La Bible en ses Traditions

Matthieu 13,8–9

Byz V S TR Nes

D’autres enfin tombèrent sur la terre, la bonne,  

et ils donnaient du fruit  

celui-ci cent  

celui-là soixante

celui-là trente.

1–9 Semeur  Mc 4,3-9 ; Lc 8,5-8 8b Donner du fruit Jn 15,8.16 8c Le centuple Gn 26,12 (récolte d'Isaac) 8cde Produits divers Is 5,10 (petite fructification) ; Is 30,23 (bonne moisson si on se converti)

Que celui qui a des oreilles Byz V S TRpour entendre entende !

9 L'écoute, idéal du sage Dt 6,3ss cf. Mt 11,15 ; 13,18.43 (écoute...) ; Dt 30,14 (… car la Parole est tout près de toi) ;  Ps 78,2; Si 3,29 (le sage médite les paraboles et son rêve est de trouver une oreille qui l’écoute) ; Si 6,18s (Mon fils… comme le laboureur et le semeur cultive la sagesse) ... et du prophète : Is 28,23ss (Écoutez… que fait le laboureur?) ; Ag 1,5s (Réfléchissez : vous avez semé beaucoup et peu engrangé)

Texte

Grammaire

8b ils donnaient du fruit Sémitisme Calque une expression sémitique.

Procédés littéraires

9 oreilles... entendre Tautologie suggérant le double-sens d’écoute (au subjonctif d’ordre, en grec).

Contexte

Intertextualité biblique

9 entende Dans le contexte symbolique de l’entrée en Terre promise, allusion probable au →Šema‘ Yiśrā’ēl.

Réception

Tradition chrétienne

3b–9 texte Év. Thom. 9 contient la parabole entière p.ê. avec des allusions aux rites gnostiques d’élévation de blé vers le ciel; cf. Corp. herm. 14,10; Hippolyte Haer. 5,3.

Propositions de lecture

1–9 Allusions au TaNaKh et un enseignement universel Dans une parabole pleine d’allusions multiples au TaNaKh Références en marge, Jésus redit à ses coreligionnaires à quelle condition la semence/ descendance peut porter du fruit dans la bonne terre/ terre promise Intertextualité biblique Tradition juive. Mais le symbolisme cosmique de cette parabole la rend disponible pour un enseignement religieux universel.

Lecture synoptique

1–9 Outre son style, habituellement plus élégant, Mt soigne plus que Mc (Mc 4,1-20) l’intégration de la parabole et de son « interprétation » en ciselant les parallélismes et en harmonisant systématiquement les nombres et les genres des différents actants (les grains, la pierraille…) dans les deux parties.

Mt et Lc sont d’accord contre Mc sur plusieurs points (construction grammaticale v.4; usage de xêrainô exclusivement pour les végétaux – cf. v.6 –; forme du dit v.9).

Mt et Mc présentent les fructifications dans des ordres inverses.

Contexte

Intertextualité biblique

3b–9 L’obéissance à la Parole Dans cette parabole, Jésus multiplie les allusions aux passages AT faisant de l’obéissance à la Parole la condition d’entrée et de prospérité dans la véritable →Terre promise qu’est le royaume de Dieu Références en marge: dans la ligne du sermon sur la montagne (il a été dit; moi je vous dis), il invite à entendre, comprendre et pratiquer sa parole comme la Torah.  

Milieux de vie

3b–9 exégèse juive traditonnelle Fidèlement à une technique d’enseignement oral traditionnel (plus tard codifiée dans →le PaRDeS), Jésus multiplie les allusions à des textes importants concernant les origines et l’histoire d’Israël, ainsi que ses relations avec Dieu. Références en marge Intertextualité biblique 

Réception

Tradition chrétienne

3b–9 natures humaines Jérôme Comm. Matt.:

  • « Valentin s’appuie sur cette parabole pour justifier son hérésie. Il introduit l’existence de trois natures: la spirituelle, l’animale et la terrestre. Mais ici, il y en a quatre: une le long du chemin, une autre pierreuse, la troisième pleine d’épines, la quatrième étant la bonne terre ».

Texte

Procédés littéraires

4–8 Énumération et ellipse Des catégories de grains sont par ordre croissant d’espérance de vie. Mais les mots "grain" ou "semence" n’apparaissent nulle part!

Réception

Tradition chrétienne

4–8 Collaboration de l'homme Jean Chrysostome est toujours attentif à ce qui souligne la part de collaboration à l’action de Dieu qui revient à l’homme, il se demande ce que devient la semence; 

  • Hom. Matt. 44,3: « Il s’en perd trois parties et il ne s’en sauve qu’une. Mais comment concevoir, me dites-vous, qu’on sème sur des épines, sur des pierres et dans des chemins? Je vous réponds que cela serait ridicule à l’égard d’une semence matérielle qu’on jette sur la terre; mais à l’égard de nos âmes et de la parole de Dieu, c’est une chose qui ne peut être que très louable. On blâmerait très justement un laboureur s’il perdait ainsi sa semence, parce que les pierres ne peuvent devenir de la terre et que les chemins ne peuvent cesser d’être des chemins, ni les épines d’être des épines. Mais il n’en est pas ainsi de nos âmes. Les pierres les plus dures peuvent se changer en une terre très fertile. Les chemins les plus battus peuvent n’être plus foulés aux pieds, ni exposés à tous les passants, mais devenir un champ bien préparé et bien cultivé. Les épines peuvent disparaître pour faire place à la semence, afin que le grain croisse et pousse en haut, sans qu’il trouvé rien qui l’empêche de monter. Si ces changements étaient impossibles, le semeur divin et adorable n’aurait jamais rien semé dans le monde. Et s’ils ne sont pas arrivés dans toutes les âmes, ce n’est point la faute du laboureur, mais de ceux qui n’ont pas voulu se changer. Il a accompli avec un soin entier ce qui dépendait de lui. Si les hommes, au lieu de correspondre à son ouvrage, l’ont au contraire détruit en eux-mêmes, il n’est point responsable de leur perfidie, après qu’il a témoigné tant de bonté et tant d’affection envers les hommes ».

4–8 Don offert indifféremment

  • Jean Chrysostome Hom. Matt. 44,3: « Il n’y a que la quatrième partie de toute la semence qui se sauve, et encore même avec beaucoup d’inégalité et de différence. Jésus-Christ voulait dire par là qu’il offrait indifféremment à toutes les instructions de sa parole. Car comme un laboureur ne choisit point en semant, et ne fait aucun discernement d’une terre d’avec une autre, mais répand sa semence également partout, Jésus-Christ de même, en prêchant, ne faisait point de distinction entre le riche et le pauvre, entre le savant et l’ignorant, entre l’âme ardente et celle qui était lâche et paresseuse. Il semait de même sur tous les cœurs, et il faisait de son côté tout ce qu’il devait faire, quoiqu’il n’ignorât pas quel devait être le succès de son travail ».

Contexte

Textes anciens

8c cent, soixante, trente Rapport de la moisson Selon Varron Rust. 1,44,2, les semailles en Syrie pouvait produire jusqu’au centuple, et d’autres textes l’indiquent aussi: Théophraste Hist. plant. 8,7,4; Strabon Geogr. 15,3,11; Pline Nat. 18,21,94s; Or. sib. 3,263s. Josèphe C. Ap. 1,95 loue la fertilité du sol palestinien. La récolte était d’habitude entre 7,5 et 10 fois le nombre du grain semé. Pour certaines parties de la Palestine, une récolte au centuple n’était même pas une exception.

Intertextualité biblique

8a la terre, la bonne La Terre promise Pour un Juif palestinien du 1er s., la « bonne terre » évoque invinciblement la Terre promise: sur près de 2000 emplois de « terre », on trouve 14 fois seulement l’expression « bonne terre » (h’rç htvh), dont 10 dans Dt, dont 8 dans le testament que Moïse laisse au Peuple dans l’Araba en face de la Terre promise Dt 1-12 (Dt 1,25.35 ; 3,25 ; 4,21s ; 6,18 ; 8,7.10 ; 9,6 ; 11,17). Certes, LXX dit gê agathê et non gê kalê comme Mt et Mc, mais Mt cite souvent un texte mixte. Le parallèle de Lc, évangile très enraciné dans la tradition grecque des Écritures porte bien, lui, agathê.

Réception

Tradition juive

8c cent, soixante, trente récoltes du temps messianique Des passages juifs réfèrent aux très grandes récoltes dans le temps messianique, p.e. b. Ketub. 111b-112a: il faudra un bateau pour transporter une grappe! (cf. 2 Bar. 29,5).

Texte

Critique textuelle

8c cent  | Quatre-vingt-dix (Clément d’Alexandrie Strom. 14,3).

Procédés littéraires

8c cent, soixante, trente Enumération décroissante et chiasme quantitatif avec la précédente enumération des terres. Au centre se rencontrent donc: le meilleur du mauvais et le moins bon du meilleur.

Critique textuelle

9 pour entendre Rejeté dans Nes Procédés littéraires. Nes lit : qui a des oreilles, entende !, rejetant « pour entendre » comme une harmonisation.

Réception

Tradition juive

9 entende Pour apprendre Il s’agit non seulement d’entendre et de comprendre, mais encore d’apprendre. Les enseignants juifs (qui « sèment » la Torah: b. Ber. 63a), exhortaient leurs étudiants à écouter et mémoriser leurs enseignements (Mek. Exod. Piša 1,135s; Sipre Dt. 306,9,1ss); ils méprisaient les auditeurs négligents (’Abot R. Nat. 36a; m. ’Abot 2,8).

Contexte

Textes anciens

9 Même formule en Pap. Oxyrh. 1081 Ia,13s; Ib,8ss.

Réception

Tradition chrétienne

9 entende = obéir

  • Augustin Serm. 17,1: « Il faut écouter avec ces oreilles que demandait le divin Maître, lorsqu’il disait: Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende (Mt 13,9). Assurément, aucun de ceux à qui il adressait ces paroles n’était sourd. Ils avaient tous des oreilles, et très peu avaient des oreilles, parce que tous n’avaient pas les oreilles pour écouter, c’est-à-dire pour obéir ».

Ce sont les oreilles du cœur et non seulement celles du corps qui sont ici concernées. -> sens spirituels