La Bible en ses Traditions

Cantique des cantiques 8,2.5

M
G S
V

Je t’amènerais, je t’introduirais dans la maison de ma mère :

tu m’enseignerais et je te ferais boire du vin aromatisé, le jus de mes grenades.

Je te prendrai près de moi, et je te conduirai dans la maison de ma mère :

là tu m’enseigneras et je te donnerai une coupe pleine de vin aromatisé et du moût de mes pommes grenades !

M V
G S

— Qui est celle-ci qui monte du désert, appuyée

Vaffluente en délices et appuyée sur son bien-aimé

Vpréféré ?

— Sous le pommier

Vl'arbre à pommes je t'ai réveillée :

Vte réveillai :

ta mère t’a conçue ; là, elle t’a conçue,

Vta mère fut outragée,  là, elle t’a donné le jour.

Vlà souffrit violence celle qui t’engendra.

4s Sommeil et réveil 2,7 ; 3,5s ; 5,2 ; 8,5

Réception

Philosophie

1,1–8,15 Le Cantique comme symbole de la révélation Rosenzweig Stern (p. 235-242) interprète le caractère dialogal du Ct comme une instance de la structure dialogale de la révélation elle-même.  

  • Une première partie, intitulée « création », décrit une relation non personnelle, en 3e pers. et au passé, entre Dieu et le monde.
  • Au cœur de l'ouvrage, Rosenzweig fait de son commentaire du Ct le fil conducteur de la présentation de ce qu'il appelle « La révélation », c'est-à-dire le passage au « tu » et au présent et ainsi à l'avènement d'une relation personnelle entre Dieu et l'homme. Tout le Ct est un dialogue (à l'exception de Ct 8,6) : il ne dit pas que la révélation est dialogale, il le montre en étant lui-même dialogue et étant presque uniquement cela.

Révélation performée : importance du dialogue

La révélation n'est donc pas pour Rosenzweig la communication d'un ensemble d'informations sur Dieu, mais la naissance d'une relation entre Dieu et l'homme. Le Ct est pur dialogue — sans jamais de passage à la 3e pers. — et histoire au présent. Ces deux caractéristiques sont le fondement de la révélation : le dialogue et le présent.

Il ne s'agit donc plus de parler de la relation entre Dieu et l'homme, comme les prophètes qui décrivaient cette relation à l'aide de la métaphore des noces, mais de faire parler cette relation elle-même.

Révélation lyrique : importance de la subjectivité

Le discours du Ct est donc tout entier porté par la subjectivité.

  • Cela se manifeste par l'importance du « je » sous la forme du je-marqué (’ănî en héb.). Le Ct est le texte biblique qui utilise, proportionnellement à sa taille, le plus ce « je », après le livre du Qo (fréquence de 6,03 emplois pour 1000 mots en Ct, et de 6,50 en Qo).
  • Cela se remarque aussi au fait que les premiers mots du Ct expriment une comparaison : « tes amours sont meilleures que le vin » (Ct 1,2b), c'est-à-dire une appréciation subjective et non un simple constat, auquel cas un comparatif n'eût pas été nécessaire.

Dès le début du texte, la focalisation n'est pas celle d'une narration objective mais celle d'une subjectivité : les choses ne sont pas décrites pour elles-mêmes, l'enjeu est d'emblée perspectiviste. 

Critique de la réception moderne du Cantique

Rosenzweig critique les analyses modernes du Ct (à partir des 18e et 19e s.) qui ont cherché à effacer cette dimension dialogale du texte.

  • Il vise d'abord Herder et Goethe, qui ont fait du Ct un chant d'amour purement humain, prisonniers qu'ils étaient du préjugé que ce qui est humain ne peut être divin et que Dieu ne peut pas aimer. Cependant, leur tentative eut au moins le mérite de conserver cet aspect essentiel du Ct : le fait qu'il s'agisse d'un chant lyrique, de l'expression de deux subjectivités.
  • D'autres tentatives ont suivi, plus condamnables parce qu'elles ont réduit le Ct à un simple récit, narration entre plusieurs personnages : un roi, un berger, une paysanne. Dans ce dernier type d'interprétation le cœur du Ct, à savoir son caractère lyrique, est perdu et l'œuvre demeure incompréhensible.

Mystique

3,6 ; 8,5 Typologie mariale La Vierge Marie a été cachée et secrète dans le mystère du dessein divin et aux yeux du monde. 

  • Montfort Vraie dévotion 3 « Dieu, pour l'exaucer dans les demandes qu'elle lui fit de la cacher, appauvrir et humilier, a pris plaisir à la cacher dans sa conception, dans sa naissance, dans sa vie, dans ses mystères, dans sa résurrection et assomption, à l'égard de presque toute créature humaine. Ses parents mêmes ne laconnaissaient pas ; et les anges se demandaient souvent les uns aux autres: Quae est ista ? Qui est celle-là ? (Ct 3,6 ; 8,5) Parce que le Très-Haut la leur cachait ; ou, s'il leur en découvrait quelque chose, il leur en cachait infiniment davantage. » (20).