Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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8 C’est attacher
Vlancer une pierre à la fronde
Vdans un amas de Mercure que de rendre gloire
Vhonneur à un insensé.
8 ...
8a Mercure (V) Inculturation et génie de Jérôme : Interpretatio romana Dans la Vulgate, la présence de personnages issus de la mythologie gréco-romaine tels qu’Adonis (Ez 8,14), Priape (1R 15,13 ; 2Ch 15,16) et Mercure (Pr 26,8) est remarquable. Ces figures ne sont pas issues du texte hébreu traduit par Jérôme, mais constituent des choix de traduction s’inscrivant dans ce qu'on a coutume d’appeler l’« interpretatio romana ». Cette pratique consiste à assimiler des divinités étrangères à celles de Rome, associant par exemple des dieux grecs à leurs équivalents romains (Zeus à Jupiter, Héra à Junon, Poséidon à Neptune, etc.).
Suivant ce principe ici en Pr 26,8, Jérôme traduit l’hébreu bᵉmargēmâ par Mercure. Par ailleurs, il procède par étoffement paraphrastique rendant l’hébreu :
par :
Bien que tous deux semblent saugrenus (puisqu’une pierre liée à une fronde ne peut être ni lancée ni atteindre son but et qu’honorer Mercure c’est rendre hommage à une idole), Jérôme choisit la piété romaine dont l’amas de Mercure renvoie au « tas de cailloux aux pieds des Hermès de carrefour, où chaque passant jetait une pierre en son honneur » (→ 44). Cette pratique remonterait à l'épisode mythologique où les dieux de l'Olympe absolvent Mercure du meurtre d'Argus dont on l'accusait en jetant à ses pieds un caillou blanc. Cette coutume devient dans la littérature latine une expression figurée pour désigner une activité vaine, dérisoire. Dict.
Le choix gréco-romain du culte (poser une pierre devant une statue) et de la divinité (Mercure) n’est pas tant de nature religieuse que didactique. Présenter un culte et une divinité étrangère risquait de perdre le lecteur dans des coutumes et des mœurs étrangers, tandis que l'utilisation d'une expression figurée proprement romaine permettait d'assurer la compréhension de ses contemporains.
En utilisant l'« interpretatio romana » et l'élaboration paraphrastique, Jérôme s'inscrit dans la conception romaine classique de la traduction, notamment celle de Cicéron et d'Horace. Leur principe consiste à éviter la traduction littérale au profit d'une traduction littéraire fondée sur le sens. Cela rappelle les paroles de Jérôme adressées à Sunnia et Frétéla :
Figure inversée d'inculturation romaine : dans le sourire dentu de l'animal mythique, la maladresse du mosaïste « britannique » contemporain de Jérôme traduit naïvement quelque chose de la rapacité impériale.