Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 VICI COMMENCE L'ÉPÎTRE À PHILÉMON
Paul, prisonnier du Christ Jésus
V Sde Jésus-Christ, et le frère Timothée
à Philémon le bien-aimé notre collaborateur,
2 ainsi qu’à la bien-aimée
V Nessœur Apphia
VAppie
à Archippe notre compagnon d'armes
Scollaborateur
et à l’Église qui est dans ta maison,
2a bien-aimée : Byz S TR | V Nes (a A etc.) : sœur D’autres mss. lisent « sœur bien-aimée ».
2a sœur (V Nes) dans le Christ Nommée « sœur », Apphia est chrétienne.
1b–2ab Philémon + Apphia + Archippe — Prosopographie L'accumulation des noms dans la salutation et « l'église qui est dans ta maison » (v.2c) indiquent que la maison de Philémon servait de point de ralliement aux chrétiens de Colosses : c’était donc un homme aisé, dont la maison était devenue une « église domestique ». Sa femme pourrait être Apphia. Archippe est probablement leur fils, qui devient plus tard quelqu’un d’important dans l’Église de Colosses (Col 4,17 parle d’un « ministère » qu’Archippe a reçu).
2c l’église qui est dans ta maison Les églises domestiques primitives Paul écrit à l’une de ces églises domestiques (têᵢ kat’ oikon sou ekklêsiaᵢ) qui jouèrent un rôle fondamental dans le premier christianisme. L’évangélisation paulinienne était en effet essentiellement urbaine et, à défaut de lieux de réunion publics, les chrétiens se retrouvaient dans des maisons privées.
1ss Genre épistolaire
L’adresse paulinienne marque une christianisation du formulaire épistolaire antique, extrêmement simple (souvent du style « A à B, salut »). Non seulement elle mélange la salutation grecque (« salut », « réjouis-toi ») et la salutation hébraïque (šālôm, « la paix »), mais surtout elle fait de cette salutation une bénédiction puisque la grâce et la paix offertes viennent de Dieu le Père et de Jésus-Christ. →Vocabulaire de la grâce et du bienfait dans la Bible
Paul, alors qu’il a une demande particulière à faire à Philémon (il lui demande d’être indulgent envers son esclave en fuite), adresse sa lettre à la communauté qui s’assemble chez lui. Cette adresse est une manière d’impliquer toute la maisonnée. Elle est plus qu’une simple façon de faire pression discrètement sur Philémon : elle constitue un moyen de présenter à l’assemblée un cas qui affecte toute la communauté et pas un individu.
1–21 Deuxième lecture du 23e dimanche du TO, année C
Phm 1-21 est précédé ou bien de Jr 18,1-18 ; Ps 139,1-6.13-18 ou bien de Dt 30,15-20 ; Ps 1 ; et suivi par Lc 14,25-33.
Phm 9b-10.12-17 est précédé de Sg 9,13-18b ; Ps 90,3-6.12-14.17 et suivi par Lc 14,25-33.
Le rappel à Philémon de considérer Onésime maintenant comme un frère et non plus comme son esclave prépare l’enseignement de Jésus qui invite dans l’évangile ceux qui veulent le suivre à renoncer aux biens matériels. La requête de Paul à Philémon se comprend alors comme le cas particulier d’un enseignement biblique plus général.
1–25 Supplique d'un apôtre devenu pater familias
À son accoutumée, Paul profite de l’adresse pour transmettre une bénédiction aux destinataires de l’épître : Genres littéraires Phm 1,1ss.
L’épître est l’occasion de féliciter Philémon de sa foi et de sa charité, qui provoquent joie et consolation à l’Apôtre : Genres littéraires Phm 1,4–7. Elle est mobilisée au service de l'argumentation de Paul : il rappelle que la communion dans la foi ne peut rester une simple adhésion intellectuelle mais doit s’épanouir dans une réflexion éthique (la connaissance du bien qui est en nous pour le Christ) et de véritables actions (la charité qui produit le réconfort).
L’essentiel du corps de l’épître est consacré à la requête de Paul. Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (v.8), l’Apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir. Paul présente ainsi sa demande : que Philémon ne tienne pas rigueur à Onésime de s’être enfui de chez lui pour se réfugier chez Paul. En effet, converti par Paul et devenu chrétien, il est bien plus que le simple esclave de son maître : il est comme son propre frère.
L’épître se clôt par l’assurance d’être entendu de Philémon (v.20-21), une promesse de voyage (v.22), un échange de salutations de la part des collaborateurs de Paul (v.23-24) et une bénédiction finale (v.25) : Genres littéraires Phm 1,20–25.
On peut se lancer dans des considérations de morale sociale (Théologie Phm 1,12), peut-être anachroniques (Milieux de vie Phm 1,16a) ; on peut aussi être sensible à la subtilité des relations humaines tissées par Paul.
Deux thèmes sont à l’œuvre : la prison et les entrailles (le cœur : Milieux de vie Phm 1,7b.12b.20b). Ils construisent une figure subtile d’autorité de l’Apôtre, qui apparaît à la fois comme un modèle de souffrance pour la foi et comme un modèle de paternité. Paul devient pater familias de Philémon et d’Onésime, qui sont maintenant frères (c.-à-d. la paternité de Philémon est relativisée). Plutôt que de faire appel à son autorité apostolique (v.8), Paul préfère se présenter comme un père et comme une victime (v.9).
Il le fait avec une tendre ironie (Procédés littéraires Phm 1,8s), feignant la négociation commerciale (Milieux de vie Phm 1,19ab), multipliant les arguments jusqu’aux limites de la préciosité (comme le jeu de mots sur le nom de l'esclave : Procédés littéraires Phm 1,10b.11b ; Procédés littéraires Phm 1,20a), comme s'il ne voulait pas imposer sa volonté, malgré son insistance (Phm 20-21) et alors qu'il rappelle à Philémon qu'il ne lui doit rien moins que... lui-même : Procédés littéraires Phm 1,19c !