La Bible en ses Traditions

Luc 1,26–2,20

Byz V S TR Nes

26 Au sixième mois

l’ange Gabriel fut envoyé par

Nes depuis

S d'auprès de Dieu dans une ville de Galilée du nom de « Nazareth »,

27 à une vierge fiancée à un homme du nom de « Joseph », de la maison de David

et le nom de la vierge était « Marie ».

Byz S TR Nes
V

28 Et, après être entré chez elle, il

Byz S TR l'ange dit :

— Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi.

Byz S TRtoi, bénie que tu es entre les femmes 

28 Et, après être entré chez elle, l'ange dit : 

— Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi

tu es bénie entre les femmes.

Byz TR Nes
V S

29 or, à  cette parole, elle fut toute troublée

Byz TR sa vue, elle fut toute troublée par sa parole

et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation.

29 Elle, comme elle avait vu, 

SAprès qu'elle [l'] eut vu, elle fut troublée par sa parole

Sses paroles

et elle réfléchissait : de quelle nature pouvait bien

Squelle pouvait être cette salutation ?

Byz V S TR Nes

30 Et l’ange lui dit :

— Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

31 Voici,

Byz S TR NesEt voici,  tu concevras dans ton sein, et tu enfanteras un fils

et tu l'appelleras du nom de « Jésus » :

32 celui-ci sera grand et il sera appelé « Fils du Très-Haut »

et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père 

33 et il régnera sur la maison de Jacob pour [tous] les siècles

Véternellement

et son règne n’aura pas de fin. 

34 Marie dit à l’ange : 

— Comment cela arrivera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? 

35 Et, répondant, l’ange lui dit :

— L’Esprit Saint surviendra sur

Ven toi

et la puissance du Très-Haut t'obombrera,

Shabitera sur toi,

c’est pourquoi ce qui S TR de toi est né

Vva naître saint sera appelé « Fils de Dieu ».

36 Et voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse

et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait

Vappelle « la stérile »

37 car aucune parole n'est impossible à

Nescar aucune parole n'est impossible de la part de 

Vcar aucun verbe ne sera impossible auprès de

Scar aucune parole n'est difficile pour Dieu.

38 Marie dit alors :

— Voici l'esclave 

Vla servante  du Seigneur : puisse-il en être pour moi

Vqu'il m'advienne selon ta parole

Vton verbe !

Et l’ange la quitta.

39 Se levant en ces jours-là, Marie partit en hâte pour la région des montagnes, vers une ville de Juda

40 et elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.

41 Et il se fit, lorsqu'Élisabeth entendit la salutation de Marie,

que bondit l’enfant dans son sein

et que fut remplie d'Esprit Saint Élisabeth

42  elle poussa un grand cri

Byz V TRs'écria d'une voix forte et dit Sà Marie :

— Bénie es-tu entre les femmes ! et béni le fruit de ton ventre !

43 mais d’où m'arrive-t-il que vienne à moi la mère de mon Seigneur ?

44 Car, vois-tu, dès que la voix de ta salutation s'est fait entendre à mes oreilles

l’enfant a tressailli d'allégresse

Vde joie

Sd'une grande joie en mon sein !

45 Et bienheureuse, celle qui a cru 

car ce qui lui a été dit par le Seigneur s'accomplira.

46 Et Marie dit :

— Mon âme magnifie le Seigneur

47 et mon esprit exulte en Dieu, mon Sauveur

Vsalut

48 parce qu’il a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante.

Voici, en effet : désormais toutes les générations me diront « bienheureuse »

49 parce que le Puissant fit pour moi de grandes choses et saint est son nom 

50 et sa miséricorde se répand de génération en génération sur ceux qui le craignent.

51 Il a déployé la force

Sla victoire par son bras, il a dispersé les orgueilleux dans la pensée de leur cœur

52 il a renversé les puissants de leur trône et élevé les humbles 

53 il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides.

54 Il a secouru Israël, son serviteur

Vfils se souvenant de sa miséricorde,

55 — comme il l'a dit à nos pères — en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais.

56 Marie demeura avec elle

Sauprès d'Elisabeth environ trois mois

puis elle s'en retourna dans sa maison. 

57 Pour Élisabeth fut accompli le temps d'enfanter

et elle donna naissance à un fils.

58 Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur magnifiait sa miséricorde à son égard

et avec elle s'en réjouissaient.

59 Et ce fut le huitième jour

qu'ils vinrent pour circoncire l’enfant

et ils l'appelaient du nom de son père « Zacharie ».

60 Et sa mère répondit en disant

Sdit :

— Non, mais il sera appelé « Jean ». 

61 Et ils lui dirent :

— Il n’y a personne de

Byz V S TRdans ta parenté qui soit appelé de ce nom. 

62 Et ils demandaient par signes au père comment il voulait qu'on le nommât

63 et après avoir demandé une tablette, il écrivit, disant :

—  Jean est son nom.

et tous furent dans l’étonnement.

64 Sa bouche s’ouvrit à l'instant même et sa langue se délia

et il parlait, bénissant Dieu.

65 Et la crainte s’empara de tous leurs voisins

et, dans toute la région montagneuse

Vtoutes les montagnes de la Judée, on s'entretenait de toutes ces choses

S on s'entretenait de  ces choses

Vtoutes ces choses étaient divulguées.

66 Et tous ceux qui en entendirent parler les mirent dans leur cœur, en disant :

— Que sera donc

V— Que penses-tu que sera    cet enfant ?

Et V Nesde fait, la main du Seigneur était avec lui.

67 Et Zacharie, son père, fut rempli de l’Esprit Saint, et il prophétisa en disant :

68 — Béni soit Byz S TR Nesle Seigneur, le Dieu d’Israël parce qu’il a visité son peuple et opéré sa rédemption

69 et nous a suscité une corne de salut dans la maison de David, son serviteur

Vfils

70 selon qu’il l’avait promis

Byz S TR Nescomme il l'a dit par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens —

71 pour nous sauver

Sracheter de nos ennemis

et de la main de tous ceux qui nous haïssent

Byz V TR Nes
S

72 pour faire miséricorde à nos pères

et se souvenir de son alliance sainte

Vsaint testament,

72 et il a exercé sa grâce envers nos pères

et s'est souvenu de ses alliances saintes,

Byz S TR Nes
V

73 du serment qu’il a juré à Abraham, notre père

de nous accorder que,

73 du serment qu’il a juré à Abraham, notre père,

74 sans crainte, délivrés de la main des

Byz S TRde nos ennemis

nous le servions

74 de nous accorder

afin que, délivrés de la main de nos ennemis,

nous puissions le servir sans crainte

Byz V S TR Nes

75 dans la sainteté et la justice devant sa face

Vdevant lui, tous les jours de notre vie.

S Nesdurant tous nos jours. 

76 Et toi, enfant, tu seras appelé « prophète du Très-Haut »

car tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses voies

77 pour donner à son peuple la connaissance du salut dans la rémission de ses péchés

78 par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu

par lesquelles nous visitera l'astre levant

Vle soleil levant nous a visités  d’en haut

78 L'astre d'en haut Le messie futur : Za 3,8 ; Za 6,12 ; Ml 3,20 ; le Christ ressuscité : Ep 5,14 ; les Écritures : 2P 1,19

79 pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort

pour diriger nos pas dans la voie de la paix.

80 Quant à l’enfant, il croissait et se fortifiait en esprit 

et il était au désert jusqu’au jour de sa manifestation à Israël.

2,1 Il advint aussi, en ces jours-là, que sortit un édit de César Auguste

ordonnant de recenser tout le monde habité

Speuple en son pouvoir.

2,2 Ce fut le premier recensement, Quirinius

VQuirinus étant gouverneur de Syrie.

2,3 Et tous allaient se faire recenser

Vinscrire leur nom, chacun dans sa ville.

2,4 Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth

vers la Judée, vers la ville de David qui s’appelle Bethléem,

parce qu’il était de la maison et de la lignée

Vfamille de David,

2,5 pour se faire recenser

Vinscrire avec Marie sa fiancée,

Byz TRpromise pour être sa femme, laquelle était enceinte.

2,6 Or il advint, comme ils étaient là, que furent accomplis les jours où elle devait enfanter.

2,7 Et elle mit au monde son fils, le premier-né,

et elle l'emmaillota 

et le coucha dans une

Byz TRla mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle.

S[là] où ils logeaient. 

Byz S TR Nes
V

2,8 Il y avait dans la région même des bergers qui vivaient aux champs et qui passaient les veilles de la nuit à veiller leur troupeau.

Il y avait dans la région même des bergers qui veillaient et qui passaient les veilles de la nuit à garder leur troupeau.

Byz V S TR Nes

2,9  Et Byz V S TRvoici, l'ange du Seigneur se tint près d'eux

et la gloire du Seigneur

Vlumière de Dieu resplendit autour d'

Ssur eux

et ils furent saisis d'une grande crainte.

2,10 Mais l’ange leur dit :

— Soyez sans crainte

car voici, je vous annonce la bonne nouvelle d'une grande joie, qui sera celle de tout le peuple :  

Smonde : 

2,11 Aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur

SSeigneur Christ, dans la cité de David.

2,12 Et voici pour vous le signe :

vous trouverez un nouveau-né emmailloté V Neset  placé dans une

S TR la mangeoire. 

2,13  Et soudain il y eut

Sapparut avec l'ange une multitude de l'armée céleste

louant Dieu et disant :

2,14 — Gloire à Dieu dans les hauteurs

et sur la terre paix aux hommes, volonté bonne.

Nesaux hommes de sa bienveillance. 

Vaux hommes de bonne volonté.

Set bonne espérance aux hommes.  

2,15 Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le ciel

que Byz TRles hommes, les bergers se disaient entre eux :

— Passons Byz TR Nesdonc jusqu’à Bethléem

et voyons cette parole qui est arrivée

Vce verbe qui est advenu

que le Seigneur V a fait advenir et nous a fait connaître

Vmontré

2,16 Et ils vinrent en hâte

et ils trouvèrent Marie et Joseph

et le nouveau-né placé dans la mangeoire.

2,17 Après avoir vu

VEn le voyant, ils firent connaître

V Nesreconnurent la parole qui leur avait été dite au sujet de cet 

Sl'enfant.

2,18 Et tous ceux qui les entendirent s'étonnèrent

de ce que leur disaient les bergers.

2,19 Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces paroles, conférant en son cœur.

2,20 Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu

pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu

comme il leur avait été annoncé.

Réception

Liturgie

1,26–38 l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu L'Annonciation comme fondement liturgique

CONTEMPLATION Signe de l'Éternel, la Mère de Dieu

Alipi Petcherski, La Vierge du Signe - Orante d'Iaroslavl, (icône, tempera, ca. 1224)

Monastère de la Transfiguration, Iaroslav, Galerie Tretiakov, Moscou→, © Domaine public

La Tradition orthodoxe voit en cette icône de la mère de Dieu l’image de la prophétie d’Isaïe (Is 7,14) : « le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici, la jeune fille est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel ». C’est l’image prophétique de l’Incarnation. Les mains ouvertes dans la position de l’orante, Marie offre à notre contemplation « Celui que les immensités célestes ne peuvent contenir, tu le reçus dans ton sein, ô toi plus vaste que les cieux. » Le fond et les reflets d’or de son vêtement évoquent la lumière divine. Les anges, dans les médaillons, invitent à la louange. Elle est le Signe de Dieu, le livre vivant ouvert qu’elle présente à notre regard intérieur pour que nous puissions lire la bonne Nouvelle du Salut.

Tabernacle, Porte sainte, Marie porteuse de Dieu devient le chandelier de l’unique lumière. Il est vraiment Dieu avec nous. L’Emmanuel nous ouvre les bras, en bénissant des deux mains, préfigurant la Croix, qui rassemble par sa mort l’univers tout entier. A l’image de Marie, nous accueillons et recevons Dieu, car Il s’incarne en nous aussi par le Saint Esprit. Elle donne à voir pour qu’au cœur de la prière du regard nous allions à Dieu par la foi... (J.-M. N.)

ORAISON Prière à la Vierge mère

L'adjectif almus,a,um en latin poétique signifie : nourrissant, qui donne vie, ou encore (à propos d'une dieu) : bienveillant, indulgent. Or phonétiquement c'est le presque même mot que le substantif hébreu ‘alma, désignant une pucelle (comme saint Jérôme l'a bien compris Texte biblique). Il apparaît dans au moins deux pièces célèbres du patrimoine grégorien.

  • L'hymne Ave Maris Stella salue la Vierge Marie comme Dei mater alma
  • L'antienne Alma Redemptoris mater, pour le Temps de Noël, la célèbre sous le même vocable. 

Traditionnel ou Hermann de Reichenau (1013-1054)Alma Redemptoris Mater (ton simple)

Chœur des Pères du Saint-Esprit de Chevilly, AlbumÉternel Grégorien 

[Merlin] IDOL Distribution (au nom de Studio SM); UMPI et alii © Licence YouTube standard

Partition tirée du Liber Usualis (1961), p.277.

Texte 

Alma Redemptóris Mater, quæ pérvia cœli porta manes, Et stella maris, succúrre cadénti, súrgere qui curat pópulo :Tu quæ genuísti, natúra miránte, tuum sanctum Genitórem : Virgo prius ac postérius, Gabriélis ab ore sumens illud Ave, peccatórum miserére.

Tendre mère du Rédempteur, qui demeures porte ouverte du Ciel, et étoile de la mer, viens en secours au peuple qui succombe et cherche à se relever : Toi qui as engendré, à la surprise de la nature, ton saint Créateur : vierge avant et après [l’enfantement], la bouche de Gabriel, recevant cette salutation, prends pitié de[ nou]s pécheurs !

Palestrina Giovanni Pierluigi da (ca. 1525–1594), Alma Redemptoris Mater, Antiphona cum quatuor vocibus ad Completorium de tempore Nativitatis usque ad secundas Vesperas Purificationis Beatæ Mariæ Virginis inclusive, 1604, in Motectorum quatuor vocibus : Liber Secundus : partim plena vox et partim paribus vocibus / Ioan. Petraloysii Prænestini. Nunc denum in lucem æditus. Venetiis : apud Angelum Gardanum, MDCIV

The King's Singers→ , How Fair Thou Art: Biblical Passions by Giovanni Pierluigi da Palestrina, piste 1, (CD, 2016)

 Signum Classics→ © Licence YouTube standard

Littérature

1,4.20.37s verbes + verbe (V) : FRANÇAIS BIBLIQUE Du Verbe aux verbes et réciproquement La Vulgate emploie un même mot au pluriel d'abord (verba), au singulier ensuite (verbum), pour désigner les traditions évangéliques et les annonces et promesses divines.  

Du latin ...

Le nom verbum, omniprésent dans les Écritures, signifie « mot, énoncé, parole(s) » et beaucoup plus encore. Il assume les significations de dabar et de logos, cristallisant la méditation sur la présence d'un « langage » transcendant avec le Créateur, participé dans la création. Cet usage culmine dans le Nouveau Testament pour désigner le mystère personnel de Jésus-Christ (cf. V—Jn 1,1.14.17).

L'expression verbum Domini, en particulier, crée donc un fil continu de révélation christique, de livre en livre. Pour les scribes latins :

  • elle dénote non seulement les paroles attribuées à Dieu, mais aussi Jésus-Christ comme ce Verbe ultime ;
  • elle connote donc aussi sa prééxistence, dans des proportions et selon des participations difficilement déterminables.

... au français

CNRTL →:

  • En littérature, un verbe peut encore signifier un énoncé, une parole ou une suite de paroles : Paul VerlaineSagesse, (OC. vol. I), Paris : Vanier, 1902 : « Aime-moi ! Ces deux mots sont mes verbes suprêmes » (238).
  • En philosophie, l'analyse du langage depuis l'Antiquité gréco-romaine distingue entre « verbe intérieur » (espèce de parole sans mot non déterminée entièrement par une langue particulière, conçue par tout esprit qui pense) et « verbe extérieur » (parole exprimée avec des mots). 
  • En théologie, le Verbe est la Parole divine adressée aux hommes, Dieu lui-même incarné en sa deuxième Personne en Jésus-Christ. 

Autant que possible, nous traduisons donc verbum par « verbe », le plus souvent sans majuscule, parfois avec.

Drapeau de la francophonie→ © Domaine public

Arts visuels

2,13 Et soudain il y eut avec l'ange une multitude de l'armée céleste Les anges de Nöel

Iconographie contemporaine

Éric Mortreuil (1964 -), Les anges de Noël, (Parchemin de chevrette pigments : encres pigmentées, feuille d’or sur colle de poisson, 2023), 30 x 24,

Coll. part., France,

D.R. É. Mortreuil→ © BEST aisbl,

Enlumineur depuis 2016, É. M. s’inspire de textes bibliques et chrétiens et de la spiritualité scoute pour élaborer des compositions dans la tradition de l’enluminure occidentale, avec une préférence pour le style irlandais « insulaire » (Livre de Kells, Évangiles de Lindisfarne) et pour le gothique du 13e s.

Reprenant les versets Lc 2,13-14 et Ps 98 (ajoutés sur la photo par ordinateur), selon la traduction de l'Association épiscopale liturgique pour les pays francophones (AELF), É. M. encadre ces passages d'anges musiciens. Ceux-ci louent le Seigneur. Au son du cornet à bouquin et du luth, de la chalemie et de la viole, de la voix et du psaltérion, les anges acclament Dieu.

2,1–7 elle mit au monde son fils La naissance de Jésus selon la Biblia pauperum La Nativité est enchâssée par deux épisodes typologiques : le buisson ardent et le rameau d'Aaron. Préfigurant le mystère de la virginité perpétuelle de Marie, ils symbolisent l'Esprit par lequel Marie, demeurant immaculée, enfante Jésus. Celle qui sera par la suite appelée « mère de Dieu » (Θεοτόκος) est représentée à côté des prophètes de l'Ancien Testament.

Anonyme (continuant Albrecht Pfister), « Moïse et le buisson ardent, La Nativité, Le rameau d'Aaron », (impression xylographique, 1460s), Pays-Bas ou Rhin inférieur, 27,5 x 20,5 cm

Planche B, f.2r de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,

© Domaine public→

Registre supérieur

Lectures
  • à g. On lit au livre de l'Exode, au chapitre 3, que Moïse vit un buisson brûlant qui ne brûlait pas et qu'il entendit le Seigneur lui parler depuis le buisson. Le buisson brûlant qui ne se consume pas signifie la Bienheureuse Vierge Marie enfantant sans corruption de l'intégrité de son corps, elle qui, vierge, enfanta et sans corruption demeura. (Ex 3)
  • à dr. On lit au livre des Nombres, au chapitre 17, que le rameau d'Aaron, en une nuit, se couvrit de feuilles et de fleurs, lequel rameau figurait la Vierge Marie stérile qui enfanterait sans semence d'homme un fils, à savoir Jésus Christ, à jamais béni. (Nb 17)
Prophètes
  • à g.  Daniel : « La pierre d'angle, sans la main d'aucun homme, s'est détachée de la montagne. » (Dn 2,34-35)
  • à dr. Isaïe : « Un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné. » (Is 9,5)

Triptyque central et distiques afférents

Panneau central
  • La Nativité (Lc 2)
  • Distique central : « Sans douleur tu enfantes, Marie, Vierge de la mer. »
Panneau gauche
  • Moïse et le buisson ardent (Ex 3)
  • Distique gauche : «Il illumine et embrase le buisson que le feu ne brûle. »
Panneau droit
  • Le rameau d'Aaron (Nb 17)
  • Distique droit : « Ici, à l'encontre des lois de la nature, le petit rameau produit une fleur. »

Prophètes inférieurs

  • à g. Habaquq : « Seigneur, j'ai entendu ce que tu as dit et j'ai craint » (Ha 3,2)
  • à dr. Michée : « Toi, Bethléem, terre de Juda, tu ne seras pas la moindre parmi les principales villes de Juda. » (Mi 5)

Commentaire : La Nativité selon la Biblia Pauperum

Au centre du triptyque, la Vierge Marie est en train de lire. Maîtresse de lecture, elle invite le spectateur à s'attarder sur l'image. Les Lectiones en haut de la planche apprennent que le buisson qui brûle sans brûler représente Marie qui, vierge, enfante sans perdre sa virginité ; aussi est-ce Jésus-Christ (bien idenfiable à son nimbe crucifère), et non pas simplement une flamme, ni une figure de vieillard (le Père) qui figure dans le buisson, sur le panneau de gauche. L'épisode du rameau d'Aaron est lu lui aussi comme une analogie typologique de la virginité perpétuelle de Marie. 

Détails remarquables : 
  • Autour de Moïse, ce sont aussi les moutons des bergers de la crèche qui paissent. 
  • Les trois images présentent le motif du feu : dans le buisson, sur le réchaud au pied du lit et dans l'encensoir qu'Aaron balance. 
  • Moïse ôte ses chaussures sur une terre sacrée, protégeant ses yeux contre l'éblouissement de la Lumière divine, tandis que Joseph tient tranquillement ses pieds chaussés près d’un petit feu qu'il surveille du coin de l'œil. Joseph voit les flammes que Moïse ne pouvait voir, car Dieu est désormais incarné.
  • Moïse et Joseph assis sont dans des postures presque symétriques de part et d'autre de la cloison d'osier qui les sépare : Moïse voit le buisson qui brûle sans brûler, Joseph voir la Vierge Marie qui enfante sans perdre sa virginité, le buisson contient la voix du Verbe, la Vierge présente le livre, la lettre du même Verbe. 
  • Cependant, l'enfant miracle, Jésus entouré de l'âne et du bœuf est tout en haut de l'image (au même niveau que le buisson miracle  à gauche ou le rameau miracle à droite), échappant au regard de Marie et de Joseph : l'imagier suggère-t-il par là que l'Incarnation ne puisse se méditer qu'indirectement : dans la bonté des choses créées (le brasero de Joseph) ou dans la trace écrite de la révélation (le Livre ouvert par Marie), et que confesser Jésus comme Dieu incarné (nourrisson dans sa crèche) ne donne aucune maîtrise sur le mystère divin, mais au contraire lui confère une sorte de transcendance au carré ? 

1,4–38 Des « mots » humains (verba) au Verbe divin  (verbum) et retour : modélisation visuelle de l'Annonciation Cf. Littérature Lc 1,4.20.37s. Luc met fortement en scène l'ordre du langage et de la parole au début de son évangile. 

  • Le prologue distingue l'objet de l'histoire à raconter, matière première de l'évangile (Lc 1,1 : narratio ; sermo rerum), et l'enseignement reçu par Théophile, Évangile à proprement parler (Lc 1,4 : verba), tout en insistant sur l'écriture (Lc 1,3).
  • Les deux Annonciations (à Zacharie puis à Marie) insistent sur les « noms » donnés (Lc 1,26-27 : cui nomen...) ou à donner (Lc 1,31-32 : vocabis nomen ejus ; et vocabitur...). Ils mettent en scène le processus de production de la parole humaine, distinguant entre le silence (imposé à l'incrédulité de Zacharie Lc 1,20), la parole intérieure (première réaction de Marie en Lc 1,29), et la parole extérieure (première réaction de Zacharie en Lc 1,18-19).
  • Au sommet du récit de l'annonciation à Marie, l'unique nom verbum concentre : l'annonce de l'ange évanélisateur (Lc 1,19) des verba divins performatifs (Lc 1,20), les événements qu'elle contient, et leur réalisation  (Lc 1,37 non est impossibile apud Deum omne verbum ; Lc 1,38 fiat mihi secundum verbum tuum).

Les artistes sont parvenus à visualiser ces différents états du Verbe et de ses participations dans les verba humains. 

Le Verbe divin

Ce Verbe s'incarne, il est acte. Le texte ne le dit, mais la Tradition l'affirme : le Verbe féconde miraculeusement le ventre de la Vierge. Il se fait chair. L'énonciation est genèse réelle. Le corps du Christ se forme et s'anime, déjà sanctifié. Il y a là un mystère, analogue à celui de la création : les lois naturelles sont bouleversées.

Une figuration écartée, l'homoncule
  • Certaines représentations byzantines ou russes, par exemple l'Annonciation d'Oustioug→, montrent, dans le corps même de Marie, un Christ enfant déjà tout formé. À partir du 15e s. en Occident, les artistes représentent parfois, dans les rayons divins (ou non), l'Enfant Jésus en homoncule portant la croix (ou non), descendant vers la Vierge à la suite de l'Esprit-Saint.

Barthélemy d'Eyck (fl.1444-1469), Envoi du Fils par le Père : Jésus homuncule dans les rayons, détail du panneau central du Triptyque de l'Annonciation d'Aix, (huile sur panneau de bois, ca 1442-1445)

Aix-en-Provence, église de la Madeleine, en dépôt temporaire au musée du Vieil Aix

D.R. photo Meisterdrücke→ © Domaine public

La doctrine représentée, à savoir que le Christ n'aurait pas été conçu in utero, mais serait entré tout formé dans le sein de Marie, dépendante d'une savante négociation entre motifs antiques, médecine et théologie médiévales, fut plus tard condamnée par le concile de Trente, qui interdit en conséquence les représentations du Christ en homoncule.

Les artistes étaient donc invités à privilégier des représentations plus subtiles, plus fidèles à l'apophatisme que l'Écriture parvient à maintenir au moment même de la cataphase divine. Mystérieux, silencieux mais secrètement résonnant-raisonnant dans l'échange entre l'ange et la femme, il n'est pas thématisé d'emblée, sinon comme l'ensemble de l'annonce et de ce qui est annoncé (Lc 1,34 istud) finalement récapitulé en verbum  (Lc 1,37 : non erit impossibile apud Deum omne verbum).

La lumière et la ténèbre pour figurer l'Infigurable
  • On ne l'entend ni ne le voit : mais il se montre dans la clarté de ce ciel ouvert et des rayons qui en dardent vers la scène. 

Le Titien (1490–1576), L'Annonciation, (huile sur toile, 1520), 207×179 cm

Cathédrale de Trévise, Italie © Domaine public→ 

La où le Titien insistait sur le miracle en montrant Marie se couvrir le ventre de son voile bleu, Nicolas Poussin suggère le mystère en obscurcissant jusqu'au noir le sein de Marie, visuellement obombrée par l'Esprit symbolisé en colombe :

Nicolas Poussin (1594-1665), L' Annonciation, (huile sur panneau de bois, ca. 1635), 45 × 38 cm, Pendant de La Nativité de Münich,

Collection de peintures de l'État de Bavière, Nouveau château de Schleissheim, Oberschleissheim © Domaine public→ 

Le verbe angélique

Le verbe angélique (Lc 1,28-29 : dicere, sermo, salutatio) fait de mots porteurs de véritables verba Lc 1,20.37-38), prend l'aspect corporel de l'humain ailé, pour marquer sa médiation entre terre où l'on marche et ciel où l'on vole. La voix de l'ange est médiation, à la fois annonce et demande, entre l'Énonciateur divin et l'énonciataire humaine.

  • La gestuelle expressive des anges du Titien et de Poussin exprime ce verbe angélique. Dans d'autres œuvres, plus anciennes, Gabriel se multiplie, visuellement :

Anonyme, La double annonciation, (mosaïque, 432-440)

arc de triomphe de Sainte-Marie Majeure, Rome, © Domaine public→, , 

(Marie, assise en train de filer le fil pourpre pour le voile du Temple, selon les écrits apocryphes, est entourée d'anges. L'ange Gabriel est représenté plusieurs fois pour indiquer ses actions successives: il arrive en volant dans le ciel puis, se tenant debout à gauche de la Vierge, il lève la main, signe qu'il prend la parole. Le Saint Esprit sous la forme d'une colombe descend sur Marie. Saint Joseph à droite devant une maison distincte de celle de Marie puisqu'ils n'ont pas encore mené vie commune, tient un bâton à la main. L'ange Gabriel, se tourne vers lui et lui parle.)

  • Parfois, c'est un phylactère qui matérialise le verbe angélique, comme sur ce panneau de triptyque de Lucas van Leyden, qui déploie, autour d'un un sceptre (attribut substitué au bâton du messager, héritage mythologique de Mercure messager des dieux), pointé à la fois vers les sein de Marie et vers le Livre où elle méditait, un philactère où se lisent les mots « Ave Maria gratia plena », presque effacés, et « Dominus tecum » dans la boucle où se fixe le regard de la Vierge : 

Lucas van Leyden (vers 1494-1533), L'Annonciation, (huile sur panneau de bois, 1522), 42,2 x 29,2 cm

Alte Pinakothek, Munich, Allemagne © Domaine Public→  

Le verbe humain

Le verbe de Marie est une simple parole de femme, qui raisonne et demande Quomodo (« Comment cela ? ») puis acquiesce Ecce... (« Voici ! ») et finit par s'ouvrir à la réalisation effective du ... verbe : Fiat mihi secundum verbum tuum (« Qu'il m'advienne selon ton verbe »). Son fiat fait aussi allusion au fiat du Verbe divin créateur de la Genèse (Gn 1,3.6, etc.) : ses verbes humains sont déjà efficaces, de par son accueil actif du Verbe divin. 

  • Les artistes représentent ce verbe de Marie par les gestes, parfois très rhétoriques, qu'elle adresse à l'ange qui lui parle, souvent accompagnés d'un livre ouvert où déjà la Vierge entendait le Verbe incorporé aux Écritures, avant qu'Il ne vienne s'incarner en elle. Outre les peintures ci-dessus, voyez l'admirable Rubens en Arts visuels Ps 103,20.