Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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13 Toi qui disais
Gdis en ton cœur
Gta pensée :
— Je monterai dans les cieux
Gvers le ciel
Vau ciel, au-dessus des étoiles de Dieu
Gdu ciel, j’élèverai
Gje placerai mon trône
je m’assiérai sur la
Gune montagne de l’assemblée
Ghaute
Vde l’alliance aux confins du septentrion
Gsur les montagnes hautes vers le nord
Vdu côté de l'aquilon
13 ...
14 je monterai sur les sommets
Gau-dessus
Vsur la hauteur des nuées, je serai semblable au Très-Haut !
14 ...
12–15 lucifer (V) Élaboration d'un des masques du diable Lucifer signifie littéralement « porte-lumière » (Comparaison des versions) et peut désigner... le Christ lui-même (2P 1,19). Cependant, dans la culture occidentale, Lucifer est d'abord connu comme étant l'un des noms attribués au →Diable, ou Satan, ou Mauvais.
Le roi de Babylone, qui était assimilé à l'étoile du matin (Vénus chez les Romains), voit sa fin prophétisée par Isaïe en termes très symboliques.
Le roi Ithobaal gouvernait Tyr quand survint l'invasion babylonnienne de Nabuchodonosor qui investit Tyr en 585 av. J.-C. et la soumit après un siège treize ans plus tard
C’est cet ange déchu qui est devenu la figure de Lucifer dans les représentations chrétiennes courantes.
À la suite d’autres écrits apocryphes, qui ne sont pas intégrés dans le canon chrétien mais continuent à être lus, les Pères de l'Eglise puis les auteurs médiévaux ont fait une synthèse progressive de ces traditions, mettant l’orgueil au cœur des péchés de Lucifer et des autres anges rebelles, à partir de ces passages d’Isaïe et d’Ezéchiel. Lucifer désigne un ancien ange, le plus beau, qui portait la lumière, puis qui s’est révolté.
Au terme de cette élaboration, Lucifer apparaît comme est un des serviteurs privilégiés de Dieu, qui a voulu occuper une place égale à celle du Créateur, et qui a été précipité dans l’abîme, avec ses troupes, par les anges fidèles. Progressivement, la pensée chrétienne l’a assimilé à Satan, et a compris ses compagnons comme les démons qui règnent sur l'enfer.
12–15 Thème iconographique : la Chute des anges rebelles Une série d’œuvres d’art sont consacrées à ce thème iconographique doublement passionnant, puisque d’une part il se rattache clairement à au moins deux passages bibliques, tout en n’en illustrant directement aucun ; et que d’autre part il montre le châtiment de ceux qui étaient d’abord serviteurs de Dieu, mais inscrit cet épisode dans un vaste plan du Salut, par l’espoir donné aux hommes de retrouver le chemin du ciel.
La Chute des anges rebelles, dans ses éléments essentiels, représente celui que l’on appelle Lucifer (selon le terme de la Vulgate en Is 14,12, « porteur de lumière », ou « étoile du matin »), un des serviteurs privilégiés de Dieu, qui a voulu occuper une place égale à celle du Créateur, et qui a été précipité dans l’abîme, avec ses troupes, par les anges fidèles. Progressivement, la pensée chrétienne l’a assimilé à Satan, et a compris ses compagnons comme les démons qui règnent sur les Enfers. C’est bien un thème vétéro-testamentaire, l’épisode étant situé aux débuts de la Création, mais on le rapproche parfois, et c’est excessif et injustifié, Ap 12,7-9, lorsque Michel et ses anges combattent le Dragon chassé du ciel avec les siens, mais il s’agit d’un autre épisode, intégré dans une Révélation d’évènements à venir.
À la suite d’autres apocryphes, qui ne sont pas intégrés dans le canon chrétien mais continuent à être lus, les Pères de l’Eglise puis les auteurs du Moyen Age font une synthèse progressive de ces traditions, mettant, en lien avec les passages d’Isaïe et d’Ezéchiel, l’orgueil au cœur des péchés de Lucifer et des autres anges rebelles.
La Chute des anges rebelles est présente dans l’art roman.
À la fin du 12e s. le manuscrit alsacien du Hortus Deliciarum, de
(détruit en 1870 mais connu par d’excellentes copies) lui consacre un vrai petit cycle (aux folios 3 et 3v).Les inscriptions originelles sont connues par les relevés publiés par A. Straub et G. Keller (1879-1899).
Registre supérieur — à droite et à gauche du Créateur : la création de la lumière est interprétée comme création des anges (cf. Gn 1,3).
Registre inférieur — titre : « Lucifer : Sceau de la ressemblance de Dieu, plein de sagesse et parfait en beauté dans le Jardin des Délices de Dieu (Ez 28,12-13), était inférieur à Dieu » — Phylactère déployé devant Lucifer : Ez 28,14 — à gauche de Lucifer : « Le revêtement du premier ange avait toutes les pierres précieuses : sardonyx, topaze et jaspe ; chrysolite, onyx et béryllium; saphir, rubis et émeraude (Ez 28,13), parce qu'il était estimé au-dessus de toutes les compagnies angéliques, et plus glorieux qu'elles toutes. »
Registre supérieur sur le phylactère devant Lucifer : Is 14,13-14 —— Registre inférieur — titre : Ap 12,7 — Tout en bas à droite : Lc 10,18.
La diffusion du thème est facilitée par sa présence dans les plus importants traités typologiques de la fin du Moyen Age (mettant en parallèle des représentations de l’Ancien et du Nouveau Testament).
La Biblia Pauperum (qui n’était en rien une Bible pour les pauvres), présente dans les manuscrits enluminés, connaît à la fin du 15e s.une édition imprimée, où la Chute des anges rebelles, en gravure sur bois, est une des préfigures des Juifs reculant et tombant à terre lors de l’Arrestation du Christ (Jn 18,6) ; on y voit, sous Dieu en trône dans la nuée, les anges déchus déjà transformés en diables (corps difformes, ailes de chauves-souris, faces grimaçantes).
La tradition manuscrite considérable de la Biblia pauperum (Bible des pauvres) commencée au 13e s. fut amplifiée dans la seconde moitié du 15e s. grâce aux nouveaux procédés d’impression en estampes. La version latine en 40 feuilles a connu au moins 11 éditions. L'arrangement du texte et la séquence des illustrations de cette version furent adoptés par les deux éditions de livre de langue allemande, qui simplifièrent les gravures sur bois. La première fut co-produite en 1470 dans la ville de Nördlingen par le peintre Friedrich Walther et le menuisier Hans Hurning ; l’année suivante, elle fut copiée par Hans Sporer, calligraphe et graveur de Nuremberg, qui omit les hachures et remplaça les paysages de fond par des lignes horizontales unies. Après sa Biblia pauperum, Sporer a produit trois autres livre à Nuremberg jusqu'en 1474, avant d’inaugurer à Bamberg une presse à caractères mobiles en 1487.
Pour ne prendre que deux derniers exemples, citons
qui peint en 1562 (Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts), une Chute des anges rebelles qui renonce à toute hiérarchie claire, et emplit tout le panneau d’une vaste confusion, même si le centre en est occupé par un archange saint Michel, l’épée levée. Le sentiment qui domine est celui des forces du mal et de leur intense présence dans le monde.En 1620, une immense toile de
reprend le thème (Munich, Alte Pinakothek), dans un traitement baroque qui exalte parfaitement un double mouvement de descente et de torsion, les corps des anges déchus étant des hybrides d’humains puissamment musclés et de dragons aux gueules menaçantes, saint Michel enjambant sans crainte la longue queue serpentiforme qui ajoute une spirale toute en dynamisme dans une composition conforme au génie de l’artiste.Il faut enfin citer un thème rare mais important, et qui est en lien direct avec la Chute des anges rebelles. On sait que la théologie a classé les anges en neuf ordres, en trois triades. Mais elle appelle aussi l'homme à se perfectionner pour remplacer un jour dans un dixième ordre les anges rebelles et déchus, selon une thématique ancienne et reprise en particulier au 13e s. dans les écrits de saint Bonaventure.
L’iconographie de la Chute des anges rebelles s’inscrit donc bien dans une pensée qui ne se réduit pas à un schéma binaire faute-punition, mais s’ouvre à une circulation vivante entre les niveaux du monde.
Christian Heck