La Bible en ses Traditions

Psaumes 19,1–5

M
G S
V

Au maître de chant

Chant de David.

... 

VERS LA FIN PSAUME DE DAVID

M V
G S

Les cieux racontent la gloire de Dieu

et l’œuvre

Vles œuvres de ses mains le firmament l'annonce

Vannonce,

 ... 

M
G S
V

Le jour crie au jour la louange

la nuit l’apprend à la nuit.

... 

le jour à la journée en profère le verbe

et la nuit à la nuit en indique la science...

Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles 

dont la voix ne soit pas entendue.

... 

Ce ne sont pas des langues ni des discours

dont les voix ne puissent être entendues :

Leur son parcourt toute la terre

leurs accents vont jusqu’aux extrémités du monde

en eux il a dressé une tente pour le soleil.

... 

sur toute la terre s'est propagé leur son

jusqu'aux confins de l'orbe de la terre leurs verbes !

Réception

Liturgie

5.2 Sur toute la terre Graduel

«In omnem terram»

Traditionnel, Graduel — In omnem terram

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 19,5.2 Rm 10,18

8.2 La loi du Seigneur

« Lex Domini »

Introït - Lex Domini

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 19,8.2

15.2 La méditation de mon coeur

« Meditatio »

Introït - Meditatio

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 19,15.2

5 Par toute la terre - Offertoire

« In omnem terram »

Traditionnel, Offertoire - In omnem terram

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 19,5 Rm 10,18

7.2 Au sommet du ciel - Graduel

« A summo cælo »

Traditionnel, Graduel - A summo cælo

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 19,7.2

Paroles

A summo caelo egressio eius, et occursus eius usque ad summum eius.

Au sommet du ciel il prend son départ, et sa course va jusqu’à son sommet.

Comparaison des versions

1 V—IUXTA HEBR.

  • Au vainqueur. Chant de David.

2 V—IUXTA HEBR.

  • Les cieux racontent la gloire de Dieu | et le firmament annonce l’œuvre de sa main.

5 V—IUXTA HEBR.

  • Leur bruit a parcouru toute la terre | leurs paroles jusqu'aux extrémités du monde

4 V—IUXTA HEBR.

  • Ce n'est pas un discours, ce ne sont pas des paroles | quant à eux, leur voix ne soit pas entendue.

Texte

Grammaire

4b dont les voix ne puissent être entendues (V) Sémitisme ? La tournure française bizarre rend une étrangeté de V : quorum non audiantur voces eorum, « dont leurs voix ne s'entendent »

  • En usant à la fois d'un relatif de liaison, nécessairement décliné, et d'un pronom démonstratif de rappel (superfétatoire en latin), V semble calquer un sémitisme conservé par G (hôn ouchi akouontai hai phônai autôn), lequel semble traduire une tournure hébraïque {particule relative (invariable) + nom  + pronom personnel}, laquelle n'apparaît cependant pas dans M ! (Comparaison des versions Ps 19,4).

Est-ce un effet de « style biblique » (mal à propos) ? Y aurait-il eu une autre version hébraïque perdue ? 

  • Jérôme, dans sa propre traduction, semble édulcorer le possible contresens en remplaçant le relatif au génitif par un relatif au datif : Ps. iuxta Hebr. : quibus non audiatur vox eorum, dans une formule qui reste étrange mais qui permet de comprendre la même chose que M, sans trop s'éloigner de V à laquelle les fidèles sont habitués. 

Réception

Arts visuels

2 Les cieux racontent la gloire de Dieu Quand l'artiste prend le relai des cieux

Vitrail contemporain

C’est sur le ciel magnifié de Chalonnes-sur-Loire que donnent les vitraux colorés de l’église Saint-Maurille, réalisés sur commande publique par Pierre Mabille. L’artiste, qui s’est donné comme ligne directrice de toujours travailler avec la même forme ovale, écarte ainsi les surfaces saturées de signes au profit de la seule chromatique — faisant selon ses mots « jouer les possibles de la couleur »

Pierre Mabille (1958, - ), concept, Gilles Rousvoal, maître verrier, Vitrail de l'axe central, (2011-2014),église Saint-Maurille, Chalonnes-sur-Loire (France), Fair use © Photo D.R. Perles de Loire→ 12.03.2016, 

Ici, ce sont des variations de rouge, jaune et bleu qui, frappées par la lumière du jour, pénètrent l’enceinte sacrée et se répandent sur ses murs, son sol :

Vue intérieure de l'église Saint-Maurille, Chalonnes-sur-Loire (France)

Fair use © Photo D.R. Le retour chez Canelle→ 19.10.2017 

Par le truchement de l'artiste, le verbe des cieux envahit l'espace de l'église en un tourbillon de couleur.

Pierre Mabille (1958, - ), concept, Gilles Rousvoal, maître verrier, Vitrail de l'axe central, (2011-2014), église Saint-Maurille, Chalonnes-sur-Loire (France)

Fair use © Photo D.R. Perles de Loire→ 12.03.2016 

Littérature

3.5 verbe  + verbes (V) : FRANÇAIS BIBLIQUE Du Verbe aux verbes et réciproquement Le psalmiste observe une continuité

  • depuis les mystérieux langage et savoir qui émanent comme nécessairement de toute la création (elle les profère, littéralement les éructe, et les indique : Ps 19,3, et les fait entendre en toutes langues :Ps 19,4),
  • jusqu'aux paroles humaines qui s'efforcent de les exprimer : la Loi, concentré des justices, préceptes et  jugements du Seigneur (Ps 19,8-10), mais aussi les dires de son propre poème (eloquiaPs 19,15).

En V, le mot verbum symbolise au mieux cette continuité.

Du latin ...

Le nom verbum, omniprésent dans les Écritures, signifie « mot, énoncé, parole(s) » et beaucoup plus encore. Il assume les significations de dabar et de logos, cristallisant la méditation sur la présence d'un « langage » transcendant avec le Créateur, participé dans la création. Cet usage culmine dans le Nouveau Testament pour désigner le mystère personnel de Jésus-Christ (cf. V—Jn 1,1.14.17).

L'expression verbum Domini, en particulier, crée donc un fil continu de révélation christique, de livre en livre. Pour les scribes latins : elle dénote non seulement les paroles attribuées à Dieu, mais aussi Jésus-Christ comme ce Verbe ultime ; elle connote donc aussi sa prééxistence, dans des proportions et selon des participations difficilement déterminables. De fait, les Pères (Jérôme, Augustin) lisent dans ce psaume tout le mystère du Verbe incarné :

  • depuis sa splendeur comme Verbe engendré du Père dans la Trinité (Augustin : engendrement symbolisé par la course du soleil d'un sommet à un autre sommet Ps 19,7),
  • en passant par son incarnation (conception symbolisée selon Jérôme dans l'installation du tabernacle : Ps 19,6), sa naissance (symbolisée dans la sortie de l'époux hors de la chambre nuptiale), et son ministère (sa course de géant), 
  • jusqu'à la proclamation universelle de son Évangile (Ps 19,5) !

... au français

CNRTL →:

  • En littérature, un verbe peut encore signifier un énoncé, une parole ou une suite de paroles : Paul VerlaineSagesse, (OC. vol. I), Paris : Vanier, 1902 : « Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes » (238).
  • En philosophie, l'analyse du langage depuis l'antiquité grecque distingue entre « verbe intérieur » (espèce de parole sans mot non déterminée entièrement par une langue particulière, conçue par tout esprit qui pense) et « verbe extérieur » (parole exprimée avec des mots). 
  • En théologie, le Verbe est la Parole divine adressée aux hommes, Dieu lui-même incarné en sa deuxième Personne en Jésus-Christ. 

Autant que possible, nous traduisons donc verbum par « verbe », le plus souvent sans majuscule, parfois avec.

Drapeau de la francophonie→ © Domaine public

Arts visuels

3–15 verbe + verbes + dires (V) Du Verbe divin aux mots du psalmiste en passant par la Loi  Les artistes visuels peuvent aider à se représenter les diverses participations au v/Verbe évoquées dans ce psaume.

Le psalmiste est saisi par la présence océanique d'un « Verbe » transcendant tout mot au cœur d'un cosmos qui semble « empli par la sonorité d'une phrase non prononcée » (Paul Claudel, L'œil écoute) (Ps 19,3).

Il discerne dans les signes naturels autant de « verbes » (Ps 19,4) qui proclament la gloire du Créateur comparé au soleil source de toute lumière, avant d'en rapprocher la Loi elle-même (Ps 19,8), éblouissante et fécondante comme l'astre du jour : en la gardant, le poète peut à son tour prononcer des mots pleins de grâce (Ps 19,15).

Le Verbe qui transcende toute sa création

est représenté dans nombre de cycles anciens sur récits de création, sous les traits du Verbe créateur (incarné en Jésus) dominant l'univers qu'il a créé et qu'il maintient dans l'existence en le bénissant.

Giusto de' Menabuoi (1330-1390), La création, (fresque, ca. 1376-1378)

Baptistère du Duomo de Padoue, Italie © Domaine public→ 

Le Verbe qui « prononce » ses verbes dans toute la création

Son « langage » est ici symbolisé dans le compas d'architecte : Dieu a créé l'univers selon des principes géométriques et harmoniques ; découvrir a posteriori ces principes, par la contemplation artistique autant que par la science, c'est se réjouir d'entendre Dieu.

Anonyme, Dieu l'architecte de l'univers, (détrempe sur parchemin, 1220-1230), 34.4 x 26 cm, enluminure en frontispice d'une bible moralisée

Codex Vindobonensis 2554, f.1v., Bibliothèque nationale Vienne, Autriche © Domaine public→ 

Inscription en ancien français : « Ici crie Dex ciel et terre, soleil et lune et toz elemenz ». 

Le Verbe qui reste présent à toutes ses créatures

Pietro di Pucci da Orvieto (?, floruit 1357-1391), Cosmographie : l'univers soutenu par Dieu avec les signes des planètes, (fresque, 1389-1391)

galerie nord, Camposanto Monumentale, Pise (Italie) © Domaine public→, Col 1,15-20

La composition de Pietro di Pucci da Orvieto représente la « création continuée » : à la fois l'origine de l'univers et sa dépendance constante à l'égard du Verbe créateur tout-puissant. Une figure colossale de la Divinité avec traits du Christ, Verbe incarné, tient un cosmos circulaire, le tout inscrit dans un cadre carré.

Les deux penseurs qui se tiennent sous l'univers, Augustin à g. et Thomas d'Aquin à dr. représentent, d'une certaine façon, tous ceux qui ont prolongé à travers les âges l'admiration du psalmiste pour l'œuvre du Verbe. Avant même Col 1,17, Philon d’Alexandrie Quis rerum divinarum heres sit 188 enseignait que « Le Logos du Dieu vivant est le lien de toute chose, qui maintient toutes choses ensemble et lie toutes les parties, et les empêche de se dissoudre et de se séparer… le Logos, qui relie et attache chaque chose, est particulièrement particulier. se remplit de lui-même, n’ayant besoin d’aucune chose au-delà. »

La Loi comme incorporation du Verbe

Retrouvant l'inspiration du psalmiste qui rapproche la Loi écrite et le Verbe manifesté dans le cosmos, des imagiers contemporain (chrétiens littéralistes ?), se plaisent à représenter le Livre lui-même

  • comme un précipité de toute l'intelligibilité répandue dans le cosmos (ici symbolisée par des chiffres et des lettres) 

Anonyme, Book Opened with Blue Light, (photographie numérique) © Domaine public→ 

  • ou encore comme un élément cosmique, tel le soleil levant dardant ses rayons :

Jeff Jacobs, Bible Light Jesus, (photographie numérique, 2019) © Content Licence→ Pixabay→ 

Tradition chrétienne

2–15 Les cieux racontent la gloire de Dieu Quand science, art et théologie dialoguent ... Jean Kepler, astronome du début du 17e s., est souvent associé au Psaume 19 en raison de ses profondes croyances religieuses et de sa passion pour l'astronomie. Le Psaume 19, qui commence par « Les cieux racontent la gloire de Dieu; et l'étendue manifeste l'œuvre de ses mains », a une résonance particulière dans le travail de Kepler, qui voyait dans l'ordre et la beauté de l'univers une expression de la divine providence.

Johannes Kepler (1571–1630), Page de titre de Mysterium Cosmographicum (éd. 1600) © Domaine public→ 

Dans son œuvre Le Mystère du Monde (Mysterium Cosmographicum en latin), publiée en 1596, Kepler tente d'expliquer la structure harmonieuse de l'univers à travers des principes géométriques et mathématiques. Il y expose sa célèbre théorie des polyèdres, selon laquelle les orbites des planètes connues à son époque pourraient être inscrites et circonscrites par des solides géométriques réguliers. Kepler voyait cette harmonie comme une preuve de la conception divine, reflétant les idées exprimées dans le Psaume 19 sur la manifestation de la gloire de Dieu dans l'ordre naturel de l'univers.

Johannes Kepler (1571–1630), Planche des solides platoniques (gravure, 1597), illustration, dans Prodromus dissertationvm cosmographicarvm→, continens mysterivm cosmographicvm de admirabili proportione orbium coelestium Deque causis coelorum numeri, magnitudinis, motuumque periodicorum genuinis & propiis, demonstratum per quinque regularia corpora geometrica (1Tübingen, 1596), Francfort : Erasme Kempfer - Godefroid Tampach, 1621 © Domaine public→ 

Bien que les idées de Kepler dans le Mysterium Cosmographicum aient été ultérieurement remplacées par ses lois du mouvement planétaire, l'ouvrage reste significatif pour son mélange de rigueur scientifique et de contemplation théologique, incarnant la conviction de Kepler que la science était un moyen de comprendre et d'apprécier l'œuvre de Dieu. Pour Kepler, l'étude de l'astronomie n'était pas seulement une enquête scientifique, mais aussi une forme de vénération religieuse.