La Bible en ses Traditions

Matthieu 27,26–35

Byz S TR Nes
V

26 ...

26 Alors il leur libéra Barabbas. 

Quant à Jésus, une fois flagellé, il le leur livra pour qu’il fût crucifié.

27 ...

27 Alors les soldats du gouverneur prenant Jésus dans le prétoire,

rassemblèrent contre lui la cohorte entière

27–31 Mc 15,16-20 ; Jn 19,2-3

28 ...

28 et l’ayant déshabillé l’enveloppèrent d’une chlamyde écarlate.

28 Pourpre écarlate Jr 10,9

29 ...

29 Et tressant une couronne avec des épines, ils la posèrent sur sa tête

et un roseau dans sa [main] droite

et faisant des génuflexions devant lui, ils se moquaient de lui disant :

— Salut roi des Juifs !

29s Dérision Ps 22,7-8 ; 69,11-12 ; 109,25 ; Is 50,6 ; Mt 27,11

30 ...

30 Et, lui crachant dessus, ils prirent le roseau et frappaient sa tête

31 ... 

31 et lorsqu’ils se furent moqués de lui, ils le déshabillèrent de la chlamyde 

et l’habillèrent de ses vêtements 

et ils l’emmenèrent pour le crucifier. 

32 ...

32 Et en sortant, ils trouvèrent un homme, un Cyrénéen du nom de « Simon ».

C’est lui qu’ils contraignirent pour qu'il portât sa croix.

33 ... 

33 Et ils arrivèrent à un lieu dit « Golgotha » 

(ce qui veut dire « lieu du calvaire ») 

34 ...

34 et ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel. 

Et [l’]ayant goûté, il ne voulut pas boire.

34 Vinaigre Ps 69,22 ; Pr 31,6-7

35 ...

35 L’ayant crucifié, ils divisèrent ses vêtements, les tirant au sort.

35 = Ps 22,19

Texte

Vocabulaire

33 Golgotha ce qui veut dire lieu du Crâne Transcription et traduction Ce nom propre Golgotha est une transcription de l'araméen gulgoltha qui signifie "lieu du Crâne". Cette traduction est directement donnée par les textes :

  • En grec : kraniou topos
  • Vulgate : calvariae locus, d'où le mot calvaire.

Propositions de lecture

15–26 Barabbas dans le procès de Jésus →Responsables de la mort de Jésus

Réception

Tradition chrétienne

29 une couronne avec des épines

 Désignation prophétique de la couronne d'épines

Les épines de la couronne font allusion aux 'épines' de la parabole du Semeur :

  • Clément d'Alexandrie  Paed. 2,8,73 ''... c'est être inconséquent, après avoir appris comment le Seigneur a été couronné d'épines, que de nous railler de la vénérable passion du Seigneur [...] En effet, c'est nous que la couronne du Seigneur désignait prophétiquement, nous qui étions autrefois stériles (cf. Mt 13,7). [...] Or, Jésus ils l'ont couronnés lorsqu'il était élevé [sur la croix].''

32 un homme de Cyrène du nom de Simon

Simon souffrit la passion

Irénée mentionne l'hérésie de Basilide selon qui le Christ Jésus ne fut pas crucifié et ne souffrit pas la Passion :

  • Irénée de Lyon  Haer. 1,24,4 ''... il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c'est ce Simon qui, par ignorance et erreur, fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu'on le prît pour Jésus; quant à Jésus lui-même, il prit les traits de Simon et, se tenant là, se moqua des Archontes. Étant en effet une Puissance incorporelle et l'Intellect du Père inengendré, il se métamorphosa comme il voulut, et c'est ainsi qu'il remonta vers Celui qui l'avait envoyé, en se moquant d'eux...''

27–31 TEXTE  Dans les évangiles, c'est lors de la comparution de Jésus devant le Sanhédrin que ces mauvais traitements sont infligés à Jésus par les Juifs. Les soldats de Pilate en feront autant et plus sur ses ordres :

  • Ac. Pil. B 10,1 "Une fois cette sentence prononcée par Pilate, les Juifs se mirent à frapper Jésus, les uns avec des bâtons, d'autres avec les mains, d'autres avec les pieds ; d'autres encore lui crachaient au visage."

2.26.29.34

  • Méliton de Sardes  Pascha 79,575 ''Car, ayant donné et le fouet à son corps et les épines à sa tête (cf. Mt 27,26.29; Jn 19,2), tu lias encore ses bonnes mains (cf. Mt 27,2) qui te formèrent à partir de la terre, et tu abreuvas de fiel (cf. Mt 27,34) sa bonne bouche, celle qui t'avait nourri de la vie, et tu mis à mort le Seigneur le jour de la Grande Fête.''

Mystique

26b il le leur livra Celui qui est condamné injustement devient le souverain juge du fidèle

  • Gertrude d'Helfta Exerc. 7,99-109 « De grâce, ô Amour : mon Jésus, lui, ton royal captif, dont toutes les forces ont été épuisées parce que les entrailles de ta miséricorde avaient été émues, ce Jésus qu’à cette heure même avec une telle violence, tu as traîné devant ses juges, pour le charger des péchés du monde entier, alors qu’il était sans tache, si ce n’est la seule cause de mon amour et mes péchés dont tu lui demandais raison ; oui, lui très innocent, lui très cher, lui condamné par amour de mon amour, lui pour moi livré à la mort, je veux aujourd’hui le recevoir de toi, ô très cher Amour, pour le compagnon de mon jugement. Donne-le-moi pour otage, afin que je l’aie pour présider à toute l’affaire de mon jugement » (1,266-267).

Tradition chrétienne

34b après l'avoir goûté, il ne voulut pas boire.

  • Origène  Cels.  7,13  ''Ceux qui conspirent contre l'Évangile de la vérité présentent sans cesse au Christ de Dieu le fiel de leur malice et le vinaigre de leur perversité ; et lui, après avoir goûté, ne voulut pas boire (Mt 24,34b).''

35 l'ayant crucifié ils partagèrent ses vêtements Argument prophétique Dans ce passage de son Apologie, Justin utilise diverses prophéties concernant la mission du Christ. Les Actes de Ponce Pilate qui y sont mentionnés ne sont pas à confondre avec ceux que l'on trouve dans l'Évangile de Nicodème. Il s'agit vraisemblablement de documents officiels rédigés sous Ponce Pilate et que Justin suppose conservés aux archives impériales.

  • Justin le Martyr  1 Apol.  35,8-9  ''Et après l'avoir crucifié, ils tirèrent au sort ses vêtements, et ceux qui l'avaient crucifié se [les] partagèrent... Vous pouvez vous en assurer en lisant les Actes rédigés sous Ponce Pilate.''

Ici dans son Dialogue, Justin introduit le jet des dés, suivant en cela Jn 19,24 ou les Actes de Pilate mentionnés en 1 Apol. 35, 8-9 :

  • Justin le Martyr  Dial.  97,3  '' ... et ceux qui l'avaient crucifié se partagèrent ses vêtements jetant les dés, chacun ce qu'il voulait choisir selon le jet du sort.''
  • → Justin le Martyr  Dial. 104,2 ''Et que, après l'avoir crucifié, ceux qui l'avaient crucifié se partagèrent ses vêtements, je l'ai déjà montré.''
  • Ac. Pil. 10.1 '' ... et là, les Juifs placèrent la croix, puis ils dévêtirent Jésus et les soldats prirent ses vêtements et se les partagèrent ... ''

26,59–63 ; 27,11–14.17s.28s.39 Jésus se taisait ... Le silence majestueux de Jésus 

La magnanimité de Jésus 

La majesté du silence de Jésus atteste sa grandeur d'âme. Plus loin durant sa passion, sous la cruauté des bourreaux, il montrera une fermeté et une douceur telles qui surpassent toute virtuosité stoïcienne.

  • Origène  Cels.  Préface 1-2  ''Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d'un faux témoignage, se taisait, accusé, il ne répondait rien, bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. [...] Or Jésus, victime d'un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l'attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir et ils n'en trouvèrent pas, bien que beaucoup de faux témoins s'étaient présentés. Finalement il s'en présenta deux qui dirent : Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. (Mt 26,59-61). Le grand prètre se leva et lui dit : Tu ne réponds rien ? Qu'est-ce que ces gens témoignent contre toi ? Mais Jésus se taisait (Mt 26,62-63a). En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l'interrogea : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus lui répliqua : Tu le dis. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : N'entends-tu pas tout ce qu'ils allèguent contre toi ? Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l'extrême étonnement du gouverneur (Mt 27,11-14). Quel sujet d'étonnement en effet, même pour des gens moyennement doués : l'accusé, victime du faux témoignage, pouvait se défendre, prouver qu'aucune charge ne l'atteignait, faire un long panégyrique de sa propre vie et de ses miracles, manifestement venus de Dieu, pour frayer au juge la voie d'une sentence favorable : bien loin de le faire, il n'eut que mépris et noble dédain pour ses accusateurs. Et que le juge, à la moindre défense, eût sur-le-champ libéré Jésus, c'est ce que montrent soit la parole qu'on rapporte de lui : Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ou Jésus qu'on appelle Christ ?, soit ce qu'ajoute l'Écriture : Il savait qu'on l'avait livré par jalousie (Mt 27,17s). Or Jésus ne cesse d'être en butte aux faux témoignages, et il n'est pas d'instant, vu la malice qui règne chez les hommes, où il ne soit accusé. Et lui, aujourd'hui encore, se tait devant ces attaques et ne répond point de sa propre voix ; mais il a sa défense dans la vie de ses véritables disciples, témoignage éclatant des faits réels, victorieux de toute calomnie, et il réfute et renverse les faux témoignages et les accusations.'' 
  • Origène  Cels.  7, 55  ''Après la liste de ces grands hommes, il [Celse] ajoute : Qu'est-ce que votre Dieu a dit de pareil dans son supplice ? On peut lui répondre : son silence au milieu des coups et des nombreux outrages (cf. Mt 26,63) manifeste plus de fermeté et de patience que toutes les paroles dites par les Grecs soumis à la torture [...] Même insulté et revêtu de la robe pourpre, la couronne d'épines autour de la tête et à la main le roseau en guise de sceptre (cf. Mt 27,14.28s.39), il garda une extrême douceur sans une parole vulgaire ou indignée contre les auteurs capables de ce forfait.''

Contexte

Littérature péritestamentaire

30 et lui crachant dessus ...   Cf.Littérature péritestamentaire Mt 27,27–31

  • Or. sib. 8, 287-289 ''Il tombera plus tard aux mains des criminels et des impies [...] et, de leur bouche souillée, des crachats empoisonnés.''
  • Barn. 7,8a-9  ''Crachez tous sur lui, percez-le, couronnez sa tête [...] c'est qu'ils verront, quand viendra le Jour, portant sur sa chair le manteau écarlate, et ils diront : N'est-ce pas celui que jadis nous avons crucifié après l'avoir méprisé, percé et couvert de crachats ? En vérité c'est celui qui se prétendait alors fils de Dieu.''

34 vinaigre mêlé de fiel  L'auteur de l'évangile de Pierre cite de près le Ps 68,22, reconnu par la tradition comme texte prophétique de la Passion, pour montrer son accomplissement — le mélange de fiel et de vinaigre se trouve seulement en Mt 27,34, suivant de près le Ps 68,22 : 'Ils me donnent du fiel (cholên) pour nourriture et pour ma soif ils me font boire du vinaigre (oxos)' :

Réception

Tradition chrétienne

34 ils lui donnèrent ... du vinaigre mêlé de fiel Accomplissement des Écritures

  • Irénée de Lyon  Epid. 82 ''Lorsqu'ils l'eurent crucifié, comme il demandait à boire, 'ils lui présentèrent du vinaigre mêlé de fiel' (Mt 27,34). Cela même avait aussi été prédit par la bouche de David : 'Ils m'ont donné du fiel pour ma nourriture et, dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre' ( Ps 68,22).''
  • Méliton de Sardes  Pascha 79,573-574 ''Lors de l'immolation du Seigneur, vers le soir, tu préparas des clous pointus [...] du vinaigre et du fiel (Mt 27,34).''
  • Méliton de Sardes  Pascha 80,582-583 ''Tu buvais du vin et mangeais du pain, mais lui du vinaigre et du fiel (Mt 27,34).''
  • Const. ap.  5,6,9  ''...après avoir été flagellé, il fut cloué à la croix, on lui fit boire du vinaigre et du fiel (Mt 27,34), et après avoir accompli toutes les Écritures...''

34s.38.45s.50.60  Récit de la Passion Le compilateur de CA a repris en partie à la Didascalie une chronologie qui lui est particulière  :

  • Const. ap.  5,14,14-17  ''Les bourreaux se saisirent du Seigneur de gloire (cf. 1Co 2,8) et le clouèrent au bois ; à la sixième heure (cf. Jn 19,14) ils le crucifièrent (cf. Mt 27,35), mais ils avaient obtenu la sentence le concernant à la troisième heure (cf. Mc 15,25) ensuite ils lui donnèrent à boire du vinaigre avec du fiel (Mt 27,34), puis ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort (Mt 27,35) ; ensuite ils crucifièrent deux malfaiteurs avec lui (Mt 27,38 ; Lc 23,33), de chaque côté, afin que s'accomplît ce qui est écrit (cf. Jn 19,24) : Ils m'ont donné comme aliment du fiel et pour la soif ils m'abreuvèrent de vinaigre ( Ps 68,22). Et encore : Ils se sont partagé mes vêtements et sur ma tunique ils ont jeté le sort (Ps 21,19 ; Jn 19,24). Et ailleurs : Et il fut compté avec les mauvais (Is 53,12 ; Mc 15,28). Puis ce furent les ténèbres pendant trois heures, de la sixième à la neuvième heure (Mt 27,45), selon qu'il est écrit : Et il n'y aura ni jour ni nuit, mais le soir, la lumière (Za 14,7). Et vers la neuvième heure Jésus poussa un grand cri et dit au Père : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? (Mt 27,46) Et peu après il cria d'une voix forte (Mt 27,50) : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23,34). Puis il ajouta : Entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23,46 ; Ps 30,6), il expira et il fut enseveli avant le coucher du soleil dans un tombeau neuf (Mt 27,60).''

31s.35 pour le crucifier. à porter sa croix. l'ayant crucifié Esquisse d'une réflexion théologique et symbolique du mystère de la croix

Convenances de la croix

L'obéissance par la croix face à la désobéissance par l'arbre et le symbole cosmique de la rédemption

L'obéissance du Fils de Dieu par le moyen du bois de la croix détruit la désobéissance d'Adam perpétrée au moyen du bois et la préfiguration cosmique de la croix : le Verbe imprimé en forme de croix dans l'univers devenu visible sur la croix :

  • Irénée de Lyon  Epid.  33-34  ''Et la transgression qui s'était perpétrée par le moyen du bois fut détruite par l'obéissance qui s'accomplit par le moyen du bois, cette obéissance par laquelle le Fils de l'homme obéit à Dieu lorsqu'il fut cloué au bois, abolissant par là la science du mal (cf. Gn 3,5) et procurant la science du bien [...] Donc par l'obéissance (cf. Rm 5,19) par laquelle il a obéi jusqu'à la mort (cf. Ph 2,8) en pendant au bois (cf. Ga 3,13), il a détruit l'antique désobéissance qui s'était perpétrée par le moyen du bois (cf. Gn 3,6). Et, parce que lui-même est le Verbe du Dieu tout-puissant, Verbe qui, au plan invisible, est coextensif à la création tout entière et soutient (cf. Sg 1,7) sa longueur et sa largeur et sa hauteur et sa profondeur (cf. Ep 3,18) — car c'est par le Verbe de Dieu que l'univers est régi —, il fut aussi crucifié (cf. Mt 27,35) en ces quatre dimensions, lui, le Fils de Dieu qui se trouvait déjà imprimé en forme de croix dans l'univers : il fallait en effet que le Fils de Dieu, en devenant visible, produisît au jour son impression en forme de croix <dans> l'univers, afin de révéler, par sa posture visible de crucifié, son action au plan <in>visible, à savoir que c'est lui qui illumine la hauteur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les cieux (cf. Col 1,20), qui soutient la profondeur, c'est-à-dire les choses qui sont dans les régions de dessous la terre (cf. Ep 4,9), qui étend la longueur depuis le Levant jusqu'au Couchant (cf. Mt 24,27), qui dirige à la manière d'un pilote la largeur du Pôle et du Midi, et qui appelle de toutes parts les dispersés (cf. Is 11,12 ; Jn 11,52) à la connaissance du Père.''
  • Irénée de Lyon  Haer. 5,17,4  ''Puisque nous l'avions perdu par le bois, c'est par le bois qu'il est redevenu visible pour tous, montrant en lui-même la hauteur, la longueur et la largeur (cf. Ep 3,18)...''
  • Irénée de Lyon  Haer.  5,18,3  ''Car l'Auteur du monde, c'est en toute vérité le Verbe de Dieu. C'est lui notre Seigneur : lui-même, dans les derniers temps, s'est fait homme, alors qu'il était déjà dans le monde (cf. Jn 1,10) et qu'au plan invisible il soutenait toutes les choses créées (cf. Sg 1,7) et se trouvait imprimé en forme de croix dans la création entière, en tant que Verbe de Dieu gouvernant et disposant toutes choses. Voilà pourquoi il est venu de façon visible dans son propre domaine (Jn 1,11), s'est fait chair (Jn 1,14) et a été suspendu au bois (cf. Ac 5,30.10,39 ; Ga 3,31 ; Dt 21,22s), afin de récapituler toutes choses en lui-même (cf. Ep 1,10).''

Il semble qu'Irénée fasse allusion à un mot de Platon tel que le cite Justin le Martyr  1 Apol. 60, 1 '' Ce que Platon dit dans le Timée (cfPlaton  Tim. 36B) en dissertant sur la nature du Fils de Dieu, à savoir qu'Il l'a imprimé en forme de croix dans l'univers, c'est encore à Moïse qu'il l'a emprunté...'' Il faut encore comprendre que dans la pensée d'Irénée pour le Logos divin, être imprimé en forme de croix dans l'univers, n'est pas autre chose qu'être présent, d'une présence créatrice, continuelle, directrice et illuminatrice, à cet univers dans sa totalité de ses dimensions.

Autres raisons données par Athanase

Athanase reprend une autre symbolique très antique, connue aussi d'Irénée (cf. Irénée de Lyon Haer.  5,17 4), des mains étendues rassemblant les deux peuples  et le thème de la purificaiton de l'air :

  • Athanase d’Alexandrie  Or. incarn.  25,1-16.26,1  ''...pourquoi il ne subit pas une autre mort mais celle de la croix, qu'il apprenne à son tour que c'était précisément cette forme de mort qui tournait à notre avantage, et c'est elle que le Seigneur accepta non sans raison pour nous. [...] si la mort du Seigneur est une rançon pour tous, et que cette mort renverse la barrière de séparation, et que se réalise la vocation des Gentils, comment nous aurait-il appelés, s'il n'avait pas été crucifié ? Car c'est seulement sur la Croix que l'on meurt les mains étendues. Aussi convenait-il que le Seigneur subît cette mort et étendît les mains : de l'une il attirerait l'ancien peuple, de l'autre les Gentils, et il réunirait les deux en lui. Et cela, lui-même l'a dit, en indiquant par quelle mort il rachèterait tous les hommes : quand je serai élevé, je les attirerai tous à moi (Jn 12,32). De plus, si l'ennemi de notre race, le diable, tombé du ciel, erre dans les régions inférieures de l'air, et s'il y exerce son empire sur les démons qui l'entourent et qui lui ressemblent par la désobéissance [...] l'Apôtre dit à ce sujet : Selon le prince de l'empire de l'air (Ep 2,2) [...] Le Seigneur est donc venu pour abattre le diable, purifier l'air, et nous ouvrir le chemin qui fait monter au ciel, comme le dit l'Apôtre : à travers le voile, c'est-à-dire sa chair (He 10,20), et cela devait se faire par la mort; mais par quelle mort, sinon celle arrivée dans les airs, je veux dire par la croix ? Seule meurt dans les airs, celui qui meurt sur la croix. C'est donc avec raison que le Seigneur a subi celle-là. Ainsi, élevé de terre, il a purifié l'air de toutes les machinations du diable et des démons [...] mais il a recréé le chemin qui monte vers les cieux, en frayant la route [...] Car le Verbe lui-même n'avait pas besoin qu'on lui ouvrît les portes (cf. Ps 23,7), lui qui est le Seigneur de tous : aucune des créatures n'était fermée pour leur créateur ; mais c'est nous qui en avions besoin, nous qu'il a porté vers les hauteurs grâce à son propre corps. Car de même qu'il l'a livré pour tous à la mort, de même il a frayé par lui la route qui fait monter vers les cieux. La mort pour nous sur la croix fut donc sensée et adaptée : la cause en paraît raisonnable à tout point de vue, et se fonde sur des arguments valables : ce n'est pas autrement que par la croix que devait s'opérer le salut de tous. En effet, même ainsi il refusa de se rendre invisible sur la croix, mais il a fait témoigner la création tout entière de la présence de son créateur ...''

Symbole cosmique 

Extension cosmique de l'oeuvre de la rédemption

L'explication cosmique de la croix, enracinée en Jn 12,32 et Ep 3,18s, thème très ancien, repris et enseigné par Irénée via Justin,  s'est répandue dans l'antiquité chrétienne : 

  • Méliton de Sardes  Pascha   96  ''Celui qui suspendit la terre est suspendu, celui qui fixa les cieux est fixé, celui qui consolida tout est retenu sur le bois, celui qui est Maître est outragé.'' (117)
  • Méliton de Sardes  Frag.  Du Logos sur la croix 14,12-14  ''Il se tenait devant Pilate et il était assis avec son Père : il était fixé au bois et il soutenait l'univers.'' (241)
  • → Origène  Hom. Gen.  2,5,6-8  ''L'Apôtre, en un passage où il parlait du mystère de la croix plus mystiquement, a cette parole : Afin que vous connaissiez la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur (Ep 3,18).'' (99)

L'homélie suivante est inspirée d'Hippolyte. Il décrit la fonction consolidatrice de la croix :

  • Hom. pasc.  50-51,8-10    ''Et en conséquence, à la place du bois plantant le bois, à la place de la main perverse qui s'était tendue autrefois dans un geste d'impiété clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, il a montré en sa personne toute la vraie vie pendue [à l'arbre]. [...] Cet arbre m'est une plante de salut éternel [...] c'est l'échelle de Jacob et le chemin des anges, au sommet duquel le Seigneur est vraiment appuyé. Cet arbre aux dimensions célestes s'est élevé de la terre aux cieux, se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de toutes choses et appui de l'univers, support de toute la terre habitée et joint du monde, tenant assemblée la variété de la nature humaine et cloué par les chevielles invisibles de l'Esprit, afin qu'ajusté au divin, il n'en soit plus détaché. Touchant par son faîte le sommet des cieux, affermissant la terre par ses pieds, et étreignant de tous côtés par ses mains immenses l'esprit nombreux de l'air entre ciel et terre, il était tout entier en tout et partout.''(176-178)
  • Grégoire de nysse  Hom. pasc.  2,7  ''Il revient au seul grand Paul, [...] d'expliquer ce mystère, tout comme dans un passage de son épître aux Éphésiens il a dévoilé ce secret en disant : Afin d'avoir la force de comprendre avec tous les saints ce qu'est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Ep 3,18s). Cet oeil divin de l'Apôtre n'a pas médité en vain sur la forme de la croix [...] Il a vu dans cette forme, constituée de quatre bras partant de son centre, l'image de la puissance universelle et de la providence de celui qui est apparu en elle. [...] il indique clairement qu'il n'est rien au monde qui ne soit soutenu par la nature divine [...] puissance qui supporte l'univers. [...] le grand Apôtre dit que celui qui est au-dessus de tout nom (Ph 2,10) est adoré sous le nom de Jésus-Christ, dans les cieux, sur la terre et sous la terre (Ph 2,10). Là encore, à travers ces paroles, il répartit l'adoration du Christ selon la forme de la croix : la région céleste adore le Seigneur dans la partie supérieure de la croix, la région du monde dans le milieu, tandis que la région souterraine s'attache au bas de la croix.'' (65-67)
  • Grégoire de Nysse  Or. catech.  32,36-57   ''D'autre part, la croix renferme-t-elle encore quelque enseignement plus profond ? C'est ce que pourraient savoir ceux qui sont experts dans le dévoilement du sens caché. Voici ce qui, à ce sujet, nous vient de la tradition. [....]  En effet, c'est le propre de la divinité de pénétrer toutes choses et de se répandre dans toutes les parties de la nature des êtres vivants : car rien ne saurait subsister dans l'être, sans rester en celui qui est ; et la nature divine est ce qui est au sens propre et premier, elle que la permanence des être créés nous oblige à croire présente dans tous les êtres. Par la croix, dont la forme en elle-même est quadripartite, si bien qu'à partir du centre où se trouve le point de convergence de l'ensemble, on peut compter quatre prolongements, nous apprenons que celui qui y fut étendu au moment où se réalisait l'économie selon la mort, est celui-là même qui relie et ajuste à lui-même l'univers...'' (289-291)

26 La flagellation. tradidis eis autem : inscription médiévale.

12e siècle : 

  • Vers 1160 : Belgique, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, autel portatif de Stavelot : "Flagellatio Domini" Gauthier 1972, n°95, 352.

15e siècle :

  • Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, cathédrale, croix : "tradidit eis autem flagellatum Jesum ut crucifigeretur." DI 26, n° 36, 45.

28 la couronne d'épines. Chlamydem coccineam.

11e siècle : 

  • Fin 11e s. : France, Poitiers (86), Saint-Hilaire, peintures murales, Saint Martin : "Chlamydem (rouge)"

29 Flagellation Ave rex Judeorum. : inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Vers 1180 : Allemagne, Berlin, Kunstgewerbemuseum, reliquaire en forme de coupole : "Ave rex" DI 35, n°18, 25.

13e siècle : 

  • Fin 13e s. : Autriche, Vorarlberg, Bregenz, abbaye cistercienne de Mehrerau, calice de l'abbaye de Wettingen, titulus de la croix : "Ave" CIMAH 3, n° 58, 184-185.

15e siècle : 

  •  Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, Musée diocésain, croix : "plectentes coronam de spinis imposuerunt" DI 26, n°35, 44.

31 la Flagellation. Conspuitur ne nos viciorum : inscription médiévale.

12e siècle : 

33–56 Crucifixion. Vita crucis ligno : inscriptions médiévales.

12e siècle :

  • Italie, Monreale (Sicile), cathédrale, transept : - Jhesus ductus ad crucis pasionem - Crucifixio Jesu Christi  - Descensio corporis Christi -Corpus Christi ponitur in sepulcro -Resurectio Christi" Demus 1970, 162.
  • Mi 12e: Le Puy, cathédrale, porte Saint-Gilles : "Vita crucis ligno patitur discrimina mortis" CIFM 18, 114.

1–66 La mort de Jésus. Clamans voce magna : inscriptions médiévales.

15e siècle : 

  • Vers 1400 : Allemagne, Lüneburg, Kloster Ebstorf, vitrail : "jhesus pendens in cruce tradidit spiritum" DI 76, n° 27, 87.
  • Vers 1425 : Allemagne, Osnabrück, cathédrale, croix : "clamans voce magna emisit spiritum"  DI 26, n° 36, 45.
  • 4e quart du 15e s. :  Allemagne, Hanovre Musée Auguste Kostner, antependium : "Jhesus clamans voce magna emisit spiritum" DI 76, n° 62, 142.

Contexte

Littérature péritestamentaire

27–31 Parallèle dans l'Évangile de Pierre La livraison du Seigneur par Hérode ne suit pas l'ordre chronologique des évangiles canoniques.

Réception

Arts visuels

26–31 Christ à la colonne

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Christ à la colonne (huile sur toile, 1910), 161 x 149 cm

Musée d’Orsay, Paris © RMN Martine Beck→

Au Salon d’automne 1910, Desvallières expose le Christ à la colonne, image puissante de sa foi retrouvée, à côté de La Grèce (CR 1319), fleuron de sa peinture allégorique. Il choisit de présenter ces deux toiles ensemble, un peu à la manière d’un premier testament. L’inspiration du Christ à la colonne lui est venue pendant un voyage en Espagne, au printemps 1910, au cours duquel il réalise une petite étude aquarellée (CR 1335), au dos d’une carte postale de l’église Saint-Jean de Ségovie. L’artiste voyage avec Marguerite et Richard, René Prinet, son épouse, Jeanne, et André Saglio. Ensemble, ils visitent la cathédrale de Ségovie, dans laquelle George remarque sans doute le Cristo Yacente, le Christ gisant (1631-1636), de Gregorio Fernández (1576-1636) ; dans la sacristie de la cathédrale de Burgos, il est probablement aussi frappé par le Christ à la colonne (vers 1525) de Diego Siloé (1495-1563), autre sculpture polychrome du corps de Jésus, recouvert des stigmates de la flagellation. Cette iconographie doloriste et réaliste des artistes espagnols l’inspire sur-le-champ ; il compose le petit dessin coloré pour cette future œuvre magistrale. Le Christ de la passion, le corps lacéré de traits de sang, la tête inclinée sous sa couronne d’épines, porte toute la souffrance du monde pour lequel il a donné sa vie et à qui les hommes pécheurs demandent pardon : sur le fond noir, à droite, l’artiste a écrit en capitales « Seigneur ayez pitié de nous ». Une corde épaisse retient le supplicié à une colonne lumineuse qui annonce, avec l’auréole placée au-dessus de lui, la résurrection du Fils de Dieu. Cette vision est offerte au Salon d’automne 1910, année consacrée aux arts décoratifs.

  • Louis Vauxcelles remarque immédiatement ce « Christ flagellé, pathétique comme un Christ de primitif espagnol » (L’Art décoratif, octobre 1910, p. 170). D’autres y voient toujours l’admiration de son auteur pour les maîtres italiens.
  • Dans une lettre à Frantz Jourdain, Henry Marcel, l’administrateur de la Bibliothèque nationale et futur directeur des Musées nationaux, écrit : « Ce magnifique “Christ à la colonne”, qui évoque les plus belles images de la Renaissance italienne, et où Mantegna et Signorelli reconnaîtraient l’âpreté incisive, le grand caractère de leurs créations. »
  • Les critiques soulignent la ferveur du peintre converti : « C’est la création d’un esprit qui s’est mis réellement en présence de son sujet, l’a traité avec une entière conviction, comme une scène vraie et vécue, d’une actualité éternelle. » (Hamel)
  • Après la guerre et le retour de son ami du front d’Alsace, Maurice Denis écrit : « Les œuvres de Desvallières qu’on voit aux Salons, le Christ à la colonne, le Bon Larron, le Drapeau du Sacré- Cœur, ne sont pas seulement de pathétiques images et de fervents actes de foi, mais encore d’admirables pages décoratives, composées, charpentées, solidement écrites. » (1919, p. 163) Il s’est porté acquéreur de la toile, pour la plus grande joie de Desvallières : « Comment vous remercier, cher ami, de cet achat ! Je suis très sincèrement touché à l’idée de voir ce Christ chez vous » (25 juin 1919). En novembre, tous deux s’engagent dans la grande aventure des Ateliers d’art sacré… (Cf. T. I., p. 114-133)
  • En 1937, Raymond Escholier rappelle que, si le peintre a célébré la Vierge et le Christ, « c’est surtout vers 1910 que la Grâce le touche et le marque au front pour rénover l’art chrétien », avec « le chef-d’œuvre, le Christ à la colonne, véhément ex-voto qui évoque Morales et Valdés Leal ».

Deux ans plus tard, dans son importante Histoire de l’art religieux, Maurice Denis situe Desvallières dans le courant « romantique, celui qui s’apparente au baroque, au Greco, à la piété espagnole. Il est impossible de ne pas y rattacher l’oeuvre immense de George Desvallières, le représentant génial du lyrisme et du mysticisme d’après-guerre, l’un des plus grands noms de l’art d’aujourd’hui. Il avait peint un “Christ à la colonne”, un “Sacré-Cœur” pathétique comme un Grünewald […] » (p. 298), écrit-il, rapprochant, à raison, les deux œuvres dans lesquelles le peintre représente Celui qu’il aimait nommer « Notre-Seigneur-Jésus-Christ ». Une image de dévotion paraîtra, intitulée « Le Christ à la colonne (Georges [sic] Desvallières) », sous la photographie sépia, éditée, comme celle du Sacré-Cœur, par L’Art catholique. Plusieurs répliques seront par la suite commandées au peintre, dont deux sont répertoriées au catalogue, celle de Louis Meley (CR 1713), en 1922, et celle d’Eugène Chevalier (CR 2428), en 1939.

28 Christ dépouillé de ses vêtements

20e s.

George Desvallières (1861-1950), Christ dépouillé de ses vêtements  (huile et essence sur papier marouflé,ca. 1926), 64,8 x 37 cm

collection particulière, Paris © P. Henriot→

D’abord exposé à Genève, le tableau est remarqué au Salon d’art religieux de janvier 1927 comme un « magnifique morceau où se retrouve la tradition de Gustave Moreau dans un torse d’une impeccable plastique, d’une noblesse de ligne, d’un modelé admirables » (Ladoué). Devant la croix sur la droite, un terrible bourreau dévoile le Fils de Dieu.

Dans son livre, Le Christ dans l’art français, Paul Doncœur reproduit l’œuvre et commente : « Il y a encore trop d’intention dans le beau « Christ dépouillé » de G. Desvallières si tragique. Le corps étiré, bridé, dénudé est aussi vrai que celui de la crèche, corps comme les nôtres, vrai corps d’homme, mais tant marqué de souffrance. Tout le reste n’existe plus ; cet étirement de verticales, qu’importe leur objet ? La seule chose qui demeure en nos yeux, c’est le corps offert ; « Prenez et mangez car ceci est mon corps livré pour vous. » L’artiste n’est plus que l’ami et il ne voit que l’Ami. Ainsi nous-mêmes, oubliant tout ce qui d’abord nous occupait, ne pensons-nous plus qu’à l’amour qui consomme son offrande. » (Doncœur) L’artiste traita cette scène plus tragiquement dans la 10e station de ses chemins de croix de Wittenheim (CR 2075) et du Saint-Esprit (CR 2334).

Contexte

Repères historiques et géographiques

31c ils l’emmenèrent pour le crucifier Itinéraire ? Le →chemin emprunté par Jésus vers le Golgotha ne nous est pas connu. Entre le lieu de la condamnation et le lieu de l’exécution de Jésus, deux possibilités s’offraient :

  • si Pilate voulait la discrétion, une sortie par la porte située à l’ouest du →prétoire (peut-être la « porte des Esséniens » de Josèphe B.J. 5,145) ;
  • s’il voulait au contraire la publicité pour intimider la population, une déambulation depuis la porte orientale du palais à l’intérieur du premier mur, jusqu’à la porte de Gennath (Josèphe B.J. 5,146).

Réception

Arts visuels

1–66 Ecce homo

19e s.

Antonio Ciseri (1821-1891), Ecce homo, (huile sur toile, 1860-1880), 292 x 380 cm

Galleria dell'Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence, © Domaine public→, Jn 19, Mt 27

Le peintre néoclassique représente dans une œuvre presque grandeur nature ce passage de l'Évangile. L'angle est original : nous sommes dans le palais de Pilate. Au premier plan, à droite, la femme de Pilate se détourne tristement : elle a tenté d'empêcher cela en racontant à son mari le rêve qu'elle a eu au sujet de Jésus, mais en vain. Les lignes de fuite, bien que discrètes parce que liées aux architectures de l'arrière plan, attirent le regard vers le point signifiant toute l'intensité dramatique du moment : l'espace situé entre le corps de Jésus et la main de Pilate, cette main qui livre, et qui prétend se laver du crime.

Liturgie

35 L'ayant crucifié PARALITURGIE reliques de la passion : les saints Clous

Art populaire du 19s.

Art populaire, Clou forgé à l'identique de celui de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome (1855), 30,9 x 35 x 7,5 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Clou forgé à l'identique de celui de la Basilique Sainte Croix de Jérusalem à Rome (1876), 28 x 33,5 x 6,8 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

→Reliques de la passion

Arts visuels

27–50 Instruments de la Passion

Art populaire du 18e s.

Art populaire, Croix avec la lance et l'éponge à l'extrémité de la branche d'hysope (18e s.), reliquaire à papiers roulés, France

© Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Crucifix entouré des instruments de la Passion (début 18e s.), 33,7 x 24,4 x 1,5 cm, Clarisses de Chambéry

© Photo : Trésors de ferveur→

31–38 La Crucifixion ou Le Calvaire

17e s.

Malgré le drame de la scène, nul ne semble remarquer l'absence de lumière, excepté l'homme nu se relevant, vêtu d'un drap. Dans cette œuvre figurent les six phénomènes extraordinaires racontés par l'évangile de saint Matthieu.

Nicolas Poussin (1594-1665), La Crucifixion ou Le Calvaire, (huile sur toile, 1645 - 1646), 148 × 218 cm

Wadsworth Atheneum, Hartford (Connecticut) © Wikicommons→

18e s.

Art populaire, Le Crucifix miraculeux des clarisses de Chambéry (début 18e s.), estampe sur papier, 35 x 22 cm

© Photo : Trésors de ferveur→

Musique

35–45 Were you there (when they crucified my Lord)

20e s.

Johnny Cash (1932-2003), Were You There (When They Crucified My Lord) 

© Licence YouTube standard→

Composition

Johnny Cash propose avec ce titre une reprise d'un negro spiritual, chant religieux entonné par les esclaves noirs lors du travail dans les plantations de champs de coton dans le sud des États-Unis.

Paroles

Were you there when they crucified my Lord ? (Were you there ?) / Were you there when they crucified my Lord ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! Were you there when they crucified my Lord ? —— Were you there when they nail'd him to the cross ? (Were you there ?) / Were you there when they nail'd him to the cross ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they nail'd him to the cross ? —— Were you there when they pierced him in the side ? (Were you there ?) / Were you there when they pierced him in the side ? O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when they pierced him in the side ? —— Were you there when the sun refused to shine ? (Were you there ?) / Were you there when the sun refused to shine ? / O sometimes it causes me to tremble ! tremble ! tremble ! / Were you there when the sun refused to shine ?

Traduction

Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? (Mt 27,35 // Mc 15,24 // Lc 23,33 // Jn 19,18) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont crucifié mon Dieu ? —— Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / (Étais-tu là ?) Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils l'ont cloué à la croix ? —— Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? (Jn 19,34) (Étais-tu là ?) / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand ils ont transpercé son flanc ? —— Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? (Mt 27,45 // Mc 15,33 // Lc 23,44) / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ? / Oh, parfois cela me fait trembler, trembler, trembler ! / Étais-tu là quand le soleil n'a pas voulu briller ?

Liturgie

26–35 Protège Seigneur

« Protege Domine »

Traditionnel, Offertoire - Protege Domine

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Jn 19,17s Lc 23,26.33 Mc 15,21-24 Mt 27,26-35

Offertoire chanté pour la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix le 14 septembre.

Arts visuels

35–56 Les acteurs de la crucifixion dans les représentations visuelles

Moyen Âge

Le nombre de personnages présents autour du Christ en croix (→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié) est relativement restreint et limité : le Crucifié est souvent entouré des deux larrons, en présence ou non de la Vierge et de saint Jean, parfois d’une foule (plus ou moins nombreuse) aux pieds de la croix. Entre composition narrative, symbolique et méditative, la production est donc remarquablement abondante et diversifiée.

Personnages « historiques »
  • la Vierge, saint Jean : Duccio di Buoninsegna (1305-1308, Windsor) ; Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) ; Bernardo Daddi (1325-1340, New York) ; Ugolino di Nerio (1330-1335, Madrid) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) : Mariotto di Nardo (1395-1400, Avignon) ;

Duccio di Buoninsegna (1255-1319), Triptyque : crucifixion et autres scènes, (tempera sur panneau, 1302-1308), 44,9 x 31,4 cm

Collection royale du Royaume-Uni

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) :

Maître de Santa Chiara (actif entre 1290 et 1330), Le Calvaire, (huile et or sur bois, ca. 1330), 27 x 18 cm

Musée du Louvre, Paris

CC © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Ugolino di Nerio (1330-1335, Madrid) :

Ugolino di Nerio (1280-1330), Crucifixion avec la Vierge et saint Jean l'évangéliste, (tempera sur panneau, 1330-1335), 135 x 90 cm

Musée national Thyssen-Bornemisza, Madrid, Esapgne

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Simone Martini (1284-1344), Polyptyque Orsini : Crucifixion, (tempera sur panneau, 14e s.), 24,4 x 15,5 cm

Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, Belgique

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

  • le centurion qui se convertit devant la mort du Christ (souvent, dans l’iconographie, identifié au porte-lance) ;
  • les soldats (entre autres ceux jouant aux dés la tunique) ;
  • des spectateurs plus anonymes, représentant des témoins du moment, voire une véritable foule : Giovanni Pisano (1302-1310, Pise) ; Giotto (1305-1306, Padoue et 1330, Berlin et Strasbourg) ; Duccio di Buoninsegna (1308-1311, Sienne) ; Maître de Monteoliveto (1315, New York) ; Simone Martini (1330-1340, Anvers) ; Pietro Lorenzetti (1340-1344, New York) ; Bartolomeo Bulgarini (14e s., Paris) ; Andrea de Florence (1365-1368, Florence) ; Jacopo di Cione (1368-1370, Londres) ; Jean de Beaumetz (1390, Paris et Cleveland) ; Agnolo Gaddi (1390-1396, Florence) ; Mariotto di Nardo (1395-1400, Avignon).

Jacopo di Cione (1325-1399), Crucifixion, (1369-1370), 154 x 138,5 cm

National Gallery, Londres, Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Pietro Lorenzetti (1340-1344, New York) :

Pietro Lorenzetti (actif entre 1320 et 1344), Crucifixion, (détrempe et feuille d'or sur bois, ca. 1340), 41,9 x 31,8 cm

Metropolitan Museum of Art, New York, domaine public→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

Personnages « historiques » mais venus du passé ou du futur

Pietro Cavallini (1240-1330), Crucifixion, (fresque, ca. 1308)

San Domenico Maggiore, Naples, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Lc 23 ; Mt 27 ; Jn 19 ; Mc 15

  • ; Giotto (1310, Assise) ; Puccio Capanna (1330, Raleigh et 1344, Assise) ; Bernardo Daddi (1338-1340, Berlin et 1350, Limerick) ; Francesco di Vanuccio (1356-1389, Paris) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) ; Fra Angelico (1441-1442, Florence) ;

Puccio Capanna (14e s.), Crucifixion, (fresque, ca. 1344)

Sacro Convento, basilique Saint-François d'Assise, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) :

Jacobello Alberegno (1367-?), Triptyque, (tempera sur panneau, 1360-1390), 45 x 56 cm

Gallerie dell'Accademia, Venise

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • à partir de la fin du Moyen Âge, les commanditaires ou donateurs de l’œuvre se faisant représenter en prière au pied de la croix, parfois la famille entière quand il s’agit de laïcs : Francesco di Vanuccio (1380, Berlin) ; Giovanni di Paolo (1455, Canberra).

Giovanni di Paolo (1403-1482), Crucifixion avec le donateur Jacopo di Bartolomeo, (tempera sur panneau, ca. 1455), 114,5 x 88,5 cm

National Gallery of Australia, Australie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Personnages allégoriques
  • L’Église (recueillant le sang christique) et la Synagogue (se détournant) : on les trouve ailleurs dans l’iconographie, mais leur place principale est d’encadrer la Crucifixion.

→Histoire de la représentation visuelle de la croix et du crucifié Crucifixions allégoriques

Motifs symboliques
  • Le soleil et la lune ;
  • le rideau du Temple qui se déchire ;
  • Adam rappelé au pied de la croix par son crâne seul, ou couché dans son tombeau, ou en en ressuscitant : Maître de Santa Chiara (1315-1330, Paris) ; Jacobello Alberegno (1360-1390, Venise) ;
  • Dieu le Père venant recueillir l’âme du Fils ;
  • l’ange venant recueillir l’âme du bon larron ;
  • le démon venant prendre l’âme du mauvais larron ;
  • les anges recueillant dans un calice le sang du Christ qui jaillit ostensiblement du côté (le plus souvent droit) : Giotto (1305-1306, Padoue) ; Puccio Capanna (1330, Raleigh) ; Lorenzo Monaco (1405-1410, Florence) ;

Lorenzo Monaco (ca. 1370-ca. 1425), Crucifixion, (tempera et or sur panneau, 1405-1410), 50 x 27 cm

Galleria dell'Accademia, Florence, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • le symbole typologique du pélican (intégré dans une représentation de la Crucifixion) ;
  • le symbole typologique du lion ressuscitant les lionceaux ;
  • le Christ en croix entouré des →Arma Christi (Instruments de la Passion) (un motif que l'on retrouve notamment dans les compositions de Messe de saint Grégoire) ;
  • le lion et la licorne du Ps 22,21 : Psautier de Stuttgart, fol. 27 (cf. Heck et Cordonnier 2011, 413).

L'iconographie ad minima se retrouve aussi en enluminure, vitrail, sculpture et sur des objets liturgiques ou des ornements sacerdotaux en émail, ivoire, orfèvrerie ou broderie (plaques de reliure, coffrets, tabernacles, autels portatifs, mitres, croix épiscopales, etc.).

À l'aube de l'époque moderne

Différents types s’affirment.

Scènes historiées

dans de grandes compositions narratives :

  • Jacopo Bellini (15e s., Paris) ; Conrad von Soest (1404-1414, Bad Wildungen) ; Jean Malouel (1416, Paris) ; Jan van Eyck (1430, New York) ; Fra Angelico (1420, New York et 1441-1442, Florence) ; Dirk Bouts (1455, Grenade) ; Jean Fouquet (15e s., Chantilly et 1455, Loches) ; Andrea Mantegna (1456-1459, Paris) ; Piero della Francesca (1460, New York) ; Hans Pleydenwurff (1460, Munich) ; Donatello (1465, Florence) ; Hans Memling (1465, Chantilly et Budapest, et 1491, Lübeck) ; Hugo van der Goes (1465-1468, Gand) ; Giovanni Boccati (1470, Venise) ; Stoss Veit (1477-1489, Cracovie) ; Bartolomé Bermejo (1480, Daroca) ; Francesco Francia (1485, Bologne) ; Galeazzo Mondella dit Moderno (1490, Paris) ; Benvenuto di Giovanni (1491, Washington) ; Rueland Frueauf le Jeune (1496, Neuburg).

Conrad von Soest (1360-?), Retable de Bad Wildungen, (tempera sur bois, 1403), 152 x 188 cm

église paroissiale Saint Nikolaus, Bad Wildungen, Hesse, Allemagne

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Jean Fouquet (15e s., Chantilly) :

Jean Fouquet (1420-?), Crucifixion, (enluminure sur parchemin, ca. 1452-1460), 16,5 x 12 cm

Musée Condé, Chantilly, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Andrea Mantegna (1456-1459, Paris) :

Andrea Mantegna (1431-1506), Crucifixion, (tempera et huile sur panneau, 1457-1460), 76 cm x 96 cm

retable pour le maître-autel de l'église San Zeno, Vérone, Italie, Musée du Louvre, Paris

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Piero della Francesca (1460, New York) :

Piero della Francesca (?-1492), Polyptyque de saint Augustin : Crucifixion, (tempera sur panneau, ca. 1460), 37 x 41 cm

Frick Collection, New York, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Hans Pleydenwurff (1460, Munich) :

Hans Pleydenwurff (1420-1472), Crucifixion, (huile sur panneau, ca. 1470), 192 x 181 cm

Alte Pinakothek, Munich, Allemagne, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • Jan Provost (1500, Bruges) ; Lucas Cranach (1500-1503, Vienne et 1538, Boston) ; Jérôme Bosch (1500-1504, Venise) ; Andrea Solario (1503, Paris) ; Giovanni-Antonio Bazzi dit Il Sodoma (1510-1515, Sienne) ; Hans Baldung Grien (1512, Berlin) ; Antonio Campi (16e s., Paris) ; Gaudenzio Ferrari (1513, Varallo) ; Albrecht Altdorfer (1520, Budapest) ; Jörg Breu (1524, Budapest) ; Jean I Pénicaud (1530, Paris) ; Bernard van Orley (1534, Bruges) ; Jean II Pénicaud (1540, Paris) ; Pedro de Campana (1550, Paris) ; Maarten van Heemskerck (1543, Gand et 1545-1550, Saint Pétersbourg) ; Jacopo Tintoretto dit Le Tintoret (1565 et 1568, Venise et 1550-1570, Munich) ; Paolo Caliari dit Véronèse (1580-1582, Venise et 1582, Paris) ; Frans Francken (1585, Séville) ; Pieter I Brueghel (1594, Munich) ; Giovanni Battista Ricci (16e Rome) ; etc.
  • Pieter II Brueghel (1617, Budapest) ; Peter Paul Rubens (1619-1620, Anvers) ; Rembrandt Harmenszoon van Rijn dit Rembrandt (ca. 1633, Munich) ; Giovanni Lanfranco (1637-1639, Naples) ; Nicolas Poussin (1645, Hartford) ; Karel Dujardin (1661) ; 
  • Giandomenico Tiepolo (ca. 1745, Saint Louis) ; etc.
Vierge Marie et saint Jean

Parfois accompagnés des saintes femmes ou de figures de sainteté de l’ordre commanditaire de l’œuvre :

  • Lorenzo Monaco (1400-1405, New York) ; Lorenzo Ghiberti (1404-1424, Florence) ; Conrad Witz (15e s., Berlin) ; Jan de Beer (15e s., Paris) ; Masaccio (1426, Naples) ; Giovanni di Paolo (1430-1435, Altenburg) ; Stéphane Lochner (1435, Nuremberg) ; Fra Angelico (1438-1450, Florence et 1440-1450, Cambridge et Paris) ; Donatello (1440, Paris) ; Rogier van der Weyden (1440, Berlin, 1445, Vienne et 1460, Escurial, Philadelphia et Bruxelles) ; Andrea del Castagno (1440-1441 et 1455, Florence et 1450, Londres) ; Piero della Francesca (1445-1462, Sansepolcro) ; Giovanni Bellini (1455, Venise) ; Francesco Botticini (1440-1460, Londres) ; Antonello da Messina (1450-1455, Bucarest et 1475, Anvers et Londres) ; Paolo Uccello (1460-1465, Madrid) ; Hugo van der Goes (1470, Venise) ; Francesco del Cossa (1473-1474, Washington) ; Jérôme Bosch (1480-1485, Bruxelles) ; Fernando Gallego (1480, Madrid) ; Pietro Vannucci dit Le Pérugin (1481-1485, Washington, 1493-1496, Lyon et 1503-1506, Sienne) ; Carlo Crivelli (1490-1495, Milan) ; Sandro Botticelli (1497, Cambridge) ; Gérard David (1495-1500, New York et 1515, Berlin).

Piero della Francesca (1445-1462, Sansepolcro) :

Piero della Francesca (?-1492), Polyptyque de la miséricorde : Crucifixion, (tempera et huile sur panneau, ca. 1460), 81 x 57 cm

pinacle du polyptyque de la Miséricorde, Museo civico, Sansepolcro, Italie

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

  • Jan Provost (1500, Bruges et New York) ; Colin Nouailher (16e s., Écouen) ; Raffaello Sanzio dit Raphaël (1502-1503, Londres) ; Lucas Cranach (1503, Munich, 1515-1520, Colmar et 1536, Washington) ; Marco Palmezzano (1505, Avignon) ; Matthias Grünewald (1501-1505, Bâle et Washington, 1505, Londres, 1510-1515, Colmar et 1523-1524, Karlsruhe) ; Albrecht Altdorfer (1512, Kassel et 1526, Berlin) ; Bramantino (1515, Milan) ; Hans Geller (1515-1520, Paris) ; Adrien Isenbrant (1518-1535, Hambourg) ; Quentin Massys (1520, Anvers) ; Joos van Cleve (1520, New York et 1525, Boston) ; Cornelis Engebrechtsz (1525-1527, New York) ; Simon Bening (1525-1530, Los Angeles) ; Bernardino Luini (1530, Saint Pétersbourg) ; Léonard Limosin (1557, Écouen) ; Tiziano Vecellio dit Le Titien (1558, Ancône) ; Christophe Schwarz (1560-1580, Munich) ; Paolo Caliari dit Véronèse (1580, Venise) ; Otto van Veen (fin 16e début 17e s., Neubourg) ; Federico Barocci (1590-1595, Urbin) ; etc.

Jan Provost (1462-1525/1529), Crucifixion, (huile sur panneau de chêne, ca. 1501-1505), 116,6 x 171,1 cm

musée Groeninge, Bruges

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Jésus seul...

Entouré ou non des larrons, il apparaît régulièrement dans une solitude totale :

  • Andrea Di Bartolo (1415, Washington) ; Fra Carnevale (1450, Urbin) ; Vincenzo Foppa (1456, Bergame) ; Pedro Berruguete (1493-1499, Ségovie) ;

Fra Carnevale (1420-1484), Crucifixion, (tempera et huile sur bois, ca. 1450), 103 x 67 cm

Galleria Nazionale delle Marche, Urbino, Italie

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  • Giovanni Bellini (1501-1503, collection privée) ; Tiziano Vecellio dit Le Titien (1555, Escurial).

Après le concile de Trente, les représentations du Christ seul se multiplient, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :

  • Dominikos Theotokopulos dit Le Greco (1585-1590, Amsterdam et ca. 1600, Cincinnati) ; Peter Paul Rubens (1612, Munich) ; Antoon Van Dyck (1622, Venise) ; Francisco de Zurbaran (1627, Chicago et 1627-1629, Séville) ; Rembrandt Harmenszoon Van Rijn dit Rembrandt (1631, Le Mas d’Agenais) ; Diego Rodriguez de Silva y Vélazquez dit Vélazquez (1632, Madrid) ; Guido Reni (1637, Rome) ; Jan Boeckhorst (1640, Anvers) ; Alonso Cano (1640, Saint Pétersbourg) ; Jusepe de Ribera (1643, Vittoria) ; Bartolomé Esteban Murillo (ca. 1650-1660, New York et 1675-1680, Madrid) ; Philippe de Champaigne (1655, Grenoble) ; Pierre Puget (1680, Paris) ;

Peter Paul Rubens (1620, Anvers)

Peter Paul Rubens (1577-1640), Le Christ crucifié, (huile sur toile, 1610-1611), 219 x 122 cm

musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, Belgique

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19

Francisco de Zurbaran (1627, Chicago ) :

Francisco de Zurbarán (1598-1664), Le Christ en croix, (huile sur toile, 1627)

The Art Institute of Chicago, États-Unis © Wikicommons→

Rembrandt (1631, Le Mas d’Agenais) :

Rembrandt Harmenszoon Van Rijn dit Rembrandt (1606-1669), Christ en croix, (huile sur toile montée sur panneau, 1631), 99,9 x 72,6 cm

église de Saint-Vincent, Le Mas-d'Agenais, France

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Diego Vélazquez (ca. 1632, Lyon) :

Diego Vélazquez (1599-1660), Christ crucifié, (huile sur toile, ca. 1632), 248 x 169 cm

Musée du Prado, Madrid

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  • Louis de Silvestre (1734, Dresde) ; Francisco De Goya (1780, Madrid) ; Jacques-Louis David (1782, Mâcon) ;

Jacques-Louis David (1748-1825), Christ en croix, (huile sur toile, 1782), 276 x 188 cm

église Saint-Vincent, Mâcon, France, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Eugène Delacroix (ca. 1837, Yale, 1847, Francfort, ca. 1853, Ottawa) ; Thomas Eakins (1880, Philadelphie) ; Nikolaï Gay (1892, Paris) ; Odilon Redon (1897, coll. priv. et 1910, Paris) ; etc.

Thomas Eakins (1844-1916), Crucifixion, (huile sur toile, 1880), 243,8 x 137,2 cm

Philadelphia Museum of Art, États-Unis

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Une tendance à toujours plus de réalisme se fait jour, à mesure que l'exégèse se veut plus historique. 

Aimé Morot (1850–1913), Martyre de Jésus de Nazareth, (huile sur toile, 1883),

Musée des Beaux-Arts, Nancy (France)

Domaine public→ © (photo Marc Baronnet)  CC BY-SA 3.0 

... ou isolé

La formule qui ne présente qu’un nombre restreint de personnages et permet, par son cadrage resserré, d’insister davantage sur la figure souffrante du Christ, qu'il soit encore vivant ou déjà mort :

  • Annibale Carracci (1583, Bologne) ; Dominikos Theotokópulos dit Le Greco (1580, Paris, 1588, Athènes et 1596-1600, Madrid) ; Santi di Tito (1593, Florence) ;

Santi di Tito (1536-1603), La Vision de saint Thomas d'Aquin, (huile sur panneau de bois, 1593), 362 x 233 cm

basilique San Marco, Florence

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  • Abraham van Diepenbeeck (17e s., Paris) ; Gaspard de Crayer (17e s., Lille) ; Abraham Janssens (17e s., Valenciennes) ; Bartolomeo Cesi (17e s., Ajaccio) ; Michel Dorigny (17e s., Paris) ; Laurent de la Hyre (17e s., Saint-Denis) ; Quentin Varin (1612, Beauvais) ; Antoon van Dyck (1615-1630, Paris) ; Jacob Jordaens (1620, Rennes) ; Peter Paul Rubens (1620, Anvers) ; Simon Vouet (1622, Gênes, 1620-1630, Paris et 1636, Lyon) ; Guido Reni (1624, Nothumberland) ; Hendrick ter Brugghen (1625, New York) ; Diego Vélasquez (1632, Madrid) ; Nicolas Tournier (1635, Paris et 1637, Rome) ; Eustache le Sueur (1643, Londres) ; Giulio Carpioni (1648, Venise) ; Francisco de Zurbarán (1660, Madrid).

Abraham van Diepenbeeck (17e s., Paris)

Abraham van Diepenbeeck (1596-1675), La Crucifixion, (huile sur panneau, 1630-1675), 62 x 44,5 cm

collection privée

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Simon Vouet (1636, Lyon)

Simon Voüet (1590-1649), Crucifixion, (huile sur toile, 1636), 216 × 146 cm

Musée des Beaux-Arts de Lyon

Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

  • Franz Christoph Janneck (1730) ; Pierre Subleyras (1744, Milan) ; Pompeo Batoni (1762, Boston) ; Francisco de Goya (1780, Madrid) ; etc.
Scènes non scripturaires

La peinture peut se faire méditative. Le peintre Charles Le Brun considère qu’en représentant la foule qui assistait à la crucifixion « les peintres satisferaient mal la piété des personnes contemplatives, parce que tant de divers objets interrompraient leur méditation et leur ferveur » :

  • Charles Le Brun Le Christ en croix adoré ou secouru par les anges (17e s., Paris).

Charles Le Brun (1619-1690), Crucifixion, (huile sur panneau, 1637), 52 x 41 cm

Musée des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou, Russie, Domaine public © Wikimedia commons→, Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 

Depuis le 19e s.

Aux côtés des représentations du Christ seul (cf. supra), on retrouve également les grandes formules des siècles précédents.

Vierge Marie et saint Jean

Plus ou moins identifiables, ils sont parfois maintenus dans des scènes de source plus explicitement johannique :

  • 19e s. : Eugène Delacroix (1835, Vannes, 1850, Paris et 1853, Londres) ; Hippolyte Flandrin (1839-1853, Paris) ; Gustave Moreau ; Pierre-Paul Prud'hon (1822) ; Henry Siddons Mowbray ; Odilon Redon (1897, coll. priv. et 1904, Birmingham) ;
  • 20e s. : Max Ernst (1913, Cologne) ; Salvador Dali (1954, New York) ; Otto Dix (1960) ; Jacques Villon (1960) ; Albert Gleizes (1928, 1935) ; Giacomo Manzù ; Henri Matisse ; Pablo Picasso (1930) ; Georges-Henri Rouault (1939) ; Bernard Buffet (1951).

Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.

Grande narration...

La formule narrative représentant la foule ou insérant la scène dans une vaste histoire du salut fut parfois adoptée :

  • Eugène Delacroix (1846, Baltimore) ; Gustave Moreau (ca. 1870) ; James Ensor ; 

Eugène Delacroix (1798-1863), Crucifixion, (huile sur toile, 1846), 80 x 64,2 cm

Walters Art Museum, Baltimore, États-Unis

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  • Max Klinger (1890, Leipzig) présente le Christ ainsi que les deux larrons entièrement nus ;
  • Edvard Munch Golgotha (1900, Oslo) Suggéré sans aucun détail, le crucifié est presque un « blanc » sur la toile, qui détaille en premier plan le premier rang d’une foule compacte massée auprès de la croix. À gauche, un vieil homme chenu semble commenter, un clown blanc et un masque cruels semblent se moquer, les femmes pleurent avec réserve ; en plein milieu un homme chauve et distingué fixe le spectateur de ses yeux grands ouverts ;

Edvard Munch (1863-1944), Golgotha, (huile sur toile, 1900), 80 x 120 cm

Munch Museum, Oslo, Norvège

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  • Marc Chagall La crucifixion blanche (1935, Chicago) Le crucifix est dressé au cœur d’un village de Russes blancs en Pologne ; autour de la croix du supplicié, dont le perizonium est un châle de prière juif, l’avancée des soldats allemands sur la droite résulte partout en scènes de pillage impliquant le rouleau de la Tora, pleurs mêlés de désillusions, fuite et exil. Le crucifix est au centre des événements politiques qui menacent les symboles les plus sacrés du judaïsme ;
... ou solitude

La tendance à centrer les représentations sur la figure du crucifié, dans un isolement parfois total, développée naturellement par les sculpteurs, mais également par certains peintres est prolongée par les artistes de l’époque contemporaine, qui reflètent l’évolution de la christologie (Mt 27,46b).

  • Arcabas, Craigie Aitchison, Francis Bacon, Pierre Burgallo, Gérard Titus-Carmel, Macha Chmakoff, Salvador Dali, Max Ernst, Eric Gill, Pierre Moignard, Pablo Picasso, Paul Robert, Antonio Saura, Egon Schiele, Graham Sutherland, Franz von Stuck, etc.
Iconographies plus insolites ou originales
  • Paul Gauguin (1889, Buffalo) Les saintes femmes sont des bretonnes ;

Henri Eugène Paul Gauguin (1848-1903), Le Christ jaune, (huile sur toile, 1889), Crucifixion, 92,1 × 73 cm

Pont-Aven, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo (U.S.A.)

domaine public © Wikicommons→

Catalogues raisonnés W.327: Georges Wildenstein, Gauguin : I. Catalogue, 1964. S.151: Gabriele Mandel Sugana (1972) L'opera completa di Gauguin, Milan: Rizzoli, no. 151. Trois femmes à genoux au pied d'un calvaire breton, pourraient être une simple halte de trois paysannes du début du 20e s. Mais il pourrait s'agit aussi d'une évocation de la crucifixion elle-même, avec les saintes femmes et Marie au pied de la croix. Un petit personnage, en arrière plan du tableau, escalade un mur pour s'éloigner de la croix. C'est peut-être Judas, mais c'est peut-être bien Pierre, aussi, et tout homme, pécheur, qui regarde la croix.

  • Francis Picabia (1924-1925, Paris) La Vierge Marie et saint Jean sont remplacés par André Breton et Louis Aragon ;
  • Renato Guttuso Crocifissione (1942, Rome) Trois femmes dont l'une nue (Marie-Madeleine) s'agitent au pied de la croix ; de même deux soldats (nus également) : l'un tenant un bâton (Longin ?), l'autre le porte-éponge et deux dés.
  • Giacomo Manzù (1942-1957, Paris) Adam et Ève implorent le Christ en croix ;
  • Salvador Dalí Christ de saint Jean de la Croix (1951, Glasgow) Dans une perspective plongeante impressionnante, un Christ aux cheveux courts, non blessé, presque accolé à la croix, regarde vers le bas où des matelots accostent dans une baie impassible ;
  • Paul Delvaux (1951-1952, Bruxelles et 1954, Ixelles) Trois squelettes sont crucifiés au-dessus d'une foule d'autres et de soldats en armure. Sur un tableau du même genre (1957), seul le Christ a encore la peau sur les os, crucifié au milieu d'une foule de squelettes très nombreuse ;
  • Francis Bacon Trois études de figures au pied d'une crucifixion (1944, Londres), Trois études pour une crucifixion (1962, New York) et Crucifixion (1965, Munich) Triptyques terrifiants présentant des figures déformées sur fond orange-rouge : dans le 1er, on ne voit pas le crucifié mais trois figures animales ; dans le 2e, des figures charnues se contorsionnent, le panneau de droite présentant une carcasse de viande pendant à l'envers ; elle se retrouve sur le panneau central de la 3e.

Autres exemples : Arts visuels Mt 27,55s.

Contexte

Littérature péritestamentaire

35ss Parallèle Le détail de la croix 'dressée' ou 'élevée' s'inspire de Jn 12,32 : l'élévation de la croix est élévation dans la gloire du ciel. Il y a ressemblance sur ce point avec l'homélie sur la Pâque de Méliton de Sardes  cf.Tradition chrétienne Jn 19,19. Pour le texte de l'inscription, contrairement aux évangiles canoniques, le texte donne : 'celui-ci est le roi d'Israël', titre éminemment divin et messianique. Le titre 'roi d'Israël' se trouve en Mt 27,42

Réception

Liturgie

24ss PARALITURGIE Première station du chemin de croix 

CONTEMPLATION Jésus est condamné par Pilate.

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 1 : Jésus devant Pilate, (huile sur toile, 2000-2001), Chemin de croix, 185 x 117 cm

ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Mt 27,24-26 ; Mc 15,15 ; Lc 23,24-25 ; Jn 19,16

Il est devant Pilate, mais il a le dos tourné à Pilate. Car la sentence vient d’être prononcée. Pilate, qui est représenté non pas en ecclésiastique comme on pourrait le croire, mais comme un juge. Un juge qui est aveugle : ce qu’il porte sur les yeux n’est pas le signe du bandeau de la justice dans son impartialité, il est vraiment aveugle, il a une canne blanche. Et l’actualité de l’événement du Christ est associée à l’actualité des hommes qui cherchent, à travers celui qui a entre ses mains un micro et qui regarde le Christ s’en aller vers la Passion, mis en scène, sous les projecteurs, sous les perches des micros, l’actualité de ceux qui cherchent la vérité. Mais « qu’est-ce que la vérité ? ». Face à la question de Pilate, la représentation met en scène des hommes et des femmes. Au plan stylistique, vous verrez : des visages ressemblent à des têtes inspirées du folklore populaire polonais, de ces têtes d’argile, de ces marionnettes polonaises. Mais prenons conscience qu’à côté de cette canne, il y a un homme à genoux et une jeune fille. Entre le Christ et cet homme dont le cierge est éteint, il y a cet agneau pascal qui est couché, et des femmes : une femme qui médite devant ce qu’elle vend, simplement deux écuelles de soupe ; et sous les projecteurs de l’actualité, le Christ s’en va, les yeux fermés, car la vérité ne saurait se dire, la vérité réellement va s’éprouver dans le don de cet homme-Dieu. (J.-M. N.)

32 PARALITURGIE Chemin de croix : cinquième station

CONTEMPLATION Jésus rencontre Simon de Cyrène

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 5 — Simon de Cyrène, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,32 ; Mc 15,21 ; Lc 23,26 ; Jn 19,16

Jésus en son chemin passe par des espaces nouveaux, dans des villages, et ici un jour de mariage. Un mariage à la polonaise : tout à fait au fond, on voit une église, un couple de jeunes mariés : Il passe dans la vie, Il passe aussi dans la joie. Simon de Cyrène est issu du peuple. Il a une moustache, il a les cheveux blancs. Il y a des gens qui travaillent. Il y a même un violon, un violoniste qui joue ! Mais, pour quelques instants, la fête semble s’arrêter ; parce qu’il n’y a peut-être pas d’amour sans Passion, il n’y a pas de vie sans la réalité de ceux qui œuvrent, de cet homme au fond sur la gauche avec un béret, de cette petite fête de village, parmi les paysans qui sont endimanchés. Il y a en cette croix le bouquet de la mariée, et devant, tout à fait devant, au pied de Simon de Cyrène, une bouteille vide et un verre. Et à droite, il y a du pain, ce pain jeté à terre, ce pain Corps du Christ, ce sac de blé, de farine : le pain de la fraction, le pain du sacrifice, ce Pain qui avance, ce Pain de Vie qui au levain de la foi va donner la Vie. (J.-M. N.)

35s PARALITURGIE Chemin de croix : dixième station

CONTEMPLATION

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 10 — Jésus est dépouillé de ses vêtements, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N. , Ph 2,5-11 ; Mt 27,35-36 ; Mc 15,24 ; Lc 23,34 ; Jn 19,23-24

Une station absolument remarquable, qui remet dans un sens véritable l’adoration du Saint Sacrement : Jésus est dépouillé de ses vêtements, totalement. Le corps du Christ est associé au dépouillement total, de toute vie. Le Christ, lorsqu’il a été crucifié, était totalement nu. C’est la pudeur qui l’a fait représenter à travers les âges, avec ce qu’on appelle le perizonium, le pagne. Mais tous ceux qui étaient crucifiés étaient totalement nus. Il n’était pas question de pudeur. Cette nudité veut dire qu’il porte toutes les nudités des hommes, il porte toute la réalité de notre humanité. S’il est corps, il est corps dénudé, c’est-à-dire il est corps enfanté, il est corps de Dieu : un corps qui se présente à nous. Et le rapport entre l’hostie, le corps blanc, de cet ostensoir doré, ce qui est vénéré à travers le Corps du Christ, c’est sa Passion et le don de sa vie. De ce corps qui fut bafoué, au coeur de cette Fête-Dieu représentée sous le dais, l’artiste a associé à la fois la Passion et le Corps glorieux. Le Corps de Lumière, ce rayonnement qui préfigure déjà la résurrection, le soleil du petit matin du corps nu enseveli dans le tombeau. C’est le corps dénudé où s’accomplit l’enfantement de toute l’humanité ; c’est le corps dénudé du Christ. Comme le disait le cardinal Wojtyla devant le pape Paul VI lors de la retraite de 1976, « le Corps du Christ révèle la souffrance, il nous met face à nos douleurs et à nos souffrances pour participer pleinement et totalement à sa résurrection ». Effectivement, Jésus passe dans les processions de la Pologne, au milieu de ces bannières, pour qu’on n’oublie pas Celui qui a donné sa vie. (J.-M. N.)

35 PARALITURGIE Chemin de croix : onzième station

CONTEMPLATION Jésus cloué sur la croix

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 11 — Jésus est cloué à la croix, (huile sur toile, 2000-2001), 185 x 117 cm

Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N.,  Mt 27,35 ; Mc 15,23 ; Lc 23,33 ; Jn 19,18

 Ici, c’est l’histoire de la Pologne durant la guerre et à travers ses martyrs : Jésus est cloué à la croix. Il manque les bourreaux. On a l’impression que le Christ lui-même se fixe sur cette croix ; il est cloué par la souffrance humaine et par le martyre des victimes ; il est cloué lorsque des êtres sont morts pour la Pologne, pour la patrie et pour la liberté. Il meurt avec ceux qui meurent, il meurt avec ceux qui sont en camp de concentration. Leur souvenir est le symbole de la voie polonaise conduisant à notre résurrection.

Derrière, au fond, on voit de face un wagon, représentant les trains de la mort ; on voit également ce qui n’est pas un cercueil mais le coffre d’une voiture, avec la plaque, à côté du cardinal Wyszynski, cet homme de haute stature.

C’est le coffre d’une voiture dans lequel se trouvait un prêtre, le P. Popieluszko. Ce prêtre a été assassiné en 1984, on s’en souvient tous. Il était l’Aumônier de Solidarnosc. Il est cette figure emblématique de la lutte pour la liberté et contre le régime communiste. Il avait été l’objet de plusieurs attentats ; un jour, on a fini par l’enlever dans le coffre d’une voiture, on a voulu lui donner une sévère leçon et il en est mort, et on l’a trouvé dans un réservoir de la Vistule quelques jours plus tard. Il a été béatifié par le pape Benoît XVI le 6 juin 2010. Nous avons d’autres personnages, pour dire la vérité de cette Passion : au centre, sous la croix où l’on voit toujours les rubans de la Pologne, blanc et rouge, il y a un homme qui s’avance vers son exécution. Mais un autre homme va prendre sa place.

Cet homme avec le vêtement des déportés, c’est le P. Maximilien Kolbe, ce franciscain conventuel qui a voué sa vie tout entière à la Vierge, à l’Immaculée Conception. Cet homme qui a traversé le monde et qui a créé des journaux, cet homme qui a donné sa vie pour un père de famille. L’histoire est encore plus forte : dans le camp de concentration d’Auschwitz, un homme s’est évadé, et il fallait des exécutions en représailles « dissuasives ». Une quinzaine allaient être exécutés et le P. Maximilien Kolbe s’est présenté, a négocié pour qu’on l’exécute à la place du père de famille, ce qui a été fait. Quand il était enfant, il avait eu la vision de la Vierge Marie qui, dit-il, lui aurait présenté deux couronnes : une blanche et une rouge. Encore les couleurs de la Pologne ! Mais en l’occurrence, la blancheur c’était la consécration de sa vie, le rouge c’était le martyre. Il a pris les deux ! Et cet homme qui avait voué sa vie à la Vierge a été exécuté le 14 août, et on l’a mis dans le four crématoire le 15 août ! Continuons dans ce chemin de l’horreur. Ils ne sont pas seuls, il y a tous ces êtres anonymes qui sont associés.

On a également le cardinal Wyszynski, cet homme qui a fait pape Jean-Paul II ! Alors que celui-ci voulait s’appeler Stanislas, le cardinal Wyszynski lui a dit : « Un pape polonais, c’est beaucoup. Stanislas, cela relève de la provocation ! ». Cet homme qui était lié d’une profonde amitié avec Jean-Paul II et qui plus d’une fois lui a dit « Arrêtez, n’en faites pas trop, pas trop vite ! », cet homme avait été emprisonné de 1953 à 1956 ; et dès qu’on a annoncé au pape Pie XII qu’il avait été emprisonné dans un camp pour lui remettre les idées en place, le pape l’a fait cardinal. Politiquement, c’était très fort car cela voulait dire que le gouvernement avait enfermé un « prince de l’Église » : attention au sens de « prince de l’Église », cela veut dire qu’il est un serviteur qui ira jusqu’au martyre, c’est pourquoi les cardinaux sont vêtus de rouge, ils doivent donner leur vie jusqu’au martyre. Le Christ ici a les yeux ouverts, c’est un état de conscience de ce qui se passe à travers les âges, au cœur de la vie. Au cœur de ces hommes et au cœur de ces femmes, de cette Présentation, de cette vieille femme sur la gauche, numérotée. Tous ceux et celles que l’on voit, ce n’est plus une procession, c’est la marche d’un massacre, au cœur des camps, au cœur de la Pologne. (J.-M. N.)

31 PARALITURGIE Adaptation au chemin de croix

CONTEMPLATION Deuxième station : Jésus chargé de sa croix

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 2 — Jésus est chargé de sa croix, (huile sur toile, 2000-2001),185 x 117 cm

 Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Is 53,4-7 ; Mt 27,31 ; Mc 15,20 ; Jn 19,17

« Voici l’Homme ! » Voici une foule, cette foule que l’on remarque derrière la croix, cette croix qui semble être le sceptre dérisoire de sa royauté, mais dans les yeux levés et en cette couronne d’épines, il y a vraiment un roi qui va s’acheminer sur l’unique trône de la vie, qui est celui de cette présentation, de cette mort. Oui, le Christ dénudé, presque squelettique, va s’avancer. Derrière lui, sur la gauche, il y a les deux larrons, l’un est habillé en prisonnier, l’autre avec le vêtement que l’on donnait dans les camps de concentration. Il y a quelqu’un qui est en fauteuil roulant ; mais regardez bien tout au fond, ces cannes : tous ces estropiés de la vie sont représentés. Dans ce Chemin de croix, on reconnaît effectivement un style que l’on pourrait qualifier d’expressionniste, mais c’est un expressionisme inspiré, c’est un expressionisme associé à la vie : un homme, un ouvrier, avec son débardeur, porte une croix autour du cou ; mais regardez bien cette femme, sur la droite : elle vend des chapelets. Pour vivre donc ce Chemin de croix, il y a véritablement ce don, cette présence, cet accompagnement de la prière des pauvres, mais cette prière si riche de la vie des êtres qui égrènent le temps des hommes et des femmes, qui égrènent le temps de ceux et de celles qui ne savent plus comment prier ni pour qui prier. (J.-M. N.)

Contexte

Textes anciens

26b pour qu’il fût crucifié Jésus fut crucifié sous Ponce Pilate

  • Josèphe A.J. 18,63-64 « Vers le même temps vint Jésus, homme sage, si toutefois il faut l’appeler un homme. Car il était un faiseur de miracles et le maître des hommes qui reçoivent avec joie la vérité. Et il attira à lui beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs. C’était le Christ. Et lorsque sur la dénonciation de nos premiers citoyens, Pilate l’eut condamné à la crucifixion, ceux qui l’avaient d’abord chéri ne cessèrent pas de le faire, car il leur apparut trois jours après ressuscité, alors que les prophètes divins avaient annoncé cela et mille autres merveilles à son sujet. Et le groupe appelé d’après lui celui des Chrétiens n’a pas encore disparu » (trad. Weill).
  • Tacite Ann. 15,44 « Mais aucun moyen humain, ni largesses princières, ni cérémonies expiatoires ne faisaient reculer la rumeur infamante d’après laquelle l’incendie avait été ordonné [par l'empereur Néron]. Aussi, pour l’anéantir, il supposa des coupables et infligea des tourments raffinés à ceux que leurs abominations faisaient détester et que la foule appelait Chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice; réprimée sur le moment, cette détestable superstition perçait de nouveau, non pas seulement en Judée, où le mal avait pris naissance, mais encore dans Rome, où tout ce qu’il y a d’affreux ou de honteux dans le monde afflue et trouve une nombreuse clientèle » (trad. CUF).

Texte

Critique textuelle

35b Variante TR, VL et la Sixto-Clémentine lisent « afin que s'accomplît ce qui avait été dit par le prophète : — Ils se sont partagé mes vêtements et ont tiré au sort ma tunique », une citation de Ps 22,19 (cf. Jn 19,24).

Réception

Liturgie

21–52 Le voile du Temple fut déchiré

« Velum templi scissum est » Répons

Traditionnel, Ténèbres du Golgotha - 1° Nocturne: Répons " velum templi", (cd, 2005)

Dom Jean Claire, Choeur Des Moines de L'Abbaye De Solesme, Ténèbres, Abbaye de Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Mt 27,21-52

Contexte

Repères historiques et géographiques

26,1–27,66 Les lieux de la Passion

Parcours de Jésus durant sa Passion, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 26-27 ; Mc 14-15 ; Lc 22-23 ; Jn 18-19

Le lieu du →prétoire, tribunal de Ponce Pilate, est incertain. Deux sites sont possibles : la forteresse Antonia et le Palais d'Hérode le Grand. La tradition situe le prétoire à l'Antonia mais les archéologues, aujourd'hui, le placent plutôt dans le palais d'Hérode le Grand.

Bibliographie
  • Dominique-Marie Cabaret, La topographie de la Jérusalem antique (Cahiers de la Revue Biblique 98), Peeters : 2020.
Toponymie

Esplanade du Temple, Ophel, ville haute, ville basse, palais d’Hérode le Grand, mont Sion, Cénacle, palais hasmonéen, palais de Caïphe, Golgotha, forteresse Antonia, porte dorée, jardin de Gethsémani, mont des Oliviers, colline de Bézétha, théâtre, vallée du Cédron, vallée du Tyropéon, vallée de la Géhenne, via Dolorosa.

27,32–28,10 Le Saint-Sépulcre

La basilique du Saint-Sépulcre à travers les siècles, (numérique, Jérusalem : 2022)

M.R. Fournier © BEST AISBL, Mt 27,32-28,10 ; Mc 15,22-16,9 ; Lc 23,33-24,12 ; Jn 19,17-20,17