La Bible en ses Traditions

Jérémie 5,1–8

M V
G S

Parcourez les rues de Jérusalem et regardez

et informez-vous et cherchez sur ses places

si vous y trouvez un hommeM, s’il en est un pratiquant la justice, cherchant la vérité

Vfidélité, et je lui ferai grâce.

V je lui serai favorable.

...

Mais s'ils disent : — YHWH

V— Le Seigneur est vivant, en cela ils jurent faussement.

...

YHWH

VSeigneur, tes yeux ne [sont]-ils pas [dirigés] vers la vérité ?

Vregardent la fidélité ;

Tu

Vtu les as frappés, et ils n'ont pas éprouvé de la douleur, 

tu les as exterminés, et ils ont refusé d'accepter la correction :

ils ont endurci leurs visages plus que le roc, ils ont refusé de revenir.

...

Et moi, je disais : — Ce sont seulement

Vpeut-être des pauvres, ils sont

V et  stupides,

parce qu’ils ne connaissent pas 

Vignorant la voie de YHWH

Vdu Seigneur, le jugement de leur Dieu ?

...

J'irai donc vers les grands et je leur parlerai

car eux, ils ont connu la voie de YHWH

Vdu Seigneur, le jugement de leur Dieu.

Mais Vvoici de plus ceux-ci tous ensemble ont brisé le joug, ils ont rompu les liens.

...

C’est pourquoi le lion de la forêt les a frappés

le loup de la steppe

Vau soir les dévastera

Va dévastés

la panthère veille devant leurs cités

tous ceux qui en sortent seront déchirés

car leurs transgressions

Vprévarications se sont multipliées

et leurs apostasies

Vaversions se sont renforcées.

...

Pour quelle raison te pardonnerais-je

Vpourrai-je t'être favorable ?

Tes fils m’ont abandonné, et ils ont juré par les non-dieux,

Vdes choses qui ne sont pas des dieux ;

je les ai gavés et ils ont été adultères (maison de la prostituée, qu'ils se fassent des incisions !)

Vet dans la maison de la prostituée ils s'adonnaient à la luxure ;

...

ils étaient des chevaux bien repus, couillus :

Vdes chevaux-amants et des étalons, voilà ce qu'ils sont devenus :

chacun hennissait après la femme de son prochain !

...

Texte

Procédés littéraires

8 des étalons : chacun hennissait (V) INCULTURATION Allusion à la littérature classique ? Le fier grammaticus disciple de Donat qu’est Jérôme, semble ne pas résister au plaisir de nouer des liens entre le texte qu’il compose par sa traduction, et des passages de la grande  littérature latine. L’elocutio (choix des mots) de Jr 5,8 semble ici faire écho à un passage du discours de Cicéron, contre L. Calpurnius Pison, qui l'avait marqué :

  • Jérôme traduit : « Ils sont devenus des chevaux-amants et des étalons (admissarii). Chacun hennissait (hinniebat) après une femme de son prochain »
  • On trouve chez Cicéron : « l’étalon … hennit à son discours » (admissarius iste [...] sic suos sensus uoluptarios omnis incitauit, sic ad illius hanc orationem adhinniuit, ut non magistrum uirtutis sed auctorem libidinis a se illum inuentum arbitraretur : « ainsi ses appétits sensuels se réveillèrent, ainsi, hennit-il à son discours , qu’il sembla avoir trouvé non un maître de vertu, mais un garant de débauche » (Cicéron, In Calpurnium Pisonem Oratio→, 28, notre trad.).  
  • Jérôme In Hieremiam explique, en suivant Aquila, que par l’hébreu mossechim (sic), il faut entendre : trahentes genitalia (traînant les organes génitaux) : il y lit donc le participe hiphil défectueux maʾašikîm d'un verbe lié à ʾešek, testicule (cf. Lv 21,20) soit « couillu » ; alors que la forme massorétique maškîm suppose la conjugaison au part. hiphil d’une racine šākâ, par ailleurs inconnue et à laquelle on donne un sens incertain : lascif, nourri). 

Le choix de l’étalon et du hennissement semble bien provenir du passage sensuel qui avait pu frapper son imagination de jeune homme durant sa formation, et dont il a,  consciemment ou non, coloré la forme littéraire de sa traduction.

Anonyme, Femme tenant des instruments d'écriture (tablette de cire et stylet), (fresque, 1er s. apr. J.-C.), diam. 37,5 cm

Villa di Giulia Felice, Pompéi, Italie, Musée archéologique national de Naples, photo : Carole Raddato © CC-BY-SA-2.0→

 Parfois identifiée comme la célèbre poétesse Sapho, cette femme portant, songeuse, son stylet à ses lèvres — comme en quête du juste mot à écrire sur sa tablette de cire—, n'est-elle pas un beau symbole de la quête d'inspiration des auteurs antiques ?