La Bible en ses Traditions

Isaïe 19,1

M G V S

Charge « Égypte » :

GVision de l’Égypte :

V SFardeau de l’Égypte :

Voici, YHWH porté

Gle Seigneur est assis

Vle Seigneur montera

Sle Seigneur est monté sur une nuée légère

Sdes nuées légères et entre

Garrivera

Ventrera en Égypte

les simulacres de l’Égypte tremblent

G Vseront ébranlés devant sa face

Slui

et le cœur de l'Égypte se fond au-dedans d'elle.

Gleur cœur cèdera en eux.

Vle cœur de l'Égypte se fondra en son milieu.

Réception

Arts visuels

1 les idoles de l'Egypte seront ébranlées devant sa face

Gravure du 19e s.

David Roberts, Egypte temple en ruines à Philae (gravure, 1836)

in Landscape Illustrations of the Bible, William et Edward Finden graveurs

National Galleries Scotland, Édimbourg, © Domaine public→

 

Texte

Vocabulaire

13,1 ; 15,1 ; 17,1 ; 19,1 ; 21,1.13 ; 22,1 ; 23,1 ; 30,6 Charge Polysemie: Une parole avec du poids qui peut lever

Lexicologie

Très souvent traduit par « oracle », le substantif massā’ vient de la racine ns’ « porter » ou « lever ».

Lexicographie et sémantique

Comme l'indiquent ses usages en Jr 23,33-34.36.38 ; 2R 9,25, le substantif retient l’ambiguïté du verbe : seul le contexte d'une occurrence donnée de massā’ permet de comprendre s'il réfère quelque chose qui (se) lève ou, au contraire, qui pèse.

Hors du contexte prophétique 

Le terme massā’ dénote 

  • une action :  « levée du visage » = favoritisme (2Ch 19,7) ; « levée de l’âme » = joie (Ez 24,25) ;

plus souvent : une chose à porter

En contexte prophétique : usage technique 

Le terme apparaît dans un usage singulier, comme une espèce de titre ou de rubrique, dans la littérature prophétique. 

  • Une fois, en Ez 12,10, massā’ se réfère à un acte prophétique, il ne signifie donc pas seulement une générique « énonciation » (de la phrase « lever la voix »).
  • 24 fois le nom introduit un ensemble de paroles prophétiques (le plus souvent en Is; Na 1,1; Ha 1,1; Za 9,1 ; 12,1 ; Ml 1,1). 
  • Le terme hébreu massā’ n'est généralement pas à l'état construit, et les massorètes le séparent nettement du terme qui le suit par un accent disjonctif : aussi est-il abusif de traduire ce dernier comme un complément déterminatifs du premier (par exemple : « oracle contre x », ou « oracle sur y »).

Le symbole linguistique massā’ semble réactiver alors ses connotations étymologiques : les thèmes les plus fréquents des paroles qu'il introduit sont la violence et le jugement. Le terme semble ainsi signaler que  le message qui le suit a de l'importance et de la gravité : du poids. Peut-être aussi, inversement,  que l'écoute qui en sera faite, la mise en pratique de ses injonctions a la capacité de (re)lever ceux à qui il s'adresse.

Choix des traductions compréhension des versions traditionnelles

  • M :  La Bible en ses traditions traduit ces occurrences de massā’s avec un léger étoffement par : « [Paroles à] charge ». Charge évoquant en français aussi bien un registre de violence (une charge de cavalerie) qu'un registre judiciaire (un dossier à charge). 
  • G traduit par horasis (« vision, apparence »).
  • V traduit par onus (« poids, fardeau ; peine, entrave ; obligation, lien ; taxe, tribut ; embryon ; selles, excréments »). Le littéralisme produit un effet saisissant, car le terme n'a jamais eu un tel emploi avant le latin biblique, aussi La Bible en ses traditions le traduit-elle par : « fardeau ».

Réception

Arts visuels

1 les simulacres de l'Égypte seront ébranlés devant sa face La Sainte Famille en Égypte selon la Biblia Pauperum La Chute des idoles égyptiennes, mentionnée dans des légendes des 8e et 9e s., appartient au lot des histoires apocryphes qui, bien qu'elles aient été condamnées dès le 5e siècle, ont conservé une grande popularité dans la littérature, dans l'art et dans la piété populaire.

Anonyme (continuant Albrecht Pfister), « Le veau d'or, La Sainte Famille en Égypte, L'arche de Dieu et l'idole Dagôn », (impression xylographique, 1460s, Pays-Bas ou Rhin inférieur), 27,5 x 20,5 cm,  

Planche F, f.6r de Biblia pauperum seu historiæ Veteris et Novi Testamenti, Bibliothèque nationale de France→,

© Domaine public→

Registre supérieur

Lectures
  • à g. On lit dans l'Exode, aux chapitres 31 et 32, que lorsque Moïse arriva au pied du Mont Sinaï, il gravit seul la montagne pour recevoir la Loi, et que cela fait, il vit en descendant le veau de métal fondu qu'avait fabriqué Aaron avec l'or. Ce même Moïse, après avoir jeté les Tables, détruisit le veau et le réduisit en pièces, ce qui figurait bien l'écroulement des idoles lors de l'entrée du Christ en Égypte (Ex 31-32).
  • à dr. On lit au premier livre des Rois, au chapitre 5, que les Philistins avaient placé à côté de leur dieu Dagôn l'Arche du Seigneur dont ils s'étaient emparés pendant la guerre. Le lendemain, en entrant dans le Temple, ils trouvèrent Dagôn gisant à terre, les deux mains coupées. Cette figure s'est vraiment accomplie quand la Bienheureuse Vierge vint en Égypte avec le Christ son enfant: alors les idoles de l'Égypte s'écroulèrent et cela montre bien que lorsque le Christ entra dans les adversités, c'est-à-dire les erreurs des infidèles, elles s'écroulèrent (1S 5).
Prophètes
  • à g. Osée : « Lui-même abattra leurs idoles, il [les] détruira » (Os 10,2).
  • à dr. Nahum : « Au premier [chapitre] de Nahum. De la maison de ton Dieu, j'anéantirai toute idole » (Na 1,14).

Triptyque central et distiques afférents

Panneau central
  • La Sainte Famille en Égypte (Évangile apocryphe : chapitre 23 du « Pseudo-Matthieu », faisant référence à Isaïe 19,1)
  • Distique central : « Les idoles, en présence du Christ, subitement s'écroulent ».
Panneau gauche
  • Le veau d'or (Ex 32).
  • Distique gauche : « L'idole sacrée du veau | par Moïse, en poudre est réduite ».
Panneau droit
  • Fuite de David pourchassé par Saül (1S 19).
  • Distique droit : « L'Arche, subitement | la chute de Dagon provoque ».

Prophètes inférieurs

  • à g. Zacharie : « En ce jour-là je ferai disparaître de la terre le nom des idoles » (Za 13,2).
  • à dr. Sophonie : « Le Seigneur anéantira tous les dieux sur la terre » (So 2,11).

Commentaire : La Sainte Famille en Égypte selon la Biblia Pauperum

La chute des idoles égyptiennes provient d'une légende du chapitre 23 de l'Évangile apocryphe Pseudo-Matthieu. Selon ce texte, lorsque Joseph, Marie et Jésus entrèrent en Égypte, ils arrivèrent à Sotinen. Comme ils ne connaissaient personne, ils visitèrent le temple où trois cent soixante-cinq idoles étaient installées. Or, « toutes les idoles furent jetées à terre, si bien que toutes gisaient en morceaux, la face brisée, et ainsi leur néant fut prouvé » (Évangile du Pseudo Matthieu→, c. 23).

L'image centrale met en scène l'écroulement des idoles lors de l'entrée du Christ en Égypte. Jésus et Marie se tiennent à gauche quand Afrodisius, gouverneur de Sotinen, se prosterne, converti par ce miracle qui révèle le vrai Dieu aux païens :

  •  Évangile du Pseudo Matthieu→, c. 24 « [Afrodisius] s'approcha aussitôt de Marie et adora l'enfant que Marie tenait sur son sein, l'enfant Maître. Et après l'avoir adoré, il s'adressa à toute son armée et à tous ses amis, et dit : "— Si celui-ci n'était pas le Seigneur de nos dieux que voici, ceux-ci ne se seraient pas prosternés devant lui, et prosternés en sa présence, étendus à terre, ils ne témoigneraient pas qu'il est leur Seigneur." »  
Détails remarquables :
  • Assurant visuellement la continuité narrative de la Biblia, le relief et l'arbre qui apparaissent en arrière-plan dans l'image de gauche sont les mêmes que ceux de la fuite en Égypte de la planche précédente : Arts visuels Mt 2,13. Dans la même visée typologique, les dalles du sol des temples d'Égypte et d'Ashdod de l'image centrale et de celle de dr. sont identiques.
  • Chacune des images représente un pilier sur lequel sont placées les idoles, avec une progression : à dr. elle est encore debout, au centre, elle est déjà renversée, à g. elle est tombée à terre. si haut que les hommes placent leurs idoles, si grandes soient leurs erreurs, Dieu prime et les fait chavirer. Preuve en est dans l'image de droite : où Son médiateur Moïse, par Lui doté de cornes (Propositions de lecture Ex 34,29–35), se substitue au jeune taureau que ses coreligionnaires ont adoré. Les tables de la Loi brisées à ses pieds, en contrepoint des idoles brisées des deux autres images,  manifestent l'inversion monstrueuse dont ils se sont rendus coupables en traitant comme dieu une image de veau qui ne l'est pas, et en méprisant la Loi du Dieu vivant.
  • Dans leur chute, les Tables de l'image de g. forment déjà une croix, dont le bras manquant serait quelque part entre la colonne du veau d'or et Moïse cornu et debout, comme pour suggérer la façon dont le →nouveau Moïse viendrait un jour à bout de toute idolatrie (cf. Procédés littéraires Ex 34,29–35, Typologie christique). Sur cette même image en h. à g., Dieu parlant à Moïse depuis la nuée caractéristiques (les « vagues » qui l'entourent), porte d'ailleurs un nimbe crucifère ce qui fait écho à la Planche A : Arts visuels Ps 72,6. Tout ceci est déjà une manifestation du Verbe, incarné en Jésus dans les bras de Marie sur l'image centrale.

Sans faire une lecture historique de l'épisode apocryphe du Pseudo-Matthieu, plusieurs Pères de l'Église en donnent consciemment ou non le sens, en tant que midrash inversé déployant sous forme de récit la vérité centrale du salut : par son ineffable incarnation, le Verbe s'est rendu perceptible aux sens, pour manifester la présence de Dieu de façon définitive et exclusive de toute tentative idolatrique :

  • Jérôme Comm. Isa. 19, v.1 « Prophétie contre l’Égypte. Voici, le Seigneur monte sur une nuée légère et entre en Égypte ; les idoles de l’Égypte trembleront devant sa face, et le cœur des Égyptiens fondra au milieu d’eux (Is 19,1) Il est d’usage dans les Écritures de relier les passages obscurs à des explications claires, et de révéler ouvertement ce qui a d’abord été dit sous forme d’énigmes. Ainsi, dans ce passage, après avoir proféré des menaces contre l’Égypte — "Malheur à la terre où bruissent des ailes, qui est au-delà des fleuves de l’Éthiopie" et d’autres éléments du discours prophétique —, le texte clarifie le sens. Il s’adresse directement à l’Égypte, disant que ce n’est pas par l’intermédiaire des anges, mais que le Seigneur lui-même viendra sur une nuée légère, c’est-à-dire rapide, et entrera en Égypte. Les idoles d’Égypte trembleront, et le cœur des puissants défaillira. Cela accomplira la prophétie d’Ézéchiel (ou Jérémie selon d'autres manuscrits) : "Je détruirai les idoles et je ferai cesser les statues de Memphis" (Ez 30,15). Certains interprètent cette prophétie comme se rapportant aux temps du Sauveur, lorsqu’il est venu sur une nuée légère, c’est-à-dire sous une forme humaine, un corps assumé de la Vierge, non alourdi par la semence humaine. Ou bien parce qu’il a été porté par une nuée légère, c’est-à-dire par le corps virginal. À son entrée, tous les démons tremblèrent, et ce fut la première ruine des idoles, incapables de supporter la présence du Seigneur.