La Bible en ses Traditions

Psaumes 19,4

M
G S
V

Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles 

dont la voix ne soit pas entendue.

... 

Ce ne sont pas des langues ni des discours

dont les voix ne puissent être entendues :

Réception

Musique

1–5 Les cieux racontent la gloire de Dieu

18e s.

William Boyce (1711-1779), The heavens declare the glory of God, 1790

Barry Rose, Guildford Cathedral Choir, Gavin Williams (organ)

© License YouTube Standard→, Ps 19,1-5

Paroles

The heavens declare the glory of God: and the firmament sheweth his handywork. One day telleth another: and one night certifieth another. There is neither speech nor language: but their voices are heard among them. Their sound is gone out into all lands: and their words into the ends of the world. In them hath he set a tabernacle for the sun: which cometh forth as a bridegroom out of his chamber, and rejoiceth as a giant to run his course. Great and marvellous are thy works, Lord God Almighty; just and true are thy ways, thou King of saints. Thou art worthy, O Lord, to receive glory and honour and power: for thou hast created all things, and for thy pleasure they are and were created.

Compositeur

Organiste, compositeur et éditeur de musique anglais, William Boyce passa toute sa vie à Londres ; chantre, puis élève de l'organiste Maurice Greene à la cathédrale Saint-Paul, il est ensuite organiste dans diverses églises de la ville. Ses œuvres instrumentales les plus connues sont les Douze sonates pour deux violons, avec basse pour violoncelle ou clavecin (vers 1745), qui devinrent très populaires et furent utilisées comme musiques de scène au théâtre, et ses huit Symphonies (1750-1760).

Comparaison des versions

4 V—IUXTA HEBR.

  • Ce n'est pas un discours, ce ne sont pas des paroles | quant à eux, leur voix ne soit pas entendue.

Texte

Grammaire

4b dont les voix ne puissent être entendues (V) Sémitisme ? La tournure française bizarre rend une étrangeté de V : quorum non audiantur voces eorum, « dont leurs voix ne s'entendent »

  • En usant à la fois d'un relatif de liaison, nécessairement décliné, et d'un pronom démonstratif de rappel (superfétatoire en latin), V semble calquer un sémitisme conservé par G (hôn ouchi akouontai hai phônai autôn), lequel semble traduire une tournure hébraïque {particule relative (invariable) + nom  + pronom personnel}, laquelle n'apparaît cependant pas dans M ! (Comparaison des versions Ps 19,4).

Est-ce un effet de « style biblique » (mal à propos) ? Y aurait-il eu une autre version hébraïque perdue ? 

  • Jérôme, dans sa propre traduction, semble édulcorer le possible contresens en remplaçant le relatif au génitif par un relatif au datif : Ps. iuxta Hebr. : quibus non audiatur vox eorum, dans une formule qui reste étrange mais qui permet de comprendre la même chose que M, sans trop s'éloigner de V à laquelle les fidèles sont habitués. 

Réception

Arts visuels

3–15 verbe + verbes + dires (V) Du Verbe divin aux mots du psalmiste en passant par la Loi  Les artistes visuels peuvent aider à se représenter les diverses participations au v/Verbe évoquées dans ce psaume.

Le psalmiste est saisi par la présence océanique d'un « Verbe » transcendant tout mot au cœur d'un cosmos qui semble « empli par la sonorité d'une phrase non prononcée » (Paul Claudel, L'œil écoute) (Ps 19,3).

Il discerne dans les signes naturels autant de « verbes » (Ps 19,4) qui proclament la gloire du Créateur comparé au soleil source de toute lumière, avant d'en rapprocher la Loi elle-même (Ps 19,8), éblouissante et fécondante comme l'astre du jour : en la gardant, le poète peut à son tour prononcer des mots pleins de grâce (Ps 19,15).

Le Verbe qui transcende toute sa création

est représenté dans nombre de cycles anciens sur récits de création, sous les traits du Verbe créateur (incarné en Jésus) dominant l'univers qu'il a créé et qu'il maintient dans l'existence en le bénissant.

Giusto de' Menabuoi (1330-1390), La création, (fresque, ca. 1376-1378)

Baptistère du Duomo de Padoue, Italie © Domaine public→ 

Le Verbe qui « prononce » ses verbes dans toute la création

Son « langage » est ici symbolisé dans le compas d'architecte : Dieu a créé l'univers selon des principes géométriques et harmoniques ; découvrir a posteriori ces principes, par la contemplation artistique autant que par la science, c'est se réjouir d'entendre Dieu.

Anonyme, Dieu l'architecte de l'univers, (détrempe sur parchemin, 1220-1230), 34.4 x 26 cm, enluminure en frontispice d'une bible moralisée

Codex Vindobonensis 2554, f.1v., Bibliothèque nationale Vienne, Autriche © Domaine public→ 

Inscription en ancien français : « Ici crie Dex ciel et terre, soleil et lune et toz elemenz ». 

Le Verbe qui reste présent à toutes ses créatures

Pietro di Pucci da Orvieto (?, floruit 1357-1391), Cosmographie : l'univers soutenu par Dieu avec les signes des planètes, (fresque, 1389-1391)

galerie nord, Camposanto Monumentale, Pise (Italie) © Domaine public→, Col 1,15-20

La composition de Pietro di Pucci da Orvieto représente la « création continuée » : à la fois l'origine de l'univers et sa dépendance constante à l'égard du Verbe créateur tout-puissant. Une figure colossale de la Divinité avec traits du Christ, Verbe incarné, tient un cosmos circulaire, le tout inscrit dans un cadre carré.

Les deux penseurs qui se tiennent sous l'univers, Augustin à g. et Thomas d'Aquin à dr. représentent, d'une certaine façon, tous ceux qui ont prolongé à travers les âges l'admiration du psalmiste pour l'œuvre du Verbe. Avant même Col 1,17, Philon d’Alexandrie Quis rerum divinarum heres sit 188 enseignait que « Le Logos du Dieu vivant est le lien de toute chose, qui maintient toutes choses ensemble et lie toutes les parties, et les empêche de se dissoudre et de se séparer… le Logos, qui relie et attache chaque chose, est particulièrement particulier. se remplit de lui-même, n’ayant besoin d’aucune chose au-delà. »

La Loi comme incorporation du Verbe

Retrouvant l'inspiration du psalmiste qui rapproche la Loi écrite et le Verbe manifesté dans le cosmos, des imagiers contemporain (chrétiens littéralistes ?), se plaisent à représenter le Livre lui-même

  • comme un précipité de toute l'intelligibilité répandue dans le cosmos (ici symbolisée par des chiffres et des lettres) 

Anonyme, Book Opened with Blue Light, (photographie numérique) © Domaine public→ 

  • ou encore comme un élément cosmique, tel le soleil levant dardant ses rayons :

Jeff Jacobs, Bible Light Jesus, (photographie numérique, 2019) © Content Licence→ Pixabay→ 

Tradition chrétienne

2–15 Les cieux racontent la gloire de Dieu Quand science, art et théologie dialoguent ... Jean Kepler, astronome du début du 17e s., est souvent associé au Psaume 19 en raison de ses profondes croyances religieuses et de sa passion pour l'astronomie. Le Psaume 19, qui commence par « Les cieux racontent la gloire de Dieu; et l'étendue manifeste l'œuvre de ses mains », a une résonance particulière dans le travail de Kepler, qui voyait dans l'ordre et la beauté de l'univers une expression de la divine providence.

Johannes Kepler (1571–1630), Page de titre de Mysterium Cosmographicum (éd. 1600) © Domaine public→ 

Dans son œuvre Le Mystère du Monde (Mysterium Cosmographicum en latin), publiée en 1596, Kepler tente d'expliquer la structure harmonieuse de l'univers à travers des principes géométriques et mathématiques. Il y expose sa célèbre théorie des polyèdres, selon laquelle les orbites des planètes connues à son époque pourraient être inscrites et circonscrites par des solides géométriques réguliers. Kepler voyait cette harmonie comme une preuve de la conception divine, reflétant les idées exprimées dans le Psaume 19 sur la manifestation de la gloire de Dieu dans l'ordre naturel de l'univers.

Johannes Kepler (1571–1630), Planche des solides platoniques (gravure, 1597), illustration, dans Prodromus dissertationvm cosmographicarvm→, continens mysterivm cosmographicvm de admirabili proportione orbium coelestium Deque causis coelorum numeri, magnitudinis, motuumque periodicorum genuinis & propiis, demonstratum per quinque regularia corpora geometrica (1Tübingen, 1596), Francfort : Erasme Kempfer - Godefroid Tampach, 1621 © Domaine public→ 

Bien que les idées de Kepler dans le Mysterium Cosmographicum aient été ultérieurement remplacées par ses lois du mouvement planétaire, l'ouvrage reste significatif pour son mélange de rigueur scientifique et de contemplation théologique, incarnant la conviction de Kepler que la science était un moyen de comprendre et d'apprécier l'œuvre de Dieu. Pour Kepler, l'étude de l'astronomie n'était pas seulement une enquête scientifique, mais aussi une forme de vénération religieuse.