La Bible en ses Traditions

2 Chroniques 15,16

M
G S
V

16 Même à Maaka, la mère d'Asa, le roi ôta la dignité de reine-mère

parce qu’elle avait fait une horreur pour Ashéra.

Asa abattit son horreur, la mit en pièces et la brûla au torrent de Kédron.

16 Et Maacha, sa mère, il déplaça

pour qu’elle ne fût pas à servir Astarté

et il abattit l'idole et la brûla au torrent de Kédrôn. 

16 Il déposa Maacha, la mère du roi Asa, de l'autorité souveraine,

parce qu'elle avait fait dans un bois sacré un simulacre de Priape

qu'il brisa tout entier, et le réduisant en morceaux, le brûla dans le torrent de Cédron.

Texte

Procédés littéraires

16 Priape (V) Inculturation et génie de Jérôme : interpretatio romana Dans la Vulgate, la présence de personnages issus de la mythologie gréco-romaine tels qu’Adonis (Ez 8,14), Priape (1R 15,13 ; 2Ch 15,16) et Mercure (Pr 26,8) est remarquable. Ces figures ne sont pas issues du texte hébreu traduit par Jérôme, mais constituent des choix de traduction s’inscrivant dans ce qu'on a coutume d’appeler l’« interpretatio romana ». Cette pratique consiste à assimiler des divinités étrangères à celles de Rome, associant par exemple des dieux grecs à leurs équivalents romains (Zeus à Jupiter, Héra à Junon, Poséidon à Neptune, etc.).

Suivant ce principe, Jérôme traduit l’hébreu « Ashéra » en 1R 15,13 et « Astarté » en 2Ch 15,16 par « Priape », dieu de la fertilité, protecteur du bétail, des plantes fruitières, des jardins et des organes génitaux masculins. Ce faisant, il reprend une divinité connue de ses contemporains et sans doute lue à travers les ouvrages de Cicéron, Virgile et Horace. La figure de Priape réapparaît d’ailleurs dans le Commentaire sur Isaïe où Jérôme cite un passage du livre I des Satires d’Horace :

  • Jérôme Comm. Isa.« Et en outre, le discours prophétique est ponctué par des moqueries sur les idoles, qui sont faciles à comprendre et ne demandent pas une explication laborieuse, mais plutôt superflue ! À ce sujet, Flaccus écrit dans sa Satire, se moquant des statues des peuples : "Je n’étais qu’un tronc d’arbre, un figuier inutile, Quand, tombant sous la main d’un ouvrier habile : Qu’en faire ? Un banc ! dit-il, en y pensant un peu. Non : faisons un Priape ; et je devins un Dieu. Depuis, en ces jardins, où je répands la crainte, Sentinelle placé, pour en garder l’enceinte, Un roseau sur la tête, à la main une faulx, J’écarte les voleurs, et fais fuir les oiseaux" [Horace Sat.I, 8, 1-4]. Tout ce qui a été dit à propos des idoles peut également être appliqué aux chefs des hérésies, qui érigent des statues de leurs dogmes et mensonges, avec un cœur d’artisan, et qui vénèrent ce qu’ils savent être fabriqué par eux-mêmes » (éd. Brépols, t. LXXIII A, 500).

Anonyme, Louve romaine avec Romulus et Remus, (mosaïque, 300-400 ap. J.-C.), ca 95 x 95 cm, découverte à Aldborough (North Yorkshire)

Musée municipal de Leeds, Royaume Uni © CC SA 2.0→

Figure inversée d'inculturation romaine : dans le sourire dentu de l'animal mythique, la maladresse du mosaïste « britannique » contemporain de Jérôme traduit naïvement quelque chose de la rapacité impériale.