La Bible en ses Traditions

Matthieu 26,27

Byz S TR Nes
V

27 ...

27 Et ayant pris un calice, il rendit grâce, il le leur donna disant :

— Buvez-en tous,

27 La coupe de bénédiction 1Co 10,16 26–29 Jn 6,51-58 Eucharistie  Mc 14,22-25 ; Lc 22,19-20 ; 1Co 11,23-25

Texte

Genres littéraires

26–29 L'eucharistie dans la mythologie comparée L’eucharistie chrétienne pourrait évoquer des parallèles avec la théophagie dans les cultes à mystères : Mithra, Dionysos. v. →Mythe et évangiles

Réception

Islam

26ss Les nourritures descendues du ciel

  • Coran 5,112-115 : Les Apôtres dirent : 'Ô Jésus, fils de Maris ! ton Seigneur peut-il, du ciel, faire descendre sur nous une Table servie ?' Il dit : 'Craignez Dieu, si vous êtes croyants !' Ils dirent : 'Nous voulons en manger et que nos coeurs soient rassurés ; nous voulons être sûrs que tu nous as dit la vérité, et nous trouver parmi les témoins'. Jésus, fils de Marie dit : 'Ô Dieu, notre Seigneur ! Du ciel, fais descendre sur nous une Table servie ! Ce sera pour nous une fête, –pour le premier et pour le dernier d’entre nous– et un signe venu de toi. Pourvois-nous des choses nécessaires à la vie ; tu es le meilleur des dispensateurs de tous les biens'. Dieu dit : "Moi, en vérité, je la fais descendre sur vous, et moi, en vérité, je châtierai d'un châtiment dont je n'ai encore châtié personne dans l'univers celui d'entre vous qui restera incrédule après cela'."

Le miracle de la Table servie, qui donne son nom à la sourate 5 a posé beaucoup de problèmes d'interprétation. Tout d'abord, il est difficile de dire si le miracle doit être rapproché de la Cène ou des épisodes de multiplication des pains (Mt 14,17-22 ; Lc 9,12-17 ; Mc 6,38-44). Une troisième possibilité évoquée par l'exégèse musulmane est de considérer que le miracle de la Table est un miracle de Jésus qui n'est rapporté que par le Coran.

Les commentateurs se sont aussi interrogés sur la question de savoir si la Table est effectivement descendue ou si Jésus a sursis à sa demande ; une telle hésitation provient des versets suivants où Jésus affirme qu'il n'est qu'un homme.

Tradition chrétienne

26ss La « dernière cène »

CITATION

  • Origène  Hom. Jr.  12,2  « ... néanmoins vois aussi le Sauveur monter pour la Pâque dans une grande salle à l'étage, garnie de coussins (Mc 14,15) et ornée, célébrer la fête avec ses disciples [...] et leur dit : Prenez (cf. Mt 26,26), buvez (cf. Mt 26,27). Ceci est mon sang (Mt 26,28) qui est répandu pour vous (Lc 22,20) en rémission des péchés (Mt 26,28). Faites cela, chaque fois que vous boirez, en mémoire de moi (1Co 11,25), et : en vérité je vous le dis, je ne boirai plus de cette coupe jusqu'à ce que je la boive avec vous de nouveau dans le royaume de Dieu (Mt 26,29). »

INTERPRÉTATION

Anamnèse  

L'accomplissement du précepte concerne l'ordre de réitération par lequel la communauté chrétienne célèbre l'eucharistie en mémoire de la Cène. Dans ce passage, le compilateur des CA souligne la distance entre les bienfaits de Dieu et l'action de grâce dont l'homme est capable :

  • Const. ap. 8,12, 35-37 « Nous souvenant donc de ce qu'il a souffert pour nous, nous te rendons grâces, Dieu tout-puissant (Ap 11,17), pas autant que nous le devrions, mais autant que nous le pouvons, et nous accomplissons son précepte. Car la nuit où il fut livré, il prit du pain (1Co 11,23 ; Mt 26,26) dans ses mains saintes et sans tache, il leva les yeux (cf. Mt 14,19) vers toi, son Dieu et Père, il rompit le pain et le donna à ses disciples en disant (Mt 26,26) : Ceci est le mystère de la nouvelle alliance (cf. 1Co 11,25), prenez-en, mangez, ceci est mon corps brisé pour la multitude en rémission des péchés (Mt 26,26.28 : 1Co11,24). De même il remplit la coupe (1Co 11,25) de vin et d'eau, la sanctifia et la leur donna en disant : Buvez-en tous, ceci est mon sang, versé pour la multitude en rémission des péchés (Mt 26,27s) ; faites ceci en mémoire de moi, car chaque fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de ce calice vous annoncez ma mort jusqu'à ce que je vienne (1Co 11,24-26). »

Le pain et le vin, prémices des dons de Dieu sous la nouvelle alliance 

  • Irénée de Lyon Haer. 4,17,5 « À ses disciples aussi, il conseilla d'offrir à Dieu les prémices de ses propres créatures [...] Le pain, qui provient de la création, il le prit, et il rendit grâces, disant : 'Ceci est mon corps'. Et la coupe pareillement, qui provient de la création dont nous sommes, il la déclara son sang et il enseigna qu'elle était l'oblation nouvelle de la nouvelle alliance. C'est cette oblation même que l'Église a reçue des apôtres et que, dans le monde entier, elle offre au Dieu qui nous donne la nourriture, comme prémices des propres dons de Dieu, sous la nouvelle alliance. »

Texte

Vocabulaire

27 il rendit grâces Du grec de l’évangile au vocabulaire chrétien : « eucharistie » « Rendit grâce » traduit le verbe grec eucharisteô qui signifie simplement à l'origine « remercier ». De son substantif eucharistia, "action de grâces" provient le terme "Eucharistie" qui, dans le langage chrétien, est l'un des noms de la sainte Messe. 

Réception

Tradition chrétienne

27ss Buvez-en tous De l'importance de la coupe de vin dans la religion chrétienne

EXÉGÈSE Accomplissement d'une promesse du Christ

La promesse du Christ de boire la coupe nouvelle dans la terre nouvelle avec ses disciples ressuscités :

  • Irénée de Lyon Haer. 5,33,1 « ... lorsqu'il vint à sa Passion, pour annoncer à Abraham et à ceux qui étaient avec lui la bonne nouvelle de l'ouverture de cet héritage, après avoir rendu grâces sur la coupe, en avoir bu et l'avoir donnée à ses disciples, il leur dit : 'Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui va être répandu pour un grand nombre en rémission des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais du fruit de cette vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père' (Mt 26,27ss). Sans aucun doute, c'est dans l'héritage de la terre qu'il le boira, — de cette terre que lui-même renouvellera et rétablira [...] En promettant d'y boire du fruit de la vigne avec ses disciples, il a fait connaître ces deux choses: l'héritage de la terre, en lequel sera bu le fruit nouveau de la vigne, et la résurrection corporelle de ses disciples. Car la chair qui ressuscitera dans une condition nouvelle est aussi celle-là même qui aura part à la coupe nouvelle. »

LITURGIE Institution sacramentale

L'exemple de dignitas rituelle

En dissertant sur la bonne tenue à table, Clément cite en exemple le Logos incarné qui a bu avec dignité et « avec des gestes réfléchis » en particulier lors de la dernière cène :

  • Clément d'Alexandrie Paed. 2,2,32 « Comment croyez-vous que le Seigneur ait bu lorsque, à cause de nous, il est devenu homme ? [...] Car, vous le savez bien, il a pris, lui aussi, du vin; et il était lui aussi un homme; et même, il a béni le vin, en disant : 'Prenez, buvez : ceci est mon sang ; [...] qui a été répandu pour beucoup, en rémission des péchés' (Mt 26,27s) [...] que c'était du vin, ce qu'il avait béni, il l'a montré encore en disant à ses disciples : 'Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu'à ce que je le boive avec vous dans le royaume de mon Père' (Mt 26,29). »
Controverse contre les encrastistes : le vin est nécessaire à la validité du sacrement

Nécessité de mettre du vin dans la coupe pour qu'il y ait consécration :

  • Cyprien de Carthage Ep. 63,9 1-3 « 'Prenant en effet en mains la coupe au jour de sa passion il la bénit et la donna à ses disciples avec ces mots : Buvez tous à cette coupe. Car ceci est le sang de l'Alliance, qui sera répandu pour beaucoup afin que soient remis les péchés. Je vous le déclare, je ne boirai plus de ce produit de la vigne jusqu'à ce jour où j'en boirai avec vous du nouveau dans le royaume de mon Père' (Mt 26,27ss). Dans ce passage, nous constatons que la coupe que le Seigneur a offerte n'était pas d'eau pure et ce qu'il a déclaré être son sang était du vin. Cela rend évident qu'on n'offre pas le sang du Christ s'il n'y a pas de vin dans la coupe, et qu'on ne célèbre pas le sacrifice du Seigneur avec une consécration selon les règles si le sacrifice que nous offrons n'est pas conforme à ce qui s'est passé lors de la Passion. Comment boirons-nous avec le Christ dans le royaume de son Père un vin nouveau tiré du produit de la vigne si dans le sacrifice pour Dieu le Père et le Christ nous n'offrons pas de vin et si nous ne préparons par la coupe selon ce qu'a transmis le Seigneur ? » (309-310).

Arts visuels

26ss Institution de l'Eucharistie

  •  Anonyme, Patène avec la Communion des Apôtres, (argent, dorure et nielle, ca. 565 - 578), 35 x 35 x 3,18 cm, Dumbarton Oaks Museum→, Washington, États-Unis

17e s.

Cène en U

Nicolas Poussin (1594-1665), Les Sept Sacrements I : L' Eucharistie, (huile sur toile, ca. 1636-1640), Collection du duc de Rutland

Fitzwilliam Museum, Cambridge, domaine public © Wikicommons→

En rectangle

Nicolas Poussin (1594-1665), Les Sept Sacrements II : L'Eucharistie, (huile sur toile, 1647), 117 × 178 cm, Collection du duc de Sutherland

National Gallery of Scotland (mise en dépôt), Édimbourg, domaine public © Wikicommons→

Envol 

Nicolas Poussin (1594-1665), Institution de l'Eucharistie, (huile sur toile, 1641), sainte Cène, 325 × 250 cm

Paris, musée du Louvre, salle 19, domaine public © Wikicommons→

18e s.

Art populaire

Art populaire, La Cène (18e s.), cire de Nancy, 44,5 x 57 x 15,5 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

Réception

Arts visuels

26ss Méditation moderne et contemporaine sur l'Eucharistie 

Peinture du 20e s. 

Au comble de la charité... 

George Desvallières (1861-1950), La messe de St Vincent de Paul, « acte capital, flamboyant », (Aquarelle, gouache, crayon et encre, ca. 1929 - 1934), 20,5 x 15 cm

Collection particulière, Paris © Succession Desvallières→

Original de l’illustration page 289 (CR 2271) du livre d’art Monsieur Vincent montrant le saint prêtre au moment de l’élévation de l’hostie pendant sa messe, l’aquarelle est placée, avec neuf autres, dans un passe-partout au début de l’exemplaire no 71 imprimé pour Monsieur Albert Malle.

... un baiser d'amour ...

George Desvallières (1861-1950), Première communion de sainte Thérèse, (Huile sur toile, 1938), 195 x 143 cm

Collection particulière, Paris © Succession Desvallières→

En 1938, alors âgé de 77 ans, Desvallières a commencé ce travail sur sainte Thérèse de Lisieux pour l’illustration du livre d’Henri Ghéon, projet qui n’aboutit pas (CR 2403). Quelques-unes de ses aquarelles furent alors exposées chez Druet en 1938. Le peintre, admiratif de l’humble carmélite de Lisieux, présenta deux grands panneaux au Salon d’automne 1938, qui illustrent les deux rencontres de la sainte avec le Christ, lors de sa première communion représentée sur cette toile, et le jour de sa mort dans Ascension de Sainte Thérèse CR 2418. Avant le salon, Marguerite Desvallières écrivit à sa fille France, l’impression que produisit sur elle cette première communion, « Quant à papa il a fait quelques illustrations mais surtout une assez grande Ste Thérèse de Lisieux au pied d’un Christ que je trouve superbe sous une voûte de roses éclairées par des cierges. » Les deux compositions provoquèreent l’enthousiasme de la critique : « Le grand peintre chrétien Georges [sic] Desvallières s’est consacré cette année à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Une toile infiniment touchante nous montre sa première communion, où le Christ couronné d’épines, à l’expression douloureuse, se penche paternellement sur la petite Sainte ployée à genoux, entourée de roses et d’un buisson de cierges » (Charnage). Goulinat parle de trois panneaux de « la vie ardente de Ste Thérèse » mais remarque surtout que l’artiste « met au service de sa foi toutes les ressources d’idées créatrices dont nous avons souvent vanté la richesse ».

Cette première communion reste l’une des œuvres les plus importantes d’une longue série de méditations de Desvallières sur la carmélite de Lisieux qui l’inspirera jusqu’au seuil de sa vie avec les illustrations du livre Thérèse Martin de Louis Chaigne (1948). Dans ce dernier ouvrage d’art, il reproduira ce « premier baiser d’amour » dont parle Thérèse dans ses écrits, sur l’aquarelle CR 2630 et l’illustration CR 2647.

... jusqu'au cœur de la violence

George Desvallières (1861-1950), Triptyque de la Rédemption, La messe dans la tranchée, détail, (vitrail, 1927), 230 x 140 cm

Panneau de droite du Triptyque de la Rédemption situé sur le mur gauche de la nef, chapelle de l’Ossuaire, Douaumont

© Ponton→

C'est une image de la vie quotidienne du commandant Desvallières sur le front, à la première heure : un prêtre célèbre la messe au milieu des tranchées. C’est le moment central de la cérémonie, celui de la Consécration du pain et du vin. Les fusils sont déposés, les casques retirés et les visages recueillis. Sur la droite, une sentinelle casquée veille.

Pour cette composition, Desvallières reprend un croquis de guerre réalisé sur le front d’Alsace en 1916 (CR 1576) où il a souvent organisé la célébration de l’office.

  • « C’est la messe aux premières lignes ; un prêtre, l’aube et la chasuble jetées sur l’uniforme, élève le calice au-dessus des créneaux ; la pierre de l’autel est posée à même les sacs de terre du parapet ; la tranchée dessine l’amorce d’un boyau où des hommes à l’entrée des sapes suivent l’office. » (Vallery-Radot)

Son élève, Jean Hébert-Stevens, trouve avec son maître les harmonies voulues pour rendre éclatante cette cérémonie au creux d’un boyau. La famille Guéneau de Mussy, amie des Desvallières, a offert ce vitrail et celui du Poilu emmené par deux anges (CR 1860), « In memoriam », « En souvenir » de leur fils François, lieutenant mort lors de l’attaque du Fort de Douaumont le 22 mai 1916.

Le triomphe de l'eucharistie O Salutaris Hostia

George Desvallières (1861-1950), Le triomphe de l'Eucharistie O Salutaris Hostia, (1926)

Église Saint-Jean-Baptiste, Pawtucket (Rhode Island, É.-U.) © Succession Desvallières→

Le programme iconographique déployé par Desvallières occupe quatre grands caissons au plafond de l’église. « Desvallières a représenté le Triomphe de l’Eucharistie - l’Hostie, dans un ostensoir rayonnant, adorée par les anges. - Puis, dans les trois compositions qui se succèdent en descendant la nef : Dieu le Père et le Saint- Esprit, dans leur gloire ; le Christ médiateur, “ inclinant les cieux ” pour venir bénir l’humanité ; les Apôtres, qui symbolisent toute l’Église militante, élevant leurs aspirations vers le Seigneur. »

21e s. 

Art contemporain

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Le Père et le Fils I, (lavis d'encre, 2017), 125 x 142 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 26,26 ; Mc 14,22 ; Lc 22,19 ; Jn 17,1-26 ; Jn 5,19-20 ; Jn 4,34 ; Jn 5,30.36-37 ; Jn 14,6-7 

La composition met en parallèle le Père qui se donne en sa Création, symbolisée ici par la lune ronde qui rappelle l’hostie et le Fils qui se donne en son corps dans le pain consacré. Le Christ est tout entier image du Père, et son pain, c’est de faire la volonté de celui qui l’a envoyé (Jn 4,34).

Cet œil me regarde toujours

François-Xavier de Boissoudy (1966-...), Le Père et le Fils II, (lavis d'encre, 2017), 125 x 142 cm

Coll. part., © Fr-X. de Boissoudy→, Mt 26,26 ; Mc 14,22 ; Lc 22,19 

Comme un œil grand ouvert dans le ciel, le Père préside au sacrifice du Fils. Déjà en bas à droite, la troupe envoyée par les grands prêtres s’avance par les portes de la ville pour venir arrêter Jésus.