La Bible en ses Traditions

Philémon 1,1–21

Byz V S TR Nes

VICI COMMENCE L'ÉPÎTRE À PHILÉMON 

Paul, prisonnier du Christ Jésus

V Sde Jésus-Christ, et le frère Timothée

à Philémon le bien-aimé notre collaborateur,

ainsi qu’à la bien-aimée

V Nessœur Apphia

VAppie

à Archippe notre compagnon d'armes

Scollaborateur

et à l’Église qui est dans ta maison,

à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du

Sde notre Seigneur Jésus Christ

VJésus-Christ.

Je rends sans cesse grâce à mon Dieu

faisant mémoire de toi dans mes prières

Byz V TR Nes
S

en entendant parler de la charité et la foi que tu as envers

Vdans le Seigneur Jésus et à l'égard de tous les saints.

Voici, depuis que j'ai entendu [parler] de ta foi et de la charité que tu as envers notre Seigneur Jésus et envers tous les saints

Puisse ta communion dans la foi être efficace par la reconnaissance de tout le bien qui est en nous pour

V Nesnous dans

TRvous pour le Christ Byz V TRJésus.

que la communion dans ta foi donne du fruit dans les œuvres et la connaissance de tout le bien que vous avez en Jésus-Christ !

Grande grâce

V Nesjoie et grand réconfort

Vgrande consolation nous avons

V Nesj'ai eu dans ta charité

car les entrailles des saints ont été soulagées par toi, frère.

En effet grande joie et grand réconfort nous avons eu 

car par ta charité ont été soulagées les entrailles des saints.

Byz V S TR Nes

C’est pourquoi, bien qu’ayant en Christ VJésus toute liberté de te prescrire ce qui convient

Sest juste

à cause de la charité je t’exhorte plutôt

tel que je suis, le vieux Paul, Scomme tu sais

qui plus est maintenant prisonnier de Jésus-Christ

Nesdu Christ Jésus,

10 Set je t’exhorte au sujet de mon enfant

V Sfils que j’ai engendré dans mes

V Nesles chaînes

Onésime

11 qui t’était jadis inutile

et qui est maintenant à toi comme à moi, bien utile,

Byz V TR
S
Nes

12 Vet que je te renvoie.

Mais toi reçois-le comme mes propres entrailles.

12 Je te l'ai renvoyé

et toi reçois-le comme ma propre progéniture.

12 et que je te renvoie.

ll est mes propres entrailles.

Byz V S TR Nes

13 Je voulais le retenir auprès de moi

pour qu’il me serve à ta place dans les chaînes de l’Évangile.

14 Mais sans ton avis, je n’ai rien voulu faire

pour que ton bienfait ne soit pas comme imposé mais volontaire.

15 C’est peut-être la raison pour laquelle il a été séparé pour une heure, afin que tu le récupères pour l'éternité 

16 non plus comme esclave, mais mieux

Splus qu’un esclave :

comme un

Smon propre frère bien aimé.

Byz V TR NesIl l’est grandement pour moi

combien plus le sera-t-il pour toi, et dans la chair et dans le Seigneur !

17 Si donc tu me tiens comme un compagnon

Ses un compagnon pour moi

accueille-le comme moi-même.

18 Et s’il t’a fait quelque tort ou te doit quelque chose

mets-le sur mon compte.

19 Moi Paul je l’écris de ma propre main :

c’est moi qui rembourserai,

pour ne pas te dire que tu me dois encore quelque chose : toi-même.

20 Oui, Smon frère, puissé-je profiter de

Sêtre soulagé par toi dans le Seigneur.

Soulage mes entrailles dans le Seigneur.

S NesChrist.

21 C'est convaincu de

Sconfiant en ton obéissance, que je t'écris

Sai écrit

en sachant que tu feras même au-delà de ce que je demande.

Splus que ce que je dis.

Texte

Critique textuelle

2a bien-aimée : Byz S TR | V Nes (a A etc.) : sœur D’autres mss. lisent « sœur bien-aimée ».

7 grâce : Byz TR | V S Nes : joie

  • Byz TR : charin ;
  • V S Nes (א A C D etc.) : charan.

Vocabulaire

8 liberté des enfants de Dieu La parrhêsia est un terme technique décrivant la liberté du chrétien et son franc-parler.

2a sœur (V Nes) dans le Christ Nommée « sœur », Apphia est chrétienne.

Critique textuelle

6 en nous : Byz V Nes (A C D etc.) | S TR : en vous P61 א F G P lisent de même « en vous ».

Grammaire

19a je l’écris Aoriste épistolaire traduit par le présent.

Procédés littéraires

5 Chiasme La phrase est construite en chiasme et peut être comprise de trois manières :

  • « la charité et la foi que tu as non seulement pour le Seigneur Jésus, mais aussi pour tous les saints » ;
  • « la charité et la foi que tu as envers le Seigneur et les saints » ;
  • « la charité que tu as envers les saints et la foi envers Jésus Christ ».

Nous avons retenu la formulation qui maintient l’ambiguïté.

Contexte

Milieux de vie

16ad frère + dans la chair — Consanguinité ? Selon les coutumes de l’époque, il n’est pas impossible qu’Onésime soit le demi-frère de Philémon, né d’une esclave au même père. →Serviteurs et esclaves chez Paul

Texte

Genres littéraires

4–7 Action de grâce : un genre littéraire antique Paul christianise l’action de grâce qui était l’un des passages fréquents de la lettre dans l’Antiquité. La plupart du temps, les actions de grâce étaient de simples formulae valetudinis (formules de bonne santé) à l’image du fameux si vales bene est ego valeo des Latins (« si tu vas bien, c’est une bonne chose, moi je vais bien »), tellement entré dans la politesse qu’on pouvait l’abréger par ses initiales : SVBEEV. Souvent amplifiée, chez Paul, l’action de grâce remplit plusieurs rôles :

1) Un rôle pragmatique de mise en évidence du lien qui unit les partenaires de la communication. Ce lien allie la mémoire, l’information auditive et surtout la prière.

2) Un rôle littéraire d’annonce des principaux thèmes de la lettre : le rôle de la communauté et celui de l’action bénéfique de Philémon.

3) Un rôle rhétorique de captatio benevolentiae de Philémon en lui rappelant les liens qui l’unissent à Paul et en le félicitant de ses bonnes actions.

4) Un rôle liturgique : Paul indique bien que le partenaire principal sous-entendu de la communication épistolaire est Dieu.

Il est probable que cette action de grâce fonctionne surtout comme une pression discrète sur Philémon : en louant sa foi et son amour, Paul le force à accomplir davantage.

Réception

Tradition chrétienne

5ss Philémon, modèle de chrétien

  • Jérôme Comm. Phlm. « Ainsi un chrétien a la charité pour Dieu et pour ses saints ; mais peut-être il ne les communique pas à tous dans une mesure égale ; ou bien s’il les communique également, il ne donne pas leur accomplissement par les œuvres. En voici un autre qui joint les œuvres à la volonté, mais il ne peut avoir une connaissance parfaite de ses actions. Un autre a tout à la fois les œuvres et la science, mais il n’a pas la connaissance de tout bien, car tout en accomplissant beaucoup d’actions dans un esprit de justice, de douceur, et de zèle, il n’est point sous tout rapport à la hauteur de ses vertus. Mais tel n’était point Philémon. Sa participation à la foi était efficace, effective, et sa charité était accompagnée de la connaissance de tout bien. »

Contexte

Milieux de vie

1b–2ab Philémon + Apphia + Archippe — Prosopographie L'accumulation des noms dans la salutation et « l'église qui est dans ta maison » (v.2c) indiquent que la maison de Philémon servait de point de ralliement aux chrétiens de Colosses : c’était donc un homme aisé, dont la maison était devenue une « église domestique ». Sa femme pourrait être Apphia. Archippe est probablement leur fils, qui devient plus tard quelqu’un d’important dans l’Église de Colosses (Col 4,17 parle d’un « ministère » qu’Archippe a reçu).

2c l’église qui est dans ta maison Les églises domestiques primitives Paul écrit à l’une de ces églises domestiques (têᵢ kat’ oikon sou ekklêsiaᵢ) qui jouèrent un rôle fondamental dans le premier christianisme. L’évangélisation paulinienne était en effet essentiellement urbaine et, à défaut de lieux de réunion publics, les chrétiens se retrouvaient dans des maisons privées.

Texte

Procédés littéraires

16d et dans la chair et dans le Seigneur Idiolecte paulinien : formules figées Paul oppose comme à son habitude « la chair » (le monde apparent et souvent pécheur, dans lequel l’homme se meut) et le monde spirituel. Aux liens sociaux entre l’esclave et le maître se sont superposés des liens spirituels, une fraternité dans le Seigneur.

15 il a été séparé pour une heure afin qu’éternel, tu le récupères Chiasme On peut comprendre : « il a été séparé pour un temps afin que tu le récupères pour l’éternité », mais la construction rendue par la traduction souligne le contraste entre le caractère transitoire et fragile de sa vie ancienne (« une heure ») et la profondeur de sa condition nouvelle de frère dans la foi (« éternel »).

Réception

Théologie

14b pour que ton bienfait ne soit pas comme imposé mais volontaire La liberté de faire le mal

  • Jérôme Comm. Phlm. 14 (suivant Origène) se pose la question de savoir pourquoi Dieu n’a pas créé les êtres humains de telle sorte qu’ils fassent ce qui est bien. Il répond que, pour que nous soyons semblables à Dieu, la liberté de choix est requise, car Dieu est bon par choix, et non par nécessité. Si nous avions été créés bons par nécessité, nous ne serions plus semblables à Dieu, car être bon par nécessité serait d’une certaine façon un mal. C’est pourquoi, en nous dotant de notre libre arbitre, Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance.

Texte

Genres littéraires

1ss Genre épistolaire

Adresse

L’adresse paulinienne marque une christianisation du formulaire épistolaire antique, extrêmement simple (souvent du style « A à B, salut »). Non seulement elle mélange la salutation grecque (« salut », « réjouis-toi ») et la salutation hébraïque (šālôm, « la paix »), mais surtout elle fait de cette salutation une bénédiction puisque la grâce et la paix offertes viennent de Dieu le Père et de Jésus-Christ. →Vocabulaire de la grâce et du bienfait dans la Bible

Le membre et le corps

Paul, alors qu’il a une demande particulière à faire à Philémon (il lui demande d’être indulgent envers son esclave en fuite), adresse sa lettre à la communauté qui s’assemble chez lui. Cette adresse est une manière d’impliquer toute la maisonnée. Elle est plus qu’une simple façon de faire pression discrètement sur Philémon : elle constitue un moyen de présenter à l’assemblée un cas qui affecte toute la communauté et pas un individu.

4–7 Action de grâces : un genre littéraire antique Paul christianise l’action de grâce qui était l’un des passages fréquents de la lettre dans l’Antiquité. La plupart du temps, les actions de grâces étaient de simples formulae valetudinis (« formules de bonne santé ») à l’image du fameux si vales bene est ego valeo des Latins (« si tu vas bien, c’est une bonne chose, moi je vais bien »), tellement entré dans la politesse qu’on pouvait l’abréger par ses initiales SVBEEV. Souvent amplifiée, chez Paul, l’action de grâces remplit plusieurs rôles :

  • Un rôle pragmatique de mise en évidence du lien qui unit les partenaires de la communication. Ce lien allie la mémoire, l’information auditive et surtout la prière.
  • Un rôle littéraire d’annonce des principaux thèmes de la lettre : le rôle de la communauté et celui de l’action bénéfique de Philémon.
  • Un rôle rhétorique de captatio benevolentiae de Philémon en lui rappelant les liens qui l’unissent à Paul et en le félicitant de ses bonnes actions.
  • Un rôle liturgique : Paul indique bien que le partenaire principal sous-entendu de la communication épistolaire est Dieu.

Il est probable que cette action de grâces fonctionne surtout comme une pression discrète sur Philémon : en louant sa foi et son amour, Paul le force à accomplir davantage.

Contexte

Textes anciens

4–7 Actions de grâces devant les dieux Les actions de grâces (Genres littéraires Phm 1,4–7) pouvaient faire explicitement référence à une prière aux dieux, à l’instar des deux textes suivants :

  • P. Lond. 42 (Memphis, 29 août 168 av. J.-C.) « Isias à son frère Héphaïstion salut. Si tu es en bonne santé et que les choses se passent bien en général, tout va comme j’en prie continuellement les dieux. Moi aussi je suis en bonne santé, ainsi que le petit et tous ceux qui sont à la maison : ils font constamment mémoire de toi. J’ai reçu ta lettre par Horus, dans laquelle tu disais être en retraite au Serapeum de Memphis. J’ai immédiatement remercié les dieux de te savoir en bonne santé. Mais je suis contrariée de ne pas te voir revenir alors que tous ceux qui étaient là-bas sont revenus » (Wilcken 1922, 299-302 [no. 59→]).
  • P. Oxyrh. 3809 (Oxyrhynchos, 2e-3e s. av. J.-C.) « Agathangelos à Panarès, le barbier, mille bonjours. Je salue Héliodora également. Je me prosterne pour vous deux devant les dieux d’ici et je me prosterne pour vous chaque jour. Par la volonté des dieux, je suis déjà barbier du maître et je suis le barbier de tous ceux de la maison. Tous les jours où j’ai le travail de barbier à faire, c’est mon habitude de me prosterner. Salue tous mes collègues d’apprentissage ! [la suite fait défaut]. »

Paul se rapproche de ce dernier modèle et l’amplifie considérablement, pour en faire un véritable morceau de théologie.

Réception

Liturgie

1–21 Deuxième lecture du 23e dimanche du TO, année C

Lectionnaire œcuménique révisé 

Phm 1-21 est précédé ou bien de Jr 18,1-18 ; Ps 139,1-6.13-18 ou bien de Dt 30,15-20 ; Ps 1 ; et suivi par Lc 14,25-33.

Lectionnaire dominical romain

Phm 9b-10.12-17 est précédé de Sg 9,13-18b ; Ps 90,3-6.12-14.17 et suivi par Lc 14,25-33.

Le rappel à Philémon de considérer Onésime maintenant comme un frère et non plus comme son esclave prépare l’enseignement de Jésus qui invite dans l’évangile ceux qui veulent le suivre à renoncer aux biens matériels. La requête de Paul à Philémon se comprend alors comme le cas particulier d’un enseignement biblique plus général.

Texte

Grammaire

4a Je rends sans cesse grâce Portée de l'adverbe Traduit d’après le sens : pantote (« toujours ») semble se rapporter plutôt à eucharistô (« rendre grâce », « prier ») qu’à mneian (« mémoire »), mais on pourrait aussi traduire « Je rends grâce à mon Dieu, faisant sans cesse mémoire de toi dans mes prières ». 

Réception

Liturgie

7–20 Lectionnaire quotidien romain

Messe du jeudi de la 32e semaine du TO-II

Ce texte se lit avec Lc 17,20-25, où l’enseignement de Jésus sur la venue du fils de l’homme, qui doit souffrir et être rejeté par les hommes, a un lien ténu avec la situation critique d’Onésime.

Théologie

5 la charité et la foi

MORALE Vertus théologales

Ce petit passage, qui fait mine d’adresser des félicitations à Philémon, brosse le portrait du chrétien idéal que Paul souhaite voir naître : il doit croire au Seigneur Jésus et venir en aide à ses frères chrétiens par amour. Le vocabulaire théologique a fait des désignations employées par Paul des vertus théologales : la foi en Jésus-Christ et la charité envers son prochain.

ÉTHIQUE

Il faut cependant être prudent dans l’application des catégories théologiques ultérieures à ce texte, car le chiasme du v.5 (Procédés littéraires Phm 1,5) introduit un certain flottement : faut-il se contenter de la foi en Jésus et de la charité envers ses frères ou doit-on aussi pratiquer la charité envers Jésus et la foi en ses frères ? De même, la « communion dans la foi » du v.6 ne se borne pas à croire en Jésus : c’est un commandement éthique qui invite à connaître ce qu’il y a de bon en chacun afin de le mettre au service du Christ.

Texte

Procédés littéraires

10b.11b Onésime + utile — Jeu de mots entre Onêsimos (« profitable ») et euchrêstos (« utile »), qui sont synonymes. Euchrêstos est peut-être aussi un jeu de mots avec Christos (« Christ », v.8-9c) car la voyelle èta commençait à cette époque à se prononcer comme iota (phénomène de iotacisme).

Contexte

Milieux de vie

7b.12b.20b entrailles Anthropologies comparées

  • Conformément à l’usage de G et à l’anthropologie biblique, les « entrailles » (splanchna) sont le lieu des sentiments de l’homme.
  • C'est souvent rendu en français par le « cœur ». En effet, l'anthropologie moderne situe le siège des sentiments plutôt dans le cœur.
  • En v.12b S comprend « matrice », soit — par métonymie — « progéniture ».

Textes anciens

10a je t’exhorte au sujet de mon enfant que j'ai engendré

Refuge auprès d'une autorité sacrée

On a retrouvé de nombreux écriteaux d’avis de recherche, offrant de l’argent pour l’arrestation d’esclaves évadés. Le refuge auprès d’une autorité sacrée était fréquent, surtout dans la ville d’Éphèse, située dans les environs de Colosses. La situation d’Onésime était donc plutôt courante.

  • Achille Tatius Leuc. Clit. 7,13,2-3 « Le temple était depuis toujours interdit aux femmes libres et ouvert seulement aux hommes et aux vierges. Si une autre femme y entrait, la mort était la punition de son crime, sauf s’il s’agissait d’une esclave ayant légitimement à se plaindre de son maître ; dans un tel cas, il lui était permis de se rendre en suppliante auprès de la déesse ; les magistrats tranchaient le différend entre elle et son maître. S’ils jugeaient que le maître n’avait aucun tort à son égard, il reprenait possession de l’esclave, après serment de ne lui tenir aucune rigueur pour sa fuite. Mais si la sentence était rendue en faveur de la servante, elle restait là comme esclave de la divinité. »

Intervention d'un tiers

  • Pline Ep. 9,21 (une recommandation pour un affranchi) « Votre affranchi contre lequel vous vous dites furieux est venu à moi et, se prosternant à mes pieds comme il l’aurait fait aux vôtres, ne veut plus les quitter. Il a longtemps pleuré, longtemps prié, longtemps aussi gardé le silence ; bref, il m’a fait croire à ses regrets. En vérité, je l’estime corrigé parce qu’il sent qu’il a eu tort. Vous êtes en colère, je le sais, et en colère avec raison, je le sais aussi : mais la douceur est surtout méritoire quand on a de plus justes motifs de colère. Vous avez aimé cet homme et, je l’espère, vous l’aimerez encore : en attendant, il suffit que vous vous laissiez fléchir, ce sera plus excusable. Accordez quelque chose à sa jeunesse, quelque chose à ses larmes, quelque chose à votre bonté naturelle. Cessez de le tourmenter, de vous tourmenter du même coup ; car c’est un tourment pour vous, si doux, que la colère. Vous allez trouver, je le crains, qu’au lieu de prier, j’exige, si je joins mes supplications aux siennes ; je les joindrai pourtant d’autant plus abondamment et largement que je l’ai repris lui, plus vivement et plus sévèrement, l’ayant menacé sans détour pour vous, car peut-être supplierai-je encore, obtiendrai-je encore ; mais il s’agira toujours d’une prière qu’il soit décent à moi de faire, à vous d’exaucer. »

Il semble que le recours à un ami de la famille puisse être une façon de régler les conflits entre maîtres et esclaves :

  • Justinien Dig. 21,1,17,§4  « Vivianus [un juriste peu connu de la fin du Ier siècle apr. J.-C.,] dit : Proculus, interrogé à propos de quelqu’un qui s’était caché dans la maison de son maître afin de trouver une occasion de s’enfuir, dit : “Même s'il n'a pas pu trouver comment s'enfuir, puisqu’il était resté à la maison, cependant il était fugitif.  Mais s’il s’est caché jusqu’à ce que la colère de son maître se dissipe, il n’était pas fugitif. À l’instar de celui qui, réalisant que son maître voulait le battre, s’est réfugié chez un ami qu’il a convaincu d’intercéder pour lui.” »
  • Justinien Dig. 21,1,17,§5 « Vivianus écrit encore que si un jeune esclave a quitté le maître d'école et est revenu chez sa mère, il est fuyard s'il se cache pour ne pas revenir chez son maître ; mais si c'est pour obtenir grâce à sa mère un pardon de quelque faute qu'il aurait commise, il n'est pas fuyard. »

Réception

Tradition chrétienne

10b Onésime Prosopographie S’adressant à l’Église d’Éphèse un demi-siècle plus tard, Ignace d’Antioche parle d'un homme appelé Onésime :

  • Ignace d’Antioche Eph. 1,3 « C’est donc bien toute votre communauté que j’ai reçue au nom de Dieu, en Onésime, homme d’une indicible charité, votre évêque selon la chair. »

La tradition chrétienne a souvent assimilé cet Onésime à l’esclave en fuite, affirmant par là l’efficacité de la lettre de Paul et la sincérité de celui que l’Apôtre engendra dans la chair.

17b comme moi-même Les esclaves Paul et Onésime

  • Jean Chrysostome Hom. Phlm. (3e homélie) « Il n’y a pas de meilleur moyen pour persuader que de ne pas demander tout à la fois. Voyez en effet après quels éloges, après quelle longue préparation l’Apôtre ose enfin écrire ces paroles. Après avoir dit : "C’est mon fils, mon compagnon dans les liens de l’Évangile, mes entrailles, reçois-le comme un frère, regarde-le comme un frère", il ajoute : “comme moi-même”. Et Paul n’en rougit pas. Celui en effet qui ne rougit pas d’être appelé l’esclave des fidèles, et qui même se reconnaît hautement pour tel, peut à bien plus forte raison ne pas redouter d’écrire ces mots. »

15 la raison Un mal tourné en bien

  • Thomas d’Aquin Lect. Phlm. 2,2 « À ces mots “car peut-être a-t-il été séparé de toi pour un temps afin que tu le recouvres à jamais”, l’Apôtre donne à Philémon les raisons qui doivent le déterminer à recevoir Onésime avec bonté [...]. Du côté de Dieu, parce que souvent sa providence permet que ce qui paraît mal arrive, afin qu’il en résulte un bien. C’est ce qu’on voit dans la personne de Joseph, qui est vendu par ses frères, afin de délivrer l’Égypte et de sauver la famille de son père (Gn 45,5). »

Texte

Procédés littéraires

13a.14a Je voulais + je n’ai rien voulu faire — Variation sur les verbes de volonté

  • Paul emploie au v.13a boulomai, signe d’une volonté concertée ; 
  • il emploie au v.14a thelô, manifestation d’un simple désir.

19c pour ne pas te dire Prétérition ironique (acte de mentionner sans mentionner ; cf. Phm 8). Procédé qu’affectionnaient les orateurs. Paul présente ironiquement sous la forme d'une dénégation son argument massue, à savoir que Philémon n'aura jamais fini de lui payer sa dette (Milieux de vie Phm 1,19ab), puisqu'il lui doit rien moins que lui-même, si bien que céder Onésime ne devrait pas lui sembler exorbitant.

Contexte

Milieux de vie

16a esclave romain Comme toutes les sociétés antiques, la société des provinces de l’Empire romain était fortement hiérarchisée et connaissait l’esclavage.

Cause

On pouvait devenir esclave de multiples façons : beaucoup étaient des prisonniers de guerre, d’autres étaient ‘razziés’ par des chasseurs d’esclaves, certains étaient jetés dans la servitude pour dette ; il y avait enfin l’immense population des enfants d’esclaves.

Traitement

La condition réelle des esclaves dans l’Antiquité variait selon les circonstances. Si certains esclaves étaient soumis à de rudes travaux manuels, beaucoup travaillaient comme domestiques chez des maîtres compréhensifs et devenaient amis de la famille. Les lettres privées révèlent souvent des relations d’affection et de quasi-égalité. Enfin, certains esclaves recevaient une excellente éducation, instruisaient les enfants, géraient les domaines, servaient de secrétaires aux maîtres. Pour la législation grecque et romaine, le statut d’esclave est souvent rapproché de celui de fils. 

Onésime semble être un esclave domestique. Le v.18a a suggéré à quelques interprètes qu’il se soit enfui auprès de Paul après avoir volé son maître. Théologie Phm 1,12 ; →Serviteurs et esclaves chez Paul

Textes anciens

12 reçois-le comme mes propres entrailles Topos épistolaire Dans les lettres familières, on trouve de nombreuses recommandations. Elles adoptent souvent les mêmes lieux communs. Reçois-le comme si c’était moi :

  • P. Oxyrh. 1,32,6 « ait un œil sur lui comme si c’était moi. »
  • P. Oslo2,55→ : Un certain Diogène envoie Théon à son « frère » Pythagoras en lui disant : « Je t’en prie, frère, reçois-le comme moi-même ».

Textes anciens Phm 1,10a

15 il a été séparé pour une heure Avis de recherche Les cas d’esclaves en fuite étaient fréquents, comme le prouve un avis de recherche datant du 2e s. avant notre ère :

  • P. Paris 10 (Memphis, 145 av. J.-C.) « La 15e année [de Ptolémée VIII], le 16 Épiphi. Un esclave d’Aristogène, fils de Chrysippe, d’Alabanda, ambassadeur, s’est échappé à Alexandrie. Il se nomme Hermon, alias Nilos ; Syrien de naissance, de la ville de Bambyce ; environ 18 ans, taille moyenne, sans barbe ; jambes bien faites ; creux au menton ; signe près de la narine gauche ; cicatrice au-dessus du coin gauche de la bouche : le poignet droit marqué de lettres barbares ponctuées. Il avait [quand il s’est enfui] une ceinture contenant en monnaie d’or trois pièces de la valeur d’une mine, et dix perles ; un anneau de fer sur lequel il y a un lécythe et des strigiles ; son corps était couvert d’une chlamyde et d’un périzôma. Celui qui le ramènera recevra 2 talents de cuivre et 3 000 drachmes ; celui qui indiquera le lieu de sa retraite recevra, si c’est dans un lieu sacré, 1 talent et 2 000 drachmes ; si c’est chez un homme solvable et passible de la peine, 3 talents et 5 000 drachmes. Si l’on veut en faire la déclaration, on s’adressera aux employés du stratège. S’est encore échappé avec lui Bion, esclave de Callicratès, un des archypérètes de la cour. Taille petite ; épaules larges ; jambes fortes ; yeux pers. Il avait, lorsqu’il s’est enfui, une tunique, un petit manteau d’esclave, et un coffret de femme du prix de 6 talents et 5 000 drachmes de cuivre. Celui qui le ramènera recevra autant que pour le premier. Faire de même la déclaration, pour celui-ci, aux employés du stratège » (Wilcken 1922, 566-576 [no. 121→]).

Réception

Droit

13a Je voulais le retenir Devoir de protection

  • Dt 23,16-17 « Tu ne livreras pas un esclave à son maître qui se sera enfui de chez son maître auprès de toi. Il demeurera avec toi, parmi les tiens, au lieu qu’il aura choisi dans l’une de tes villes où il se trouvera bien ; tu ne le molesteras pas. »

En fait, cette loi ne s’appliquait qu’à la Terre promise.

Tradition juive

12ss Attitude talmudique envers un esclave enfui Les avis des rabbins sont partagés.

  • b. Giṭ. 45a « Un certain esclave s’enfuit depuis l’étranger jusqu’en Eretz Israël et était poursuivi par son maître. Ce dernier vint devant R. Ammi, qui lui dit : “Qu’il te rembourse sa valeur, et tu feras un acte d’émancipation en sa faveur en accord avec la vision de R. Ahi fils de R. Josiah. Car on a enseigné : 'Ils n’habiteront pas ton pays, de peur qu’ils ne te fassent pécher contre moi, car tu servirais leurs dieux et ce serait pour toi un piège' (Ex 23,33). Dirai-je que les textes parlent d’un païen qui a entrepris de ne pas pratiquer l’idolâtrie ? Il est écrit : (Dt 23,16)." R. Josiah a trouvé cette explication difficile à accepter, car, au lieu de “de chez son maître”, cela devrait être “de chez son père”. Aussi, R. Josiah expliqua le verset en parlant d’un homme qui vend son esclave à l’étranger. R. Ahi fils de R. Josiah trouva cela difficile à son tour, car au lieu de “qui s’est enfui auprès de toi”, cela devrait être “qui s’est enfui depuis chez toi”. R. Ahi fils de R. Josiah expliqua donc le verset en parlant d’un esclave qui s’enfuit depuis l’étranger jusqu’en Eretz Israël. Un autre enseigne : "Tu ne livreras pas un esclave à son maître." Un Rabbi dit que le verset parle d’un homme qui achète un esclave dans l’intention de l’émanciper. Comment devons-nous le comprendre ? R. Nahman b. Isaac dit : "Il fait un contrat en ces termes : 'Quand je t’achète, tu seras regardé comme étant ton propre maître à partir de maintenant.'" Un esclave de R. Hisda s’enfuit chez les Cuthéens [= Samaritains]. Il envoya une lettre pour qu’ils le lui retournent. Ils lui citèrent en retour le verset "Tu ne livreras pas un esclave à son maître". Il leur cita en retour "Ainsi feras-tu pour son âne, ainsi feras-tu pour son manteau, ainsi feras-tu pour tout objet perdu par ton frère et que tu trouveras ; tu n’as pas le droit de te dérober" (Dt 22,3). »

Cette difficulté semble exister depuis longtemps. Tg. Onq. sur Dt 23,16 traduit : « Tu ne livreras pas un esclave des nations à son maître ».

Théologie

12 MORALE Esclavage

Pourquoi Paul ne recommande-t-il pas l’affranchissement d’Onésime ?

On a souvent voulu faire de cette lettre une prise de position de Paul en faveur de l’esclavage et le manifeste d’un certain conservatisme social. Ce conservatisme apparent doit se comprendre en référence aux épîtres aux Galates et aux Corinthiens, que Paul écrit au même moment : dans l’Évangile, il n’y a ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, ni Grec, ni Juif (Ga 3,26-28) ; chacun doit rester là où l’Évangile l’a trouvé (1Co 7,20-24). Cette phrase retentit comme une affirmation théologique sur la grâce et peut-être sur la proximité du salut.

En regard de l’importance de la grâce, toutes les déterminations qui traversent le monde social n’ont plus aucune importance. Elles ne sont que des éléments contingents qui ne doivent pas troubler l’esprit du chrétien. On comprend alors l’insistance de Paul sur le couple esclave/frère et non sur le couple esclave/homme libre : l’essentiel pour Philémon est de saisir que son esclave n’est plus un étranger qui le sert, mais un chrétien comme lui.

Si l’on admet que Paul croyait encore à l’imminence du retour du Christ qu’il défendait en 1Th, il est compréhensible de sa part de ne pas pousser outre mesure à l’émancipation : pourquoi se préoccuper de ces questions matérielles, alors que l’on ne restera que peu de temps dans cette chair ?

 →Serviteurs et esclaves chez Paul

Texte

Procédés littéraires

18a.19c doit + dois — Dérivation sur le verbe indiquant la dette

  • En v.19c Paul emploie prosopheilô, qui désigne la somme due après un remboursement partiel.
  • Il emploie opheilô à propos d’Onésime (v.18a), manifestant par là sa volonté de tout payer.

Paul a manifestement converti Philémon, qui lui doit sa nouvelle vie.

Contexte

Milieux de vie

19ab je l’écris de ma propre main : c’est moi qui rembourserai Commerce : acte de reconnaissance de dette Phm 19 donne à la lettre la forme d’un écrit commercial : la lettre se transforme en reconnaissance de dette et en écrit qui oblige. La formule manuelle ressemble à une signature, tout en renforçant la présence de l’énonciateur.

Réception

Tradition chrétienne

16bd un frère + dans la chair et dans le Seigneur — Enfant de Dieu et de Philémon

  • Thomas d’Aquin Lect. Phlm. 2,2 « [Paul écrit en outre] “il m’est très cher à moi en particulier, combien doit-il vous l’être davantage, étant à vous et selon le monde et selon le Seigneur”. Ces paroles sont susceptibles d’une double interprétation. D’abord en les appliquant à la première origine de la divine création, et dans ces sens il est son frère : “N’est-ce pas lui qui est votre père, qui vous a possédé, qui vous a fait et qui vous a créé ?” (Dt 32,6) ; “N’avons-nous pas tous un même père et un même Dieu ?” (Ml 2,10). Ensuite, Onésime étant à Dieu par la foi, il n’en était que plus à Philémon, parce que lui appartenant déjà selon la chair, et en cette qualité son esclave, tout ce qu’il était selon cette chair était entièrement à lui. Ainsi donc, la charité fait intervenir un double motif, l’amour qui procède de l’origine comme selon la chair et l’amour spirituel. »

Texte

Vocabulaire

21a obéissance Ou : acceptation Le substantif hupakoê « docilité » venant de l’« écoute » (le verbe hupakouô) peut également être traduit par « obéissance » et par « acceptation ».

Procédés littéraires

20a puissé-je profiter Étymologisme Gr : onaimên permet de filer la métaphore par un retour sur le sens étymologique d’Onèsime-Profitable (Procédés littéraires Phm 1,10b.11b) : les rôles sont dès lors renversés et c’est le maître qui est ici sommé de devenir à son tour profitable pour Paul, dans la mesure où Philémon « est encore redevable » à l’Apôtre des gentils (v.19c prosopheileis : Procédés littéraires Phm 1,18a.19c).

Genres littéraires

20–25 Conclusion La lettre se termine par une conclusion en trois parties :

  • v.20-21 : péroraison rhétorique (et vaguement ironique) qui reprend les principaux arguments : la formule feint de nier le projet épistolaire puisqu’elle affirme la conviction de Paul que Philémon se rendra à ses arguments. Pourquoi écrire dans ce cas ? Bien entendu, c’est une sorte de prédiction qui se veut autoréalisatrice pour manifester encore un peu plus les obligations de Philémon envers Paul.
  • v.22: une nouvelle occurrence des projets de voyage de Paul, qui renforce le poids de la présence de l’Apôtre : d’ici peu, c’est en chair et en os qu’il pourra formuler sa demande.
  • v.23-25 : conclusion commune à toutes les lettres de la main de l’Apôtre : envoi de salutations de la part des personnes qui entourent l’Apôtre et brève formule de conclusion, en fait une bénédiction. L’ « Amen » final induit un usage liturgique.

Réception

Tradition chrétienne

20a puissé-je profiter de toi La distinction augustinienne entre « jouir de quelque chose » (frui) et « utiliser quelque chose » (uti) V : ego te fruar porte le verbe frui. Augustin pose une distinction cardinale entre « utiliser » (en lat. uti) les choses et « en jouir » (en lat. frui). On ne doit jouir que des choses éternelles et immuables ; tout le reste doit être utilisé. Mais qu’en est-il de nos semblables ? Nous avons l’ordre de les aimer. Mais doivent-ils être aimés pour eux-mêmes ou en vue de quelque chose d’autre ? La réponse d’Augustin est claire :

  • Augustin d’Hippone Doctr. chr. 1,37 « En outre, quand tu jouiras de l’homme en Dieu, ce sera de Dieu plutôt que de l’homme que tu jouiras. Tu jouiras en effet de celui qui te rendra heureux, et tu seras dans la joie d’être parvenu à celui en qui tu mets ton espoir. Ce qui fait dire à Paul, écrivant à Philémon : “Ainsi, frère, je jouirai de toi dans le Seigneur” (Phm 20). S’il n’avait pas ajouté “dans le Seigneur,” s’il avait dit seulement : “je jouirai de toi,” c’est en ce dernier qu’il eût mis l’espoir de son bonheur » (BA 11/2,125).

Propositions de lecture

1–25 Supplique d'un apôtre devenu pater familias

Structure

Adresse (v.1-3)

À son accoutumée, Paul profite de l’adresse pour transmettre une bénédiction aux destinataires de l’épître : Genres littéraires Phm 1,1ss.

Action de grâces (v.4-7)

L’épître est l’occasion de féliciter Philémon de sa foi et de sa charité, qui provoquent joie et consolation à l’Apôtre : Genres littéraires Phm 1,4–7. Elle est mobilisée au service de l'argumentation de Paul : il rappelle que la communion dans la foi ne peut rester une simple adhésion intellectuelle mais doit s’épanouir dans une réflexion éthique (la connaissance du bien qui est en nous pour le Christ) et de véritables actions (la charité qui produit le réconfort).

Demande (v.8-19)

L’essentiel du corps de l’épître est consacré à la requête de Paul. Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (v.8), l’Apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir. Paul présente ainsi sa demande : que Philémon ne tienne pas rigueur à Onésime de s’être enfui de chez lui pour se réfugier chez Paul. En effet, converti par Paul et devenu chrétien, il est bien plus que le simple esclave de son maître : il est comme son propre frère.

Conclusion (v.20-22) et salutations (v.23-25)

L’épître se clôt par l’assurance d’être entendu de Philémon (v.20-21), une promesse de voyage (v.22), un échange de salutations de la part des collaborateurs de Paul (v.23-24) et une bénédiction finale (v.25) : Genres littéraires Phm 1,20–25.

Caractérisation de Paul : apôtre, père, commerçant, ironiste ?

On peut se lancer dans des considérations de morale sociale (Théologie Phm 1,12), peut-être anachroniques (Milieux de vie Phm 1,16a) ; on peut aussi être sensible à la subtilité des relations humaines tissées par Paul.

Père et victime

Deux thèmes sont à l’œuvre : la prison et les entrailles (le cœur : Milieux de vie Phm 1,7b.12b.20b). Ils construisent une figure subtile d’autorité de l’Apôtre, qui apparaît à la fois comme un modèle de souffrance pour la foi et comme un modèle de paternité. Paul devient pater familias de Philémon et d’Onésime, qui sont maintenant frères (c.-à-d. la paternité de Philémon est relativisée). Plutôt que de faire appel à son autorité apostolique (v.8), Paul préfère se présenter comme un père et comme une victime (v.9).

Négociateur madré

Il le fait avec une tendre ironie (Procédés littéraires Phm 1,8s), feignant la négociation commerciale (Milieux de vie Phm 1,19ab), multipliant les arguments jusqu’aux limites de la préciosité (comme le jeu de mots sur le nom de l'esclave : Procédés littéraires Phm 1,10b.11b ; Procédés littéraires Phm 1,20a), comme s'il ne voulait pas imposer sa volonté, malgré son insistance (Phm 20-21) et alors qu'il rappelle à Philémon qu'il ne lui doit rien moins que... lui-même : Procédés littéraires Phm 1,19c !

Arts visuels

9 Bible hiéroglyphique

Thomas Bewick (1753-1828) et Rowland Hill (1744-1833), New Hieroglyphical Bible (impression au plomb et gravure sur bois, 1794), 14 cm x 9 cm

Thomas Fisher Rare Book Library, Toronto (Canada) © Domaine public - Photo : Dr. Ralph F. Wilson

Il est touchant de voir que cette Bible hiéroglyphique choisit de représenter l'« amour » ou la « charité » par une famille, du moins par une mère avec ses enfants (le père étant absent) ; de même en 3Jn 1,6.