Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 Et il arriva après ces choses
que Dieu éprouva Abraham et lui dit :
— Abraham ! GAbraham ! Et il dit : — Me voici.
1 Après que cela se fut passé
Dieu éprouva Abraham et lui dit :
— Abraham ! Lui répondit : — Me voici.
2 M G S SamEt [Dieu] V Slui dit : — Lève ton fils, ton unique
Gbien-aimé, que tu aimes
Vchéris, Isaac
et va-t’en au pays de Moriyya
Gau pays élevé
Vvers la terre de la Vision et offre-le là en holocauste
Gapanage total
sur une des montagnes que je te dirai.
Vmontrerai.
3 Et
VAlors Abraham se leva de bon matin,
G, s'étant levé de bon matin,
V, se levant de nuit,
S devança le matin, sella
Vbâta son âne
et prit deux de ses jeunes hommes avec lui
Get prit avec lui deux de ses jeunes hommes
Vemmenant avec lui deux jeunes hommes et Isaac, son fils
il fendit
Vet ayant fendu le bois de
Vpour l'holocauste
et il se leva et
Vil s'en alla au lieu que Dieu lui avait dit.
Vprescrit.
4 V SOr, le troisième jour, Abraham leva les yeux et
Vles yeux levés, il vit le lieu de loin
5 et Abraham
V S∅ dit à ses jeunes hommes
Vjeunes serviteurs :
— Restez
GAsseyez-vous
VAttendez ici avec
Sprès de l’âne
moi et l’enfant nous irons
Vallant jusque-là, M G S Samet après nous être prosterné, nous
M G S Samnous nous prosternerons et retournerons à vous.
6 Et Abraham
VIl prit Vaussi le bois de l’holocauste et le plaça sur Isaac, son filsV.
et il prit dans sa main
Get il prit avec sa main
VQuant à lui, il portait dans ses mains le feu et le couteau
G Vglaive.
Et ils s’en allèrent
Valors qu'ils continuaient tous deux ensembleM G S Sam.
7 M G S SamEt Isaac dit à M G S SamAbraham son père M G S Samet dit : — M V SamMon père ! Et il dit : — Me voici, mon
GEt il dit : — Qu'y-a-t-il,
VMais lui répondit : — Que veux-tu, fils ?
Et il dit :
SEt il lui dit :
V∅ — VoiciV, dit-il, le feu et le bois : où est l'agneau pour
Gla brebis pour
Vla victime de
Sl'agneau de l'holocauste ?
8 M G SamEt Abraham dit : — Dieu se pourvoira de l’agneau pour
Samd'un agneau pour
Gd'une brebis pour
Vde la victime de
Sde l'agneau de l’holocauste, M V S Sammon fils. Et ils allèrent tous deux
VIls continuaient donc ensemble.
9 M V S SamEt ils vinrent au lieu que Dieu lui avait dit
Vprésenté
et Abraham
Vil y construisit l’
G Vun autel et disposa
Gmit le bois G Vau-dessus
et lia
Vet ayant lié Isaac, son fils
et le mit
Vil le plaça sur l'autel au-dessus du Vtas de bois.
10 Et Abraham
Vil étendit la main et prit le couteau
Vse saisit du glaive pour égorger son
Vimmoler [son] fils.
11 Et l’ange de YHWH cria vers lui des cieux
Gdu Seigneur l'appela du ciel
Sde Dieu l'appela des cieux et dit :
— Abraham ! Abraham !
Et il dit : — Me voici.
11 Et voici, l’ange du Seigneur cria du ciel, disant :
— Abraham ! Abraham !
Et il répondit : — Me voici.
12 Et il Vlui dit : — N'étends pas ta main vers le jeune homme
Samsur le jeune homme
G V Ssur l'enfant et ne lui fais rienV.
car maintenant
VMaintenant je sais que tu crains Dieu
Vle Seigneur et que tu n'as pas épargné ton fils, ton unique
G bien-aimé
V unique à cause de moi.
13 Et Abraham
Sil leva les yeux et vit et voici un bélier M Samderrière [lui], retenu dans un buisson
Gune plante, un sabek, par ses
Gles cornes
et Abraham alla et prit le bélier et l’offrit en holocauste à la place de
Gd'Isaac son fils.
13 Abraham leva les yeux et vit dans [son] dos un bélier entravé par les cornes entre les ronces.
Le prenant, il l’offrit en holocauste à la place de son fils.
14 Et Abraham appela
Vdonna à ce lieu du
Vle nom de « YHWH verra »
G« le Seigneur a vu »
V« le Seigneur voit »
S« le Seigneur verra »
comme il est dit
Gen sorte qu'ils disent
Vdont on dit jusqu'
Sen sorte qu'il est dit aujourd’hui : — En la
Scette montagne de YHWH il sera vu.
Gle Seigneur a été vu.
V Sle Seigneur verra.
15 Et
VOr, l’ange de YHWH
G V Sdu Seigneur appela Abraham une seconde fois des cieux
Gdu ciel
Vdu ciel, disant :
16 et il dit :
Gen disant :
V∅ — Je l’ai juré par moi-même, déclare YHWH
G V Sdit le Seigneur
parce que tu as fait cette chose et que tu n'as pas épargné ton fils, ton unique
G bien-aimé
V unique G S Samà cause de moi
17 M G S Samcertainement je te bénirai et M G S Samcertainement je multiplierai ta semence comme les étoiles des cieux
G Vdu ciel et comme le sable qui est au bord
Vsur le rivage de la mer
et ta semence possédera la porte de ses ennemis.
Vgagnera les portes de ses ennemis.
Ghéritera les villes des adversaires.
Shéritera les terres de ses ennemis.
18 Et en ta semence seront bénies toutes les nations
Stous les peuples de la terre
parce que tu as écouté
G Vobéi à ma voix.
19 M G S SamEt Abraham retourna vers ses jeunes hommes
Vjeunes serviteurs
et ils se levèrent et allèrent
Vs'en allèrent ensemble à Bersabée
Gau puits du serment et Abraham habita à Bersabée.
GAbraham habita au puits du serment.
Vil y habita.
20 Et il arriva,
VAinsi, après ces événements, M S Samqu'on annonça à Abraham en disant : — Voici que
Sen lui disant : — Voici que
Vque Milka
VMelcha aussi a enfanté
Vavait engendré des fils à Nachor
VNahor, ton
Vson frère.
21 ‘Ôç
GÔx
VHus, son premier-né, et Bûz
GBaux
VBuz, son frère
Qᵉmû'ēl
SQmû'yl
GKamouêl
VCamuël, père d’Aram
G Vdes Syriens
22 Keśed
GChasad
VCased et Ḥăzô
G VAzau
Pildāš
GPhaldas
VPheldas et Îdᵉlāp
GIedlaph
VJedlaph et Bᵉtû'ēl.
Set Btû'yl.
Get Bathouêl.
V∅
23 et Bétuel
VBathuel enfanta Ribᵉqâ
S enfanta Ribᵉqa
G enfanta Rebekka
V, de qui est née Rébecca. Ce sont les huit fils que Milka
VMelcha enfanta
Vengendra à Nahor
VNahor, frère d’Abraham.
24 Et
VQuant à sa concubine, nommée
Vdu nom de Roma
GReêma, Velle enfanta M G S Samelle aussi, Ṭebaḥ
GTabek
VTabée, Gaḥam
GGaam
VGaom, Taḥaš
GTochos
VThaas et Ma‘ăkāh
SMa‘ăka
GMôcha
VMaaca.
16ss Oracle prophétique Au cœur du récit, le serment divin relève du genre littéraire de l’oracle prophétique, comme le souligne l’expression nᵉʼūm yhwh.
9b l'autel La croix L’Épître de Barnabé relie clairement le sacrifice du Christ sur l’autel de la Croix avec l’autel du sacrifice d’Isaac :
3b jeunes hommes Sens C'est-à-dire « serviteurs ». Tradition juive Gn 22,3b
12b et que tu n’as pas épargné Raison Le « et » peut avoir ici un sens explicatif (c’est-à-dire).
12b et que tu n’as pas épargné Raison Le « et » peut avoir ici un sens explicatif (« c’est-à-dire »).
18a seront bénies Modalité La forme hébraïque wᵉhitbārăkû peut avoir un sens réfléchi ou réciproque.
13s Narration : dénouement Abraham accomplit bien l’ordre divin, mais au second sens : sur la montagne il offre un holocauste en présence d’Isaac. Il nomme ensuite le lieu, interprétant ce qu’il y a vécu : « Dieu voit ».
15–18 Narration : transformation finale Le narrateur complète le dénouement : Dieu a également été vu d’Abraham, qui reçoit la confirmation de l’abondante bénédiction divine, avant de rentrer à Beersheva, apparemment sans Isaac, fils désormais à distance de son père.
2b holocauste Type de sacrifice où la victime est entièrement consumée sur l’autel (pour le rituel sacerdotal, voir Lv 1). Il correspond à une offrande totale à Dieu. Comparaison des versions Gn 22,2b
1 (S) Intertitre Avant le début de la péricope, le Codex Ambrosianus lit « L'épreuve d'Abraham » (nsywnh d’brhm).
19b Beersheva Étymologie Plusieurs interprétations existent pour le toponyme Beersheva (Repères historiques et géographiques Gn 22,19b) :
3b jeunes hommes Identification
11–18 Parallèle avec Hagar et Ismaël En Gn 21,15-19, confrontée à la mort imminente de son fils, Hagar est elle aussi témoin de l’intervention du messager divin qui est source de salut pour son fils et elle.
1b Dieu éprouva Abraham À l'instigation de Mastéma →Jub. 17,15-18,12 reprend le récit biblique d’assez près, mais la mise à l’épreuve d’Abraham résulte d’un défi lancé à Dieu par le prince Mastéma — le diable. Comme dans le livre de Job, Mastéma prétend qu’Abraham préfère son fils à Dieu ; si celui-ci lui demande sa vie en holocauste, on verra bien les limites de sa fidélité apparente. L’enjeu du récit est clairement campé : il s’agit bien de faire la preuve de la fidélité sans faille du patriarche et de l’amour sans partage qu’il porte à son Seigneur.
10 Coopération d'Isaac Dans →Tg. Neof. et →Tg. Ps.-J., le récit insiste dès lors non seulement sur la foi d’Abraham, mais aussi sur la disponibilité volontaire d’Isaac qui demande à être lié pour éviter qu’en se débattant, il se cogne et ne devienne une victime indigne de Dieu.
12
2c sur une des montagnes Montée spirituelle Pour Origène, l’ascension de la montagne par Abraham symbolise le pèlerinage spirituel continu du croyant vers le ciel :
4 le troisième jour
Clément d’Alexandrie relie cette expression au sacrement du baptême :
Origène, pour sa part, parle en termes plus larges et applique l’expression à toutes sortes de mystères divins en général :
10a Disposition d'Abraham Cyrille d’Alexandrie explique l’attitude d’Abraham dans le moment crucial du récit et souligne son entière confiance en Dieu :
12a ne lui fais rien Révélation du dessein divin À ce moment de l’intrigue, les intentions de Dieu sont révélées et Pierre Chrysologue commente :
13a un bélier retenu dans un buisson Le Christ couronné d'épines Isaac n’est pas le seul type préfigurant le Christ, pour Augustin il en est de même du bélier :
17s Promesse de postérité et de bénédiction Ce passage est une étape importante dans l’accomplissement de la promesse d’une descendance, qui domine les récits patriarcaux. Isaac est pleinement rendu à son père et désormais celui-ci a l’assurance d’un futur heureux pour la postérité d’Isaac. Plus largement, toutes les nations de la terre deviennent les bénéficiaires de la bénédiction divine accordée à Abraham. C’est pourquoi les effets de l’obéissance d’Abraham transcendent les frontières limitées d’Israël et revêtent une signification universelle, qui sera reprise par les auteurs de l’AT :
14 YHWH verra + YHWH il serra vu — Jeu de mots Le jeu sur deux formes du verbe « voir » (actif et passif) dans la nomination du lieu au v.14 met en évidence l’essentiel de ce qui s’est passé : une rencontre, un échange de regard entre Abraham et le Seigneur.
1–19 Caractérisation individuelle des personnages : nouveauté dans le cadre des littératures antiques Le fameux livre d’Erich , Mimesis (1946), s’ouvre sur une comparaison de la scène de reconnaissance d’Ulysse (→ chant 19) avec l’épisode de la Genèse qui nous occupe : Od.
16a.19b je l'ai juré + à Beersheva — Jeu de mots Après le serment de Dieu (v.16a nišba‘tî), l’insistance sur le nom du lieu où Abraham va demeurer (v.19b bᵉ’ēr šāba‘ ; cf. G « puits du serment ») souligne un jeu de mots. Vocabulaire Gn 22,19b
1–19 Typologie Dès l’Épître de Barnabé, la tradition ancienne a lu dans ce récit une illustration de l’obéissance d’Abraham et de sa puissance prophétique, mais aussi et surtout l’anticipation de la Passion du Christ préfigurée par le sacrifice d’Isaac. Les Pères de l’Église concentrent leur attention sur différents aspects de la réalité théologique préfigurés par les types que sont Abraham et Isaac.
Irénée souligne deux qualités importantes d’Abraham.
Le parallèle entre Abraham et Dieu est un thème bien développé par Éphrem :
3a s’étant levé (G) Usage aspectuel du participe Suivant les préférences de la syntaxe grecque, G remplace souvent par un participe le temps narratif de certains verbes de M : v.3-5.9.13.19.
1b que Dieu éprouva Abraham Incise entre la protase temporelle et l’apodose qui commence au v.2.
12b épargné ... pour son profit (lexique économique) Le verbe hébreu ḥśk a le sens économique de mettre de côté pour soi.
12a N'étends pas ta main Connotation agressive Litt. « N'envoie pas ta main ». L’expression peut servir à décrire une agression.
1–19 Structuration du texte : répétitions et refrains La série prendre—aller—voir—holocauste se répète à plusieurs reprises dans le récit : dès le v.2, c’est l’ordre donné par Dieu à Abraham (en lisant Moriyya comme « vision »), programme ensuite réalisé, ce que souligne la répétition des mots (cinq fois chacun après le v.2).
Avec le refrain « ils allèrent… ensemble » aux v.6.8.19, les dix occurrences du mot « fils » et des noms divins (cinq fois « Seigneur » et cinq fois « Dieu ») et les deux appels semblables aux v.2.11 (avec un écho au v.15), ces répétitions contribuent à l’unité du texte et servent de repères pour sa structuration.
19b Beersheva Identification Le lieu est un endroit bien identifié, au nord du désert de Juda, et bien connu des traditions patriarcales (Gn 21,14-33 ; 26,23.33 ; 28,10 ; 46,1.5). Vocabulaire Gn 22,19b
2c.14b une des montagnes + la montagne — Lieu de révélation La montagne est un lieu privilégié pour la rencontre de Dieu : mont Moriyya, mont Sinaï, mont du Temple, mont de la Tentation, mont de la Transfiguration, Golgotha, mont de l’Ascension. La tradition carmélitaine voit dans l’ascension au mont Carmel un symbole de la vie spirituelle, mais non exclusif :
1–19
L'épisode hante la réflexion des fondateurs de la psychologie des profondeurs au point d'y être refoulé, ou théorisé sans être nommé.
Cf.
Anais N., « Abraham and Isaac », dans David, Kathryn, Stanton (éd.), Encyclopedia of Psychology and Religion: L-Z (Springer Reference), London : Springer, 2010, 1-3.De nombreux auteurs contemporains font appel aux sciences humaines pour relire le récit de la ligature d’Isaac. En voici quelques exemples :
6 (S) Omission Le Codex Ambrosianus (7a1), probablement par haplographie de « et il prit », a seulement cette leçon brève : « Et il prit dans sa main le feu et le couteau et ils s'en allèrent tous deux ensemble ».
17b possédera la porte Lexème métaphorique militaire L'expression désigne une victoire, la porte étant le point stratégique essentiel d’une ville (Comparaison des versions Gn 22,17b). Le verbe « posséder » peut être traduit également « hériter », sens qui atténue la connotation guerrière, l’expression signifiant alors « recevoir une place stratégique au cœur de l’ennemi ».
14a le Seigneur voit (V) spirituellement Origène continue son exégèse spirituelle de Gn 22 et explique que la dernière partie du récit contient, en même temps, la clé de sa propre compréhension :
1–19 Le « sacrifice d'Abraham » et la « ligature d'Isaac »
Les principales traditions d’interprétation juives et chrétiennes de ce récit y lisent un enseignement sur le sacrifice et sur le culte. Les Écritures elles-mêmes identifient le mont Moriyya avec le mont du Temple à Jérusalem, enrichissant ainsi la résonance historique et théologique de ce lieu et du culte qui y est rendu et le légitimant par sa continuité avec la justice d’Abraham.
Dans les trois traditions, le récit est le support de célébrations liturgiques importantes (Liturgie Gn 22,1–19 ; Islam Gn 22,1–19 : Rite).
Lu isolément, le récit souligne l’obéissance d’Abraham qui accepte de sacrifier son fils. Dans le contexte du cycle d’Abraham, c’est sa foi qui est mise en relief, puisqu’il a reçu la promesse d’une vaste postérité malgré la stérilité de Sara : Dieu est plus grand que tout obstacle. En référence à la prohibition biblique des sacrifices d’enfants (Intertextualité biblique Gn 22,10 ; Tradition juive Gn 22,12) et à l’obligation de racheter le premier-né, le récit devient une pédagogie divine montrant qu’au-delà de toute loi, les droits de Dieu restent absolus, même au regard des liens familiaux (Théologie Gn 22,1–19). Plus généralement, il rappelle le fait que le père n’est pas propriétaire de ses enfants : dès Gn 2,24, l’homme sait qu’il doit quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme.
Même s’ils sont éloignés des lectures théocentriques, les modernes continuent de lire ce récit, dont ils explorent les dimensions anthropologiques et morales (Littérature Gn 22,1–19). Époque contemporaine : preuve que l’histoire d’Abraham et d’Isaac parle à toutes les époques, comme en témoigne sa très riche réception artistique, dont on ne peut donner ici qu’un aperçu : Arts visuels Gn 22,1–19 ; Musique Gn 22,1–19.
Le texte est composé de deux séquences :
Les v.1-14 présentent un récit très unifié grâce à une structure concentrique (Procédés littéraires Gn 22,1–19) et à la répétition régulière d’une même séquence de termes (prendre, aller, voir, holocauste) qui, au v.2, précise le programme donné à Abraham par Dieu, un programme effectivement réalisé au v.13, quand il offre en holocauste le bélier qu’il a trouvé. Il présente trois sections :
L’oracle final des v.15-19 (Genres littéraires Gn 22,16ss) est inattendu au plan narratif, mais il est bien chevillé au récit. Il a une structure concentrique autour de la bénédiction solennelle (v.17-18a) encadrée par sa motivation (v.16b et v.18b).
Les commentateurs identifient d’ordinaire la narration des v.1-14.19 comme un récit de fondation d’un sanctuaire (voir la pointe au v.14), réutilisé par la suite à condamner les sacrifices humains en Israël. Dans son contexte actuel, il souligne clairement la foi d’Abraham.
Les v.15-18 auraient été ajoutés au récit pour renforcer l’unité de l’ensemble du cycle d’Abraham au moyen de la thématique de la bénédiction (Gn 12,2-3 ; 14,19-20 ; 17,16.20 ; 18,18 ; 24,1.27.31.48.60).
1–19 Abraham, type du croyant
Si 44,20 insiste sur la fidélité d’Abraham dans l’épreuve. Selon Sg 10,5 la Sagesse le « conserva sans reproche devant Dieu et le garda fort contre sa tendresse pour son enfant ».
Le NT souligne de même la foi sans faille du patriarche : pour He 11,17-19, c’est la foi au Dieu dont la puissance donne la vie aux morts : « Par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac, et c’est son fils unique qu’il offrait en sacrifice, lui qui était le dépositaire des promesses, lui à qui il avait été dit : C’est par Isaac que tu auras une postérité. Dieu, pensait-il, est capable même de ressusciter les morts ; c’est pour cela qu’il recouvra son fils, et ce fut un symbole ». Pour Jc 2,21, Abraham est le modèle de la foi corroborée par les œuvres.
1a ces choses = une querelle entre Ismaël et Isaac →Gen. Rab. 55,4 et →Tg. Ps.-J. expliquent la demande divine par une dispute entre Ismaël et Isaac. Le premier se dit plus juste car il a volontairement accepté la circoncision à l’âge de 13 ans, alors qu’Isaac, circoncis à 8 jours, aurait peut-être refusé de l’être s’il avait eu l’âge de raison. Et Isaac de répondre : « Voici qu’à ce jour j’ai trente-sept ans, et si le Saint, béni soit-Il, me demandait tous mes membres, je ne (les lui) refuserais pas. » Dieu le prend au mot et adresse alors à Abraham sa requête. Islam Gn 22,1–19
1b Dieu éprouva Abraham
Selon →, l’ordre divin s'est fait puisque Satan avait dénoncé Abraham pour n’avoir jamais offert de sacrifice. Comm. Tora
1–19 Usages de la péricope
On lit Gn 22 comme parasha le second jour de la fête de Rosh Hashana (le Nouvel An juif, au début de l’automne), qui annonce le jugement de Dieu et appelle au repentir. On y prie en ces termes :
Dans le rite séfardite, outre l'usage précédent,
On lit la ligature d'Isaac durant la liturgie de la résurrection le samedi saint, au moins depuis l'an 1570. Depuis 1951, date du rétablissement de la vigile pascale, l’Aqéda est la deuxième d’une série de sept lectures de l’AT (Gn 1,1-2,2 ; 22,1-13.15-18 ; Ex 14,15-15,1a ; Is 54,5-14 ; 55,1-11 ; Ba 3,9-15.32-4,4 ; Ez 36,16-17a.18-28). Celles-ci représentent les interventions de Dieu dans l’histoire depuis la création, culminant dans les lectures de la célébration eucharistique : l’épître (Rm 6,3b-11, sur le baptême dans la mort et la résurrection du Christ) et l’évangile (un récit synoptique sur la découverte du tombeau vide et l'annonce de la résurrection).
1b Dieu éprouva Abraham Pédagogie divine Souvent dans la Bible, Dieu met à l’épreuve les hommes qu’il aime :
Ainsi Dieu n’hésite pas à éprouver l’obéissance de son peuple et la crainte qu’il lui doit. Si Abraham n’avait pas réussi l’épreuve, il n’aurait pas joué son rôle exemplaire dans l’histoire du salut. Théologie Gn 22,17s
1–19
Le Coran évoque le sacrifice d’Abraham, en poursuivant la ligne d’interprétation midrashique selon laquelle Abraham n’a pas bien compris l’ordre de Dieu (Tradition juive Gn 22,2b). C’est en songe qu’Abraham se voit immoler son fils :
On ne précise pas quel est le fils dont il est question (Tradition juive Gn 22,2a) : Isaac, Ismaël et Jacob (fils d’Isaac) sont souvent mentionnés dans des récits. → (à la fin du 9e s.) penchait pour Isaac, mais les traditions populaires ont fini par choisir Ismaël, fils premier-né d’Abraham et vénéré comme l’ancêtre des Arabes. Jāmi‘ al-bayān
L’islam célèbre le sacrifice d’Abraham avec la fête de l’Aïd al-Adha (« la fête du mouton ») ou Aïd el-Kebir (« la grande fête ») qui clôture le pèlerinage à La Mecque, le dixième jour du dhû al-hijja (dernier mois lunaire du calendrier musulman). À La Mecque même, et partout dans le monde, on immole un animal en souvenir du geste de soumission d’Abraham, lors de l’épisode du « non-sacrifice » du fils. La bête immolée est ensuite consommée par les membres de la famille et les amis. Une part est réservée pour le partage avec les plus défavorisés. Cette fête clôt le cycle annuel des fêtes de l’Islam.
1–19 Les auteurs littéraires exploitent le pathos du récit : chaque époque a su y puiser. En voici quelques exemples parmi les plus célèbres.
La ligature d’Isaac revient souvent dans les mystères du Moyen Âge, autant en français qu’en anglais. Ils supposent la typologie d’Isaac comme figure du sacrifice de Jésus sur la Croix et dans l’Eucharistie et s’intéressent surtout au fils, avec l’accent sur ses sentiments et sur son obéissance envers son père jusqu’à la mort.
, disciple de Calvin, écrivit son drame Abraham sacrifiant (1550) sous la forme d’un mystère. Abraham y fait figure tragique, profondément émotive et hésitante, pour savoir s’il doit suivre l’ordre de Dieu ou préserver la vie de son fils bien-aimé. Finalement, l’acte de foi prévaut. La tragédie de , qui met l’accent sur la foi d’Abraham au détriment d’une interprétation christologique de la personne d’Isaac, compare le catholicisme au protestantisme, et promeut ce dernier.
Le poète catholique anglais Richard
(ca. 1613-1649) revient à la typologie antérieure : Isaac et le bélier préfigurent le Christ dans l’Eucharistie (Lauda Sion Salvatorem, str. 12).La perplexité d’Abraham est traitée dans la littérature moderne anglaise de plusieurs façons : comique par Henry ; ironique par William dans The Book of Urizen (1794) ; tragique par Thomas dans Tess of the d’Urbervilles (1891).
dans Joseph Andrews (1742)De nombreux auteurs contemporains font appel aux sciences humaines pour relire le récit de la ligature d’Isaac : Psychologie Gn 22,1–19.
1–19 Abraham « chevalier de la foi », ou : L’articulation de la foi à l’éthique
2b Moriyya Sens incertain Outre une dérivation du verbe r’h « voir » (Comparaison des versions Gn 22,2b), est également possible une dérivation des racines yr’ « craindre » ou yrh « enseigner ». Tradition juive Gn 22,2b
3c.6a.7c.9bd le bois Litt. « les bois », au pluriel Dans toutes les versions le mot est au pluriel, ce qui ne peut pas être rendu en français.
2b offre-le là en holocauste (M) Narration : suspense En M, l’insertion de l’adverbe de lieu coupe en deux l’expression consacrée « offrir en holocauste » (utilisée aux v.2b.13b) et autorise une double lecture.
L'ordre portant sur le don de Dieu au patriarche est ambivalent. Abraham est invité :
L’ordre donné par Dieu à Abraham est une mise à l’épreuve, mais le premier intéressé l’ignore. La question est de savoir en quel sens Abraham comprendra cet ordre ambigu. Cela reste indécis jusqu’au v.9 où, en l’absence de bête, Abraham s’apprête à immoler Isaac.
2b Moriyya Localisation ? Dans le cadre du cycle d’Abraham et de Gn, le lieu n’est pas situable.
Le mont Moriyya a été identifié avec le mont du Temple de Jérusalem (2Ch 3,1), identification suivie par les traditions juives et chrétiennes (et aussi dans l’Islam). Pour certains commentateurs musulmans, l’actuelle coupole du Dôme du Rocher à Jérusalem s’élèverait à l’endroit où Abraham prépara l’autel du sacrifice. Après La Mecque et Médine, c’est le troisième lieu saint des musulmans. Pour les juifs et les musulmans, ce lieu est véritablement sacré. Pour les chrétiens, il représente une étape de pèlerinage.
Les Samaritains situent l'épisode du sacrifice d'Isaac sur le mont Garizim (Repères historiques et géographiques Dt 27,12).
2b de Moriyya : M Sam S | V : de la Vision | G : élevé — Jeu de mots
2b holocauste : M | G : apanage total Pour M : ‘ōlâ « holocauste » (litt. « montée »), G préfère ici, à holokautôma ou holokautôsis (« holocauste »), un mot plus rare, holokarpôsis « apanage total », qui oriente davantage vers celui qui reçoit et jouit du bien donné que vers le sort de la victime. Milieux de vie Gn 22,2b
2s.16ss Liens familiaux En Gn 12,1-4, Abraham est appelé à quitter son père en vue de recevoir la bénédiction divine, et répond positivement à l’appel du Seigneur : plusieurs rappels verbaux assurent le lien aux v.2-3 et v.16-18.
2b offre-le là en holocauste Motif : le détachement par rapport aux enfants En Gn 21, sur invitation de Dieu, Abraham laisse aller Ismaël son premier-né (Gn 21,12-14). Ailleurs, en Gn, plusieurs pères doivent ainsi laisser aller leurs fils vers leur destin propre, selon la parole de Gn 2,24 : « l’homme quittera son père et sa mère » (p. ex. Gn 28,1-4 ; 37,12-14 ; 43,1-14 ; et aussi Gn 24,54-59 ; 31,43-32,1 ; 38,11.26 ; 48,5-6). L’attitude d’Abraham est exemplaire pour le chrétien : « Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10,37).
4 Le troisième jour Topos
2b Moriyya
2b ton fils ton bien-aimé, que tu aimes (G) Aggravation de la demande Origène attire l’attention sur l’immense difficulté de la demande divine qui renforce encore la solidité de la foi d’Abraham :
3c.6a.7c.9bd bois
Irénée invite tous les croyants à suivre le Christ portant le bois de la croix avec la foi d’Abraham, de la même façon qu'Isaac a porté le bois :
Origène suit l’interprétation d’Irénée, mais il introduit le thème de la résurrection :
5b Restez ici Prophétie Jean Chrysostome parle ici de la mission prophétique d’Abraham :
10 égorger : M | V : immoler — Verbes techniques rituels
9c lia Hapax héb. Le verbe hébreu ‘āqad est un hapax qui a donné son nom rabbinique à la péricope (Aqéda).
6–10 Narration : ralentissement du tempo Le narrateur décrit de plus en plus minutieusement ce qui se passe, retardant le moment attendu et augmentant d’autant la tension :
6b couteau : M Sam S | G V : glaive
6a le bois + sur Isaac — Typologie Isaac chargé du bois préfigure Jn 19,17, où Jésus « porte lui-même sa croix », à la différence des synoptiques où c’est Simon de Cyrène qui en est chargé (Mc 15,21 //).
10 Sacrifice d’enfants ? Il est question de sacrifices d’enfants en Jg 11,29-40 (fille de Jephté) ; 2R 3,27 ; 16,3 ; 17,17 ; 21,6 ; Ez 20,26.31 ; Mi 6,7. La Bible les condamne à de nombreuses reprises (Lv 18,21 ; 20,2-5 ; Dt 12,31 ; 18,10 ; Jr 7,31 ; 19,5 ; 32,35 ; Ez 16,20-21 ; 23,39). En Ex 13,2.11-15, il est question de la sanctification des premiers-nés des humains et du bétail : ils appartiennent au Seigneur, à qui on les offrira en mémoire de la mort des premiers-nés de l’Égypte. Tous les fils des Israélites sont cependant rachetés par la consécration des fils de Lévi à Dieu (Nb 3,41.44-51).
8a Dieu se pourvoira Prophétie Le thème des pouvoirs prophétiques d’Abraham (Tradition chrétienne Gn 22,5b) est de retour ici :
13b retenu (G) Variante grecque Deux anciens traducteurs anonymes (ho hebraios kai ho suros) rendent le participe de M : ne’ĕḥāz (« retenu ») par kremamenos (« suspendu » ; au lieu de G : katechomenos « retenu »), ce qui facilite la typologie de la croix.
13a derrière : M Sam | G V S : un
13a un buisson : M Sam S | G : une plante, un sabek | V : des ronces
12b tu crains Dieu La crainte de Dieu est l’une des notions les plus importantes de la théologie de l’AT. C’est non seulement comme l’origine d’une expérience religieuse, mais aussi le terme décrivant la nature même de la religion. Cette crainte caractérise le véritable croyant, dans une juste relation avec Dieu. Puisque Dieu est un mysterium tremendum et fascinans, les croyants éprouvent envers lui, à la fois la crainte et la fascination. La crainte a pour origine la reconnaissance de la majesté de Dieu, Être éternel et suprême, tout-puissant et transcendant : Dieu est le tout autre. En même temps, l’homme qui croit se sent irrésistiblement attiré vers lui. C’est pourquoi la crainte de Dieu (yir’at yhwh) associe ces deux attitudes apparemment contradictoires.
La crainte de Dieu est parfois provoquée par la seule présence divine (p. ex. Gn 28,17 ; Ex 3,6). Ici la crainte d’Abraham se manifeste à travers son obéissance inconditionnelle à un ordre divin.
17a certainement Renforcement Les verbes hébreux conjugués sont renforcés par un infinitif pour insister sur le verbe ou renforcer la nuance induite par la forme employée, p. ex. ici, « je veux te bénir et je veux multiplier ».
17b la porte : M | G : les villes G lit tas poleis au lieu de tas pulas (« les portes »). Les targums ont de même tous « les villes ». Les « portes » en sont une métonymie : généralement les armées d'invasion opèrent par concentration, tandis que les défenseurs sont dispersés dans chaque localité ; lorsque les portes sont prises, la conquête de toute la ville peut être considérée comme acquise.
17s Promesse de postérité et de bénédiction Quand le récit s’approche de sa fin, Dieu révèle à Abraham les conséquences de grandes portées de cette extraordinaire obéissance. Non seulement Abraham deviendra le père de nombreux descendants, mais sa descendance comprendra tous ceux qui croient en Jésus-Christ et sont rachetés par sa passion et sa résurrection :
2a ton fils ton unique, que tu aimes Indentification progressive
2b offre-le là en holocauste
1–19
Dans ce récit, non seulement Abraham est mis à l’épreuve, mais notre foi aussi. Avec cet épisode, → IIa-IIae 104,4,2 met en série scandaleuse plusieurs « ordres de Dieu contraires à la vertu. C’est ainsi qu’il commanda […] aux Juifs de dérober les biens des Égyptiens ( Sum. theol.Ex 11,2) ce qui est contraire à la justice ; et au prophète Osée (Os 1,2) d’épouser une femme adultère, ce qui est contraire à la chasteté ». Il répond ainsi :
Abraham reçoit le fils de la promesse mais est aussi appelé à le rendre à Dieu, selon une stratégie divine fréquente dans l’AT. La mère de Moïse doit donner son fils à la fille de Pharaon (Ex 2,1-10) ; le fils d’Anne, Samuel, est consacré au sanctuaire de Silo (1S 1) ; l’enfant de David et Bethsabée meurt (2S 12). Dieu est celui d’où vient tout don parfait, mais qui du coup, a toute autorité pour le réclamer : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : que le nom du Seigneur soit béni ! » (Jb 1,21).
Mais cette justice trouve son accomplissement dans le mystère pascal survenu en Christ :
Malgré les apparences, Dieu n’est pas contradictoire. Il est au contraire très conséquent dans sa pédagogie vis-à-vis d’Abraham. Il l’amène, peu à peu, mais sans l’y forcer, à une obéissance qui émane de sa liberté intérieure. Celle-ci consiste à écouter la voix de Dieu, plutôt que de vouloir « épargner » le don en le gardant pour soi. Cette liberté accorde l’homme avec Dieu et avec sa bénédiction surabondante. C’est alors que l’alliance s’accomplit, comme le souligne le commentaire du nom Moriyya, qui suggère l’échange de regards entre Dieu et Abraham (cf. Ex 24,10-11).
Dieu demande à Abraham le sacrifice de son fils Isaac, comme une préfiguration du sacrifice qu’il ferait lui-même de son propre fils, Jésus, en faveur des enfants d’Abraham. Ce qu’il n’a finalement pas demandé à Abraham, Dieu l’a fait pour l’Église. Abraham prophétise donc (Tradition chrétienne Gn 22,8a), lorsqu’il répond à la question d’Isaac en affirmant que Dieu pourvoira au sacrifice : il donne non seulement le bélier au mont Moriyya, mais aussi son fils au mont Golgotha. →L’agonie de Jésus et la ligature d’Isaac
Au 16e s., l’évêque Bartolomé de Las Casas cite Gn 22,1-19 dans la controverse qui l’oppose à Juan Ginés de Sepulveda. Ce dernier considérait légitime la conquête de l’Amérique et l’asservissement des Indiens, qu’il tenait pour barbares en raison des sacrifices humains pratiqués dans leur religion. Dans le débat mené à Valladolid contre les thèses de ce théologien et bien qu’il tînt lui aussi pour une erreur les sacrifices humains, Las Casas défendit les actions des Indiens en raison de leur ignorance invincible :
Les arguments bibliques utilisés par Las Casas sont celui du sacrifice (manqué) d’Isaac et celui du sacrifice (réalisé) de la fille de Jephté (Jg 11,29-40) :
9c lia Isaac La crucifixion
Neuf cents ans plus tard, ce thème est repris par Rupert de Deutz :
13a bélier Réalité protoctiste Cet animal est mentionné avec les dix choses créées par Dieu dès l’aube du monde.
La « Prière de Joseph », apocryphe cité par Origène, fait également d'Abraham et d'Isaac des entités protoctistes :
1–18 L’Aqéda a une force dramatique qui se prête aisément à la représentation visuelle. La peinture occidentale n’a pas cessé de représenter la scène de la ligature (mais aussi les épisodes qui la précèdent : la marche, l’arrêt avec les serviteurs, …). Textes anciens Gn 22,1–19
On trouve de nombreuses représentations juives et chrétiennes de l’Aqéda, qui éclairent l’interprétation du passage en question. →Deit. (PG 46,572-573) et →Faust. 22,73 témoignent de leur importance pour les fidèles.
offre les représentations les plus anciennes de la péricope : les Catacombes de Saint-Callixte et celles de Priscille à Rome (toutes deux du 3e s.). Les peintures des catacombes ne sont pas typologiques et soulignent toujours l’aspect de délivrance. Les représentations de l’Aqéda sur des sarcophages chrétiens introduisent des détails extrabibliques tels que la présence de quelques curieux ou de Sara. L’exemple le plus ancien est le Sarcophage de Sainte-Quitterie à Aire-sur-l’Adour (4e s.).
Le sacrifice d’Isaac des mosaïques de San Vitale et de Sant’Apollinare in Classe (basiliques de Ravenne, 6e s.) est représenté dans un contexte liturgique clairement relié à l’Eucharistie. Abraham est représenté à côté d’Abel et de Melchisédech. Le sacrifice de son fils préfigure le sacrifice parfait du Christ.
se trouvent principalement dans des synagogues. La plus ancienne est celle de Doura Europos (245 ap. J.-C.) où la scène est représentée sur le fronton de la niche centrale où se trouve l’armoire de la Tora, près d’une représentation du Temple, ce qui souligne le lien entre l’Aqéda, la Tora et le culte du Temple. La fresque de Doura Europos montre aussi la première image de la main de Dieu. Arts visuels Gn 11,27–25,11
L’Aqéda de la synagogue de Beit Alpha (ca. 520) représente Isaac comme un petit enfant sans défense, et donne la prééminence au rôle joué par le bélier dans l’histoire. Ces deux détails, Isaac représenté comme un enfant et le rôle important joué par le bélier, diffèrent de la tradition scripturaire et témoignent du développement de l’Aqéda dans la théologie juive.
Le sacrifice d’Abraham fait partie du programme iconographique de nombreux édifices sacrés. Par exemple, au pied-droit gauche du portail central de la cathédrale de Chartres (1205-1240), Abraham et Isaac (un peu comme un martyr et son attribut) regardent tous les deux dans la même direction, écoutant la parole de Dieu et contemplant le mystère accompli en Christ (de même le portail ouest de la cathédrale de Senlis et le chapiteau du cloitre de Moissac).
Parmi les œuvres de sculpteurs connus, remarquable est « Le sacrifice d’Isaac » de
(ca. 1418, marbre, Museo dell’Opera del Duomo, Florence), présentant Abraham debout s’apprêtant à lever son couteau sur son fils à genoux qu’il tient par la tête serré contre lui. Un siècle plus tard, Le sacrifice d’Isaac par Alonso (1526-1532, bois polychrome, Musée National des sculptures religieuses, Valladolid) reprendra la même composition, mais avec un mouvement quasi expressionniste : Abraham la tête renversée comme pour ne pas voir ce qu’il va faire, ou bien dans un instant de supplication criée vers Dieu, tient Isaac par les cheveux.L’histoire d’Abraham de Lorenzo
(1425-1452, bas-relief en bronze doré, baptistère de Florence) inscrit la scène dans son contexte narratif complet, depuis l’annonciation par les trois anges.Sans parler des innombrables gravures sur bois, de nombreuses enluminures, tant chrétiennes que juives, représentent le sacrifice d’Abraham. Particulièrement remarquable est la double enluminure du Miroir de l’humaine salvation→ (France, milieu du 15e s., BNF, Manuscrits, français 188, f. 26 v°) mettant en regard Isaac portant le fagot derrière Abraham (l’épée à l’épaule et le feu à la main) et le Christ portant sa croix ; de même, un siècle plus tôt, une page des Très belles Heures de Notre-Dame de Jean (vers 1400, enluminure sur parchemin, Museo Civico d’Arte Antica, Palazzo Madama, Turin).
On peut signaler le très sculptural Sacrifice d’Isaac d’Andrea
(ca. 1490/1495, huile sur toile, Kunsthistorisches Museum, Vienne), qui présente un Isaac à la taille d’un enfant comparée à celle de son père, mais à la morphologie d’adulte.Les plus grands peintres italiens ont exploité ce thème, en particulier
et . traite au moins deux fois Le sacrifice d’Isaac, en 1601-1602 (huile sur toile, Galerie des Offices, Florence) puis en 1605 (huile sur toile, Piasecka-Johnson Collection, Princeton). Il y saisit le moment du sacrifice et de l’intervention de l’ange, et offre un jeu de lumières spectaculaire (contre-jour presque complet dans la toile de 1605), qui souligne le pathos de la scène et introduit le spectateur à l’intérieur du drame. L’artiste représente avec une grande maîtrise les émotions des trois personnages : un Abraham docile mais perplexe, un Isaac horrifié et un ange déterminé qui montre le bélier de son doigt. La douceur du bélier et le paysage paradisiaque du fond tranchent avec la tragédie personnelle d’Abraham.Un siècle plus tard, l’Autrichien Franz Anton
(1724-1796), Le sacrifice d’Isaac (huile sur toile, Musée des beaux-arts, Budapest) a également recours à un jeu de lumière extrêmement contrasté, focalisant toute l’attention sur le corps nu immaculé d’Isaac, alors qu’un Abraham au visage déterminé brandit le couteau, difficilement retenu par l’ange., Le sacrifice d’Abraham (huile sur toile, 1635, Musée de l’Hermitage, Saint-Pétersbourg) et Laurent , Abraham sacrifiant Isaac (huile sur toile, 1650, Musée Saint-Denis, Reims) insistent sur l’innocence d’Isaac, aveuglé par la main de son père et au corps blanc comme une hostie, tandis que l’arme tombe de la main d’Abraham interpellé par l’ange.
William Littérature Gn 22,1–19
, Abraham Preparing to Sacrifice Isaac (Genesis, XXII, 9-12) (ca. 1783, dessin à l’encre et aquarelle sur papier, Museum of Fine Arts, Boston), montre un Abraham entourant Isaac de bras protecteurs n’osant pas lever le couteau et levant craintivement les yeux vers le ciel comme s’il attendait vraiment confirmation, ou comme si l’ange venait de lui parler.Marc →L’agonie de Jésus et la ligature d’Isaac), tout en montrant également l’universalité de la douleur d’Abraham. Non seulement l’Église et la Synagogue trouvent dans l’Aqéda un symbole puissant des mystérieuses relations entre Dieu et les croyants, mais aussi chaque génération du genre humain peut s’identifier avec Abraham dans cette dramatique nécessité de choisir entre deux valeurs qui semblent irréconciliables. Chagall reprit le thème sur des vitraux de l’église Saint-Étienne de Mayence entre 1976 et 1981.
a traité plusieurs fois le récit du sacrifice d’Abraham. Le sacrifice d’Isaac de 1960-1966 (huile sur toile, Musée national, Nice) donne par son style onirique un sens universel au sacrifice d’Isaac. Il introduit en arrière-plan une scène de la Shoa ainsi qu’une silhouette portant une croix, poursuivant ainsi la tradition iconographique qui relie l’Aqéda d’Isaac avec la crucifixion de Jésus (Parmi bien des reprises actualisantes du récit de la ligature d’Isaac, on peut citer :
Enfin, dans des genres plus populaires,
La bande dessinée elle-même s’est approprié le récit :