La Bible en ses Traditions

Psaumes 25,3–4

M
G S
V

BETH.

En toi je me confie

que je ne sois pas confondu

Que mes ennemis ne se réjouissent pas à mon sujet

...

ni qu'aillent rire de moi mes ennemis !

Oui, vraiment tous ceux qui tiennent bon pour toi ne seront pas confondus !

GHIMEL.

Non, aucun de ceux qui espèrent en toi ne sera confondu 

ceux là seront confondus qui sont infidèles pour le néant.

... 

Que soient confondus ÷tous: les vains ouvriers d'iniquité !

Tes voies, Seigneur, montre-les moi

÷et: tes sentiers enseigne-les moi,

Réception

Liturgie

6.22.1ss Souviens-toi Introït

«Reminiscere»

Traditionnel, Introït - Reminiscere

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 25,6.3.22.1.2

Arts visuels

4–22 Voie droite

19e s.

Turner (1775-1851), Rain, Steam and Speed, (huile sur toile, 1844), 91 x 121 cm

National Gallery, Londres

Domaine public © Wikicommons→

Comparaison des versions

3 V—IUXTA HEBR.

  • Que mes ennemis ne se réjouissent pas | mais que tous ceux qui espèrent en toi ne soient pas confondus

4 V—IUXTA HEBR.

  • qu'ils soient confondus ceux qui commettent l'iniquité pour le néant | Seigneur, montre-moi tes chemins | enseigne-moi tes sentiers

Liturgie

1–4 À toi Seigneur GRÉGORIEN « Le » psaume d'entrée dans l'Avent  Les quatre premiers versets de cet unique psaume fournissent trois pièces structurantes de la liturgie eucharistique du 1er dimanche de l'Avent.

1. L'introït « Ad te levavi »

Le chant d'entrée de l'Avent, l'introït du 1er Dimanche, donne le ton à toute l’année liturgique en invitant à élever son âme vers Dieu dans une attente confiante, à transformer sa vie en prière :

  •  Jean Damascène Fid. orth.3,24 « La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu » (PG 94,1089D ; cf.CEC 2590).
  • Jean-Paul II  Audience générale 29 novembre 1978 : toute la vie chrétienne est un Avent, une élévation vers Celui qui vient, qui ne cesse de venir et qui viendra définitivement dans la Gloire.

Traditionnel, Introït Ad te levavi (Grad. 15)

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 25,1-4

Interprétation spirituelle des v. 1 à 3

L'aspiration vivante vers Dieu ad te (vers toi) informe la vie de l'âme soutenue par la foi qui illumine et purifie. Elle soulève et transporte l’âme vers Celui qui est sa force, son guide, son appui ad te Domine levavi animam meam (vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme). Elle établit dans une sérénité confiante « Mon Dieu, c'est en toi que je me confie », un respect adorant des desseins de Dieu sur soi, malgré les embûches d’ennemis puissants, intérieurs et extérieurs, qui perturbent l’âme « en toi je me confie, je ne rougirai pas ». En bref, toute l’antienne exprime une confiance inébranlable en Dieu, au milieu d’ennemis qui cherchent à entraver la marche de l'âme vers Dieu. 

  • Guéranger L'Année liturgique L'Avent 1,119 traduit le verbe erubescam par un futur au lieu du subjonctif qui transformerait cette incise en un supplication. En traduisant par le futur, il exprimait la fermeté de l'espérance que la mélodie grégorienne suggère et qui est bien dans la ligne de toute la pièce.
Interprétation musicale
1ère phrase : Ad te levavi animam meam, Deus meus in te confido, non erubescam (Vers toi j'ai élevé mon âme, mon Dieu, en toi je me confie, je ne rougirai pas).
  • 1ère incise : L'intonation Ad te levavi exprime admirablement la joie confiante de l’âme qui s’élève vers Dieu. On remarque les deux intervalles de quarte qui se répondent, en quelque sorte à l’inverse : dès le départ sur le 1er mot Ad, une quarte descendante Sol-Ré, amorçant la grande montée sur animam dont la 1ère syllabe, mise en évidence par la quarte ascendante Sol-Do, atteint le double Do dans une joie évidente pour s’achever par une cadence paisible sur Fa.
  • La 2e incise commence sur une note de fierté : la joie de pouvoir dire et chanter haut « mon Dieu » Deus meus et pour cela, la mélodie part à une tierce supérieure du Fa — il vient tout juste d’être entendu— le La, pour monter sur le double Do de la finale de Deus et s’y maintenir sur meus afin d'atteindre et se reposer sur le Ré comme en suspension. Ici, il est recommandé de transformer le ¼ de barre en une ½ barre, afin de permettre à la voix d’effectuer un léger decrescendo pour suggérer la certitude aimante et paisible que l’âme possède en son Dieu. On notera l’intervalle de sixte descendante, rare en grégorien, Ré-Fa que forme cette cadence en suspension avec la 1re note de la 3e incise qui suit :
  • La 3e incise in te confido non erubescam (en toi je me confie, je ne rougirai pas) poursuit en quelque sorte l’ardeur qui se dégageait à Deus meus, avec la montée ferme, un accord parfait majeur de Fa-La-Do, sur la 2e syllabe accentuée de confido et la tristropha vibrante sur Do de non, venant se reposer sur le verbe erubescam (je ne rougirai pas) dans une certitude absolue.
2e phrase : neque irrideant me inimici mei (et que n'aillent pas rire de moi mes ennemis)

Elle attaque la dominante du mode sans préparation et s’y installe en quelque sorte, mais avec vivacité et insistance. Il y a quelque chose de malicieux sur irrideant, et sur inimici peut-être du mépris qui se change en une paix heureuse sur les clivis allongées de la dernière syllabe de inimici et la 1re de mei qui amènent la mélodie en Fa.

3e phrase : etenim universi qui te exspectant, non confundentur (Oui, vraiment tous ceux qui t'attendent ne seront pas confondus).

 Etenim universi se chante dans une paix heureuse. Il faut ensuite envelopper exspectant dans un beau mouvement arsique, en faisant entendre un discret crescendo. La pièce finit sur une cadence à la fois douce et forte de non confundentur.

2. Le graduel « Universi »

Le texte reprend la dernière phrase de l’Introït sans la particule de liaison etenim et à la fin un Domine ajouté et son verset : Universi qui te exspectant, non confundentur, Domine. V. Vias tuas, Domine, notas fac mihi et sémitas tuas edoce me. (Tous ceux qui t’attendent ne seront pas confondus, Seigneur ! Tes voies, Seigneur, montre-les moi et tes sentiers enseigne-les moi.)

Traditionnel, Graduel Universi (Grad. 16)

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 25,3s 

 Le sens est le même que dans l’Introït : la joie domine dans une confiance inaltérable.

Interprétation musicale

Toute la pièce se chante dans un bon mouvement joyeux.

1re phrase Universi qui te exspectant, non confundentur, Domine.- (Tous ceux qui t’attendent ne seront pas confondus, Seigneur).

Elle est écrite dans le registre grave du mode de Ré. L’intonation de Universi qui descend jusqu’au La inférieur est particulièrement expressive de joie profonde, remplie de fierté. Elle aura avantage à être chantée par des voix chaudes sans lenteur avec un bon mouvement comme s’il y avait de l’enthousiasme dans l’air. Tout de suite après, la joie monte en arsis sur exspectant pour s’épanouir sur les clivis quelque peu allongées mais non pesantes, exprimant une attente pleine de confiance.

La joie qui fut tout d’abord réservée se fera de plus en plus marquée. Le non doit exprimer la ferme espérance par le punctum épisématique « les rythmes binaires de confundentur l’emportent, légère, jusqu’à la fin, où la mélodie se pénètre sur l’admirable vocalise de la dernière syllabe de Domine d’une ardeur nuancée de reconnaissance et d’amour. » (Dom L. Baron, L'expression du chant grégorien, Abbaye Sainte-Anne de Kergonan, Plouharnel-Morbihan, 1947,1,10).

Verset : Vias tuas, Domine, notas fac mihi et semitas tuas edoce me. (Tes voies, Seigneur, montre-les moi et tes sentiers enseigne-les moi).

Le verset plus léger est une grande prière toute baignée elle aussi de joie. La mélodie se balance sur des rythmes binaires sur Vias tuas, et sur les deux 1ères syllabes de Domine. La grande vocalise si gracieuse de la dernière syllabe de Domine fait penser à l’insistance de l’enfant qui se sait aimé : le motif Fa Sol La Do La revient trois fois. La belle montée avant le quart de barre qui conduit jusqu’au Ré exprime une joie épanouie. La répétition du podatus Do Ré en est l’illustration. Mais à partir de notas, la « flamme du désir » envahit les coeurs par la quarte ascendante La Ré avec un départ ferme sur la dominante du mode. Toujours dans la ligne d’une pure espérance qui s’épanouit sur le verbe fac en montant jusqu’au Mi pour redescendre graduellement sur mihi qui est tout en légèreté, mais convaincu. Avec et semitas tuas et edoce me s’amorce une grande thésis sans lourdeur. Dans la vocalise de tuas qui se pose sur la sous-tonique Do, la sérénité se laisse deviner et elle dure jusqu’à la fin : edoce me se termine dans une paix confiante avec une retenue toute de douceur pénétrante.

3. L'offertoire « Ad te Domine »

Le texte est le même que celui de l’introït sauf le Domine remis à sa place comme dans le psaume. L’interprétation en diffère quelque peu : la lecture de l’Évangile a laissé une note de gravité, nuancée d'amour filial devant l’annonce de la venue du Christ en gloire.

Traditionnel, Offertoire Ad te Domine (Grad.17)

Chœur des moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux

© Abbaye du Barroux→, Ps 25,1ss

Interprétation musicale
La 1re phrase Ad te Domine levavi animam meam (Vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme)

Elle ne présente pas la joyeuse assurance de l’Introït. L’âme redit à Dieu sa confiance, en dépit de tout ce qui précède l’avènement glorieux du Christ. Le chant des deux premières phrases se fait plus discret, retenu, mais toujours pénétré de confiance aimante. L’âme se livre à la tendre miséricorde du Père comme pour y chercher refuge. La locution d’ouverture Ad te (Vers toi) comporte dix notes, progressant en un crescendo qui s’épanouit sur la clivis allongée du ½ ton descendant. Celui-ci exprime une plainte délicate. L’âme chante avec tendresse et douceur le mot Domine. L'accent de prière intense et pourtant douce et confiante de l'intonation Ad te Domine passera à toute la phrase. La mélodie reprend un petit crescendo à levavi dont l’accent au levé est bien arrondi, jusqu’à l’avant-dernière syllabe de animan. Le meam est légèrement retenue. C'est l'expression de l’élan de l’âme vers le Seigneur.

2e et 3e phrases Deus meus, in te confido, non erubescam, neque irrideant me inimici me (mon Dieu, en toi je me confie, je ne rougirai pas et que n'aillent pas rire de moi mes ennemis).

La confiance devient plus ferme comme si l’âme se ressaisissait. Le Deus qui est syllabique à l’unisson et le te qui suit ne comportant qu’une seule note, sont mis en évidence par leur simplicité et se chantent avec une chaude conviction. Cette proclamation joyeuse se poursuit sur confido et va s’élevant sur non erubescam, affirmé avec netteté. L’insistance sur la corde de Fa et la cadence sur cette même note suggère la certitude inébranlable de l’âme. À neque irridant me, on note le défi et une certaine ironie qui atteint sa force sur l’arsis vigoureux de inimici.

4e phrase : etenim universi qui te exspectant, non confundentur (oui, vraiment tous ceux qui t'attendent ne seront pas confondus).

Le calme revient et avec lui une confiance paisible. Il y a même une touche de joie sur universi. La belle descente sur exspectant met en relief la remontée de non confundentur qui achève la pièce sur une note d’espérance joyeuse, bien dans l’esprit de l’Avent.