La Bible en ses Traditions

Apocalypse 6,1–7,17

Byz V S TR Nes

Et je vis l’Agneau qui ouvrit le premier des sept sceaux

et j’entendis l’un des quatre animaux qui disait comme d’une voix de tonnerre : — Viens et vois !

V Nes— Viens !

TR— Viens, regarde

TR Neset vois ! Et je vis :

et voici un cheval blanc.

Celui qui le montait avait un arc

on lui donna une couronne

et il partit en vainqueur et pour vaincre.

Et quand il eut ouvert le deuxième sceau

j’entendis le deuxième animal qui disait : — Viens !

TR— Viens et regarde !

Et il sortit un autre cheval qui était roux.

Celui qui le montait reçut le pouvoir d’ôter la paix de la terre

afin que les hommes s’égorgeassent les uns les autres

et on lui donna une grande épée.

Et quand il eut ouvert le troisième sceau

j’entendis le troisième animal qui disait : — Viens et vois !

TR— Viens, regarde et vois !

Et voici

Byz S TR Nesje vis paraître un cheval noir.

Et celui qui le montait tenait à la main une balance

et j’entendis au milieu des quatre animaux comme une voix qui disait :

— Une mesure de blé pour un denier !

Trois mesures d’orge pour un denier !

Et : — Ne gâte pas l’huile et le vin !

Et quand il eut ouvert le quatrième sceau

j’entendis la voix du

Byzle quatrième animal qui disait : — Viens et vois !

Nes— Viens !

TR— Viens, regarde

Et

TR Neset vois ! Et je vis paraître

Vvoici  un cheval de couleur verdâtre

Vpâle.

Celui

VEt celui qui le montait se nommait « la Mort »

et l’Enfer le suivait.

On leur donna pouvoir sur la quatrième partie de la terre

pour faire tuer par l’épée, par la famine, par la mortalité et par les bêtes féroces de la terre.

Et quand il eut ouvert le cinquième sceau

je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés

pour la parole

Vle verbe de Dieu et pour le témoignage Byzpour l'Agneau  qu’ils avaient eu à rendre.

10 Et ils crièrent d’une voix forte en disant :

— Jusqu'à quand, maître saint et véritable, ne feras-tu pas justice et ne redemanderas

Vréclameras-tu pas notre sang à ceux qui habitent sur la terre ?

11 Alors on leur donna à chacun une robe blanche

V TRdes robes blanches

et on leur dit de se tenir en repos encore un peu de temps

Byzun temps

jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères qui devaient être mis à mort comme eux.

12 Et je vis quand il eut ouvert le sixième sceau

qu’il se fit un grand tremblement de terre

et le soleil devint noir comme un sac de crin

la lune entière 

TRla lune parut comme du sang

13 et les étoiles du ciel tombèrent vers

Vsur la terre

comme les figues non encore mûres tombent d’un figuier secoué par un gros vent.

Vle figuier projette ses figues encore pas mûres lorsqu'il est secoué par un grand vent. 

14 Et le ciel se retira comme un livre qu’on roule

et toutes les montagnes et les îles furent remuées de leur place.

15 Et les rois de la terre et les grands et les généraux

et les riches et les puissants et tout esclave ou

Vet homme

TRtout homme libre

se cachèrent dans les cavernes et les rochers des montagnes

16 et ils disaient aux montagnes et aux rochers : — Tombez sur nous

et dérobez-nous à la face de celui qui est assis sur le trône et à la colère de l’Agneau

17 car il est venu le grand jour de sa

V Nesleur colère

et qui peut subsister ?

Vtenir ?  

7,1 Après cela, je vis quatre anges qui étaient debout aux quatre coins de la terre

ils retenaient les quatre vents de la terre

afin qu’aucun vent ne soufflât, ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucun arbre.

7,2 Et je vis un autre ange qui montait du côté où le soleil se lève

tenant le sceau du Dieu vivant

et il cria d’une voix forte aux quatre anges à qui il avait été donné de nuire à la terre et à la mer 

7,3 disant :

— Ne faites point de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres

jusqu’à ce que nous ayons marqué du sceau sur le front les serviteurs de notre Dieu.

7,4 Et j’entendis le nombre de ceux qui avaient été marqués du sceau :

cent quarante quatre mille

TR144 mille

de toutes les tribus des enfants d’Israël

7,5 de la tribu de Juda, douze

TR12 mille marqués du sceau

de la tribu de Ruben, douze

TR12 mille

TRmarqués

de la tribu de Gad, douze

TR12 mille

TRmarqués

7,6 de la tribu d’Aser, douze mille

TR12 mille marqués

de la tribu de Nephthali, douze mille 

TR12 mille marqués

de la tribu de Manassé, douze mille 

TR12 mille marqués 

7,7 de la tribu de Simon, douze mille 

TR12 mille marqués

de la tribu de Lévi, douze mille

TR12 mille marqués

de la tribu d’Issachar, douze mille 

TR12 mille marqués

7,8 de la tribu de Zabulon, douze mille 

TR12 mille marqués

de la tribu de Joseph, douze mille 

TR12 mille marqués

de la tribu de Benjamin, douze mille

TR12 mille marqués du sceau.

7,9 Après cela, je vis une foule immense que personne ne pouvait compter

de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue.

Ils étaient debout devant le trône et devant l’Agneau

vêtus de robes blanches

et Byz S TR Nestenant des palmes à la main.

7,10 Et ils criaient d’une voix forte disant :

— Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône et à l’Agneau !

7,11 Et tous les anges se tenaient autour du trône, des vieillards et des quatre animaux

et ils se prosternèrent sur leurs faces devant le trône

7,12 disant : — Amen !

La louange, la gloire, la sagesse, l’action de grâces

l’honneur, la puissance et la force soient à notre Dieu pour les siècles des siècles, amen !

7,13 Alors un des vieillards prenant la parole me dit :

— Ceux que tu vois revêtus de ces robes blanches, qui sont-ils et d’où sont-ils venus ? 

7,14 Je lui dis : — Mon Seigneur, tu le sais.

Et il

Byz S TR Neslui me dit : 

— Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ;

ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau.

7,15 C’est pour cela qu’ils sont devant le trône de Dieu

et le servent jour et nuit dans son sanctuaire.

Et celui qui est assis sur le trône les abritera sous sa tente.

7,16 Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif

l’ardeur du soleil ne les accablera plus, ni aucune chaleur brûlante

7,17 car l’Agneau qui est au milieu du trône sera le pasteur

et les conduira aux sources des eaux de la vie

et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.

Réception

Cinéma

1,1–22,21 Allusions à l'Apocalypse

  • Ingmar Bergman, Det sjunde inseglet [« le septième sceau »] (1957).
  • Vincente Minnelli, The Four Horsemen of the Apocalypse (1961).
  • Andrei Tarkovski, Offret [« le sacrifice »] (1985).
  • Peter Jackson, The Lord of the Rings (en particulier le 3e film, 2003).

Musique

1–17

17e s.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Motet pour une longue offrande, H.434: Pluet super peccatores, 1698

La Chapelle Royale, Philippe Herreweghe (dir.)

© Licence YouTube Standard→, Ap 6,1-7,17 Ps 11,6s

Composition

Le titre du Motet pour l’Offertoire de la Messe Rouge que Charpentier a rebaptisé par la suite Motet pour une longue offrande (vraisemblablement à cause d’une autre exécution) se réfère aux cérémonies annuelles qui accompagnaient la rentrée du Parlement de Paris à la mi-novembre. A cette occasion, une messe était célébrée à laquelle les magistrats assistaient vêtus de leur robe d’écarlate, d’où le nom donné à l’office. Il s’agit d’une des dernières œuvres que Charpentier composa alors qu’il se trouvait maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle, voisine du Parlement. Il avait été nommé à cet important poste le 18 juin 1698, les dignitaires du lieu ayant estimé “qu’il compose et possède la musique en perfection” ; il y mourra le matin du 24 février 1704 “sur les sept heures”.

Paroles

Pluet super peccatores laqueos; ignis et sulphur, et spiritus procellarum, pars calicis eorum. Quoniam justus Dominus, et justitias dilexit: aequitatem vidit vultus ejus.

Il fera pleuvoir sur les pécheurs des pièges du feu et du soufre et un souffle de tempête sera la part de leur coupe. Car juste est le Seigneur et il a aimé les actes de justices, sa face a vu la droiture.

Arts visuels

6,12–17 les étoiles du ciel tombèrent sur la terre Le 6e sceau : enluminé ou enjolivé ?

Enluminure du 8e s.

Beatus de Liébana (ca. 730-798), Commentaire sur l'Apocalypse (ca. 784), manuscrit, folio 116r

Bibliothèque Nationale de France, Paris (France) © Domaine Public→ 

C'est surtout l'ouverture du sixième sceau que l'on retrouve ici. L'ensemble est moins effrayant que dans le texte, avec une mention spéciale au beau ciel bleu roulé « comme un livre », à la lune plutôt changée en fleur qu'en « sang », au soleil plutôt éclipsé que devenu « noir comme un sac de crin » et aux étoiles qui forment comme un tapis de fleurs, elles qui sont dites tomber « comme le figuier projette ses figues non encore mûres lorsqu'il est secoué par le vent ».

7,1–8 tenant le sceau du Dieu vivant Signe cruciforme et intertexte

Enluminure du 8e s. 

Beatus de Liébana (ca. 730-798), Commentaire sur l'Apocalypse (ca 784), manuscrit, folio 119r

Bibliothèque Nationale de France, Paris (France) © Domaine Public→

Regardez bien le « sceau du Dieu vivant » (signum) que tient l'ange en-dessous du soleil : une croix ! Quel meilleur signe pour la signature, le cachet royal ? Ce n'est certes nulle part dans le texte : toutefois de fortes raisons intertextuelles et calligraphiques président à ce choix. En Ézéchiel, le signe dont il faut marquer au front ceux qui doivent être sauvés du fléau divin est littéralement, dans le texte hébreu, un tav, soit la lettre « t », dernière lettre de l'alphabet hébraïque, servant aussi à désigner l'indésignable (Sg 14,21) : Dieu (on retrouve ce procédé avec l'alpha et l'oméga grecs sous la plume de l'auteur de l'Apocalypse). Or son origine graphique phénicienne est en forme de croix... De là, le fléau et le signe salvateur d'Exode (Ex 12) sont également réinterprétés pour dessiner des croix avec le sang typologique du Christ. Et de là, le sceau de l'ange de l'Apocalypse ne peut être que cette croix du Christ, maintenant dévoilée...

7,9–17 une foule immense que personne ne pouvait compter Dessiner n'est pas compter

Enluminure du 8e s. 

Beatus de Liébana (ca. 730-798), Commentaire sur l'Apocalypse (ca. 784), manuscrit, folio NP

Bibliothèque Nationale de France, Paris (France) © Domaine Public→

Cette foule innombrable et bariolée (qui ne comprend ici néanmoins que des hommes) n'a pas ses regards tournés vers le trône et l'Agneau comme les autres personnages, mais vers nous. Comme pour nous dire qu'ils furent à notre place et que nous pouvons les rejoindre à la leur : dès lors, ils sont nombreux non pas pour qu'on les compte mais pour qu'on mesure que tous les lecteurs peuvent à leur tour grossir leur groupe.

Art contemporain

Hubert Dolinkiewicz (1998-), Męczennicy [Les Martyrs] (huile sur toile), 50 x 70 cm

© Dolinkiewicz→

La représentation est ici évocation, et à l'inverse de la précédente : l'on ne voit personne, aucun martyr, mais seulement un pan de ces robes blanchies « dans le sang de l'Agneau ». Ce sang est rappelé par l'encre rouge qui sort d'une des quatre plumes auréolées de lumière sur fond rouge sombre : les martyrs témoignent en effet, et leur sang versé, qui est témoignage, est une parole venant illuminer les ténèbres.

6,1–8 un cheval blanc Farandole apocalyptique

Enluminure du 8e s. 

Beatus de Liébana (ca. 730-798), Commentaire sur l'Apocalypse (ca. 784), manuscrit, folio NP

Bibliothèque Nationale de France, Paris (France) © Domaine Public→

Jean figure quatre fois, à chaque fois pris par la main par un des « quatre animaux » (auxquels la Tradition fait correspondre les quatre évangélistes), qui semblent effectivement lui dire : « viens et vois  » et l'entraîner dans une ronde équestre ...

6,12–16 ; 20,12–15 ; 22,7–10.18s comme un livre qu'on roule + le livre de la vie + ces choses ... Le livre plus solide que le monde L'apocalypticien compare volontiers le monde à un livre : →Apocalyptique (littérature —), 6.

Ici, il évoque la fragilité du cosmos ; à la fin du livre, qui coïncide avec celle du cosmos, tout laisse place à des livres (Ap 20,12-15) et le livre se termine comme il a commencé avec une insistante thématisation de l’écrit et livre eux-mêmes : Procédés littéraires Ap 6,12–16 ; 20,12–15 ; 22,7–10.18s

Si les savants ont peine à entrer dans le langage du cosmos, les artistes, eux, le connaissent bien. Plusieurs peintres ont été sensibles à cette inscription du livre et du paysage l’un dans l’autre. (Cf. Poussin, Arts visuels Ap 1,11 ; 12,1 ; 15,1 ; 19,13).

Sur cette petite peinture méconnue de Botticelli, par exemple, le livre que Jean est en train d’écrire et les rochers sur lesquels il s’appuie ne ressemblent-ils pas à des tomes sur une étagère dérangée ?

Sandro Botticelli (1445-1510), Saint Jean à Patmos (tempera sur panneau de bois, ca. 1490 -1492), 21 x 269 cm (prédelle entière), partie inférieure d'une prédelle

Galleria degli Uffizi, Florence (Italie) © Domaine public→

Et ne nous font-ils pas porter un regard nouveau sur les rochers volcaniques de Zouloufi, au nord de Patmos ?

Νικολίτσα Τσίτσικα, Zouloufi (photographie numérique, 2013), laves solidifiées

 Patmos (Grèce) © Domaine public→