La Bible en ses Traditions

Ecclésiaste 4,7–12

M V
G S

Je me suis tourné et

VEn réfléchissant, j’ai vu

Vtrouvé encore une autre vanité sous le soleil :

M G S
V

Soit quelqu’un de seul, et qui n'a pas de successeur, même de fils ou de frère, il n’y en a pas pour lui

Gmême un fils et même un frère, il n’y en a pas pour lui ;

M G Sil n’y a pas de fin à toute sa peine ; M G Smême son œil ne se rassasie pas de richesses.

Alors, pour qui, moi, est-ce que je peine et prive mon être-de-désir de bonheur ?

Ceci aussi est absurdité et un souci mauvais cela.

Soit quelqu’un de seul, et qui n'a pas de successeur, ni fils, ni frère

et cependant il ne cesse de travailler et ses yeux ne se rassasient pas de richesses

et il ne réfléchit pas, disant : — Pour qui donc est-ce que je peine et prive mon âme de biens ?

En cela aussi il y a vanité et souffrance ultime.

8 Pour qui donc ? Ps 39,7
M G
V
S

Mieux vaut être deux que seul, car il y a pour eux

Gpour eux, il y a un bon salaire dans leur peine. 

Il est donc meilleur d'être deux ensemble que [tout] seul, car ils tirent avantage de leur société.

...

9 Mieux à deux Gn 2,18 ; Lc 10,1
M S
G
V

10 Oui, s’ils tombent, l’un relève son compagnon.

Mais malheur à celui qui est seul et qui tombe et qui n’a pas de second pour le relever !

10  ...

10 Si l'un tombe il sera soutenu par l'autre

Malheur au solitaire car, quand il sera tombé, il n'a personne pour le relever !

M G S
V

11  De même, s’ils couchent à deux, alors il fait chaud pour eux

Get il y a de la chaleur pour eux

Salors il ont chaud, mais pour celui qui est seul, comment aura-t-il chaud ? 

11 Et si deux dorment ensemble, ils se réchauffent l'un l'autre mais [l'homme] seul, comment aurait-il chaud ?

12  Et si un homme peut maîtriser celui qui est seul

GEt si celui qui est seul est dominé

SEt si est attaqué un seul, deux tiennent devant lui,

et la corde triplée ne se rompt pas avec rapidité. 

12  Et si quelqu'un s'impose contre l'un, les deux lui résisteront :

le fil triplé rompt difficilement.

Réception

Liturgie

1,1–12,14 Liturgie synagogale : une des lectures principales de la fête de Sukkoth (Tentes)

CALENDRIER — LECTIONNAIRE

La lecture du Livre de Qohelet au cours de l'office du matin du sabbat de hol hamoëd (« [période] profane du temps fixé » : période de quelques jours mi-chômés entre le début et la fin de la fête de Pâque et de la fête ddes Tentes), ou du premier jour de la fête, si le 15 tishre est un sabbat, est une institution rabbinique tardive visant à maintenir les manifestations de joie à un seuil raisonnable. Les discussions sur la vanité de l'existence et le rappel que l'homme rendra compte de tous ses actes devant Dieu viennent tempérer l'allégresse. Arts visuels Qo 1,1–12,14 

Musique

1–17 J'ai vu toutes les oppressions

19e s.

Johannes Brahms (1833-1897), 4 Ernste Gesänge, Op.121 - 2. Ich wandte mich und sahe, 1896

Thomas Quasthoff (piano)

© Licence YouTube Standard→, Qo 4,1-17

Composition

Brahms composa ce deuxième des quatre chants sérieux sur la phrase de l'Ecclésiaste: « J'ai vu toutes les oppressions ». Ce lied romantique poursuit sa méditation musicale sur la mort et la vanité du temps, l'année de la mort de son amie Clara Schumann.

Liturgie

1,1–14,14 SYNAGOGUE Lecture juive à Sûkkôt De nos jours, à la synagogue, de nombreux Juifs lisent Qohélet (l'Ecclésiaste) à la fête des Huttes (Sûkkôt).  Le choix de ce livre vient de ce que cette fête célèbre dans la joie (Musique) le souvenir des huttes où Dieu avait fait habiter son peuple après la sortie d’Égypte et du fait que Qo est censé faire la promotion de la joie (Qo 2,24ss ; 3,12.22 ; 5,17ss ; etc.).

  • L’habitude de lire Qo à Sûkkôt est toutefois tardive (10-11e s.), puisqu’elle n’est même pas signalée dans la liste que dresse le traité post-talmudique intitulé Mas. sôperîm 14,3 qui énumère les lectures des différents rouleaux lors des fêtes juives (254-255).

Peut-être peut-on aussi voir dans les tentes, les Sûkkôt que construisent les Juifs pour cette fête, et dans laquelle ils vivent durant plusieurs jours, un vivant symbole et un rappel liturgique de la fragilité du séjour de l'homme sur la terre, thème si central dans le livre de Qohélet ? 

Simon Mannweiler, « Sukkah in Mea Shearim, Jewish ultra-othordox neighbourhood, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

Le temps de la fête, pieds des immeubles et balcons se transforment, avec des planches, en résidences plus frêles, où revivre l'expérience de la liberté et de la joie des nomades au désert ...

Simon Mannweiler, « Sukkah near Western Wall in Jewish Quarter, Jerusalem », (photographie numérique, 2008)

© CC BY-SA 4.0→

La proximité des éphémères constructions de Sukkot et du mur occidental, vestige du Temple résidence du Nom sur la terre, donne à méditer, dans l'esprit de l'Ecclésiaste, sur ce qui est stable et sur ce qui passe, dans la relation entre l'homme et Dieu...

Tradition chrétienne

1,1–12,14 Questions sur l’inspiration du livre (Séminaire des Sources Chrétiennes — HiSoMA→)

Inspiration et caractère prophétique

Qo a fait l’objet d’un nombre appréciable de commentaires, d’homélies et de citations chez les auteurs patristiques, qui reconnaissaient généralement le caractère inspiré, et même prophétique, du livre.

  • Grégoire le Thaumaturge Metaphr. Eccl.1,1, à l’instar de la tradition juive, affirme que l’auteur du livre est non seulement un roi et un sage, mais aussi un prophète ; il est même « le roi le plus honoré et le prophète le plus sage des êtres humains » (SBLSCS 29,7).

Le mot rêmata, « paroles » (Qo 1,1), amène en particulier des réflexions sur l’inspiration de l’Esprit Saint et le caractère prophétique de l’Ecclésiaste, par exemple

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 7,9-14 : « À proprement parler, dans les Écritures inspirées, l’auteur, c’est l’Esprit qui souffle ce qui est à dire ; mais il est secondé par un sage. Car ce n’est pas l’Esprit qui grave invisiblement les lettres et qui met les mots, mais il les inspire à une âme. Ou bien c’est Salomon lui-même qui écrit cela, ou bien ce sont des sages qui ont écrit cela. C’est peut-être cette hypothèse que nous préférons, pour qu’on ne pense pas que celui qui parle, parle de lui-même. Donc ce sont donc des paroles (rêmata) au lieu de discours (logoi) de l’Ecclésiaste ; car de diverses manières, les paroles sont saisies à travers des discours » (PTA 25,16-18, trad. B. Meunier).

La question des locuteurs

Le caractère déroutant de certaines affirmations a de fait conduit certains exégètes à les interpréter comme dites au nom d’autres personnes.

  • Olympiodore le Diacre Comm. Eccl. « Il faut savoir aussi que le sage Ecclésiaste parle tantôt en son propre nom, tantôt en celui d’une personne que ce monde déconcerte » (éd. Boli, 1).

Selon plusieurs, Salomon aurait donc rapporté dans son livre maintes doctrines impies ou hérétiques afin de les combattre. Par exemple :

Cela peut conduire à élargir le propos à toute l’Église, sans remettre en question le bien-fondé des affirmations :

  • Didyme d'Alexandrie Comm. Eccl. 9,30-32 : « Il ne faut pas attribuer à un seul et même personnage tout ce qui est annoncé dans ce livre, mais à toute la foule de l’Église dans son ensemble » (PTA 25,34).

Méfiances à l’égard de Qo

Les témoignages de rejet ou de prudence vis-à-vis du livre sont assez rares :

  • Philastre Haer.,134, évêque de Brescia, rappelle, dès la seconde moitié du 4e s., que certains hérétiques rejettent le livre de l’Ecclésiaste (PL 12,1265).
  • Théodore de Mopsueste Actes du 5e concile œcuménique, cité dans les Actes du 5e concile œcuménique, de l’Église syriaque, dont l’œuvre a presque entièrement disparu à cause de sa condamnation au Concile de Constantinople en 553, attribue une inspiration de degré inférieur au livre de Qo, mais sans proposer pour autant son exclusion formelle du canon (Zaharopoulos 1989, 33).
  • Giannozzo Manetti De dignitate et excellentia hominis (1452), grand humaniste chrétien, cite Qo dans sa liste noire au 15e s. et seul le respect du canon des Écritures le retient de condamner ce livre au feu (de Lubac 1974, 236).

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