain lignage, f. 370v, Inc. 1043, Bibliothèque Municipale→, Lyon

© CC Initiales→

 Revêtu d'une tunique rouge bordeaux et d'une ceinture, ce Daniel du Bas Moyen Âge s'empresse de jeter dans la gueule du dragon une masse en forme de pierre.

Un indice typologique

En arrière-plan, le prophète semble s'être procuré les ingrédients chez le diable. Serait-ce une licence artistique ?

Dans cette miniature, comme dans les paragraphes qui l'encadrent, un rapprochement est fait entre Daniel empoisonnant le dragon et le diable qui tente Jésus en Mt 4,1-11. En effet, le diable à l'arrière-plan qui concocte la mixture est le même qui a tenté le Christ. Ce parallèle est attesté par la description du jeûne de Jésus qui flanque cette image : 

  • « Le diable voyant que Jésus-Christ ayant faim et voulant tester s'il était dieu le tempta par le péché de gloutonnerie et lui dit : Si tu es le fils de Dieu, dis que ces pierres soient transformées en pain. Jésus répondit : L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toutes les paroles qui procèdent de la bouche de Dieu. Ainsi, Dieu vainquit le diable au péché de gloutonnerie, lequel mystère nous a été figuré par Daniel au temps de Nabuchodonosor en son dieu Bel qui adorait et au dragon aussi. »

Le diable représente le lien qui unit Daniel et Jésus : le premier met à mort les idoles gloutonnes, tandis que le second congédie la tentation par la faim : « Daniel qui détruit les dieux gloutons signifie Jésus-Christ qui confondit le diable qui le tenta de gloutonnerie ». 

La typologie biblique était fréquente au Moyen Âge en général et dans la littérature du miroir en particulier. On retrouve ce même rapprochement dans le Speculum humanae salvationis tchèque.

Anonyme, Daniel et Bel - Daniel empoisonnant le dragon sacré des Babyloniens, (encres et pigments naturels sur parchemin, ca. 1420), 30,9 cm x 21,6 cm,

dans Speculum humanae salvationis, f. 015v, n°III.B.10, Knihovna Národního muzea→ Prague,

© CC Initiales→