Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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3 Et il leur parla de beaucoup de choses en paraboles, disant :
— Voici, le semeur sortit pour semer.
4 Et pendant qu’il sème
il en tomba au bord du chemin
et venus les oiseaux les dévorèrent
Svenu un oiseau les dévora
Vvinrent les oiseaux et ils les dévorèrent
5 d’autres tombèrent sur la pierraille où ils n’avaient pas de terre abondante
et aussitôt ils levèrent parce qu’ils n’avaient guère de profondeur de terre
6 le soleil une fois levé, ils furent brûlés
et pour n’avoir pas de racine furent desséchés.
7 D’autres encore tombèrent sur les épines
et elles montèrent, ces épines, à les étouffer.
8 D’autres enfin tombèrent sur la terre, la bonne,
et ils donnaient du fruit
celui-ci cent
celui-là soixante
celui-là trente.
24 Il leur proposa une autre parabole, disant :
— Le royaume des cieux est
Va été fait semblable à un homme semant de la belle
Vbonne semence dans son champ.
25 Pendant le sommeil des hommes vint son ennemi
par-dessus il sema des zizanes au milieu du blé et partit.
26 Lorsque l’herbe poussa et qu’elle fit du fruit
alors apparurent aussi les zizanes.
27 Alors, s’étant approchés, les serviteurs du maître de maison
Vpère de famille lui dirent :
— Seigneur n’est-ce pas de la belle
Vbonne semence que tu as semé dans ton champ ?
D’où vient donc qu’il a des zizanes ?
28 Et lui leur affirma :
— Un homme ennemi a fait cela.
Alors les serviteurs lui disent :
Byz V TR Nesdirent :
— Veux-tu Byz S TR Nesdonc que nous allions les ramasser ?
29 Mais il dit
Byz TRdisait : — Non
de peur qu’en ramassant les zizanes vous ne déraciniez en même temps avec elles le blé.
30 Laissez grandir ensemble les deux jusqu’à la moisson
et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs :
— Ramassez d’abord les zizanes et liez-les en bottes pour les brûler ;
quant au blé, rassemblez-le dans mon grenier.
4 Et comme il semait.. La parole est un grain qui pousse. La même image est utilisée dans la tradition :
3 Le semeur. Au service du royaume. L'image du semeur, comme celle du moissonneur, évoque le travail au service du royaume :
5b de profondeur de terre Génitif hébraïque pour « terre profonde ».
8b ils donnaient du fruit Sémitisme Calque une expression sémitique.
3a paraboles La parabole est un lieu rhétorique constitué par deux ou plusieurs figures élémentaires, dont l’allégorie. On peut en rapprocher l’apologue, l’anecdote, ou l’exemple (en principe pas imaginaire, lui) récits illustrant quelque vérité, ainsi que le mythe (récit symbolique instituant un équilibre de valeurs spirituelles ou sociales encadrant l’existence). Il s’agit donc de symboles appelant une interprétation globale, plus qu’une correspondance terme à terme entre comparé et comparant.
1.3 au bord de (para) la mer, au bord du (para) chemin parabole : isolexisme, polypton Une →Parabole est une parole placée le long d’une réalité pour la faire comprendre, comme une partie du grain jeté tombe à côté de la bonne terre, ou Jésus, du bord de la mer, passe ensuite sur la mer. D’abord le long d’une réalité qu’elle tente de formuler, la parabole finit par le rejoindre par ses effets performatifs: elle passe dans la réalité même qu’elle désigne et finalement instaure. Le discours parabolique n’appartient pas à un univers qui oppose les mots et les choses; la parabole ne suit pas un chemin allégorique où tout aurait une contrepartie claire: ce qui est semé (v.20) est aussi ce qui reçoit la semence (v.19).
6b desséchés La Palestine possède beaucoup de terrains avec un sol peu profond au-dessus de rochers. Le grain germe vite dans ce sol, car il garde la chaleur, mais les plantes meurent peu après parce qu’elles ne peuvent pas enfoncer leurs racines.
3a communiquer... disant En grec laléô, articuler des sons, s’exprimer par la parole, parler. Même si ses usages transitifs se multiplient dans le grec tardif, en particulier celui de LXX, laléô met l’accent sur le fait de parler plus que sur le contenu de la parole (par contraste avec légô, dire), contenu parfois introduit comme ici par légôn, disant. La moitié des 26 occurrences de laléô en Mt est concentrée aux c.12-13.
3b–9 texte Év. Thom. 9 contient la parabole entière p.ê. avec des allusions aux rites gnostiques d’élévation de blé vers le ciel; cf. Corp. herm. 14,10; Haer. 5,3.
1–9 Allusions au TaNaKh et un enseignement universel Dans une parabole pleine d’allusions multiples au TaNaKh Références en marge, Jésus redit à ses coreligionnaires à quelle condition la semence/ descendance peut porter du fruit dans la bonne terre/ terre promise Intertextualité biblique Tradition juive. Mais le symbolisme cosmique de cette parabole la rend disponible pour un enseignement religieux universel.
1–9 Outre son style, habituellement plus élégant, Mt soigne plus que Mc (Mc 4,1-20) l’intégration de la parabole et de son « interprétation » en ciselant les parallélismes et en harmonisant systématiquement les nombres et les genres des différents actants (les grains, la pierraille…) dans les deux parties.
Mt et Lc sont d’accord contre Mc sur plusieurs points (construction grammaticale v.4; usage de xêrainô exclusivement pour les végétaux – cf. v.6 –; forme du dit v.9).
Mt et Mc présentent les fructifications dans des ordres inverses.
3 le semeur Agriculture Quatre-vingt dix pour cent de la population de l’empire romain était rurale. Avec seulement deux grandes villes, la population galiléenne habitait surtout des villages agricoles ( C. Ap. 1,60). La plupart des Juifs palestiniens travaillaient dans l’agriculture. Bien que la Palestine fût fertile ( B.J. 3,42ss), la récolte demeurait un grand souci des agriculteurs (y. Ma‘aś. 2,1). Semer et labourer se faisaient normalement vers novembre, la moisson vers mai ( Op. 383s; 448ss).
3b pour semer Semailles et labours Dans la Palestine antique on pouvait soit semer avant de labourer (Jub. 11,11), soit labourer avant de semer. Dans le premier cas, le semeur sème intentionnellement sur divers sols; dans le second, c’est par accident que le grain tombe sur de mauvais terrains. La reformulation de la parabole aux vv.18-23 envisage plutôt le premier: la Parole est intentionnellement proclamée à tous. Recogn. 3,14 opte pour semer avant de labourer.
3 Il leur parla de beaucoup de choses en paraboles. Parallèles dans les apocryphes. L'évangile de Thomas utilise les mêmes images à propos du royaume des Cieux :
Év. Thom. 8 "Et il a dit : l'homme est semblable à un pêcheur avisé qui jeta son filet à la mer et l'en retira plein de petits poissons ; parmi eux, le pêcheur avisé trouva un gros et beau poisson ; il rejeta tous les petits à la mer, et choisit le gros sans difficulté. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende !" (p. 35)
3b semeur Dieu comme un agriculteur Jésus continue la tradition vétérotestamentaire représentant Dieu comme un agriculteur (outre les célèbres allégories de plantation de vignes décevantes, cf. Jr 2,21) voire comme un semeur (Jr 31,27; Os 2,23ss) attestée aussi dans les targums (p.e. Tg. Ps.-J. Ex 15,17) et la littérature péri-testamentaire (4 Esd. 8,42-45).
3b semer La Parole de Dieu Métaphore usuelle dans le judaïsme péri-testamentaire pour désigner le don créateur et salutaire de la Parole de Dieu (1 Hén. 62,8; 4 Esd. 4,31; 8,6.41; 9,31).
3b–9 L’obéissance à la Parole Dans cette parabole, Jésus multiplie les allusions aux passages AT faisant de l’obéissance à la Parole la condition d’entrée et de prospérité dans la véritable →Terre promise qu’est le royaume de Dieu Références en marge: dans la ligne du sermon sur la montagne (il a été dit; moi je vous dis), il invite à entendre, comprendre et pratiquer sa parole comme la Torah.
3a paraboles Jésus recourt à un procédé d’enseignement connu dans la tradition juive, mais auquel il donne une coloration très personnelle, en les employant moins comme illustration de principes donnés ailleurs que comme base de son enseignement →Paraboles juives.
3b–9 exégèse juive traditonnelle Fidèlement à une technique d’enseignement oral traditionnel (plus tard codifiée dans →le PaRDeS), Jésus multiplie les allusions à des textes importants concernant les origines et l’histoire d’Israël, ainsi que ses relations avec Dieu. Références en marge Intertextualité biblique
3a beaucoup en paraboles mélange de la clarté et de l'obscurité Comm. Matt. :
3b–9 natures humaines Comm. Matt.:
3b sorti
3b sorti le semeur pour semer Hom. Matt. 44,3:
3b semeur = le Fils de Dieu. Comm. Matt.
4c venus : Nes V | Byz TR S : venu Le singulier correspond au sing. coll. en grec : ta peteina, comme pour dire « la gent ailée »). La lecture syriaque au singulier reflète p.ê. une interprétation de l’oiseau comme le malin dont il sera question dans la parabole de la zizane. Références en marge Mt 13,4 Tradition juivef19a.
4a il en tomba Singulier collectif Litt. "les uns" : les grains, jamais nommés, sont exprimés dans toute la parabole par des neutres pluriels: ha, auta.
4b au bord Préposition: sur / le long du para tèn hodon traduit p.ê. approximativement l’araméen ‘al « sur », et pourrait aussi se traduire « le long du chemin ».
4–8 Énumération et ellipse Des catégories de grains sont par ordre croissant d’espérance de vie. Mais les mots "grain" ou "semence" n’apparaissent nulle part!
4b chemin À l’intérieur des champs Outre ceux qui délimitaient les propriétés (m. Pe’ah 2,2), des sentiers permettaient probablement aussi de circuler à l’intérieur des champs (Mt 12,1 ; Priap. 3,21).
4b il en tomba La descendance Supposée ici et nommée seulement au v.24, la semence (sperma) associée à la terre (gê) évoque constamment la descendance élue à partir des récits sur Abraham, en particulier sous forme de promesse: « Je donnerai cette terre à ta semence » (Gn 12,7 ; 13,15 ; 15,18 ; 17,8 ; 24,7 ; 26,3s ; 28,4 ; 35,12 ; 48,4; Ex 32,13 ; 33,1; Dt 1,8 ; 11,9 ; 2Ch 20,7; Jr 23,8; cf. Ac 7,5).
4–8 Collaboration de l'homme est toujours attentif à ce qui souligne la part de collaboration à l’action de Dieu qui revient à l’homme, il se demande ce que devient la semence;
5b.6b pour n’avoir point Sémitisme Litt. "à cause de son ne-pas-avoir" : imite la construction sémitique de l’infinitif complément.
5a pieraille Exploitation y. Kil. 1,27b,47 fait référence à l’exploitation agricole de mauvais terrains littoraux: aux temps anciens même des endroits rocheux pouvaient être cultivés. La qualité différente entre les sols, était bien connue ( Oec. 16,3; Agr. 6,1).
5b aussitôt ils levèrent La déception provoquée par des grains qui poussent vite mais ne portent pas de fruits, était bien connue ( Inst. 1,3,5).
6a soleil menace à la récolte Le soleil et la sécheresse menacent la récolte (Jc 1,11 ; Hist. plant. 1,4,1; B.J. 4,471).
4–8 Don offert indifféremment
6b racine Cause invisible La racine est la charité comme la cupidité est la racine de tous les maux ( Enarrat. Ps. 90,8). La racine est dans un lieu caché, les fruits – les œuvres – par contre sont visibles (ibid. 51,12).
7a épines Les épines étouffent les plantes ( Georg. 1,150-159).
8c cent, soixante, trente Rapport de la moisson Selon Rust. 1,44,2, les semailles en Syrie pouvait produire jusqu’au centuple, et d’autres textes l’indiquent aussi: Hist. plant. 8,7,4; Geogr. 15,3,11; Nat. 18,21,94s; Or. sib. 3,263s. C. Ap. 1,95 loue la fertilité du sol palestinien. La récolte était d’habitude entre 7,5 et 10 fois le nombre du grain semé. Pour certaines parties de la Palestine, une récolte au centuple n’était même pas une exception.
8a la terre, la bonne La Terre promise Pour un Juif palestinien du 1er s., la « bonne terre » évoque invinciblement la Terre promise: sur près de 2000 emplois de « terre », on trouve 14 fois seulement l’expression « bonne terre » (h’rç htvh), dont 10 dans Dt, dont 8 dans le testament que Moïse laisse au Peuple dans l’Araba en face de la Terre promise Dt 1-12 (Dt 1,25.35 ; 3,25 ; 4,21s ; 6,18 ; 8,7.10 ; 9,6 ; 11,17). Certes, LXX dit gê agathê et non gê kalê comme Mt et Mc, mais Mt cite souvent un texte mixte. Le parallèle de Lc, évangile très enraciné dans la tradition grecque des Écritures porte bien, lui, agathê.
8c cent, soixante, trente récoltes du temps messianique Des passages juifs réfèrent aux très grandes récoltes dans le temps messianique, p.e. b. Ketub. 111b-112a: il faudra un bateau pour transporter une grappe! (cf. 2 Bar. 29,5).
8c cent | Quatre-vingt-dix ( Strom. 14,3).
8c cent, soixante, trente Enumération décroissante et chiasme quantitatif avec la précédente enumération des terres. Au centre se rencontrent donc: le meilleur du mauvais et le moins bon du meilleur.
7a épines Espèces Il y a plusieurs types d’épines (par exemples: Silybum marianum, Cyrana Syriaca, Onopordum, Notobasis syriaca, Cirsium phyllocephalum) prolifèrent auprès des chemins et atteint une hauteur de plus de deux mètres en avril.