La Bible en ses Traditions

Genèse 30,15–24

M V
G S Sam

15 Elle lui répondit : — Est-ce peuV à tes yeux que tu aies pris

Vm'aies arraché mon mari

pour que tu prennes encore les mandragores de mon fils ?

Et Rachel dit : — MEh bien, qu’il couche avec toi cette nuit pour les

Ven échange des mandragores de ton fils !

15 ...

16 Le soir, comme Jacob revenait des champs

Léa

VLia sortit à sa rencontre et V:

lui dit : — C’est vers moi

V— C’est vers moi, dit-elle, que tu viendras, car je t’ai Mbel et bien loué pour les

V, et ce, au prix des mandragores de mon fils !

Et il coucha avec elle cette nuit-là.

16 ...

17 M VEt Dieu exauça Léa

Vécouta ses prières

Vet  elle conçut et enfantaM à Jacob un cinquième fils

17 ...

M G V
S Sam

18 et Léa

VLia dit :

— Dieu m’a donné mon salaire, parce que j’ai donné ma servante à mon mari.

Et elle l'appela du

Vnomma son nomM G de « Yiśākār ».

G« Issachar » c'est-à-dire : — Misthos [Salaire].

V« Issachar » [Isachar].

18 ...

19 Léa conçut encore et

VLia, concevant à nouveau, enfanta un sixième filsM G à Jacob.

19 ...

20 Et elle dit :

— Dieu m’a fait un beau don cette foisV encore

mon mari habitera avec moi,

Vsera avec moi,

Gva me choisir, puisque je lui ai enfanté six fils.

EtV, pour cette raison, elle lui donna le

Vnomma son nomM G de Zᵉbūlûn.

GZaboulôn.

V Zabulon.

20 ...

21 Elle

VEt après lui elle enfantaM G ensuite une fille M Gqu’elle appela du nom de Dînâ.

G VDina. 

21 ...

22 Dieu se souvint

V, se souvenant aussi de Rachel

il l’exauça

Vl'écouta  et ouvrit son sein.

G V sa matrice.

22 ...

M V
G S Sam

23 Et elle conçut et enfanta un fils, et elle dit

V disant :

— Dieu a ôté mon opprobre.

23 ...

M G V
S Sam

24 Et elle lui donna le

Vappela son nomM G de Yôsēp,

GIôsêph,

VJoseph, disant :

— Que YHWH

GDieu

Vle Seigneur m’ajoute un second

Vautre fils !

24 ...

Contexte

Milieux de vie

14ss FLORE Mandragore

 La mandragore, mai 2022, Réserve de Neot Kedumim (Israël)

D.R. M.R. Fournier © BEST AISBL

Gn 30,14-16

Identification

Deux textes bibliques seulement font mention d’une plante mystérieuse appelée  dûdāîm. La racine de ce mot est dûd  qui signifie « aimer » ou « être troublé ». Dûdāîm est donc parfois traduit par « pomme d’amour ». Dans Ct 7,14, il apparait que cette plante dégage une forte odeur et dans Gn 30,14-16, on comprend qu’il s’agit d’une fleur sauvage rare et précieuse. La Septante, la Vulgate et les versions syriaque et arabe ont traduit dûdāîm par « mandragore ». L’identification n’est pas certaine et d’autres hypothèses ont été émises (des champignons tels que Agaricus campestris ou des truffes comme les terfez).

Classification
  • Famille : solanaceae
  • Genre : mandragora
  • Espèce : officinarum
Localisation

Originaire du bassin méditerranéen et du Proche-Orient, cette plante pousse dans des sols riches et profonds. Elle est devenue très rare aujourd'hui.

Description
  • Herbacée qui n’a pas vraiment de tige et se présente en touffe d’une hauteur d’environ 30 cm.
  • Plante toxique riche en alcaloïdes psychotropes qui peuvent provoquer des hallucinations et une narcose.
  • Sa racine brune peut atteindre des dimensions importantes (80 cm). Elle a une forme anthropomorphe qui est à l’origine de bien des légendes. Il est difficile de la sortir de terre.
  • Ses feuilles sont longues, molles et de formes variables.
  • Sa fleur de couleur blanche, bleue ou violette possède 5 pétales soudés et 5 étamines. La floraison a lieu entre septembre et avril. Cette fleur est inodore.
  • Ses baies d’environ 5 cm de diamètre sont jaunes ou rouges et dégagent un fort parfum. Elles sont comestibles à condition d’en consommer en faible quantité. Pline Nat.25,94 : « L’odeur seule porte à la tête. En quelques contrées, on en mange les fruits. Cependant la violence de cette odeur étourdit ceux qui n’y sont pas habitués ; et une dose trop forte de suc donne la mort. À une dose variable suivant les forces du sujet il est soporifique ».

Illustration botanique de la mandragore

Herbier général de l’amateur, vol. 8 [P. Bessa], 1817-1827 © Domaine public→

Gn 30,14-16 ; Ct 7,13

Usage
Alimentation 
  • Les fruits peuvent être consommés séchés et en petite quantité.
Médical
  • Cette plante a des propriétés sédatives (Platon Symp. 2,22) narcotiques, antispasmodiques, anti-inflammatoires, hypnotiques et hallucinogènes.
  • Ses propriétés aphrodisiaques (Théophraste Hist. plant.) lui donnent des vertus fertilisantes bénéfiques pour les femmes stériles (Gn 30,14-16).
  • Elle était utilisée par les guérisseuses pour faciliter les accouchements et mélangée au miel et à l’huile, elle soignait les morsures de serpent (Pline Nat. 25,94).
  • On utilisait la racine comme somnifère (Théophraste Hist. plant. 9, 9,1). Elle faisait partie des ingrédients déposés sur l’éponge soporifique destinée à endormir les patients lors d’opérations chirurgicales ( Dioscoride Mat. med. 4,75, Pline Nat. 21, 94).
  • Elle était prescrite contre la mélancolie (Hippocrate Acut. 6, 329, n°39).
  • Mélangée au vinaigre, elle guérit les inflamations de la peau.
  • Pline Nat. 25, 110 : « on efface les marques du visage en se frottant avec la mandragore ».
Cultuel
  • Les sorcières au Moyen-Âge s’enduisaient la peau d’un onguent à base de mandragore pour entrer en transe.
  • L’apparence humaine de sa racine, et ses propriétés chimiques rendent cette plante mystérieuse et dès l’Antiquité elle fut associée à des rituels magiques. 
  • Elle était utilisée comme philtre magique (Théophraste Hist. plant. 9, 9,1).
Histoire

Dans l’Antiquité des méthodes étranges étaient utilisées pour cueillir la mandragore :

  • Théophraste Hist. plant. 9, 9, 8 : « On recommande de circonscrire la mandragore par trois fois avec une épée et de la couper en regardant le couchant ; d’autre part, que le second opérateur danse en rond autour d’elle et prononce le plus possible de paroles grivoises ».
  • Au Moyen-Âge la tradition pour cueillir ce fruit change : Après s’être bouché les oreilles avec de la cire pour ne pas entendre le cri de la mandragore, puisque l’entendre serait s’exposer à la mort, le cueilleur attache la plante au collier d’un chien pour que cet animal le déterre, en y laissant la vie. Josèphe B.J. 7,6,183 rapporte la même anecdote au sujet d’une plante qu’il appelle « baaras » et qui pousse dans la vallée au nord de Machéronte.   

    Manuscrit enluminé sur la cueillette de la mandragore, 1350

    Bibliothèque nationale de France © Domaine public→

  • En Égypte ancienne, la légende de Sekhmet raconte que cette déesse voulant exterminer tous les hommes, les dieux répandirent de la mandragore dans des milliers de jarres de bière teintées de rouge afin que la déesse assoiffée de sang la boive. La plante faisant son effet, la déesse s’endormit, épargnant l’humanité.
  • Au Moyen-Âge apparurent des mandragores « fétiches », sortes de petites statuettes à formes humaines qui étaient censées procurer richesse et pouvoir à son possesseur. Jeanne d’Arc fut accusée d’en posséder une.
  • La mandragore inspira des œuvres littéraires : La fée aux miettes, C. Nodier ; Eine Geschichte vom Galgenmännlein, F. de la Motte-Fouqué ; La Mandragore, J.-L. Lorrain ; Alraune, HH Ewers ; Harry Potter et la chambre des secrets, J.K. Rowling.
Symbolique
Sorcellerie
  • En Allemagne, le mot « alraun » signifie à la fois « mandragore » et « sorcière ».
  • Les sorcières employaient la mandragore.
Le peuple d’Israël
  • La mandragore est comparée par certains commentateurs de la Bible à un corps sans tête (Bède le Vénérable In Gen.  PL91, col. 257c ). Pour Anselme de Laon  PL 169, col. 1222D, la mandragore est l’image du peuple juif qui n’a pas encore reçu l’imposition de sa tête, le Christ, puisque sa conversion n’a pas encore eu lieu (Philippe de Harvengt PL 203, col. 473 CD).
L’Antéchrist et les infidèles
  • Dans certaines représentations iconographiques de l’histoire du Salut, la mandragore est représentée sous la forme d’un corps décapité dont la tête gît à ses pieds. La mandragore décapitée est alors l’image de l’Antéchrist vaincu ou des infidèles dans la première étape de leur conversion. L’étape suivante sera l’imposition sur la mandragore de la tête du Christ grâce à l’Eucharistie qui réalise l’unité entre la tête et le corps. (cf. Manuscrits enluminés du commentaire d’Honorius Augustodunensis, 12e s.).