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BÈZE (Codex de —)

DESCRIPTIF

Le Codex Bezae Cantabrigensis (lisible ici→ ), qui porte le sigle D 05, est un témoin scripturaire essentiel du Nouveau Testament grec, avec les quatre grands onciaux — les codices :

  • Alexandrinus (A 02, 5ème s.),
  • Vaticanus (B 03, 4ème s.)
  • Ephraemi rescriptus (C 04, 5ème s.)
  • Sinaïticus  (אO1, 4ème s.)
Contenu

Il présente les évangiles dans l'ordre : Matthieu, Jean, Luc (le seul complet) et Marc (comme le Codex Washingtonianus et la Vieille Syriaque édité par Cureton : Syc)  Après une lacune, le manuscrit donne 3Jn  et en fin, Ac 1-21.

Disposition

Le manuscrit est écrit en onciales sur vélin. Il lui reste 406 folios, sur les 534 qu’il comptait probablement au départ. Il est disposé en stiques, peut être caractéristique de l’oralité encore vive dans le contexte institutionnel où il fut copié.

Copistes

D 05 est la copie d’un manuscrit plus ancien. F. H. A. Scrivener qui en édita le texte (en cursives) en 1864 a repéré les marques de neuf correcteurs qui travaillèrent sur ce manuscrit entre le 6ème et le 12ème s. La main du correcteur G, dont l’écriture cursive est proche de la semi-onciale (la seule main latine secondaire antérieure au 9ème, maîtrisait aussi le grec) semble contemporaine de la main principale.

Langues

D 05 est bilingue. Le grec est à l’honneur sur la page de gauche. Le texte latin traduit ligne à ligne son correspondant grec. La relation entre les textes grec et latin est débattue entre spécialistes.

Le traducteur, tout comme le copiste, semble plus latinophone qu’hellénophone. A de nombreuses reprises, le texte grec du codex est harmonisé sur le latin, aux limites de l’aberration grammaticale (Ac 13,28 ; 17,30 : un hina devant un infinitif ou un substantif calque le latin ut !). Les harmonisations par le copiste du grec sur le latin, l’ont éloigné de la teneur supposée primitive du « texte occidental » (ainsi en Ac 1,9 ; 3,11).

Les textes des évangiles, dont le vocabulaire non harmonisé est parfois en désaccord avec le texte grec, semblent de quatre provenances différentes, et retouchés sur le grec correspondant dans le codex. De Matthieu (proche du Bobiensis VL, 4ème s. et du Palatinus VL, 5ème s.), à Marc, le traducteur suit un modèle vieux-latin, mais de moins en moins ancien.

La tradition grecque et la tradition latine des évangiles ayant des évolutions propres, il fallait un texte grec archaïque si l’on voulait faire le parallèle avec un texte latin aussi archaïque.

HISTOIRE

On l’appelle Codex de Bèze du nom de son « sauveteur » moderne. Ce codex fut conservé au couvent Saint-Irénée de Lyon, jusqu'à ce que Théodore de Bèze le fasse échapper aux incendies allumés par les Réformateurs en 1562, et ne le confie à la bibliothèque de l'université de Cambridge où il est depuis lors. Certains savants imaginent l'ancêtre du Codex Bezæ à Lyon dès le 2ème s., repérant des citations de ce texte chez Irénée dans les années 170. C’est à Lyon que le codex aurait été produit un peu plus d’un siècle après. D’autres situent la copie et ses corrections successives en Orient, et datent l'arrivée du codex à Lyon vers 830.

INTÉRÊT

Le texte NT représenté par D est daté par beaucoup du 3ème s. Il semble être le témoin majeur d’une →recension qu’on a appelée le "→Texte Occidental " et sur laquelle on débat beaucoup aujourd'hui, car elle pourrait représenter un état très ancien des traditions néotestamentaires. En D, Lc et Ac présentent une perspective juive traditionnelle, qui leur confère une cohérence difficilement attribuable à une révision tardive. Leur auteur écrivait pour des auditeurs / lecteurs à qui le monde biblique, hébraïque de Judée et de Galilée était familier.

RÉCEPTION

Les lectures du manuscrit ont d'abord paru dans la marge de Robert Estienne (1550) puis dans les notes de Théodore de BèZe (1565). La Polyglot de Walton (1657) le prend en compte, et il est entièrement traduit en anglais par Whiston (1745). Kipling fut le premier à présenter le texte en entier en 1793, puis Hansell 1864, Scrivener 1864 et Cambridge 1899. Les collations complètes sont dans l'appareil critique de Tischendorf en 1869 et de Tregelles en 1857. Ces dernières décennies, le texte de ce codex connaît un regain d'intérêt, grâce à quelques chercheurs qui en étudient et en publient le texte, parmi lesquels : Marie-Émile Boismard continué par Augustin Paul Tavardon ou Patrick Faure ; Edouard Delebecque; Christian-Bernard Amphoux ; Jenny Read Heimerdinger,  Josep Rius Camps…

Dans le domaine de la fiction, le Codex Bezae joue un rôle pivot dans la supercherie du « Prieuré de Sion » inventée par Pierre Plantard et Philippe de Chérisey, et qui inspire le roman Da Vinci Code de Dan Brown, par l'interprétation ésotérique de quatre versets latins (Lc 6,1-4) fondée sur la copie d’un de ses folios reproduite dans L’Or de Rennes, de Pierre Plantard et Gérard de Sède (1967).