La Bible en ses Traditions

Isaïe 57,1 ; 53,7–8

M V
G S

Pendant qu'il était maltraité, lui il s'humiliait et n’ouvrait pas

VIl a été offert parce qu'il l'a voulu lui-même, même sans qu'il ouvre la bouche.

Comme un agneau est conduit

V, il sera conduit à l'immolation

comme une brebis est muette devant ceux qui la tondent

Vdevant le tondeur, il sera muet, il n’ouvrira pas la bouche

...

M V
G
S

il a été enlevé par

Và l’oppression et le

Vau jugement

Met sa génération, qui la considèrera ? 

Vla racontera ?

Oui, il

VPuisqu'il a été retranché de la terre des vivants

à cause du crime de mon peuple, le coup est pour lui.

Vil les a frappés !

Dans l'humiliation son jugement a été enlevé 

qui décrira sa génération ?

Car sa vie est enlevée de la terre,

à cause des violations de la loi par mon peuple, il a été mené à la mort.

...

M V
G S

57,1 Le juste périt et personne ne le prend à

Vn'y réfléchit en son cœur

les hommes de miséricorde sont enlevés et nul ne comprend

que le juste a été enlevé à la face du mal

...

Réception

Tradition juive

53,1–12 Le serviteur souffrant : la figure du peuple juif La tradition juive voit dans le serviteur décrit par Isaïe le peuple élu. Les rabbins considèrent qu'en traversant l’histoire, le peuple élu devra subir la persécution, il sera laissé comme mort mais sa postérité sera assurée par Dieu.

Cette prophétie est donc à la fois comme :

  • une relecture du passé du peuple élu qui fut déporté à Babylone après la destruction de Jérusalem en 586 av. J.-C.
  • l’annonce faite par Dieu des persécutions que subira le peuple juif. Cette annonce n’est pas dénuée d’espérance puisque, malgré les persécutions, subsiste une promesse de postérité.

À travers cette lecture, les rabbins magnifient la fidélité de Dieu au travers des épreuves. C’est une lecture dite corporative, qui se distingue d’une lecture individuelle.

Histoire des traductions

57,1bc les hommes pieux sont enlevés et nul ne prend garde que le juste a été retiré du malheur

  •  Lévinas Sacré « Les hommes de bien sont enlevés avant que le malheur n'éclate » (151, d'après b. B. Qam. 60).

Liturgie

53,7–11 Il est offert Antienne

«  Oblatus est »

Traditionnel, Jeudi Saint - Laudes: Antienne " Oblatus est" et Psaume 146

(CD, 2007), Dom Jean Claire, chœurs des moines de l'abbaye de Solesmes

© Abbaye de Solesmes→Ps 147

53,7 Le Seigneur comme une brebis Antienne

« Dominus tamquam »

Traditionnel, Jeudi Saint - Laudes : Antienne « Dominus tamquam » et Psaume 89

(CD, 2005) Dom Jean Claire, chœur des moines de l'abbaye de Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Ps 90; Is 53,7

Soupir de tristesse et de solitude devant notre Seigneur conduit comme une brebis à l'abattoir, cette antienne des Laudes du Jeudi Saint est bouleversante d'intériorité et de compassion.

57,1 ; 53,7s Voyez comment meurt le Juste Répons

« Ecce Quomodo »

Traditionnel, Samedi Saint - 2° Nocturne: Répons "Ecce Quomodo"

(CD, 2005), Dom Jean Claire, chœur des moines de l'abbaye de Solesmes

© Abbaye de Solesmes→, Is 57,1.53,7s

Ecce Quomodo Moritur - Voyez comment meurt le Juste - est le quinzième Responsorio pour la Semaine Sainte. Dans cette chanson, nous voyons le Christ, le Juste par excellence, mourir des mains de l'inique devant un monde indifférent. Ce n'est pas dans cette vie que nous devrions chercher des récompenses pour la justice que nous avons pratiquée, mais dans la vie éternelle à venir. Dans ce monde, le Christ, la Justice même, s'est tranquillement livré pour souffrir et mourir des mains des méchants, car c'est par ses souffrances que la paix a été obtenue pour les membres fidèles de l'Église. Souvenons-nous d'être justes dans nos transactions, et n'espérons toujours aucune récompense du monde, tout comme le Christ n'a fait tort à personne mais a souffert l'ignominie de la Croix. Comme le O vos omnes, Ecce quómodo compte parmi les plus belles pièces du répertoire et les plus émouvantes. Contemplation attendrie sur la mort du Christ, sur l’indifférence de tous devant une telle extrémité d’amour, et sur la paix qui entoure le grand sommeil du Juste.

Arts visuels

53,1–12 Du Serviteur souffrant au Christ : Isaïe comme cinquième évangéliste ?  

Première Renaissance, école de Mantoue

Les Pères de l'Église perçoivent une ressemblance frappante entre cette description du serviteur souffrant qui voit ses jours prolongés après son passage au sépulcre, et les récits de la souffrance de Jésus, transpercé sur la croix, mis au tombeau et ressuscité.

Andrea Mantegna (ca. 1431-1506), La Lamentation sur le Christ mort, (tempera sur toile, 1470-1474), 66 x 81 cm

Reg. Cron. 352, Pinacothèque de Brera, Milan

 © Domaine public→

Cette Déploration du Christ montre celui-ci mort, allongé, et trois pleureuses, à savoir sa mère, Marie de Nazareth, Marie-Madeleine, et l'apôtre Jean. Le cadrage resserré sur le Christ met en exergue les principaux stigmates de sa Passion.

Illustrateur du 19e s. 

Schnorr von Carolsfeld, Julius, 1794-1872, (gravure sur bois, 1860), Oracles messianiques, h. 35 cm, illustration

in Schnorr von Carolsfeld Julius  et Merz Heinrich (1816-1893), Die Bibel in Bildern. 240 Darstellungen, erfunden und auf Holz gezeichnet [1852-1860], Leipzig : Georg Wigand, 1860

Getty Research Institute, © Public Domain→

L'image concentre la vocation d'Isaïe, la vision de la Madone à l'enfant et celle du Christ avec sa croix victorieuse de Satan en une seule illustration des oracles messianiques et des chants du Serviteur.

53,7s un agneau Bestiaire biblique

17e s.

Le célèbre agneau de Zurbarán n'est pas debout, mais prêt à être immolé :

Franscisco de Zurbarán (1598-1664), Agnus dei, (huile sur toile, entre 1635 et 1640), 38 x 62 cm

Musée du Prado, Madrid, salle 010A, inv. P07293 

Wikicommons→, © Domaine public, Lv 22,17-30 ; G—Is 53,7-8 ; Ac 8,32

Francisco de Zurbarán est un peintre espagnol du siècle d'or. Il se distingue dans les peintures religieuses où son art révèle une grande force visuelle et un profond mysticisme. Il a réalisé six versions de ce sujet qui diffèrent peu les unes des autres. L'agneau est traité avec un grand réalisme, ses pattes sont liées pour le sacrifice, et la toile porte l'inscription : « Comme une brebis, il fut conduit à l’abattoir ; comme un agneau muet devant le tondeur, il n’ouvre pas la bouche. » (Ac 8,32).

57,1s Monument aux morts de l’église Notre-Dame-Sous-Terre

Peinture française du 20e s.

George Desvallières (1861-1950), Monument aux morts de l’église Notre-Dame-Sous-Terre, (huile sur toile, 1919), 50 x 72 cm (tondo)

Église Notre-Dame-Sous-Terre, Pélussin

© Collection Desvallières→

Cette oeuvre, redécouverte récemment, est le monument aux morts de Desvallières pour la petite église de Pélussin, dans la Loire, village situé à 40 kilomètres de Saint-Étienne où l’on vénère Notre-Dame-Sous-Terre.

Le contraste avec le tragique exprimé dans Le Drapeau du Sacré-Cœur (CR 1608) est saisissant. La paix règne ici, alors qu’un grand ange entraîne le poilu sur son cœur, entre ses deux ailes dorées, pour l’emmener, ensommeillé, sur un nuage orangé, vers un ciel étoilé.

Musique

57,1s Voici comment doit mourir le Juste

16e s.

Jacob Gallus Handl (1550-1591), Ecce Quomodo Moritur Justus

Paul Halley (dir.), University of King's College Chapel Choir

© License YouTube Standard→, Is 57,1s & Ps 76,2

Paroles

Ecce quomodo moritur justus et nemo percipit corde. Viri justi tolluntur et nemo considerat. A facie iniquitatis sublatus est justus et erit in pace memoria eius: Tamquam agnus coram tondente se obmutuit, et non aperuit os suum: de angustia, et de judicio sublatus est. Et erit in pace memoria ejus.

Voici comment meurt le juste et personne ne le prend à cœur. Les hommes justes disparaissent et personne n'en tient compte. Le juste a été éloigné de la face du malheur et son souvenir demeurera en paix : comme l'agneau qui lorsqu'on le tond en public reste muet, et l'on ne voit pas son visage : il a été éloigné de l'angoisse et du jugement. Et son souvenir demeurera en paix.

Compositeur

Jacob Gallus Handl est un compositeur de la Renaissance. Son œuvre majeure est l'Opus Musicum. Il s'agit d'un recueil de 374 motets très majoritairement en langue latine, a cappella, allant de 2 à 16 voix, et qui contient le motet à huit voix O magnum mysterium, une de ses œuvres où se perçoit le mieux l'originalité de son écriture en dépit d'une nette influence du style polychoral vénitien. Musicien de la Contre-Réforme en Bohême, il se caractérise par l'alliage subtil entre archaïsme et modernité de ses compositions.

Propositions de lecture

40,1–55,13 Le « livre de la consolation d’Israël » L'incipit de ce chapitre et le thème des premiers versets inspire le titre souvent donné à cette deuxième partie du livre d'Isaïe : Is 40-55. En contraste avec les oracles pleins de menace d'Is 1-39, c'est la consolation qui est ici annoncée, par le  prophète anonyme de la fin de l'Exil qu'on appelle le « Deuxième Isaïe ».

Texte

Genres littéraires

52,13–53,12 Chants du Serviteur

Identification

C'est à l'exégète luthérien Bernhard Duhm, Das Buch Jesaia (Gottingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1892) que semble due l'identification de quatre fragments isaïens comme « chants du serviteur ». 

Certains y ajoutent le fragment Is 61,1–3 bien que le terme de « serviteur » n'y apparaisse pas.  

Thématique

Un énigmatique « serviteur de YHWH » (עבד יהוה, 'eḇeḏ YHWH) y apparaît, Dieu l'appelle à diriger les nations, mais celles-ci le maltraitent terriblement, avant qu'il ne soit finalement récompensé. 

Réception

Liturgie

53,4–7 PARALITURGIE Adaptation au chemin de croix

CONTEMPLATION Jésus chargé de sa croix

Ces versets des chants du Serviteur souffrant accompagnent nombre de stations du chemin de croix, en particulier ici la deuxième. 

Jerzy Duda-Gracz (1941-2004), 2 — Jésus est chargé de sa croix, (huile sur toile, 2000-2001),185 x 117 cm

 Chemin de croix ex voto de l'artiste, narthex, galerie haute du sanctuaire de l'icône miraculeuse, Sanctuaire de Czestochowa, Jasna Gora (Pologne)

© D.R. Jerzy Duda-Gracz Estate→ ; photo : J.-M. N., Is 53,4-7 ; Mt 27,31 ; Mc 15,20 ; Jn 19,17

« Voici l’Homme ! » Voici une foule, cette foule que l’on remarque derrière la croix, cette croix qui semble être le sceptre dérisoire de sa royauté, mais dans les yeux levés et en cette couronne d’épines, il y a vraiment un roi qui va s’acheminer sur l’unique trône de la vie, qui est celui de cette présentation, de cette mort. Oui, le Christ dénudé, presque squelettique, va s’avancer. Derrière lui, sur la gauche, il y a les deux larrons, l’un est habillé en prisonnier, l’autre avec le vêtement que l’on donnait dans les camps de concentration. Il y a quelqu’un qui est en fauteuil roulant ; mais regardez bien tout au fond, ces cannes : tous ces estropiés de la vie sont représentés. Dans ce Chemin de croix, on reconnaît effectivement un style que l’on pourrait qualifier d’expressionniste, mais c’est un expressionisme inspiré, c’est un expressionisme associé à la vie : un homme, un ouvrier, avec son débardeur, porte une croix autour du cou ; mais regardez bien cette femme, sur la droite : elle vend des chapelets. Pour vivre donc ce Chemin de croix, il y a véritablement ce don, cette présence, cet accompagnement de la prière des pauvres, mais cette prière si riche de la vie des êtres qui égrènent le temps des hommes et des femmes, qui égrènent le temps de ceux et de celles qui ne savent plus comment prier ni pour qui prier. (J.-M. N.)

Tradition chrétienne

53,7 comme un agneau Lecture christologique : Le premier du troupeau, que toutes les brebis imiteront pour entrer dans le salut Dans la liturgie des heures catholique romaine, à  l'Office des Lectyres du 19e mardi TO, est proposée une lecture patristique qui commente plutôt Is, mais offre une clé pour comprendre que Jean symbolise Jésus en agneau dès le début de son évangile, qu'il composer comme un moyen de salut (cf. Jn 20,31). 

  • Théodoret de Cyr, Traité sur l'incarnation du Seigneur 28 « Nos remèdes, ce sont les souffrances du Seigneur. Voilà ce que le prophète nous enseigne lorsqu'il proclame : C'est nos péchés qu'il porte, et c'est pour nous qu'il souffre ; et nous, nous pensions qu'il était châtié, frappé, maltraité. C'est à cause de nos péchés qu'il a été blessé, à cause de notre iniquité qu'il a été broyé ; le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui ; c'est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, c'est pourquoi il a été conduit à l'abattoir comme une brebis, comme un agneau mené devant le tondeur.Le pasteur, voyant ses brebis dispersées, prenant avec lui une brebis et la conduisant dans le pâturage de son choix, attire à lui les autres brebis à la suite de celle-ci. C'est ainsi que Dieu le Verbe, voyant que le genre humain était égaré, prit la forme d'un serviteur, s'unit à elle et, par elle, fit revenir vers lui toute la nature humaine. C'est ainsi qu'il conduisit au pâturage divin ceux qui avaient de mauvais bergers et étaient exposés aux loups.C'est pour cela que notre Sauveur a pris notre nature. C'est pour cela que le Christ Seigneur a accepté les souffrances qui nous ont apporté le salut. Conduit à la mort et déposé dans le tombeau, il a détruit la tyrannie ancestrale, et il a offert l'incorruptibilité aux hommes asservis à la corruption. Car, en rebâtissant et en relevant le Temple détruit, il a offert aux morts qui attendaient sa résurrection des promesses véritables et solides.La nature que j'ai prise chez vous, dit-il, parce qu'elle était habitée par la divinité et unie à elle, a obtenu la résurrection et, en déposant la corruptibilité avec les souffrances, est parvenue à l'incorruptibilité et à l'immortalité. C'est ainsi que vous-mêmes serez délivrés de la dure servitude de la mort et qu'en dépouillant la corruptibilité avec les souffrances, vous revêtirez l'impassibilité.Aussi a-t-il fait parvenir à tous les hommes, par ses Apôtres, le don du baptême. Allez donc, leur dit-il, de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Le baptême est comme un reflet et une image de la mort du Seigneur. Car, dit saint Paul, si nous sommes déjà en communion avec le Fils par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par la résurrection » (PG 75, 1467-1470).

Liturgie

53,7 voici l'agneau de Dieu Application christologique dans des tableaux-reliquaires : deux « Agneaux de Dieu » de l'âge classique Dans le domaine des objets de piété, agnus et plus rarement agnus dei signifie : « Médaille de cire blanche, bénie par le pape, sur laquelle est imprimée l'effigie d'un agneau » (C.N.R.T.L.→) ; plus généralement, il peut s'agir de toute petite image de piété, souvent ornée de broderie, parfois enrichie de reliques, de fils d'or et de franges de soie et destinée aux enfants. 

17e s.

Art populaire, Agnus Dei représentant l'Ecce Homo édité par le pape Innocent XII, (1691-1700), diam. 11 x 1 cm

Rome © Photo : Trésors de ferveur→

Art populaire, Agnus Dei représentant l'Ecce Homo, (fin 17es.), 15,5 x 19 x 5,5 cm, reliquaire à papiers roulés

France © Photo : Trésors de ferveur→