La Bible en ses Traditions

Ecclésiastique 51,8–9

G
V
S

Et je me suis souvenu de ta miséricorde Seigneur

et de ton œuvre de toute éternité

parce que tu sauves ceux qui espérent en toi

et que tu les délivres des mains des ennemis.

Mon âme a loué le Seigneur jusqu’à la mort

...

8a je me suis souvenu Jon 2,8

Et je fis monter de la terre ma supplication

et je priai pour la délivrance de la mort.

et ma vie était proche de l’enfer en bas.

...

9b (héb. 9b) des portes du shéol Is 38,10 ; Sg 16,13

Réception

Tradition chrétienne

1–30 Le premier commentaire chrétien sur le livre de Ben Sira est le commentaire édifiant de Raban Maur, évêque de Mayence au 9e s. (Comm. Eccl.). 

Liturgie

1–8 Lectionnaire sanctoral romain : victoire du martyr

  • 7 août : Première lecture pour la fête de saint Sixte II, pape, et ses compagnons, martyrs en 258.

Texte

Vocabulaire

9b la délivrance Sens exceptionnel G : ruseôs ; hapax dans toute la langue grecque (sauf une occurrence dans une inscription trouvée sur l’île de Kos) au sens de « délivrance » (du verbe ruomai « délivrer »). Le sens habituel du substantif rusis est « écoulement ».

Grammaire

8cd : Il (héb.) w explicatif ms.B : wyg’lm, rendu par nos deux points ( : ).

Réception

Comparaison des versions

8–12 Cadre énonciatif À partir du v.8, l'héb. et S désignent le Seigneur à la 3e pers. du sg., tandis que G et V, conservant le système d’énonciation précédent, continuent de lui adresser le discours à la 2e pers., sauf aux v.10a et v.12d.

Contexte

Milieux de vie

1–12 Anthropologie Les mentions « ma vie », « mon âme », « ma chair », « mon pied » n’impliquent pas une anthropologie dualiste. C’est la personne même de Ben Sira qui est sauvée de la mort, comme l’atteste le pronom personnel 1e pers. sg. (les expressions « tu m’as libéré », « tu m’as protégé », « tu m’as sauvé »). Au v.6 « mon âme » et « ma vie » sont parallèles. 

Propositions de lecture

1–12 Action de grâces au terme d'une terrible épreuve

Argument général

Ben Sira rend grâces au Seigneur qui, d’une véritable descente aux enfers, l’a fait remonter à la vie. Une calomnie l’avait mis en péril (v.1-7 décrivent les dangers dont le Seigneur l’a délivré ; v.8-12 rendent grâces au Seigneur sauveur). Il montre que son enseignement de Si 2 est fondé sur sa propre expérience, autant que sur celle des aïeux, tels Josué (Si 46,5), Samuel (Si 46,16-18) et autres.

Variations entre versions

Les coupes observées dans les versions ne sont pas identiques.

  • G et V omettent l’un ou l’autre demi-vers de l'héb.
  • S est plus court : sept demi-vers de moins dans la première partie (v.2cde.4b.5ab.6a). En supprimant toute allusion à la calomnie, S rend cette prière plus générale, utilisable pour toutes actions de grâces individuelles au sortir d’une épreuve mortelle. La seconde partie suit davantage le texte hébreu.

La numérotation des versets en hébreu, grec et latin est différente. La version syriaque suit la numérotation du grec.

Structure : variations dans le cadre d’énonciation

Particulièrement claire en hébreu, la structure littéraire reste ferme dans les versions aussi :

  • Une grande inclusion (vv.1 et v.12) englobe le poème (composé en heb. de deux parties de 10 distiques) dans une action de grâces adressée à Dieu.
  • Première partie : v.1-5 (heb. 50,28c-51,5c) : Ben Sira s’adresse à Dieu à la deuxième personne (« tu »). L'héb. contient 3 strophes de 3 distiques. Au centre de la 2e strophe (héb. 3ab), l’auteur reconnaît l’intervention divine.
  • Pivot : v.6bc-7 (2 distiques) : Le tournant du texte correspond au fond de la descente aux enfers : Dieu y est absent.  Le v.6bc (heb. 6) renvoie aux versets qui précèdent, en particulier les v.1b.2b de l'héb. Le v.7 ouvre les v.8-12 (3 strophes de 3 distiques). 
  • Seconde partie : v.8-12 : La seconde partie parle de Dieu à la 3e pers. dans l'héb. (« il ») — tout en intégrant l’anamnèse d’une prière en « tu » (héb. 10-11ab) — tandis que G et V continuent à la 2e pers. (sauf aux v.10a et v.12d : Comparaison des versions Si 51,8–12). Les v.8-11 font l’anamnèse d’une prière passée et de son exaucement, puis rendent grâces, comme promis. En héb., la strophe centrale de l'action de grâces se trouve en v.10-11b, évocation de la prière prononcée naguère dans la détresse, qui place en son centre une unique demande, négative : « Ne m’abandonne pas » (cf. Ne 9,32). 

Narration : temporalité : analepses et prolepses

  • La prière en héb. couvre tout le cours du temps : elle est passée (sous forme d’anamnèse, v.10-11b), présente (v.1-5) et promise (v.12cd).

Texte

Critique textuelle

1–12 Le texte héb. du ms.B est bien transmis, hormis quelques détails. Propositions de lecture Si 51,1–12

Genres littéraires

1–12 (heb.) Action de grâces individuelle — inversée En commençant par l’action de grâces adressée à Dieu proprement dite, la structure normale de ce genre littéraire (connue surtout par Ps 116 ; 118 ; Is 38,10-20) est inversée. Généralement elle se présente ainsi :

  • elle commence par le récit de la détresse où sombrait le psalmiste, adressé aux témoins ;
  • elle se continue dans un morceau liturgique, adressé directement au Seigneur et rappelant la prière prononcée dans la détresse et la promesse de rendre grâces ;
  • ellese termine avec le psalmiste exécutant sa promesse, remerciant le Seigneur libérateur.

Ben Sira en bouleverse le cadre énonciatif et l'ordre :   

1. Apostrophe au Dieu sauveur (v.1-7)

L’auteur s’adresse d'emblée au Seigneur pour le remercier de l'avoir libéré.

2. Innovation : hésitations énonciatives (v.8-12)

Ben Sira ne s’adresse pas au Seigneur mais plutôt à des tiers, quitte à citer sa prière dans la détresse. En inversant les sections « tu » et « il » (Propositions de lecture Si 51,1–12), Ben Sira opère un choix : non plus une liturgie, mais une action de grâces privée.

3. Psaume de louange (héb. 12a-o)

Le Ps de louange qui suit, quelle que soit l’hypothèse rédactionnelle retenue, rejoint la 2e partie de la structure traditionnelle (cf. Ps 118,29).

Réception

Intertextualité biblique

1–12 Scenario du juste en détresse Bien des citations ou des références à l’Écriture renvoient à des situations de détresse critique et exemplaire : Job, le psalmiste en péril (Ps 25 et autres psaumes de détresse), Jérémie persécuté, Jonas dans le ventre du grand poisson, Sophonie devant le Jour de YHWH, etc. Références en marge

Comparaison des versions

9a ma supplication : G | V : ma demeure En raison de iotacisme, le latin a compris « J’exalterai sur terre ma demeure » (le grec oiketia pour iketeia). 

Intertextualité biblique

8d Il les rédime (héb.) La racine g’l ms.B : wyg’lm ; pour le Dieu-gō’ēl, voir Jb 19,25 ; pour le gō’ēl, Nb 35,12-27.

Tradition chrétienne

8c car tu délivreras ceux qui t’espèrent (V-12a) Citation