La Bible en ses Traditions

Cantique des cantiques 3,6

M V
G S

— Quelle est celle-ci

V— Qui est celle qui monte du

Và travers le désert, comme une colonne de fumée

Vvirgule de fumée

exhalant la myrrhe et l’encens

Vd'aromates de myrrhe et d'encens, tous les aromates des marchands

V et de toute la poudre du parfumeur ?

6 “Qui est celle-ci ?” 6,10 ; 8,5 comme une colonne de fumée Ex 13,21 ; Jl 3,3

Réception

Philosophie

1,1–8,15 Le Cantique comme symbole de la révélation Rosenzweig Stern (p. 235-242) interprète le caractère dialogal du Ct comme une instance de la structure dialogale de la révélation elle-même.  

  • Une première partie, intitulée « création », décrit une relation non personnelle, en 3e pers. et au passé, entre Dieu et le monde.
  • Au cœur de l'ouvrage, Rosenzweig fait de son commentaire du Ct le fil conducteur de la présentation de ce qu'il appelle « La révélation », c'est-à-dire le passage au « tu » et au présent et ainsi à l'avènement d'une relation personnelle entre Dieu et l'homme. Tout le Ct est un dialogue (à l'exception de Ct 8,6) : il ne dit pas que la révélation est dialogale, il le montre en étant lui-même dialogue et étant presque uniquement cela.

Révélation performée : importance du dialogue

La révélation n'est donc pas pour Rosenzweig la communication d'un ensemble d'informations sur Dieu, mais la naissance d'une relation entre Dieu et l'homme. Le Ct est pur dialogue — sans jamais de passage à la 3e pers. — et histoire au présent. Ces deux caractéristiques sont le fondement de la révélation : le dialogue et le présent.

Il ne s'agit donc plus de parler de la relation entre Dieu et l'homme, comme les prophètes qui décrivaient cette relation à l'aide de la métaphore des noces, mais de faire parler cette relation elle-même.

Révélation lyrique : importance de la subjectivité

Le discours du Ct est donc tout entier porté par la subjectivité.

  • Cela se manifeste par l'importance du « je » sous la forme du je-marqué (’ănî en héb.). Le Ct est le texte biblique qui utilise, proportionnellement à sa taille, le plus ce « je », après le livre du Qo (fréquence de 6,03 emplois pour 1000 mots en Ct, et de 6,50 en Qo).
  • Cela se remarque aussi au fait que les premiers mots du Ct expriment une comparaison : « tes amours sont meilleures que le vin » (Ct 1,2b), c'est-à-dire une appréciation subjective et non un simple constat, auquel cas un comparatif n'eût pas été nécessaire.

Dès le début du texte, la focalisation n'est pas celle d'une narration objective mais celle d'une subjectivité : les choses ne sont pas décrites pour elles-mêmes, l'enjeu est d'emblée perspectiviste. 

Critique de la réception moderne du Cantique

Rosenzweig critique les analyses modernes du Ct (à partir des 18e et 19e s.) qui ont cherché à effacer cette dimension dialogale du texte.

  • Il vise d'abord Herder et Goethe, qui ont fait du Ct un chant d'amour purement humain, prisonniers qu'ils étaient du préjugé que ce qui est humain ne peut être divin et que Dieu ne peut pas aimer. Cependant, leur tentative eut au moins le mérite de conserver cet aspect essentiel du Ct : le fait qu'il s'agisse d'un chant lyrique, de l'expression de deux subjectivités.
  • D'autres tentatives ont suivi, plus condamnables parce qu'elles ont réduit le Ct à un simple récit, narration entre plusieurs personnages : un roi, un berger, une paysanne. Dans ce dernier type d'interprétation le cœur du Ct, à savoir son caractère lyrique, est perdu et l'œuvre demeure incompréhensible.

Musique

1–11 La voix du bien-aimé

21e s.

Tanguy Dionis du Séjour, LA VOIX DU BIEN-AIME, 2014

Dei Amoris Cantores

© License YouTube Standard→, Ct 3,1-11

Fondé en décembre 2011 par 3 amis musiciens et compositeurs : Tanguy, Martin et Frère Gaétan de la Communauté St Jean, Dei Amoris Cantores est un chœur catholique composé d’une vingtaine de jeunes et enthousiastes interprètes. Ils répondent à l’appel de Jean-Paul II et Benoit XVI et se consacrent à la nouvelle évangélisation, persuadés que le chant polyphonique est un moyen formidable de mettre en valeur et de transmettre la Parole de Dieu.

Mystique

6 ; 8,5 Typologie mariale La Vierge Marie a été cachée et secrète dans le mystère du dessein divin et aux yeux du monde. 

  • Montfort Vraie dévotion 3 « Dieu, pour l'exaucer dans les demandes qu'elle lui fit de la cacher, appauvrir et humilier, a pris plaisir à la cacher dans sa conception, dans sa naissance, dans sa vie, dans ses mystères, dans sa résurrection et assomption, à l'égard de presque toute créature humaine. Ses parents mêmes ne laconnaissaient pas ; et les anges se demandaient souvent les uns aux autres: Quae est ista ? Qui est celle-là ? (Ct 3,6 ; 8,5) Parce que le Très-Haut la leur cachait ; ou, s'il leur en découvrait quelque chose, il leur en cachait infiniment davantage. » (20).

Contexte

Milieux de vie

6 FLORE Arbre à encens

Un arbre à encens (Boswellia sacra) au parc naturel de Wadi Dowkah (Dhofar, Oman)

Photo : Mauro Raphaël (mars 2004) © CC-BY-3.0→

Ex 30,1.7-9.34 ; Lv 2,1.2.15.16 ; 5,11 ; 6,15 ; 10,1 ; 16,12-13 ; 24,7 ; Nb 5,15 ; 7,14.20.26.32.38.44.50.56.68.74.80.86 ; 16,46 ; 2R 17,10-11 ; 18,4 ; 23,5 ; 1Ch 9,22 ; 2Ch 28,4 ; 34,25 ; Ne 13,5-9 ; Ct 3,6 ; 4,6-14 ; Is 43,23 ; 60,6 ; 65,3 ; Jr 6,20 ; 11,12.17 ; 17,26 ; 41,5 ; 48,35 ; Mt 2,11 ; Lc 1,9-10 ; Ap 5,8 ; 8,3-4 ; 18,13

On appelle « encens » le kétoret (hébreu) qui désigne un encens composé mais aussi le lebonah (hébreu) ou libanos (grec) qui est l’encens pur, résine de l’arbre à encens (Boswellia).

Classification
  • Famille : burseraceae
  • Genre : boswellia
  • Espèce : sacra
Localisation

L’arbre à encens pousse sur la péninsule arabique et en Afrique orientale. On le retrouve en particulier en Éthiopie, au Yémen, à Oman.

Description
  • Petit arbre de 2 et 8 m de haut à plusieurs troncs et aux branches tordues recouvertes de duvet.
  • Les feuilles vertes caduques sont composées de 7 ou 9 folioles dentelées et brillantes.
  • Des fleurs blanches à 5 pétales, en forme d’étoiles, poussent à l’aisselle des feuilles.
  • Les fruits apparaissent après la floraison sous forme de capsules contenants des graines.
  • La résine exsude sous l’écorce en gouttelettes blanches, jaune ou rouge pâle. Elle a un goût amer et dégage une forte odeur balsamique quand elle est brûlée ou chauffée. Sa qualité varie selon la zone géographique où pousse l’arbre. Selon Pline Naturalis historia 12,32, la plus pure est blanche.

 Illustration botanique de Beswellia sacra (arbre à encens)

 dans Köhler's medizinal Pflanzen de Franz Eugen Köhler, 1897 © Domaine public

Usage
Médical et cosmétique
  • Broyé et mélangé à d’autres résines, l’encens servait de parfum pour le corps (Hérodote Historiae, 4,75).
  • L’encens est utilisé comme parfum pour purifier l’air, éloigner les mauvaises odeurs. Dans le Temple de Jérusalem, où se pratiquaient les sacrifices d’animaux, l’encens brûlé deux fois par jour préservait un parfum ambiant agréable.
  • Puisssant anti-inflammatoire, l'encens est utilisé pour lutter contre les douleurs rhumatismales, intestinales, les problèmes respiratoires. Il permet aussi une meilleure cicatrisation de la peau.
  • Il apaise les angoisses et est aujourd'hui utilisé en thérapie contre la dépression.
Cultuel
  • Dans de nombreuses religions, l’encens est brûlé pour chasser les démons.
  • De tout temps l’encens a été utilisé pour honorer la divinité. (Hérodote Historiae 1,183; Ovide Metamorphose 6,164). Il accompagne les offrandes et sacrifices pour être brûlé (Lv 2,15-16).
  • Au Temple de Jérusalem, chaque sabbat, du pain était déposé sur la table sacrée et recouvert de planchettes chargées d’encens. La semaine suivante, le pain était donné aux prêtres et l’encens brûlé sur le feu sacré (Josèphe Antiquitates Judaïcae 3,10,7) puis on renouvelait l’offrande. Une fois l’an pour Yom Kippour, le grand prêtre entrait dans le Saint des saints et déposait l’encens sur le feu de Yahvé (Lv 16,12-13).
  • L’encens pur entrait dans la composition de l’encens composé (Ex 30,7-8) qui était brûlé chaque jour dans le sanctuaire sur l’autel des parfums (Lc 1,10) .
  • Brûler de l’encens à d’autres qu’à Dieu était considéré comme de l’idolâtrie (1M 1,58 ; 2,15).
  • L’encens était un présent raffiné et coûteux qui était offert à des personnes que l’on voulait honorer, tel que des rois (Hérodote Historiae 3,97; Mt 2,11).
Histoire

Hérodote Historiae 3,107 raconte que les arbres à encens étaient gardés par des serpents ailés.

Symbolique
Prière
  • Parce que l’encens, en brûlant, s’élève en agréable odeur vers le ciel, il est devenu naturellement le symbole de la prière qui monte vers Dieu. (Ps 140,2 ; Lc 1,10)
  • Ap 5,8 Les parfums contenus dans les coupes d’or des 24 Vieillards sont « la prière des saints ».
  • Ap 8,3-4 La prière des saints s’élève avec la fumée des parfums.
Divinité
  • L’encens étant, dans plusieurs civilisations, réservé au culte divin, encens et divinité ont été associés.
  • Ovide Metamorphose 4,255attribue à l’encens une origine divine puisque dans la mythologie grecque, Hélios, dieu du soleil, change sa maîtresse Leucothoé en un premier arbre à encens.
  • Commentant Mt 2,11, les pères de l’Église ont vu dans l’offrande de l’encens par les mages la manifestation de la divinité du Christ (Irénée de Lyon Haer.3,9,2 ; Augustin d’Hippone Serm.1, Épiphanie).

1,13 ; 3,6 ; 4,6.14 ; 5,1.5.13 myrrhe FLORE Arbre à myrrhe (basalmier)

Illustration botanique de Commiphora myrrha (arbre à myrrhe ou basalmier) de Müller (1833-1887) 

  Köhler's Medizinal-Pflanzen Franz Eugen Köhler, 1887 © Domaine public→

Ex 30,23 ; Ex 30,23 ; M, G – Est 2,12 ; Ps 45,9 ; Pr 7,17 ; Ct 1,13 ; 3,6 ; 4,6.14 ; 5,1.5.13 ;  M – Si 24,15 ; Mt 2,11 ; Mc 15,23 ; Jn 19,39 ; Ap 18,13 

Identification

La myrrhe est « môr » en hébreu et « smurna » en grec. Le mot « muron » en grec qui généralement est traduit par « huile parfumée » ( Ex 30,25 ; 1Ch 9,30 ; 2Ch 16,14 ; Jdt 10,3 ; Ps 132,2 ; Pr 27,9 ; Ct 1,3-4 ; Ct 4,14 ; Am 6,6 ; Is 39,2 ; Ez 27,17 ; Mt 26,7.12 ; Mc 14,3-5 ; Lc 7,37-38.46 ; Lc 23,56 ; Jn 11,2 ; 12,3.5.) est traduit par « myrrhe» en Ap 18,13. Il s'agirait probalement d'une huile à base de myrrhe et d'autres aromates (cf. Ct 4,14).

Classification
  • Famille : burseraceae
  • Genre : commiphora
  • Espèce : myrrha
Localisation

Originaire d’Afrique de l’Est (Éthiopie, Somalie) et du sud de l’Arabie (Yémen, Oman).

Description
  • Arbuste de 3 à 5 m de haut aux branches noueuses et anguleuses dotées d’épines.
  • Ses petites feuilles ovales vertes sont caduques et aromatiques.
  • Ses fleurs blanches ou rouges-orangées apparaissent en été.
  • De ses nœuds suinte, sous forme de larmes jaunes, une résine aromatique que l’on appelle « myrrhe » ; ce nom vient de l’akkadien murru qui signifie « amère ».
Usages
Médical et cosmétique
  • En médecine, dès l’Antiquité, la myrrhe était réputée pour apaiser la douleur et pour son action anti-inflammatoire. Les Grecs utilisaient la myrrhe pour nettoyer les plaies des soldats. Elle était utilisée en gargarisme pour éviter les inflammations de la bouche.
  • Jérôme Commentariorum in Matthaeum 27,48  t.26, col.212  affirme que le breuvage donné à Jésus sur la croix, un vin mêlé de myrrhe (Mc 15,23), avait pour but d’alléger les douleurs du crucifié.
  • En huile, elle servait pour la toilette des femmes (Est 2,12).
Cultuel
  • Parfum pour l’embaumement (Hérodote Historiae 2,86 ), elle est employée en Égypte mais aussi chez les Juifs (cf. Jn 19,39).
  • Elle est brûlée comme encens dans les temples.
  • La myrrhe entrait dans la composition de l’onction sainte (Ex 30,23). Aujourd’hui elle entre dans la composition du saint-chrême.
Histoire
  • Selon les archives royales assyriennes, au 9e siècle av. J.-C., la myrrhe venue d’Arabie par caravane était vendue dans des villes sur les bords de l’Euphrate.
  • Hérodote Historiae 7,181 rapporte que Pythès, membre de l’armée navale de Xerxès, tombé à demi-mort entre les mains des Perses, fut soigné avec de la myrrhe. 

 Myrrhe

Photo : Leo_65 / 319 Bilder de Pixabay (2014) © Domaine public

Symbolique
Souffrance

En raison de son goût amer et de son efficacité pour soigner et apaiser les blessures, la myrrhe évoque la souffrance.

Mort

Parce qu’elle sert à l’embaumement, elle est associée à la mort.

Humanité

Les deux précédents symboles manifestant la vulnérabilité de la nature humaine, la myrrhe devient aussi symbole d’humanité.

Royauté

Ce parfum précieux était généralement réservé à l’embaumement des rois.

Amour

Comme l’amour, la myrrhe dégage un parfum envoûtant et puissant. (Ps 45,9 et Ct 1,13)

Le prénom de Marie « Mariam » ou « Myriam » signifie « mer de myrrhe » ou « mer d'amertume».

Réception

Liturgie

1–11 Le Cantique est lu après la amida durant la semaine de Pessach. Le choix serait motivé par la mention des chars de Pharaon en Ct 1,9 où l'on voit une allusion à l'Exode. 

Traditionnel, Megillat Shir HaShirim, c.3 lu par Abraham Shmuelof (1913-1994), Maison Saint-Isaïe des Dominicains, Jérusalem, années 1970

Audio Scriptures International (numérisation) ; Mechon Mamre→ (mise en ligne)  © Sœurs du Carmel (enregistrements originaux)

Abraham Shmuelof né en 1913 dans le quartier Meah Shearim de Jérusalem, dernier de seize enfants dans une grande famille juive ultraorthodoxe de Bucharan qui avait émigré de Perse à la fin du 19e siècle devint une figure légendaire à Jérusalem, passant du statut de juif ultraorthodoxe au catholicisme romain, moine trappiste, bénédictin, retournant aux trappistes et enfin servant dans l'Église gréco-catholique de Galilée. Dans les années 1970, il trouva sa place à « La Maison Saint-Isaïe » fondée à Jérusalem par les Dominicains français, où il collabora au développement d'une liturgie catholique hébréophone avec le P. Jacques Fontaine. C'est à cette époque qu'il se chargea de la tâche d'enregistrer l'intégralité du Tanakh en hébreu.