La Bible en ses Traditions

Cantique des cantiques 6,11–7,1

M
G S
V

11 J’étais descendu au jardin des noyers pour voir les herbes de la vallée

pour voir si la vigne pousse, si les grenadiers sont en fleurs.

11 

11 — Je descendis au jardin des noyers pour voir les fruits du vallon,

pour inspecter : la vigne avait-elle fleuri ? et les grenadiers bourgeonné ? 

11 Le jardin qu’est la bien-aimée Ct 4,12

12 Je ne sais, mais mon amour m’a fait monter sur les chars de mon noble peuple.

12 

12 Je ne pus le savoir ! Mon âme me bouleversa à cause des quadriges d'Aminadab ...

7,1 Reviens, reviens, Sulamite !

Reviens, reviens, afin que nous te regardions.

Pourquoi regardez-vous la Sulamite, comme une danse de Machanaïm.

— Reviens, reviens, Sulamite !

reviens, reviens, que nous te regardions ! 

— Que verras-tu en la Sulamite, sinon des chœurs de campements ?

Réception

Philosophie

1,1–8,15 Le Cantique comme symbole de la révélation Rosenzweig Stern (p. 235-242) interprète le caractère dialogal du Ct comme une instance de la structure dialogale de la révélation elle-même.  

  • Une première partie, intitulée « création », décrit une relation non personnelle, en 3e pers. et au passé, entre Dieu et le monde.
  • Au cœur de l'ouvrage, Rosenzweig fait de son commentaire du Ct le fil conducteur de la présentation de ce qu'il appelle « La révélation », c'est-à-dire le passage au « tu » et au présent et ainsi à l'avènement d'une relation personnelle entre Dieu et l'homme. Tout le Ct est un dialogue (à l'exception de Ct 8,6) : il ne dit pas que la révélation est dialogale, il le montre en étant lui-même dialogue et étant presque uniquement cela.

Révélation performée : importance du dialogue

La révélation n'est donc pas pour Rosenzweig la communication d'un ensemble d'informations sur Dieu, mais la naissance d'une relation entre Dieu et l'homme. Le Ct est pur dialogue — sans jamais de passage à la 3e pers. — et histoire au présent. Ces deux caractéristiques sont le fondement de la révélation : le dialogue et le présent.

Il ne s'agit donc plus de parler de la relation entre Dieu et l'homme, comme les prophètes qui décrivaient cette relation à l'aide de la métaphore des noces, mais de faire parler cette relation elle-même.

Révélation lyrique : importance de la subjectivité

Le discours du Ct est donc tout entier porté par la subjectivité.

  • Cela se manifeste par l'importance du « je » sous la forme du je-marqué (’ănî en héb.). Le Ct est le texte biblique qui utilise, proportionnellement à sa taille, le plus ce « je », après le livre du Qo (fréquence de 6,03 emplois pour 1000 mots en Ct, et de 6,50 en Qo).
  • Cela se remarque aussi au fait que les premiers mots du Ct expriment une comparaison : « tes amours sont meilleures que le vin » (Ct 1,2b), c'est-à-dire une appréciation subjective et non un simple constat, auquel cas un comparatif n'eût pas été nécessaire.

Dès le début du texte, la focalisation n'est pas celle d'une narration objective mais celle d'une subjectivité : les choses ne sont pas décrites pour elles-mêmes, l'enjeu est d'emblée perspectiviste. 

Critique de la réception moderne du Cantique

Rosenzweig critique les analyses modernes du Ct (à partir des 18e et 19e s.) qui ont cherché à effacer cette dimension dialogale du texte.

  • Il vise d'abord Herder et Goethe, qui ont fait du Ct un chant d'amour purement humain, prisonniers qu'ils étaient du préjugé que ce qui est humain ne peut être divin et que Dieu ne peut pas aimer. Cependant, leur tentative eut au moins le mérite de conserver cet aspect essentiel du Ct : le fait qu'il s'agisse d'un chant lyrique, de l'expression de deux subjectivités.
  • D'autres tentatives ont suivi, plus condamnables parce qu'elles ont réduit le Ct à un simple récit, narration entre plusieurs personnages : un roi, un berger, une paysanne. Dans ce dernier type d'interprétation le cœur du Ct, à savoir son caractère lyrique, est perdu et l'œuvre demeure incompréhensible.

Arts visuels

6,12b V Aminadab Un médaillon d’un vitrail de la basilique de Saint-Denis (12e s.) montre, au-dessus de la légende quadrige aminadab, un char à quatre roues portant l'Arche d'Alliance à moitié ouverte, dans laquelle on aperçoit les tables de la Loi, le rameau fleuri d'Aaron et le vase qui contenait la manne du désert du Sinaï. Au milieu de l'Arche émerge une croix à laquelle est attaché le Sauveur. Dieu le Père, debout sur le char, soutient cette croix de ses bras. Aux quatre coins du quadrige sortent du ciel, à mi-corps, les quatre attributs des évangélistes, tenant chacun le livre de leur évangile et regardant vers le centre. L'Arche d'Alliance se fixe sous la croix du Christ pour se transformer en autel.

Anonyme, L’Arche d’alliance ou le Char d’Aminadab  (vitrail, diam. 66 cm, ca. 1144) 

fenêtre des Allégories de Saint Paul, chapelle de Saint-Pérégrin, Abbatiale de Saint-Denis, France © Domaine public→

Inscription : (F) EDERIS.EX.ARCA CRVCE (X)RI SISTITUR ARA FEDERE.MAIORI. VVLT.IBI VITA MORI. Suger (1080-1151) lui-même retranscrit dans la description qu'il donne de ses verrières (Suger, De administratione S.360, ca 1177-1178) : In eadem vitrea super archam federis: Federis ex archa Christi cruce sistitur ara, Federe maiori vult ibi vita mori : « Dans la même vitre, au dessus de l'arche d'Alliance : L'autel de la croix du Christ s'est établi sur l'ancienne Arche d'alliance. Dans une plus grande alliance, sa vie a voulu (y subir) la mort ».

7,1–16 Le Cantique des cantiques

19e s.

Gustave Moreau (1826-1898), Le Cantique des cantiques (huile sur toile, 1853), 300 x 319 cm

conservé au Musée des beaux-arts de Dijon (France) © Domaine public→

7,1 Reviens, reviens Sulamite ! (= V : 6,12) Interprétation typologique : La Vierge Marie comme Sulamite

Peinture allemande, 19e s.

Franz Pforr est un peintre allemand, membre du mouvement nazaréen. Malgré sa courte vie artistique, il a peint quelques tableaux et une centaine de dessins et il est un des plus importants peintres du romantisme allemand. Il peint Sulamith et Marie un an avant son décès.

Franz Pforr (1788-1812), Sulamite et Marie (huile sur panneau, 1811), 34,5 × 32 cm

Musée Georg Schäfer, Schweinfurt (Allemagne), Inv. MGS 1183 © Domaine public→

Liturgie

6,1–13 LITURGIE JUIVE Un chant pascal    Le Cantique est lu après la amida durant la semaine de Pessach. Le choix serait motivé par la mention des chars de Pharaon en Ct 1,9 où l'on voit une allusion à l'Exode.   

TraditionnelMegillat Shir HaShirim, c.6 lu par Abraham Shmuelof (1913-1994), Maison Saint-Isaïe des Dominicains, Jérusalem, années 1970

Audio Scriptures International (numérisation) ; Mechon Mamre→ (mise en ligne)  © Sœurs du Carmel (enregistrements originaux)

Abraham Shmuelof né en 1913 dans le quartier Meah Shearim de Jérusalem, dernier de seize enfants dans une grande famille juive ultraorthodoxe de Bucharan qui avait émigré de Perse à la fin du 19e siècle devint une figure légendaire à Jérusalem, passant du statut de juif ultraorthodoxe au catholicisme romain, moine trappiste, bénédictin, retournant aux trappistes et enfin servant dans l'Église gréco-catholique de Galilée. Dans les années 1970, il trouva sa place à « La Maison Saint-Isaïe » fondée à Jérusalem par les Dominicains français, où il collabora au développement d'une liturgie catholique hébréophone avec le P. Jacques Fontaine. C'est à cette époque qu'il se chargea de la tâche d'enregistrer l'intégralité du Tanakh en hébreu.

Musique

2,10–13 ; 6,10ss ; 7,10ss Cantique des Cantiques

20e s.

Ivan Moody (1964-), Canticum Canticorum I, 1987

David Fallis (dir.), Quire Cleveland

© Licence YouTube standard→, Ct 2,10-13.6,2.11

Composition

Ivan Moody est un compositeur britannique contemporain. Ses œuvres montrent les influences de l'est du chant liturgique et de l'Église orthodoxe, dont il est membre et archiprêtre (Patriarcat Œcuménique de Constantinople). Son Canticum Canticorum I, écrit pour le Hilliard Ensemble, est créé en 1987 et obtient un énorme succès. Cette pièce reste l'œuvre la plus fréquemment jouée de son répertoire. Elle est constituée de trois mouvements : « Surge propera amica mea » (Lève-toi, hâte-toi, mon amie), « Descendi in hortum meum » (Je suis descendu dans mon jardin) et « Ego dilecti meo » (Je suis à mon bien-aimé).

Texte

Critique textuelle

6,1–12 V Numérotation des versets Dans les éditions de V, Ct 6,1 est considéré comme le dernier v. du ch. 5 (V—Ct 5,17  =  MSG—Ct 6,1). D'où un décalage d'une unité dans tout le chapitre (MSG—Ct 6,2 = V Ct 6,1, etc.).

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