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HEXAPLES d'Origène

Œuvre monumentale du grand savant de Césarée, les Hexaples sont une →recension chrétienne de la Septante, venant après les trois grandes recensions juives.

Pourquoi cette entreprise ?

  • Le savant voulait rendre possible la continuation de la discussion avec les Juifs qui abandonnent l'ancienne Septante, même à Alexandrie son berceau, du fait de l'usage que les chrétiens en font.
  • pour trancher en cas de désaccord entre les manuscrits de la LXX et, dans un désir de retour à la veritas hebraïca, atteindre le texte original de la Bible.

Description

Cette compilation présentait en 6 colonnes :

  • le texte hébreu (mais le témoignage d’Eusèbe de césarée Hist. Eccl. 6,16 met en doute l'existence de cette colonne)
  • la translittération en grec
  • traduction très littérale d'Aquila (A)
  • la traduction de Symmaque ( S)
  • le texte courant de la Septante (LXX), ou bien sa recension rendue conforme au texte hébreu
  • la traduction de Theodotion: état de la traduction grecque de la Bible en cours chez les Juifs de son époque (Q)

On peut estimer que l'œuvre comptait près de 6500 pages en une quinzaine de grands volumes. L'oeuvre originale semble avoir disparu au 7e s. Elle n'avait probablement jamais été copiée dans son intégralité, mais des copies partielles durent circuler, en particulier de la cinquième colonne.

La fameuse « cinquième colonne »

concentra les efforts critiques d'Origène : il y traite des problèmes textuels en cas de disparités entre les copies de la Septante, en se référant  aux autres versions grecques et à l'exemplaire hébreu dont il dispose, au moyen de signes typographiques :

  • L' astérisque  ※ signale un passage ajouté par Origène (généralement tiré de Théodotion), qui ne sont pas dans LXX mais sont dans les autres versions et l'hébreu
  • L'obèle ÷ signale un passage présent dans LXX mais non dans l'hébreu.

Les traces conservées des Hexaples

Du fait des condamnations d’Origène, les Hexaples ont été mal transmis. On estime pouvoir reconstituer au maximum 5% de l'ensemble : 

  • d’après ses influences possibles chez certains auteurs
  • dans les citations que pouvaient en faire les Pères de l'Église comme Théodoret
  • dans des notes marginales sur divers manuscrits bibliques grecs
  • dans des →colophons : l’emprunt aux Hexaples est parfois mentionné par les copistes.
  • peut-être le Qohélet de la LXX :  voir la discussion de Field et de l'édition de Göttingen

4 fragments de synopse conservés, et postérieurs de 5 à 10 s. à la rédaction, dont deux →palimpsestes célèbres :

  • Cambridge Taylor-Schechter 12.182 est un fragment de codex de parchemin du 7e s. Il présente le Ps 22,15-18 au recto et Ps 22,25-28 au verso et des colonnes hexaplaires. La façon dont le parchemin→ a été coupé pour une réutilisation ultérieure a divisé les Hexaples au milieu des colonnes, conservant une grande partie des colonnes 3 et 4 (Aquila et Symmaque), des traces des colonnes 2 (hébreu translittéré ) et 5 (Septante). Le nom divin en haut de la colonne d'Aquila est écrit en caractères grecs : "Pipi" (ΠΙΠΙ).
  • Ambrosiano O 39 sup.  (10e s. découvert en 1896, édité par Giovanni Mercati en 1958). Il contient environ onze psaumes, ne présente pas de colonne pour le texte hébreu, mais dispose de cet espace pour consigner des variantes. Il contient le tétragramme écrit en caractères hébreux dans toutes les colonnes, en particulier aux Ps 18,31 ; 28,6ss ; 29,1 (x2) ; Ps 29,2 (x2) ; Ps 29,3 (x2); Ps 30,1s.4.8 ; 31,1,5.6.9.21.23 (x2), Ps 31,24 ; 32,10s ; 35,1.22.24.27 ; 46,8 ; 89,50 (dans les colonnes 1, 2 et 4), Ps 89,51s

Corps de texte et corps de chair : une œuvre de science et de piété ?

N’est-il pas frappant que celui que l’histoire de la spiritualité évoque comme le premier dévot de Jésus au sens presque moderne du Sacré-Cœur (dans ses commentaires sur l'attitude du disciple bien aimé penché sur le cœur de Jésus lors de la dernière Cène), soit également le fondateur de la grande critique textuelle ?

Il y avait pour lui, à la suite des premières générations de scribes, une sorte de continuité vécue entre le corps de chair du Verbe incarné et le corps du texte des Écritures où il s’incorpore...