La Bible en ses Traditions

Matthieu 26,6–13

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V

...

Or Jésus se trouvant à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux,

...

une femme l’approcha, ayant [un flacon d’]albâtre d’une huile de parfum de grand prix

et la lui versa sur la tête alors qu’il était allongé.

...

Voyant cela, les disciples s'indignèrent disant :

— Pourquoi cette perte ?

...

Car cela pouvait se vendre très cher et être donné à des pauvres !

10 ...

10 S’en étant aperçu, Jésus leur dit :

— Pourquoi faites-vous de la peine à la femme ?

Car c’est une bonne œuvre qu’elle a accomplie envers moi.

11 ...

11 Car toujours vous avez les pauvres avec vous ;

mais moi, vous ne m’avez pas toujours.

11 Donner aux pauvres Dt 15,11

12 ...

12 Car elle, quand elle a répandu cette huile de parfum sur mon corps, c’est pour me mettre au tombeau qu’elle l’a fait.

13 ...

13 Amen je vous dis :

— Partout où sera proclamé cet évangile, dans le monde entier,

sera raconté aussi ce qu’elle a fait, en mémoire d’elle.

Réception

Mystique

11 vous avez toujours les pauvres avec vous Aimer Jésus, une perte ?

  • Thérèse de Lisieux « Vivre » 13 : "‘Vivre d’amour, quelle étrange folie’ ! —— Me dit le monde. ‘Ah ! cessez de chanter —— Ne perdez pas vos parfums, votre vie, —— Utilement sachez les employer’ ! —— T’aimer, Jésus, quelle perte féconde !… —— Tous mes parfums sont à toi sans retour. "

Ce célèbre poème de sainte Thérèse de Lisieux a été souvent mis en musique, mais il a été particulièrement mis en musique par le chanteur-compositeur Grégoire, chanté par Natasha St-Pier et Anggun, très grand succès populaire. On regrettera cepenfant que le Nom de l'Aimé disparaisse du poèùe de Thérèse dans cette mise en musique : 

 Thérèse de Lisieux (Thérèse Martin, 1873-1897) : texte, Grégoire (Grégoire Boissenot, 1979—) : musique, Vivre d'amour, (2013), CD, Anggun (Anggun Cipta Sasmi, 1974— ) et Natasha St-Pier (1981—) : chant, 2ème titre de l'album Thérèse : Vivre d'amour

Sony Music Entertainment, © Licence YouTube standard

  • [Natasha St-Pier] Vivre d'Amour, c'est donner sans mesure — Sans réclamer de salaire ici-bas — Ah ! sans compter je donne étant bien sûre — Que lorsqu'on aime, on ne calcule pas. — Au Cœur Divin, débordant de tendresse — J'ai tout donné, légèrement je cours — Je n'ai plus rien que ma seule richesse : Vivre d'Amour —— [Anggun] Vivre d'Amour, c'est bannir toute crainte — Tout souvenir des fautes du passé — De mes péchés je ne vois nulle empreinte, — En un instant l'amour a tout brûlé — Flamme divine, ô très douce Fournaise ! — En ton foyer je fixe mon séjour — C'est en tes feux que je chante à mon aise : Je vis d'Amour —— [Natasha St-Pier] Vivre d'Amour, c'est garder en soi-même — Un grand trésor en un vase morte — Mon Bien-Aimé, ma faiblesse est extrême — Ah je suis loin d'être un ange du ciel ! —— [Anggun] Mais si je tombe à chaque heure qui passe — Me relevant tu viens à mon secours, — À chaque instant tu me donnes ta grâce : Je vis d'Amour —— [Natasha St-Pier] Vivre d'Amour, c'est naviguer sans cesse — Semant la paix, la joie dans tous les cœurs — Pilote Aimé, la Charité me presse — Car je te vois dans les âmes mes soeurs —— [Anggun] La Charité voilà ma seule étoile — À sa clarté je vogue sans détour — J'ai ma devise écrite sur ma voile : Vivre d'Amour —— [Natasha St-Pier & Anggun] Vivre d'Amour, quelle étrange folie! Me dit le monde — Ah ! cessez de chanter — Ne perdez pas vos parfums, votre vie, Utilement sachez les employer ! A des amants, il faut la solitude Un cœur à cœur qui dure nuit et jour — Ton seul regard fait ma béatitude — Je meurs d'Amour ! Mourir d'Amour, voilà mon espérance — Quand je verrai se briser mes liens — Mon Dieu sera ma Grande Récompense — Je ne veux point posséder d'autres biens — De son Amour je veux être embrasée — Je veux le voir, m'unir à lui toujours — Voilà mon Ciel, voilà ma destinée :  Vivre d'Amour...

Contexte

Littérature péritestamentaire

7 parfum Interprétation symbolique : l'incorruptibilité Les faits de la vie du Christ sont pour Ignace mystère de salut. D'après le contexte, le parfum indique l'enseignement de la vérité, la connaissance du Fils de Dieu — laquelle est incorruptibilité :

  • Ignace d’Antioche  Eph. 17,1 "C’est pourquoi le Seigneur reçut une onction sur sa tête, afin d’exhaler pour son Église un parfum d’incorruptibilité."

11 vous avez toujours les pauvres avec vous Allusion ? Cette exhortation à la bienfaisance pourrait être inspirée de Mt 26,11 (Mc 14,7) :

  • Barn.  21,2  ''À vous les notables, si toutefois vous voulez accepter un conseil de ma bonne intention, voici ce que je demande : Vous avez autour de vous des gens à qui faire le bien, n'y manquez pas !''

Texte

Critique textuelle

10 car (V) : variante

  • V Grysonopus bonum operata est in me c'est une bonne oeuvre qu'elle a faite envers moi.
  • V Sixto-clémentine : opus enim bonum operata est in me car c'est une bonne oeuvre qu'elle a faite envers moi.

Réception

Arts visuels

6s Sainte Marie-Madeleine

Peinture française du 20e s.

George Desvallières (1861-1950), Sainte Marie-Madeleine (huile et pastel sur toile, 1911), 73 x 60 cm

Collection particulière, France © SEBERT→

Dans la lignée des maîtres italiens admirés par l’artiste, voici une Marie-Madeleine qui rappelle la Santa Maria Maddalena de Titien (vers 1533, Florence, palais Pitti, galerie Palatine) par ses longs cheveux et la position de ses bras. La sainte représentée à Florence, nue à mi-corps, les bras repliés sur le buste retenant une abondante chevelure blonde, est bien connue de Desvallières, qui a parcouru l’Italie, jeune peintre en formation. Il fait siennes les dernières recherches picturales, qu’il encourage et, résolument moderne, il ébauche (l 1376b) sa Marie-Madeleine au Salon d’automne 1911 pour signaler ses nouvelles préoccupations religieuses. Réminiscence de Gustave Moreau, dans l’épaisse colonne antique aux couleurs d’émaux, rappel du rose soutenu, en haut à droite de la composition, caractéristique des Femmes de Londres et du Moulin-Rouge (CR 858-1056), parti pris d’un dessin stylisé, presque cubiste, dans les grandes lignes qui définissent la femme repentie. Des traces de pastel blanc, sous l’huile, achèvent de donner un ton laiteux, unique, à la carnation du modèle. « Que d’artistes l’ont représentée, émue et repentante, trop souvent voluptueuse parmi ses larmes ! C’est de tous les modèles le plus beau peut-être et le plus facile. Mais je crois que M. Desvallières a voulu nous dire autre chose, dans un langage qui ne fût pas uniquement celui du peintre. C’est un élan du cœur, un jaillissement de prière, de repentir, de dévotion éperdue, un regard noyé sous l’or des cheveux flottants, des bras serrés sur une poitrine haletante, la joie du pardon qui purifie, de l’amour qui abolit tout. » (Pératé)

12 elle, quand elle a répandu cette huile de parfum sur mon corps Christ et Madeleine ? « La femme », parmi les saintes femmes, se caractérise par le soin du corps de Jésus. Elle lui reste attachée au-delà même de la mort, alors que les hommes se sont enfuis. Certains peintres se sont attachés à cette attache jusqu'à proposer des œuvres parfois jugées scandaleuses. 

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Christ et Madeleine, (Huile et essence sur papier marouflé, 1905), 242 x 130 cm

Ohara Museum of Art, Kurashiki (Japon)

© Succession Desvallières→

Thème plusieurs fois traité par l’artiste, ce Christ et Madeleine, encore fortement influencé par Gustave Moreau, est l’aboutissement de la pensée du peintre sur la grâce et le péché, selon la réflexion de saint Augustin qui développe la phrase de l’Exultet, chanté par l’Église la nuit de Pâques : « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! » Depuis la célébration de la première communion de son neveu Jean Paladilhe, un déclic s’est opéré chez l’artiste. Alors qu’il dit n’avoir conservé aucun souvenir de sa propre première communion, il voit désormais dans ce mystère la rencontre de l’homme à qui Dieu offre sa propre vie, tout pécheur qu’il est. Le peintre choisit comme modèle Marie-Madeleine, la pécheresse de l’Évangile, accusée par ses frères.

Représentée en 1902 agenouillée sous la couronne d’épines, elle se trouve ici dans les bras du Christ, qui la prend délicatement sous sa protection. En pied, Jésus, couronné d’épines, et Marie-Madeleine, serrée contre lui, apparaissent sous un portique pour illustrer la miséricorde divine. Nouvelle représentation originale et osée, « dans un corps à corps qui unit ici Jésus crucifié au premier témoin de sa résurrection » (Collet), les deux figures sont mises en valeur sur un piédestal, encadrées par les quatre colonnes qui portent l’inscription de leurs noms latins : « Jesus Christus – Sancta Maria Magdalena. »

Certains rapprochent le peintre de Burne-Jones ou des maîtres italiens : « Le “Christ et Madeleine”, de Desvallières, est une œuvre qui frissonne de pitié sacrée. La chair sombre, presque fauve du Christ, ses yeux meurtris, son front que cercle la couronne d’épines, pleurent des larmes et des sueurs d’angoisse sur le visage de Madeleine. Un semblable poème pictural évoque le souvenir austère de Mantegna de Padoue. » (Castelberghe)

L’étrangeté de la scène choque certains critiques : « L’expression de la Madeleine auprès du Christ mort ne souffre pas cet effet de perversité, si curieux soit-il. » (Péladan) Une lettre adressée au président du Salon d’automne Frantz Jourdain, parue dans La Gazette de la Capitale et du Parlement le 29 octobre 1905, demande même que l’œuvre, jugée scandaleuse, soit retirée de l’exposition, avec Le Bain turc (1862), d’Ingres. Sur une photographie de la galerie Druet, on peut voir que le Christ et Madeleine (CR 826) de 1902 est la version exposée lors de la première rétrospective du peintre, rue Royale, en 1910, et non celle de 1905.

Elle est au nombre des trois tableaux acquis auprès de l’artiste par le peintre japonais Torajirô Kojima pour le compte du mécène Magosaburô Ôhara, fondateur du futur Ohara Museum of Art, à Kurashiki, au Japon (voir CR 959), avec Choses vues, souvenirs de Londres (CR 959) en 1920 et Le Bon Larron, Kyrie Eleïson (CR 1467), en 1921.

Musique

6–13 La femme avec le vase d'albâtre

20e s.

Arvo Pärt (b. 1935), The Woman With the Alabaster Box, 1997

Paul Hillier (dir.), Estonian Philharmonic Chamber Choir, Theatre of Voices, Pro Arte Singers

© Licence YouTube standard→, Mt 26,6-13

Compositeur

Arvo Pärt né le 11 septembre 1935 à Paide, en Estonie, est un compositeur estonien de musique contemporaine vivant à Tallinn. Il est souvent associé au mouvement de musique minimaliste qui s'est formé à partir des années 1960. Créateur d'une musique épurée, d'inspiration profondément religieuse, il est de confession chrétienne orthodoxe, et les chants orthodoxes ainsi que les chants grégoriens ont influencé son style sur la modulation lente des sons. Associé par certains à la musique postmoderne, Arvo Pärt creuse à présent le sillon de son style tintinnabuli. Ses œuvres ont été jouées dans le monde entier et ont donné lieu à plus de 80 enregistrements, ainsi qu'à de très nombreuses utilisations pour la bande sonore de films et de spectacles de danse.

Tradition chrétienne

10 Car c'est une bonne œuvre qu'elle a faite envers moi Dans son souci pastoral, Origène insiste sur la nécessité de montrer sa foi par ses œuvres :

  • Origène  Comm. Rom.  2,5,3  « Voyons ce qu'il appelle œuvre bonne. Le Seigneur, dans l'Évangile, dit de cette femme qui a répandu sur sa tête le parfum d'un vase d'albâtre : c'est une bonne œuvre qu'elle a faite envers moi (Mt 26,10), montrant qu'en répandant ce parfum sur le Verbe de Dieu, c'est-à-dire en associtant les œuvres et la parole, cette femme a fait une œuvre bonne. La Parole, en effet, devient un parfum, elle est remplie de la suavité de tous les onguents, lorsqu'elle est parée d'œuvres et d'actes. »

13 partout où sera prêché cet évangile dans le monde, ce qu'elle a fait sera raconté aussi, en mémoire d'elle Une seule et même femme Origène considère dans ce passage les différentes scènes de Lc, Jn et Mt concernant une seule et même femme :

  • Origène  Comm. Jn  1,67  « Il faut savoir que toute bonne action accomplie à l'égard de Jésus est inscrite dans l'Évangile éternel : ainsi, celle de la femme qui s'était mal conduite, s'était repentie et avait pu, grâce à son sincère éloignement du vice, verser du parfum sur Jésus (cf. Lc 7,37s) et répandre dans toute la maison l'odeur de la myrrhe (cf. Jn 12,3) que percevaient tous ceux qui s'y trouvaient. C'est pourquoi il est écrit : "Partout où sera prêché cet évangile — parmi toutes les nations —, ce qu'elle a fait sera raconté aussi en mémoire d'elle" (Mt 26,13). »

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

Texte

Procédés littéraires

13b évangile Vocabulaire Mt 26,13b ; Genres littéraires Mt 26,13b ; →Le genre littéraire « évangile »

COMPOSITION Mise en abyme

Jésus semble s’extraire lui-même de son statut de personnage dans le récit pour décrire la destinée du récit comme s’il y était extérieur. Dans son contexte immédiat, la « bonne nouvelle » en question est le témoignage favorable que Jésus rend à cette femme. Mais c’est aussi l’annonce messianique concernant Jésus, qui inclura le récit de sa passion, et finalement l’évangile que le lecteur a dans les mains.

PRAGMATIQUE Métalepse actualisante totale

Cet évangile est destiné à être proclamé partout (cf. Mt 24,14 « Cette bonne nouvelle [ou "évangile"] du royaume sera proclamée dans le monde entier »), jusqu’au lieu où je me trouve au moment où je lis ou entends cette parole performative, vérifiée à chaque fois qu’elle est lue ou entendue. Procédés littéraires Mt 28,16–20

Pere Borrell del Caso (1835–1910), Huyendo de la crítica [Échapper à la critique], (huile sur toile, 1874), 75.7 x 61 cm

Collection Banco de España, Madrid © Domaine public→

Sur ce trompe-l'œil ironique, où la peinture semble sortir de son cadre pour échapper à la critique, c'est aussi le (modèle du) peintre qui sort du cadre de la « fiction » artistique pour rejoindre la réalité de celui qui regarde. Les emplois du mot euaggelion dans les évangiles, dans la mesure où ils s'irisent de connotations métalittéraires et peuvent désigner le livre même qu'on est en train de lire, relèvent de ce « glissement » (lepsis) d'un niveau encadré à un niveau encadrant (meta) : le personnage qui les emploie est à la fois dedans et dehors.

Réception

Arts visuels

6–13 Onction à Béthanie et repas chez Simon L’onction de Béthanie est une scène complexe, relatée différemment par chaque évangéliste. Elle fait intervenir un personnage très nébuleux du NT, une femme pénitente (Milieux de vie Mt 26,7a ; Tradition chrétienne Mt 26,7a), qui fut majoritairement identifiée comme Marie Madeleine au Moyen Âge (surtout dans les images). L’iconographie de cet épisode a toujours compilé différents éléments mentionnés par différents évangélistes.

Premières images à partir du 9e siècle

Modelées sur la Cène

Les premières figurations médiévales sont conçues sur le modèle de la →Cène telle qu’elle est conçue dès le 9e s. Le Christ est assis en bout-de-table, alors que les convives sont réunis, de face, d’un côté de la table. La femme à l’onguent est présentée inclinée, le plus souvent à genoux, devant la table (du côté visible par le spectateur), pour oindre les pieds. Judas est de même présent. L'épisode est intégré à la scène du repas chez Simon le Lépreux, et sa composition ressemble à celle de la Cène, montrant la communion de Judas (Arts visuels Mt 26,21–25). C’est sous cette forme que le passage se transmet durant tout le Moyen Âge :

  • Linteau de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Neuilly-en-Donjon, La Cène et L'Onction de Béthanie (ca. 1140).

Portail et linteau de l'église Ste-Marie-Madeleine de Neuilly en Donjon

Photo: Richard03, © CC BY-SA 3.0→

Sur le linteau sont représentés à droite Adam et Eve entre l'arbre de vie et l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et à gauche la cène où l'on reconnait, attablés, Jésus, les apôtres et Marie de Béthanie aux pieds de Jésus.

Parfois des rapports sont aussi dressés entre l’onction des pieds de Jésus pendant un banquet et le lavement des pieds des apôtres lors de la Cène.

Préférence pour Jean...

L'Évangile selon Jean (avec l’onction des pieds par la femme, Jn 12,3) est la source privilégiée au Moyen Âge car elle donne un sens précis à l’épisode. Les pieds de Jésus (et cela en général dans l’iconographie chrétienne) se rapportent à son humanité et donc à sa mortalité. L’onction des pieds annonce la mort et la sépulture de Jésus. La résurrection de Lazare (Jn 11), qui côtoie cette représentation, apporte plus qu’un simple lien narratif : elle complète l’évocation de la mort et de la résurrection.

  • Les Homélies de Grégoire de Nazianze (ca. 879-883, ms. réalisé à Constantinople, Paris Bnf, Ms Grec 510 f. 196v). Dans cette miniature la scène se passe durant le repas chez Simon le lépreux. Elle présente l’onction des pieds et est couplée avec la résurrection de Lazare. Judas se trouve à la même place que celle qu’il occupe souvent à table lors de la Cène : le dos au spectateur (Arts visuels Mt 26,21–25 ; →Cène [arts visuels]).
  • Codex Egberti (ca. 985, Bibliothèque municipale de Trèves, Cod. 24 f. 65r). La légende de cette scène à la table de Simon le lépreux identifie les personnages : Marthe (légendée Martha, Jn 12,2) tient un vase d’onguent alors que Marie de Béthanie (qui n’est pas légendée) se prosterne aux pieds de Jésus. Jésus est hissé sur un immense trône, si bien que la femme opère quasiment un geste d’un culte impérial. Judas (Ivdas) est lui aussi présent. Cette miniature lie à nouveau l’onction des pieds et la résurrection de Lazare.
... par rapport aux Synoptiques

L’onction de la tête (Mt 26,7 ; Mc 14,3) est beaucoup plus rare dans l’iconographie :

  • Le Psautier de Besançon (composé vers 1260 pour un monastère cistercien, folio 7) montre pour la première fois le motif de l’onction sur la tête. L'épisode est pourtant encore associé à celui de l’onction des pieds : deux femmes sont simultanément représentées, l’une oignant la tête et l’autre les pieds de Jésus. L’artiste associe Marthe et Marie et attribue à chacune un acte distinct d’onction, représentant ainsi différentes expressions de la vénération due au Christ. Tradition chrétienne Mt 26,7a huile de parfum : Bernard de Clairvaux
  • Manuscrit Den Haag, 15e siècle

Maître François, Onction de Jésus extrait de la cité de Dieu d'Augustin,  manuscrit Den Haag (Enluminure miniature, 1475-1480)

Musée Meermanno Westreenianum, La Haye, © Domaine public→

Mt 26,6-13; Mc 14,3-9; Jn 12,1-8

15e-18e siècle

Le geste de l’onction des pieds fut privilégié et a suscité les plus belles créations dans tous les foyers artistiques, p. ex. :

  • Jean Fouquet (1452-1460, Chantilly) ; Dieric Bouts (1440, Berlin) ;

Dirk Bouts, Le repas chez Simon, (1440)

Gemäldegalerie, © Domaine public→

  • Tintoret (1562, Padoue) ; Véronèse (16e s., le salon d'Hercule au château de Versailles) ;

Paolo Véronèse, Le repas chez Simon le Pharisien, (1570)

 Pinacothèque de Brera, © Domaine public→ 

  • Pierre-Paul Rubens (1618-1620, Saint-Pétersbourg) ;
  • Philippe de Champaigne (1602-1674, Nantes) ; Jean Jouvenet (1706, Lyon).

20e siècle

Le texte synoptique parfois apparaît comme source iconographique :

  • Eric Gill (1926), Éric de Saussure (1968), Arcabas (abbaye de Leffe) et Macha Chmakoff choisissent explicitement le geste de l’onction de la tête.

Contexte

Repères historiques et géographiques