La Bible en ses Traditions

Psaumes 13,1–5

M
G S
V

MAu maître de chant.

Chant de David.

 ...

VERS LA FIN PSAUME DE DAVID

Jusqu'à quand Seigneur m'oublieras-tu : jusqu'à la fin ?

Jusqu'à quand détourneras-tu la face de moi ?

Jusques à quand, YHWH m’oublieras-tu toujours ?

Jusques à quand me cacheras-tu ta face ?

 ... 

Pendant combien de temps poserai-je des conclusions en mon âme,

une douleur en mon cœur pendant le jour !

Jusques à quand formerai-je en mon âme des projets

chaque jour le chagrin dans mon cœur ?

Jusques à quand mon ennemi s’élèvera-t-il contre moi ?

...

Jusqu'à quand mon ennemi sera-t-il élevé au-dessus de moi ?

Regarde, réponds-moi, YHWH, mon Dieu

Donne la lumière à mes yeux

afin que je ne m’endorme pas dans la mort

...

Regarde, exauce-moi Seigneur mon Dieu !

Illumine mes yeux pour ne pas que je m'endorme dans la mort !

que mon ennemi ne dise :

Je l’ai emporté sur lui !

que mes adversaires n'exultent à me voir chanceler.

...

de peur que mon ennemi ne dise : — J'ai prévalu contre lui !

Ceux qui me tourmentent exulteront si je suis ébranlé.

Réception

Liturgie

6.1 Seigneur, en ta miséricorde Introït

« Domine in tua misericordia »

Traditionnel, Introït — Domine in tua misericordia

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 13,6.1

Comparaison des versions

1 V—IUXTA HEBR.

  • Au vainqueur. Chant de David. | Jusques à quand, Seigneur, m'oublieras-tu tout à fait ? | Jusques à quand me cacheras-tu ta face ?

2 V—IUXTA HEBR.

  • Jusques à quand mettrai-je des projets dans mon âme | chaque jour la douleur dans mon cœur ?

3 V—IUXTA HEBR.

  • Jusques à quand mon ennemi s'élèvera-t-il contre moi ?

4 V—IUXTA HEBR.

  • Tourne-toi, écoute-moi, Seigneur, mon Dieu | Éclaire mes yeux | que jamais je ne m'endorme en la mort

5 V—IUXTA HEBR.

  • de peur qu'un jour mon ennemi ne dise : | J'ai prévalu contre lui | mes adversaires exulteront quand je serai ébranlé.

Arts visuels

4s Illumine mes yeux. (V) Le Psautier d'Utrecht et sa réception : modèle iconographique et textuel au Moyen Âge.

Décor à la plume, 9e s.

Le Psautier d'Utrecht

Pour chaque psaume, le Psautier d'Utrecht est paré d'un grand décor à l'encre qui se déploie sur une demi-page. Probablement produit dans l'entourage de la cour carolingienne à Reims vers 820-845, le manuscrit arrive vers 1000 en Angleterre, à Canterbury, où il sert de modèle pour la décoration de plusieurs psautiers dont le Psautier Harley (11e), le Psautier d'Eadwine (12e) et le Psautier anglo-catalan (12e). 

« Usquequo Domine », Psautier d'Utrecht, plume et encre, vers 820-845, Reims ou abbaye d'Hautvillers (pour les f. 1-92), 330 x 255 mm

Utrecht, Bibliothèque de l'Université, Ms. 32, f. 7r

© Domaine public→.

L'illustration du psaume 13 repose essentiellement sur les versets 4 et 5 : dans le coin supérieur gauche, le Christ, nimbé et imberbe, tient un livre dans sa main gauche. Il est de dos, mais se retourne pour pointer les rayons de sa torche vers les yeux du psalmiste qui se trouve sous un arbre, dans le coin inférieur droit. Le psalmiste a les yeux rivés sur un groupe de douze hommes armés de lances et de boucliers. L'un d'eux tend des flèches à un homme placé en avant qui dirige son arc vers le psalmiste. Un sarcophage ouvert et un monticule de terre agrémenté d'un arbre séparent le psalmiste du groupe d'hommes. C'est l'intervention divine qui pourra sauver le chantre.

Décor à la plume, 12e s.

Le Psautier d'Eadwine

Ainsi surnommé en hommage à un copiste représenté à la fin du manuscrit, le Psautier d'Eadwine tire directement ses illustrations du Psautier d'Utrecht. Un rapide coup d'oeil permet de saisir ce que doit ce manuscrit au précédent : la composition est identique, du placement des protagonistes à leur gestuelle.

La première différence est d'ordre technique : les contours du dessin à la plume sont rehaussés de couleur. Ce n'est plus tant la vigueur du trait que les encres de couleur qui donnent vie à cette illustration littérale du psaume. Autre distinction, le décor naturel est réduit, de manière à mettre en valeur le monticule et les arbres. Le Christ est quant à lui placé au centre d'un espace formé par le haut du cadre et un demi-cercle au contour ondulé, le séparant ainsi des actions des humains.

« Usquequo Domine », Psautier d'Eadwine, plume et encres, vers 1150, Cathédrale de Canterbury, 460 x 330 mm (manuscrit)

Cambridge, Bibliothèque du Trinity College, R.17.1, f. 21r

© Trinity College→.

Cependant, seules les illustrations sont copiées du Psautier d'Utrecht, puisque le contenu textuel diffère d'avec le précédent manuscrit. Le Psautier d'Utrecht donne uniquement le texte du psautier gallican, c'est-à-dire de la traduction latine de la Septante (celle que l'on traduit ici), tandis que le Psautier d'Eadwine est divisé en trois colonnes de textes distincts :

  • une pour le psautier hébraïque (la traduction latine de la version hébraïque) avec une traduction en ancien français dans les interlignes ;
  • une pour le psautier romain (en usage à Rome et dans une partie de l'Italie) avec une traduction en vieil anglais ;
  • une pour le psautier gallican avec des gloses en latin dans les marges.

Enluminure, 13e siècle

Le Psautier anglo-catalan

Ce manuscrit est commencé vers 1200 à Canterbury avant d'être complété à Barcelonne vers 1340. L'illustration du psaume 13 est réalisée au cours de la première période de production, à Canterbury, et s'inscrit dans la tradition iconographique des deux psautiers évoqués. Les textes ont directement été copiés du Psautier d'Eadwine.

« Usquequo Domine », Psautier anglo-catalan, enluminure, vers 1200, Cathédrale de Canterbury, 480 x 325 mm (manuscrit)

Paris, BnF, Latin 8846, f. 21r

© Domaine public→.

La composition de cette enluminure ressemble beaucoup aux décors à la plume des deux autres manuscrits, mais le traitement des personnages et la technique picturale varient.

On trouve, toutefois, quelques ajouts notables qui mettent en valeur l'évolution des codes iconographiques.

  • Deux phylactères vierges sont placés dans les mains du poète pour matérialiser son chant et ses plaintes. L'un des rouleaux est dirigé vers le Seigneur et l'autre, vers le sarcophage, vers la mort. Les aspirations du psalmiste sont ainsi explicites. 
  • L'enlumineur a ajouté un édifice sur chacun des trois monticules. Les ensembles architecturaux les plus proches du psalmiste et de la torche du Christ ressemblent à des églises tandis que celui derrière les ennemis est entouré de remparts, peut-être pour évoquer une place-forte. Ces bâtisses représenteraient alors les intérêts des uns et des autres, la foi ou les conflits.
  • Le groupe d'ennemis est réduit à cinq personnes qui communiquent entre eux, comme l'attestent les mouvements de leurs mains. Autre fait intéressant, l'un des adversaires porte un chapeau conique réservé aux Juifs. Il apparaît en France dès le 11e siècle avant d'être rendu obligatoire à partir de 1215 lors du quatrième concile de Latran.

Le Psautier d'Utrecht a donc servi de modèle pour les décors d'autres manuscrits, parfois plusieurs siècles après sa confection. Cependant, le décor et le contenu textuel de chaque manuscrit sont adaptés au contexte et aux goûts de l'époque de production. L'étude de ces quelques manuscrits met donc en exergue les tensions entre traditions et renouvellements dans les manuscrits d'une même famille iconographique.