La Bible en ses Traditions

Jérémie 5,8

M V
G S

ils étaient des chevaux bien repus, couillus :

Vdes chevaux-amants et des étalons, voilà ce qu'ils sont devenus :

chacun hennissait après la femme de son prochain !

...

Texte

Procédés littéraires

8 des étalons : chacun hennissait (V) INCULTURATION Allusion à la littérature classique ? Le fier grammaticus disciple de Donat qu’est Jérôme, semble ne pas résister au plaisir de nouer des liens entre le texte qu’il compose par sa traduction, et des passages de la grande  littérature latine. L’elocutio (choix des mots) de Jr 5,8 semble ici faire écho à un passage du discours de Cicéron, contre L. Calpurnius Pison, qui l'avait marqué :

  • Jérôme traduit : « Ils sont devenus des chevaux-amants et des étalons (admissarii). Chacun hennissait (hinniebat) après une femme de son prochain »
  • On trouve chez Cicéron : « l’étalon … hennit à son discours » (admissarius iste [...] sic suos sensus uoluptarios omnis incitauit, sic ad illius hanc orationem adhinniuit, ut non magistrum uirtutis sed auctorem libidinis a se illum inuentum arbitraretur : « ainsi ses appétits sensuels se réveillèrent, ainsi, hennit-il à son discours , qu’il sembla avoir trouvé non un maître de vertu, mais un garant de débauche » (Cicéron, In Calpurnium Pisonem Oratio→, 28, notre trad.).  
  • Jérôme In Hieremiam explique, en suivant Aquila, que par l’hébreu mossechim (sic), il faut entendre : trahentes genitalia (traînant les organes génitaux) : il y lit donc le participe hiphil défectueux maʾašikîm d'un verbe lié à ʾešek, testicule (cf. Lv 21,20) soit « couillu » ; alors que la forme massorétique maškîm suppose la conjugaison au part. hiphil d’une racine šākâ, par ailleurs inconnue et à laquelle on donne un sens incertain : lascif, nourri). 

Le choix de l’étalon et du hennissement semble bien provenir du passage sensuel qui avait pu frapper son imagination de jeune homme durant sa formation, et dont il a,  consciemment ou non, coloré la forme littéraire de sa traduction.

Anonyme, Femme tenant des instruments d'écriture (tablette de cire et stylet), (fresque, 1er s. apr. J.-C.), diam. 37,5 cm

Villa di Giulia Felice, Pompéi, Italie, Musée archéologique national de Naples, photo : Carole Raddato © CC-BY-SA-2.0→

 Parfois identifiée comme la célèbre poétesse Sapho, cette femme portant, songeuse, son stylet à ses lèvres — comme en quête du juste mot à écrire sur sa tablette de cire—, n'est-elle pas un beau symbole de la quête d'inspiration des auteurs antiques ?