La Bible en ses Traditions

Psaumes 137,1–2

M
G S
V

Au bord des fleuves de Babylone

là nous étions assis et pleurions

en nous souvenant de Sion.

...

DE DAVID, DE JÉRÉMIE

Au bord des fleuves de Babylone

là nous nous sommes assis et avons pleuré

en nous souvenant de Sion

1 Les exilés au bord du fleuve Kebar Ez 3,15
M V
G S

Aux saules qui étaient là

nous avions

V avons suspendu nos lyres

Vinstruments de musique.

...

2 Fin de la musique et de la joie Is 24,8 ; Jr 25,10 ; Lm 5,14

Réception

Histoire des traductions

1–9 Traduction poétique at temps de la Réforme.  Dans d'admirables motets, la mélodie officielle de Genève fut utilisée par Goudimel  soit comme un cantus firmus, soit comme un motif donnant lieu à des imitations.

  • Claude Goudimel (vers 1514-1572)-Clément Marot (1496-1544) Pseaumes de David, traduictz par Clement Marot & Theodore de Besze, nouvellement mis en musique à quatre parties par Claude Goudimel, dont le subject se peut chanter en taille, ou en dessus, imprimés en quatre volumes, Paris : Adrian Le Roy & Robert Ballard, 1562. 4 vol. Ps 137  Estans assis aux rives aquatiques. Super flumina Babylonis : « Estans assis aux rives aquatiques De Babylon. Plorions melancoliques, Nous souvenans du pays de Sion ; Et au milieu de l'habitation Où de regrets tant de pleurs espandismes. Aux saules verds nos harpes nous pendismes. —— Lors ceulx qui là, captifs nous emmenerent De les sonner fort nous imponunerent. Et de Syon les chansons reciter : Las dismes nous, qui pourroit inciter Nos trites cueurs à chanter la louange De nostre Dieu en une terre estrange ? —— Or toutefoys. puisse oublier ma dextre L'art de harper, avant qu'on te voye estre lerusalem, hors de mon souvenir : Ma langue puisse à mon palays tenir — Si je t'oublie, et si jamais ay joye, Tant que premier ta delivrance j'oye. »

Liturgie

1 Au bord des fleuves de Babylone Offertoire

« Super flumina »

Traditionnel, Offertoire - Super flumina

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 137,1

Arts visuels

1–9

19e s.

Eugène Delacroix (1798-1863), Les Juifs en exil à Babylone, (huile sur toile, 1838-1847), 221 × 292 cm

Peinture dans la coupole consacrée à la Théologie, bibliothèque du Palais Bourbon, Paris

Domaine public © Wikimedia commons→

Propositions de lecture

1–9 « By the rivers of Babylon »

Vous allez adorer chanter les psaumes sur des airs aussi entraînants

Boney M. est un groupe jamaïco-antillais de disco-pop. Parmi leurs titres les plus célèbres, on compte : Rasputin ou Daddy cool. Et leur carton Rivers of Babylon* n’est autre que le psaume 137 Musique Ps 137,1–5 ! Pour être parfaitement exact, Boney M chante uniquement les 4 premières strophes du psaume en boucle et rajoute 2 phrases !

Nabuchodonosor, une influence historique

Au VIe avant Jésus-Christ, Nabuchodonosor, empereur de Babylonie, assiège Jérusalem. La ville sainte est pillée, détruite et la population est déportée à Babylone. Cet événement est fondamental pour comprendre nombres de textes bibliques qui évoquent l’exil du peuple juif. Les 70 ans qu'ils passèrent à l'étranger marquèrent à jamais la mémoire d'Israël.Ce Psaume 137, chanté par Boney M, fait mémoire de cet exil à Babylone et de la nostalgie du peuple élu éloigné de sa Jérusalem : « Au bord des fleuves de Babylone, là nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion. » Sion est le nom symbolique du site de la ville de Jérusalem.

Babylone : un symbole universel puissant

Au-delà de la destinée juive, cet exil à Babylone marque aussi la culture occidentale et la spiritualité chrétienne. En effet, il devient un symbole de l’état de l’homme éloigné de Dieu. Mais la poésie qui naît de cet exil, comme dans le psaume d'aujourd'hui, maintient la joie au coeur de la tristesse et sa solitude. Comme le dit le père Alexandre Schmemann à propos de ce psaume : « Il est devenu à jamais le chant de l’homme qui réalise son exil loin de Dieu, et, ce faisant, redevient un homme : celui que rien de ce monde déchu ne peut combler, car, par nature et par vocation, il est un pèlerin de l’Absolu. » Alexandre Schmamann, Le grand Carême, Éditions Monastiques, Spiritualité orientale n°13, Abbaye de Bellefontaine, 2011.

Le lien entre l'exil à Babylone et la liturgie du Carême chez les chrétiens

Dans la tradition liturgique orientale, on chante le psaume 137 les trois dimanches qui précèdent le Carême. Tel le Juif au bord des rivières de Babylone, le croyant est ainsi invité à prendre conscience de son exil sur cette Terre, loin de la Jérusalem céleste, à se souvenir des moments de joie de sa vie et à se retourner vers Celui qui en est la source. Ce retournement vers Jérusalem, vers la Patrie Céleste, c’est la metanoïa, mot grec traduit par repentir.

Le mot de la fin

"Un pays lointain : telle est la définition de notre condition humaine que nous devons assumer et faire nôtre, quand nous commençons à marcher vers Dieu. L’homme qui n’a jamais fait cette expérience, ne fût-ce que très brièvement, qui n’a jamais senti qu’il est exilé de Dieu et de la vraie vie, ne comprendra jamais ce qu’est le christianisme. Et celui qui est parfaitement 'chez lui' en ce monde et dans la vie de ce monde, qui n’a jamais été blessé par le désir nostalgique d’une autre réalité, celui-là ne comprendra jamais ce qu’est le repentir." Alexandre Schmemann, Le grand Carême, Éditions Monastiques, Spiritualité orientale n°13, Abbaye de Bellefontaine, 2011, p24.

Musique

1–6 Out of exile (Hors de l'exil)

21e s.

Kris Oelbrandt, OCSO (1972-), Out of exile (Oratorio du printemps op.23), 2011

Marie de Roy, Ensemble Sturm und Klang (dir. Thomas van Haeperen)

© Kris Oelbrandt→, Ps 137,1-6

Composition

Cette Cantate est composée pour le troisième dimanche du carême sur l'exil. Le psaume 137 est le fil conducteur. La cantate se divise en trois parties:

  • (1) v 1-2: musique paisible: la résignation de l'homme en exil, commentée par un texte de Mahmoud Darwish (fragment de « Rien qu'une autre année »);
  • (2) v 3-4: exclamation de fureur contre les occupants;
  • (3) v 5-6: retour de la musique paisible, qui est maintenant l'illustration de la confiance que le peuple d'Israël a en son Dieu; cette partie est commentée par « Lead kindly light »de John Henry Newman et le poème « Ziehende Landschaft » de Hilde Domin.

1 Sur les fleuves de Babylone

16e s.

Giovanni Pierluigi da Palestrina (c. 1525-1594), Super flumina Babylonis, 1581

Choir of Clare College, Cambridge & Timothy Brown

© Licence YouTube standard→, Ps 137,1

Paroles

Super flumina Babylonis illic sedimus et flevimus, cum recordaremur Sion. (Ps 137,1)

Compositeur

Giovanni Pierluigi da Palestrina est un compositeur italien de la Renaissance, reconnu et immensément admiré par tous les musiciens de son temps. Il a su appliquer les réformes du Concile de Trente à la musique sacrée voulant obtenir l'intelligibilité des paroles et une musique en rapport intime avec le texte sacré.

Comparaison des versions

1 V—IUXTA HEBR.

  • Au bord des fleuves de Babylone là nous nous sommes assis et avons pleuré en nous souvenant de Sion.

2 V—IUXTA HEBR.

  • Aux saules qui étaient là nous avons suspendu nos cithares

Musique

1–9 Le psaume 137 a été mis en musique à de très nombreuses reprises.

16e s. : motets

  • le texte latin est utilisé par Palestrina, Tomás Luis de Victoria, Orlando di Lasso, Nicolas Gombert, Luca Marenzio, Philippe de Monte, Costanzo Festa et Antonio Savetta dans des motets pour quatre à huit voix.

17e s.

  • Salomone Rossi (compositeur juif italien): עַל נַהֲרוֹת בָּבֶל, [Al naharot Bavel] chant à quatre voix.
  • Henry de Thier « Du Mont », et Marc-Antoine Charpentier (H. 170) Super flumina Babylonis.

18e s.

  • Michel-Richard de Lalande écrit pour Louis XIV un motet sur ce Ps en latin (S. 13).

19e s.

  • Charles-Valentin Alkan, op. 52 : Super Flumina Babylonis.
  • Guy Ropartz
  • Giuseppe Verdi, dans Nabucco (Nabuchodonosor), opéra en quatre actes tiré de Nabuchodonosor (1836), drame d'Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu, évoque l'épisode biblique de l'esclavage des juifs à Babylone symbolisé par le chœur de la troisième partie, le Va, pensiero des Hébreux auxquels s'identifiait la population milanaise alors sous occupation autrichienne. Cet air célébrissime est tiré du troisième acte : sur les bords de l'Euphrate, les Hébreux, vaincus et prisonniers, se rappellent avec nostalgie et douleur leur chère patrie perdue (chœur : Va, pensiero, sull' ali dorate).

Giuseppe Verdi (1813-1901) Nabucco, Va pensiero, ou « Chœur des esclaves », Livret : Temistocle Solera opéra en quatre actes tiré d'Auguste Anicet-Bourgeois et de Francis Cornu, Nabuchodonosor, drame (1836), Scala de Milan, 1842

Riccardo Muti dir., Chœur et orchestre de l'Opéra de Rome, Italie, théâtre Costanzi, Juillet 2013

© Licence Youtube standard, Ps 137 (136) ; Ez 3,15 ; Lm 3,48 ; Is 24,8 ; Jr 25,10 ; Lm 5,14 ; Jr 51,14 ; Ez 25,12

Paroles 
  • "Va', pensiero, sull'ali dorate; — Va, ti posa sui clivi, sui colli, — ove olezzano tepide e molli — l'aure dolci del suolo natal! — Del Giordano le rive saluta, — di Sionne le torri atterrate… — Oh mia Patria sì bella e perduta! — O membranza sì cara e fatal! — Arpa d'or dei fatidici vati, — perché muta dal salice pendi? —— Le memorie nel petto raccendi, — ci favella del tempo che fu! —  O simile di Solima ai fati, — traggi un suono di crudo lamento; — o t'ispiri il Signore un concento — che ne infonda al patire virtù!"
  • "Va, pensée, sur tes ailes dorées, — Va te poser sur les versants, sur les collines, Où embaume, tiède et suave, — L'air doux de la terre natale ! — Salue les rives du Jourdain, — Les tours renversées de Sion. — O, ma patrie, si belle et perdue ! O souvenir, si cher et funeste ! — Harpe d'or des prophètes du destin, — Pourquoi, pends-tu, muette, aux branches du saule ? — Ravive les souvenirs gravés dans nos coeurs,— Parle-nous du temps passé ! — Rappelle-nous le sort de Solime — Dans une complainte aux tristes accents, — Laisse le Seigneur t'inspirer une harmonie — Qui nous donne la force d'endurer nos souffrances !"

20e s.

  • Harry Patch « By the Rivers of Babylon » pour voix et violon
  • David Amram, air pour soprano.
  • Arvo Pärt utilise le texte allemand : An den Wassern zu Babel saßen wir und weinten, 1976.
  • Stephen Schwartz « On the Willows », chant dans la comédie musicale Godspell
  • William Walton, oratorio Belshazzar's Feast, ouverture.
Musique populaire :
  • The Melodians (groupe jamaïcain), Rivers of Babylon, chanson, reprise par Boney M. dans les années 1970 et par Sublime (groupe rock/reggae), album 40 oz. to Freedom.
  • Matisyahu (chanteur de reggae juif) reprend les v.5-6 pour le chœur dans le single Jerusalem.
  • Fernando Ortega, City of Sorrows, chanson.
  • Don McLeanBabylon et Naomi Shemer, Al naharot Bavel reprennent v.1.
  • En 2015, Will Butler (membre de Arcade Fire) interprète By the waters of Babylon en l'associant à la souffrance des peuples écrasés l'état Islamique, notamment à l'attentat à la culture qu'ont été les événements du musée de Mossoul.