Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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6 Abraham se hâta vers la tente auprès de Sara et G Vlui dit :
— Fais vite, Vmélange trois sᵉ'îm
Gmesures
Vsata de fleur de farine, M Gpétris et fais des gâteaux
G Vpains cuits sous la cendre !
6 ...
1–33 Méditations sur le mystère de la Sainte Trinité
La visite des trois anges qu'Abraham salue comme un seul est une des traces précoces du mystère de la Sainte Trinité dans les Écritures. Olivier
intitule cette première partie de la Méditation « Père des étoiles », en référence à la promesse à Abraham d'une descendance plus nombreuse que les étoiles.1–16 Localisation des chênes de Mambré
Gomorrhe, Hébron, Bersabée, Béthel, Sichem, Salem, désert de Çin, désert de Shur, Négeb.
1–8 Interprétations typologiques de l'Hospitalité d'Abraham
Saint Ambroise expose la typologie de l’hospitalité d’Abraham dans le panégyrique de son frère Satyre ; pour l’évêque de Milan, c’est bien une figure du Dieu Trine qu’a vue le patriarche,Trinitatem in typo vidit, ce que confirment à la fois les trois mesures de farine et le veau unique qu’il leur offre :
Dans son De Abraham, Ambroise s’est moins étendu sur la figure, s’appliquant principalement à tirer la leçon morale de l’hospitalité d’Abraham, et renvoyant pour le reste à son ouvrage précédent. Il souligne tout de même en quelque mots que les trois hommes sont une manifestation de la Sainte Trinité.
Dans ses Allégories, saint Isidore rappelle cette interprétation traditionnelle de l’apparition mystérieuse de trois « anges » à Abraham au chêne de Mambré :
Cependant, dans ses Questions sur l’Ancien Testament, probablement d'une dizaine d’années postérieures aux Allegories, l’évêque de Séville s’en tient à une interprétation strictement christologique : comme lors dela Transfiguration, les trois hommes que vit Abraham étaient une figure du Christ accompagné de Moïse et d’Élie. Et, s’appuyant sur le témoignage de Jésus dans l’Évangile (Jn 8,6, il ajoute qu’Abraham a connu la réalité de cette figure :
C'était la lecture des plus anciens Pères de l’Église.
Ambroise dans son De Abraham, remarque que les trois mesures de farine cuites par Sara sont un rappel de la même figure, Sara la stérile étant en ce cas elle-même une figure de l’Église, selon le texte d’Isaïe (Is 53,1) que saint Paul a lui-même appliqué à Agar (Ga 4,27), et qui fut inlassablement repris par les Pères de l’Église ; quant aux galettes « cuites sous la cendre », elles sont la figure du mystère de la foi :
1–8 ICONOGRAPHIE L'hospitalité d'Abraham, révélation trinitaire et christologique — ou : Comment écrire l'icône de l'Indescriptible ? La « Philoxénie d’Abraham » ou « Trinité de l’Ancien Testament » constitue une icône à part, dont les canons iconographiques, comme la théologie, ont mis des siècles à s’affirmer, pour culminer dans la déclaration du « Synode des cent chapitres » (1551, Moscou). Ce synode affirmait que l’interprétation christologique de l’icône dite de « la Trinité selon Théophane-le Grec » devait être abandonnée, tandis que celle de Roublev, proclamée « l’icône des icônes », devait être désormais le seul modèle admissible d'une icône de « la Trinité », lisant la Trinité du Nouveau Testament en esquisse typologique dans la théophanie de Mambré.
En effet, les deux scènes, l’une christologique, l’autre trinitaire, sont superposées :
semble apparaître, d'abord de façon implicite, dans les églises rupestres de Cappadoce, au 11e s.
Pourtant, encore au au 16e s., en Grèce, voisinent les deux variantes du nom de l'icône : « l'Hospitalité d'Abraham » et « la Sainte Trinité ». Il est remarquable que les icônes de type christologique, aient gardé le titre de « Trinité ».
L’ange central est le Verbe de Dieu qui doit s’incarner dans la personne du Christ Jésus, lequel nous révélera le Père et nous enverra l’Esprit, après sa Résurrection, lors de la Pentecôte. C’est pourquoi il a les ailes si largement déployées, tandis que les deux autres anges ont les ailes rabattues. Il a plus d’importance que les deux anges qui l’encadrent ; il a un nimbe crucifère, lui seul, et il tient le rouleau des Écritures qu’il vient accomplir : la révélation faite à Abraham et Sara – personnage que l’on aperçoit dans la scène du bas, presque effacée, laquelle retraçait la préparation du veau sacrifié – (révélation) de la future incarnation rédemptrice de la seconde Personne de la Trinité et la promesse d’une descendance messianique.
Le titre de l’icône (la Trinité) pouvait dès lors faire croire à l’inégalité des trois Personnes divines, c’est pourquoi cette représentation fut finalement interdite lors du Concile des cent chapitres ; en effet, des hérésies trinitaires avaient surgi niant la divinité de telle ou telle personne divine.
Il ne s’agit pas d’une icône de « la très sainte Trinité » en elle-même, évidemment impossible, puisque Dieu est pur Esprit, invisible, incirconscrit, « l’Au-delà de tout » (
). Ce mystère ayant une importance primordiale dans la foi chrétienne, réclame une particulière prudence dans la compréhension de son contenu théologique, à la base de son expression picturale. Il fallut des siècles et plusieurs conciles œcuméniques pour fixer le dogme : le Dieu Un et Trine possède une unique nature en trois « Hypostases » ou Personnes distinctes.Les représentations iconographiques reflètent ce lent développement du dogme, face aux hérésies. Il s’agit plutôt ici de l’interprétation trinitaire d’une théophanie mystérieuse où Dieu s’est fait connaître à Abraham et Sara, à Mambré, sous la forme d’une apparition subite de trois jeunes hommes, qu’Abraham a salués comme « un seul », du titre de « Seigneur » ; puis il leur a servi un repas, et « le Seigneur » lui a promis un fils né de Sara. Abraham est « l’ami de Dieu » et donc finit par bien Le connaître (cf. Jn 15,15).
L'exégèse chrétienne lit dans la visite des trois voyageurs à Abraham une manifestation de la Sainte Trinité (cf. Tradition chrétienne) — donnant un sens profond et presque ironique à la parole de Dieu en ce même récit : « Vais-je cacher à Abraham ce que je fais ? » (Gn 18,17).
Ainsi donc « les trois Anges ne représentent pas la Trinité au sens habituel de ce terme : ils permettent à l'esprit du croyant de prendre appui sur une image tirée de la Sainte Écriture pour arriver à la contemplation du mystère de la Trinité » (Georges
, Icône et Tradition n°3).Réalisation de style inégalable que fit Saint Andreï Roublev (1370-1430), moine moscovite du début du 15e s., à la demande de l’higoumène Nikon, proche disciple de saint Serge de Radonège, pour la cathédrale de la Trinité du monastère de la « Trinité-Saint-Serge ». Roublev fut très lié au mouvement spirituel dirigé par saint Serge de Radonège (1332-1392) qui insistait sur les valeurs de fraternité, de communion, d’unité et de concorde, ainsi que sur la « prière spirituelle » et contemplative. D’après le biographe de Serge, ce dernier fit bâtir l’église de la Trinité « afin que, par la contemplation de la sainte Trinité, l’odieuse division de ce monde fût vaincue. » Effectivement, à cette époque, l’icône de « la Trinité de l’Ancien Testament » répondait à un besoin dogmatique face aux hérésies comme celle des « bogomiles », des « cathares » ou des « strigolniki » qui n’admettaient pas l’égalité des personnes divines et prétendaient qu’à Mambré, Abraham avait offert l’hospitalité au Seigneur, accompagné de deux anges, mais non pas à trois envoyés figurant la Trinité sainte. On raconte qu’ à ses jours de repos, l'humble moine A. Roublev restait assis pendant des heures en contemplation devant une icône de la « Trinité », et « comment cette lumière immatérielle et divine pénétra un jour son âme, le comblant de joie indicible, divine, car il voyait désormais ce qu'il devait peindre pour exprimer la connaissance de l'Être un et trine de Dieu ».