La Bible en ses Traditions

Luc 1,26–2,20

Byz V S TR Nes

26 Au sixième mois

l’ange Gabriel fut envoyé par

Nes depuis

S d'auprès de Dieu dans une ville de Galilée du nom de « Nazareth »,

27 à une vierge fiancée à un homme du nom de « Joseph », de la maison de David

et le nom de la vierge était « Marie ».

Byz S TR Nes
V

28 Et, après être entré chez elle, il

Byz S TR l'ange dit :

— Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi.

Byz S TRtoi, bénie que tu es entre les femmes 

28 Et, après être entré chez elle, l'ange dit : 

— Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi

tu es bénie entre les femmes.

Byz TR Nes
V S

29 or, à  cette parole, elle fut toute troublée

Byz TR sa vue, elle fut toute troublée par sa parole

et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation.

29 Elle, comme elle avait vu, 

SAprès qu'elle [l'] eut vu, elle fut troublée par sa parole

Sses paroles

et elle réfléchissait : de quelle nature pouvait bien

Squelle pouvait être cette salutation ?

Byz V S TR Nes

30 Et l’ange lui dit :

— Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

31 Voici,

Byz S TR NesEt voici,  tu concevras dans ton sein, et tu enfanteras un fils

et tu l'appelleras du nom de « Jésus » :

32 celui-ci sera grand et il sera appelé « Fils du Très-Haut »

et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père 

33 et il régnera sur la maison de Jacob pour [tous] les siècles

Véternellement

et son règne n’aura pas de fin. 

34 Marie dit à l’ange : 

— Comment cela arrivera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? 

35 Et, répondant, l’ange lui dit :

— L’Esprit Saint surviendra sur

Ven toi

et la puissance du Très-Haut t'obombrera,

Shabitera sur toi,

c’est pourquoi ce qui S TR de toi est né

Vva naître saint sera appelé « Fils de Dieu ».

36 Et voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse

et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait

Vappelle « la stérile »

37 car aucune parole n'est impossible à

Nescar aucune parole n'est impossible de la part de 

Vcar aucun verbe ne sera impossible auprès de

Scar aucune parole n'est difficile pour Dieu.

38 Marie dit alors :

— Voici l'esclave 

Vla servante  du Seigneur : puisse-il en être pour moi

Vqu'il m'advienne selon ta parole

Vton verbe !

Et l’ange la quitta.

39 Se levant en ces jours-là, Marie partit en hâte pour la région des montagnes, vers une ville de Juda

40 et elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

41 Et il se fit, lorsqu'Élisabeth entendit la salutation de Marie,

que bondit l’enfant dans son sein

et que fut remplie d'Esprit Saint Élisabeth

42  elle poussa un grand cri

Byz V TRs'écria d'une voix forte et dit Sà Marie :

— Bénie es-tu entre les femmes ! et béni le fruit de ton ventre !

43 mais d’où m'arrive-t-il que vienne à moi la mère de mon Seigneur ?

44 Car, vois-tu, dès que la voix de ta salutation s'est fait entendre à mes oreilles

l’enfant a tressailli d'allégresse

Vde joie

Sd'une grande joie en mon sein !

45 Et bienheureuse, celle qui a cru 

car ce qui lui a été dit par le Seigneur s'accomplira.

46 Et Marie dit :

— Mon âme magnifie le Seigneur

47 et mon esprit exulte en Dieu, mon Sauveur

Vsalut

48 parce qu’il a jeté les yeux sur l'humilité de son esclave

Vsa servante.

Voici, en effet : désormais toutes les générations me diront « bienheureuse »

49 parce que le Puissant fit pour moi de grandes choses et saint est son nom 

50 et sa miséricorde se répand de génération en génération sur ceux qui le craignent.

51 Il a déployé la force

Sla victoire par son bras, il a dispersé les orgueilleux dans la pensée de leur cœur

52 il a renversé les puissants de leur trône et élevé les humbles 

53 il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides.

54 Il a secouru Israël, son serviteur

Vfils se souvenant de sa miséricorde,

55 — comme il l'a dit à nos pères — en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais.

56 Marie demeura avec elle

Sauprès d'Elisabeth environ trois mois

puis elle s'en retourna dans sa maison. 

57 Pour Élisabeth fut accompli le temps d'enfanter

et elle donna naissance à un fils.

58 Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur magnifiait sa miséricorde à son égard

et avec elle s'en réjouissaient.

59 Et ce fut le huitième jour

qu'ils vinrent pour circoncire l’enfant

et ils l'appelaient du nom de son père « Zacharie ».

60 Et sa mère répondit en disant

Sdit :

— Non, mais il sera appelé « Jean ». 

61 Et ils lui dirent :

— Il n’y a personne de

Byz V S TRdans ta parenté qui soit appelé de ce nom. 

62 Et ils demandaient par signes au père comment il voulait qu'on le nommât

63 et après avoir demandé une tablette, il écrivit, disant :

—  Jean est son nom.

et tous furent dans l’étonnement.

64 Sa bouche s’ouvrit à l'instant même et sa langue se délia

et il parlait, bénissant Dieu.

65 Et la crainte s’empara de tous leurs voisins

et, dans toute la région montagneuse

Vtoutes les montagnes de la Judée, on s'entretenait de toutes ces choses

S on s'entretenait de  ces choses

Vtous ces mots étaient divulgués.

66 Et tous ceux qui en entendirent parler les mirent dans leur cœur, en disant :

— Que sera donc

V— Que penses-tu que sera    cet enfant ?

Et V Nesde fait, la main du Seigneur était avec lui.

67 Et Zacharie, son père, fut rempli de l’Esprit Saint, et il prophétisa en disant :

68 — Béni soit Byz S TR Nesle Seigneur, le Dieu d’Israël parce qu’il a visité son peuple et opéré sa rédemption

69 et nous a suscité une corne de salut dans la maison de David, son serviteur

Vfils

70 selon qu’il l’avait promis

Byz S TR Nescomme il l'a dit par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens —

71 pour nous sauver

Sracheter de nos ennemis

et de la main de tous ceux qui nous haïssent

Byz V TR Nes
S

72 pour faire miséricorde à nos pères

et se souvenir de son alliance sainte

Vsaint testament,

72 et il a exercé sa grâce envers nos pères

et s'est souvenu de ses alliances saintes,

Byz S TR Nes
V

73 du serment qu’il a juré à Abraham, notre père

de nous accorder que,

73 du serment qu’il a juré à Abraham, notre père,

74 sans crainte, délivrés de la main des

Byz S TRde nos ennemis

nous le servions

74 de nous accorder

afin que, délivrés de la main de nos ennemis,

nous puissions le servir sans crainte

Byz V S TR Nes

75 dans la sainteté et la justice devant sa face

Vdevant lui, tous les jours de notre vie.

S Nesdurant tous nos jours. 

76 Et toi, enfant, tu seras appelé « prophète du Très-Haut »

car tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses voies

77 pour donner à son peuple la connaissance du salut dans la rémission de ses péchés

78 par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu

par lesquelles nous visitera l'astre levant

Vle soleil levant nous a visités  d’en haut

78 L'astre d'en haut Le messie futur : Za 3,8 ; Za 6,12 ; Ml 3,20 ; le Christ ressuscité : Ep 5,14 ; les Écritures : 2P 1,19

79 pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort

pour diriger nos pas dans la voie de la paix.

80 Quant à l’enfant, il croissait et se fortifiait en esprit 

et il était au désert jusqu’au jour de sa manifestation à Israël.

2,1 Il advint aussi, en ces jours-là, que sortit un édit de César Auguste

ordonnant de recenser tout le monde habité

Speuple en son pouvoir.

2,2 Ce fut le premier recensement, Quirinius

VQuirinus étant gouverneur de Syrie.

2,3 Et tous allaient se faire recenser

Vinscrire leur nom, chacun dans sa ville.

2,4 Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth

vers la Judée, vers la ville de David qui s’appelle Bethléem,

parce qu’il était de la maison et de la lignée

Vfamille de David,

2,5 pour se faire recenser

Vinscrire avec Marie sa fiancée,

Byz TRpromise pour être sa femme, laquelle était enceinte.

2,6 Or il advint, comme ils étaient là, que furent accomplis les jours où elle devait enfanter.

2,7 Et elle mit au monde son fils, le premier-né,

et elle l'emmaillota

Vl'enroula dans des langes 

et le coucha dans une

Byz TRla mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle.

S[là] où ils logeaient. 

Byz S TR Nes
V

2,8 Il y avait dans la région même des bergers qui vivaient aux champs et qui passaient les veilles de la nuit à veiller leur troupeau.

Il y avait dans la région même des bergers qui veillaient et qui passaient les veilles de la nuit à garder leur troupeau.

Byz V S TR Nes

2,9  Et Byz V S TRvoici, l'ange du Seigneur se tint près d'eux

et la gloire du Seigneur

Vlumière de Dieu resplendit autour d'

Ssur eux

et ils furent saisis d'une grande crainte.

2,10 Mais l’ange leur dit :

— Soyez sans crainte

car voici, je vous annonce la bonne nouvelle d'une grande joie, qui sera celle de tout le peuple :  

Smonde : 

2,11 Aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur

SSeigneur Christ, dans la cité de David.

2,12 Et voici pour vous le signe :

vous trouverez un nouveau-né emmailloté

Venroulé dans des langes V Neset  placé dans une

S TR la mangeoire. 

2,13  Et soudain il y eut

Sapparut avec l'ange une multitude de l'armée céleste

louant Dieu et disant :

2,14 — Gloire à Dieu dans les hauteurs

et sur la terre paix aux hommes, volonté bonne.

Nesaux hommes de sa bienveillance. 

Vaux hommes de bonne volonté.

Set bonne espérance aux hommes.  

2,15 Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le ciel

que Byz TRles hommes, les bergers se disaient entre eux :

— Passons Byz TR Nesdonc jusqu’à Bethléem

et voyons cette parole qui est arrivée

Vce verbe qui est advenu

que le Seigneur V a fait advenir et nous a fait connaître

Vmontré

2,16 Et ils vinrent en hâte

et ils trouvèrent Marie et Joseph

et le nouveau-né placé dans la mangeoire.

2,17 Après avoir vu

VEn le voyant, ils firent connaître

V Nesreconnurent la parole qui leur avait été dite au sujet de cet 

Sl'enfant.

2,18 Et tous ceux qui les entendirent s'étonnèrent

de ce que leur disaient les bergers.

2,19 Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces paroles, conférant en son cœur.

2,20 Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu

pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu

comme il leur avait été annoncé.

Réception

Littérature

1,4.20.37s verbes + verbe (V) : FRANÇAIS BIBLIQUE Du Verbe aux verbes et réciproquement La Vulgate emploie un même mot au pluriel d'abord (verba), au singulier ensuite (verbum), pour désigner les traditions évangéliques et les annonces et promesses divines.  

Du latin ...

Le nom verbum, omniprésent dans les Écritures, signifie « mot, énoncé, parole(s) » et beaucoup plus encore. Il assume les significations de dabar et de logos, cristallisant la méditation sur la présence d'un « langage » transcendant avec le Créateur, participé dans la création. Cet usage culmine dans le Nouveau Testament pour désigner le mystère personnel de Jésus-Christ (cf. V—Jn 1,1.14.17).

L'expression verbum Domini, en particulier, crée donc un fil continu de révélation christique, de livre en livre. Pour les scribes latins :

  • elle dénote non seulement les paroles attribuées à Dieu, mais aussi Jésus-Christ comme ce Verbe ultime ;
  • elle connote donc aussi sa prééxistence, dans des proportions et selon des participations difficilement déterminables.

... au français

CNRTL →:

  • En littérature, un verbe peut encore signifier un énoncé, une parole ou une suite de paroles : Paul VerlaineSagesse, (OC. vol. I), Paris : Vanier, 1902 : « Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes » (238).
  • En philosophie, l'analyse du langage depuis l'Antiquité gréco-romaine distingue entre « verbe intérieur » (espèce de parole sans mot non déterminée entièrement par une langue particulière, conçue par tout esprit qui pense) et « verbe extérieur » (parole exprimée avec des mots). 
  • En théologie, le Verbe est la Parole divine adressée aux hommes, Dieu lui-même incarné en sa deuxième Personne en Jésus-Christ. 

Autant que possible, nous traduisons donc verbum par « verbe », le plus souvent sans majuscule, parfois avec.

Drapeau de la francophonie→ © Domaine public

Arts visuels

2,13 Et soudain il y eut avec l'ange une multitude de l'armée céleste Les anges de Nöel

Iconographie contemporaine

Éric Mortreuil (1964 -), Les anges de Noël, (Parchemin de chevrette pigments : encres pigmentées, feuille d’or sur colle de poisson, 2023), 30 x 24,

Coll. part., France,

D.R. É. Mortreuil→ © BEST aisbl,

Enlumineur depuis 2016, É. M. s’inspire de textes bibliques et chrétiens et de la spiritualité scoute pour élaborer des compositions dans la tradition de l’enluminure occidentale, avec une préférence pour le style irlandais « insulaire » (Livre de Kells, Évangiles de Lindisfarne) et pour le gothique du 13e s.

Reprenant les versets Lc 2,13-14 et Ps 98 (ajoutés sur la photo par ordinateur), selon la traduction de l'Association épiscopale liturgique pour les pays francophones (AELF), É. M. encadre ces passages d'anges musiciens. Ceux-ci louent le Seigneur. Au son du cornet à bouquin et du luth, de la chalemie et de la viole, de la voix et du psaltérion, les anges acclament Dieu.

1,4–38 Des « mots » humains (verba) au Verbe divin  (verbum) et retour : modélisation visuelle de l'Annonciation Cf. Littérature Lc 1,4.20.37s. Luc met fortement en scène l'ordre du langage et de la parole au début de son évangile. 

  • Le prologue distingue l'objet de l'histoire à raconter, matière première de l'évangile (Lc 1,1 : narratio ; sermo rerum), et l'enseignement reçu par Théophile, Évangile à proprement parler (Lc 1,4 : verba), tout en insistant sur l'écriture (Lc 1,3).
  • Les deux Annonciations (à Zacharie puis à Marie) insistent sur les « noms » donnés (Lc 1,26-27 : cui nomen...) ou à donner (Lc 1,31-32 : vocabis nomen ejus ; et vocabitur...). Ils mettent en scène le processus de production de la parole humaine, distinguant entre le silence (imposé à l'incrédulité de Zacharie Lc 1,20), la parole intérieure (première réaction de Marie en Lc 1,29), et la parole extérieure (première réaction de Zacharie en Lc 1,18-19).
  • Au sommet du récit de l'annonciation à Marie, l'unique nom verbum concentre : l'annonce de l'ange évanélisateur (Lc 1,19) des verba divins performatifs (Lc 1,20), les événements qu'elle contient, et leur réalisation  (Lc 1,37 non est impossibile apud Deum omne verbum ; Lc 1,38 fiat mihi secundum verbum tuum).

Les artistes sont parvenus à visualiser ces différents états du Verbe et de ses participations dans les verba humains. 

Le Verbe divin

Ce Verbe s'incarne, il est acte. Le texte ne le dit, mais la Tradition l'affirme : le Verbe féconde miraculeusement le ventre de la Vierge. Il se fait chair. L'énonciation est genèse réelle. Le corps du Christ se forme et s'anime, déjà sanctifié. Il y a là un mystère, analogue à celui de la création : les lois naturelles sont bouleversées.

Une figuration écartée, l'homoncule
  • Certaines représentations byzantines ou russes, par exemple l'Annonciation d'Oustioug→, montrent, dans le corps même de Marie, un Christ enfant déjà tout formé. À partir du 15e s. en Occident, les artistes représentent parfois, dans les rayons divins (ou non), l'Enfant Jésus en homoncule portant la croix (ou non), descendant vers la Vierge à la suite de l'Esprit-Saint.

Barthélemy d'Eyck (fl.1444-1469), Envoi du Fils par le Père : Jésus homuncule dans les rayons, détail du panneau central du Triptyque de l'Annonciation d'Aix, (huile sur panneau de bois, ca 1442-1445)

Aix-en-Provence, église de la Madeleine, en dépôt temporaire au musée du Vieil Aix

D.R. photo Meisterdrücke→ © Domaine public

La doctrine représentée, à savoir que le Christ n'aurait pas été conçu in utero, mais serait entré tout formé dans le sein de Marie, dépendante d'une savante négociation entre motifs antiques, médecine et théologie médiévales, fut plus tard condamnée par le concile de Trente, qui interdit en conséquence les représentations du Christ en homoncule.

Les artistes étaient donc invités à privilégier des représentations plus subtiles, plus fidèles à l'apophatisme que l'Écriture parvient à maintenir au moment même de la cataphase divine. Mystérieux, silencieux mais secrètement résonnant-raisonnant dans l'échange entre l'ange et la femme, il n'est pas thématisé d'emblée, sinon comme l'ensemble de l'annonce et de ce qui est annoncé (Lc 1,34 istud) finalement récapitulé en verbum  (Lc 1,37 : non erit impossibile apud Deum omne verbum).

La lumière et la ténèbre pour figurer l'Infigurable
  • On ne l'entend ni ne le voit : mais il se montre dans la clarté de ce ciel ouvert et des rayons qui en dardent vers la scène. 

Le Titien (1490–1576), L'Annonciation, (huile sur toile, 1520), 207×179 cm

Cathédrale de Trévise, Italie © Domaine public→ 

La où le Titien insistait sur le miracle en montrant Marie se couvrir le ventre de son voile bleu, Nicolas Poussin suggère le mystère en obscurcissant jusqu'au noir le sein de Marie, visuellement obombrée par l'Esprit symbolisé en colombe :

Nicolas Poussin (1594-1665), L' Annonciation, (huile sur panneau de bois, ca. 1635), 45 × 38 cm, Pendant de La Nativité de Münich,

Collection de peintures de l'État de Bavière, Nouveau château de Schleissheim, Oberschleissheim © Domaine public→ 

Le verbe angélique

Le verbe angélique (Lc 1,28-29 : dicere, sermo, salutatio) fait de mots porteurs de véritables verba Lc 1,20.37-38), prend l'aspect corporel de l'humain ailé, pour marquer sa médiation entre terre où l'on marche et ciel où l'on vole. La voix de l'ange est médiation, à la fois annonce et demande, entre l'Énonciateur divin et l'énonciataire humaine.

  • La gestuelle expressive des anges du Titien et de Poussin exprime ce verbe angélique. Dans d'autres œuvres, plus anciennes, Gabriel se multiplie, visuellement :

Anonyme, La double annonciation, (mosaïque, 432-440)

arc de triomphe de Sainte-Marie Majeure, Rome, © Domaine public→, , 

(Marie, assise en train de filer le fil pourpre pour le voile du Temple, selon les écrits apocryphes, est entourée d'anges. L'ange Gabriel est représenté plusieurs fois pour indiquer ses actions successives: il arrive en volant dans le ciel puis, se tenant debout à gauche de la Vierge, il lève la main, signe qu'il prend la parole. Le Saint Esprit sous la forme d'une colombe descend sur Marie. Saint Joseph à droite devant une maison distincte de celle de Marie puisqu'ils n'ont pas encore mené vie commune, tient un bâton à la main. L'ange Gabriel, se tourne vers lui et lui parle.)

  • Parfois, c'est un phylactère qui matérialise le verbe angélique, comme sur ce panneau de triptyque de Lucas van Leyden, qui déploie, autour d'un un sceptre (attribut substitué au bâton du messager, héritage mythologique de Mercure messager des dieux), pointé à la fois vers les sein de Marie et vers le Livre où elle méditait, un philactère où se lisent les mots « Ave Maria gratia plena », presque effacés, et « Dominus tecum » dans la boucle où se fixe le regard de la Vierge : 

Lucas van Leyden (vers 1494-1533), L'Annonciation, (huile sur panneau de bois, 1522), 42,2 x 29,2 cm

Alte Pinakothek, Munich, Allemagne © Domaine Public→  

Le verbe humain

Le verbe de Marie est une simple parole de femme, qui raisonne et demande Quomodo (« Comment cela ? ») puis acquiesce Ecce... (« Voici ! ») et finit par s'ouvrir à la réalisation effective du ... verbe : Fiat mihi secundum verbum tuum (« Qu'il m'advienne selon ton verbe »). Son fiat fait aussi allusion au fiat du Verbe divin créateur de la Genèse (Gn 1,3.6, etc.) : ses verbes humains sont déjà efficaces, de par son accueil actif du Verbe divin. 

  • Les artistes représentent ce verbe de Marie par les gestes, parfois très rhétoriques, qu'elle adresse à l'ange qui lui parle, souvent accompagnés d'un livre ouvert où déjà la Vierge entendait le Verbe incorporé aux Écritures, avant qu'Il ne vienne s'incarner en elle. Outre les peintures ci-dessus, voyez l'admirable Rubens en Arts visuels Ps 103,20.

Liturgie

1,26–38 l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu L'Annonciation comme fondement liturgique

ORAISON Prière à la Vierge mère

L'adjectif almus,a,um en latin poétique signifie : nourrissant, qui donne vie, ou encore (à propos d'une dieu) : bienveillant, indulgent. Or phonétiquement c'est le presque même mot que le substantif hébreu ‘alma, désignant une pucelle (comme saint Jérôme l'a bien compris Texte biblique). Il apparaît dans au moins deux pièces célèbres du patrimoine grégorien.

  • L'hymne Ave Maris Stella salue la Vierge Marie comme Dei mater alma
  • L'antienne Alma Redemptoris mater, pour le Temps de Noël, la célèbre sous le même vocable. 

Traditionnel ou Hermann de Reichenau (1013-1054)Alma Redemptoris Mater (ton simple)

Chœur des Pères du Saint-Esprit de Chevilly, AlbumÉternel Grégorien 

[Merlin] IDOL Distribution (au nom de Studio SM); UMPI et alii © Licence YouTube standard

Partition tirée du Liber Usualis (1961), p.277.

Texte 

Alma Redemptóris Mater, quæ pérvia cœli porta manes, Et stella maris, succúrre cadénti, súrgere qui curat pópulo :Tu quæ genuísti, natúra miránte, tuum sanctum Genitórem : Virgo prius ac postérius, Gabriélis ab ore sumens illud Ave, peccatórum miserére.

Tendre mère du Rédempteur, qui demeures porte ouverte du Ciel, et étoile de la mer, viens en secours au peuple qui succombe et cherche à se relever : Toi qui as engendré, à la surprise de la nature, ton saint Créateur : vierge avant et après [l’enfantement], la bouche de Gabriel, recevant cette salutation, prends pitié de[ nou]s pécheurs !

Palestrina Giovanni Pierluigi da (ca. 1525–1594), Alma Redemptoris Mater, Antiphona cum quatuor vocibus ad Completorium de tempore Nativitatis usque ad secundas Vesperas Purificationis Beatæ Mariæ Virginis inclusive, 1604, in Motectorum quatuor vocibus : Liber Secundus : partim plena vox et partim paribus vocibus / Ioan. Petraloysii Prænestini. Nunc denum in lucem æditus. Venetiis : apud Angelum Gardanum, MDCIV

The King's Singers→ , How Fair Thou Art: Biblical Passions by Giovanni Pierluigi da Palestrina, piste 1, (CD, 2016)

 Signum Classics→ © Licence YouTube standard

1,39–56 Marie partit en hâte FÊTE de la Visitation La fête de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie célèbre la visite de Marie à sa cousine Élisabeth après l’Annonciation de la naissance de Jésus.

HISTOIRE

Institution

La première célébration de cette fête se retrouve chez les franciscains en 1263 sous l’impulsion de saint Bonaventure, puis dans quelques églises particulières comme celles du Mans, de Reims et de Paris. 

Le pape Urbain VI l’étendit à toute l’Église en 1379. Les Leçons de l’Office primitivement composé pour cette fête nous apprennent qu’elle avait été instituée pour obtenir la cessation du schisme qui déchirait l’Église à l’époque : Marie apparaît comme la véritable arche d’alliance qui porte en elle l’Emmanuel, témoignage vivant d’une alliance entre la terre et les cieux.

Calendrier

La date traditionnelle de cette fête était le 2 juillet, huit jours après la célébration de la nativité de saint Jean-Baptiste puisque l’évangile de Luc nous rapporte que Marie est restée chez sa cousine Élisabeth jusqu’à la naissance du Précurseur, en prenant en compte les huit jours correspondant aux rites de l’imposition du nom.

Aujourd’hui la Visitation est fêtée le 31 mai, dernier jour du mois consacré à la Vierge Marie.

CÉLÉBRATION

Textes

La première lecture est tirée du livre du prophète Sophonie (So 3,14-18) qui annonce la joie d’Élisabeth recevant la visite de la Mère du Sauveur : « Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi ». Le cantique fait résonner la voix du prophète Isaïe (Is 12,2-6) dans une louange aux accents du Magnificat. L’évangile de Luc (Lc 1,39-56) nous livre le récit de l’événement avec le cantique de la Vierge Marie, le Magnificat.

MYSTAGOGIE

Typologie

Le Magnificat (Intertextualité biblique Lc 1,46–55), son usage liturgique (Liturgie Lc 1,46–50) et les bienfaits de sa récitation quotidienne (Tradition chrétienne Lc 1,46–59).

Mystique
  • Guéranger L'Année liturgique, la Vistitation : « Heureuse fut la demeure du lévite devenu, pour trois mois, l’hôte du Très-Haut résidant sur le propitiatoire d’or ; plus fortunée sera celle du prêtre Zacharie, qui, durant un même espace de temps, abritera l’éternelle Sagesse nouvellement descendue au sein très pur où vient de se consommer l’union qu’ambitionnait son amour ! Par le péché d’origine, l’ennemi de Dieu et des hommes tenait captif, en cette maison bénie, celui qui devait en être l’ornement dans les siècles sans fin ; l’ambassade de l’ange annonçant la naissance de Jean, sa conception miraculeuse, n’avaient point exempté le fils de la stérile du tribut honteux que tous les fils d’Adam doivent solder au prince de la mort, à leur entrée dans la vie. Mais, les habitants d’Azot en firent autrefois l’expérience, Dagon ne saurait tenir debout devant l’arche : Marie paraît, et Satan renversé subit dans l’âme de Jean sa plus belle défaite, qui toutefois ne sera point la dernière ; car l’arche de l’alliance n’arrêtera ses triomphes qu’avec la réconciliation du dernier des élus ».
  • La dévotion mariale selon Saint Louis-Marie Grignon de Montfort Mystique Lc 1,42b

Sandro Botticelli (ca 1445-1510), tondo de la Madone du Magnificat, (tempera sur bois, 118 cm × 119 cm, 1481)

inv. 1609, Galerie des Offices, Florence, Italie © Domaine public→

CULTURE POPULAIRE

Musique
Mois de Marie

La Visitation tombe aujourd’hui le dernier jour du mois de mai, traditionnellement consacré à la Vierge Marie. Cette coutume remonte au Moyen-Âge, avec une montée de la piété mariale qui comporte l’élévation d’autels à la Sainte Vierge ou le tressage de couronnes de fleurs à la période de la floraison dès le début du mois de mai. Aujourd’hui encore on peut voir des autels domestiques en honneur de la Vierge Marie dans les foyers chrétiens, devant lesquels la famille récite la prière du Rosaire. 

En Alsace et en Champagne la tradition veut que des groupes de jeunes filles aillent de maison en maison chanter des cantiques mariaux en faisant une quête au profit de la rénovation des autels consacrés à la Sainte Vierge : elles sont connues sous le nom de « trimazettes ».

Image religieuse allemande de la fin du 19e s. pour la promotion de la dévotion du mois de mai envers la Vierge Marie à travers le bouquet marial.

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1,31 ; 2,21 tu l'appelleras du nom de « Jésus » + il fut appelé du nom de « Jésus » nom dont il fut appelé par l'ange... — Culte du nom de Jésus en Occident

D'après Ignace de Loyola (1491-1556), Emblème IHS des Jésuites, (remastérisation numérique d'un dessin de 1541)

 version numérique : D.R. Moranski © Domaine public→ 

La croix est ici assez ornée, mais les premières représentations modernes montrent parfois une croix simple ou diverses ornementations baroques les trois clous sont parfois représentés perçant un cœur ; les rayons droits et ondulés alternés se trouvent dans les spécimens historiques, et parfois avec deux ou trois rayons droits séparant les rayons ondulés. Leur nombre est souvent de 32 comme ici, mais parfois aussi de 12, 16 ou 24. L'emblème est parfois entouré de l'inscription : et vocatum est nomen eius Iesus (Lc 2,21).

Hymnes

En occident, de nombreuses hymnes vénèrent le nom de Jésus, soit en commençant par le nom lui-même, soit en l'invoquant dans les strophes suivantes, soit dans les doxologies :

  • Hymne de Laudes de la Fête du Sacré-Coeur « Jesu, auctor clementiae, / totius spes laetitiae, / dulcoris fons et gratiae, / verae cordis deliciae -- (Jésus, auteur de la clémence, espérance de toute joie, source de douceur et de grâce, vraies délices du coeur) -- Jesu, spes paenitentibus (Jésus, espoir des repentants),  [...] Tua, Iesu, dilectio / grata mentis refectio » (Ton amour, Jésus, est l'aimable nourriture de l'âme) -- O Jesu dilectissime, / spes suspirantis animae » (O très aimé Jésus, espoir de l'âme qui aspire à toi) -- Mane nobiscum, Domine (Reste avec nous, Seigneur) -- Jesu, summa benignitas (Jésus, suprême bienveillance) -- Jesu, flos Matris virginis / qui corde fundis gratiam » (Jésus, fleur d'une vierge Mère / qui de ton coeur répands la grâce) » (Hymn. 92s).
  • Vêpres du carême en semaine « Iesu, quadragenariae / dicator abstinentiae (Jésus, toi qui as rendu sainte / l'abstinence du carême) » (Hymn. 44) ;
  • Vêpres de l'Ascension « Jesu, nostra redemptio (O Jésus, notre rédemption) » (Hymn. 71) ;
  • Complies jusqu'à l'Ascension « Iesu, redemptor saeculi (Jésus, sauveur du monde) -- Jesu, tibi sit gloria / qui morte victa praenites » (À toi, Jésus, soit la gloire / qui brilles par ta victoire sur la mort) » (63s) ;
  • Office des lectures du Christ roi de l'univers « Jesu, rex admirabilis, (Jésus, roi admirable) -- Rex virtutum rex gloriae, rex insignis victoriae, Jesu largitor gratiae (Roi des puissance, roi de gloire, roi d'un insigne victoire, Jésus, donateur de la grâce) -- Toi que les choeurs du ciel proclament / qu'il ne se lassent d'acclamer tes louanges, Jésus réjouit le monde / et nous met en paix avec Dieu. -- Jesu in pace imperat (Jésus règne dans la paix) -- Iesu, flos matris virginis (Jésus, fleur d'une Vierge mère) » (Hymn. 95s).
  • Laudes du 6 août Transfiguration du Seigneur « Dulcis Iesu memoria (Doux souvenir de Jésus) -- Rien de plus suave à chanter, / rien de plus joyeux à entendre, / rien de plus doux à méditer / que Jésus, le Fils de Dieu même) -- Iesu, dulcedo cordium / (Jésus, douceur des coeurs / source du vrai, lumière des esprits / tu surpasses toute joie / et tout désir) » (Hymn. 348) ;

De nombreuses doxologies commencent avec le nom de Jésus comme par ex. :

  • Les hymnes du temps de Noël : Vêpres de Noël « Iesu, tibi sit gloria / qui natus es de Virgine (Hymn. 26) ; Laudes de Noël idem (Hymn. 29) ; Vêpres de la Sainte Famille « Iesu, tuis oboediens / qui factus es parentibus » (Hymn. 30) ; Office des lectures « Sit tibi, Iesu, decus atque virtus » (Hymn. 32) ; Office des Lectures du 1er janvier « Iesu, tibi sit gloria / qui natus es de Virgine » (Hymn. 35) ; à partir de l'Épiphanie : Vêpres, Office des Lectures et Laudes de l'Épiphanie « Iesu, tibi sit gloria / qui te revelas gentibus » (Hymn. 37-39) ;
  • Hymnes du temps pascal : Vêpres, Complies, Office des lectures, Laudes, Tierce, None « Iesu, tibi sit gloria / qui morte victa praenites (Jésus, à toi soit la gloire) (Hymn. 62-70) ;
  • Hymnes des Vêpres, Office des Lectures du Sacré Coeur de Jésus « Iesu tibi sit gloria / qui corde fundis gratiam » et « Iesu, flos Matris virginis / amor nostrae dulcedinis » (Hymn. 91.93) ;
  • Hymnes des Vêpres, Office des Lectures du Christ Roi « Iesu tibi sit gloria / qui cuncta amore temperas », et « Iesu, flos Matris virginis / amor nostrae dulcedinis » (Hymn. 95s) ;
  • Hymnes du commun des vierges « Iesu, tibi sit gloria / qui natus es de Virgine » (257s.259).

Litanies

Traditionnel (grégorien), Litaniae Sanctissimi Nominis Jesu

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