Un projet du Programme de Recherches La Bible en ses traditions AISBL
Dirigé par l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem
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1 VICI COMMENCE L'ÉPÎTRE À PHILÉMON
Paul, prisonnier du Christ Jésus
V Sde Jésus-Christ, et le frère Timothée
à Philémon le bien-aimé notre collaborateur,
2 ainsi qu’à la bien-aimée
V Nessœur Apphia
VAppie
à Archippe notre compagnon d'armes
Scollaborateur
et à l’Église qui est dans ta maison,
3 à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du
Sde notre Seigneur Jésus Christ
VJésus-Christ.
4 Je rends sans cesse grâce à mon Dieu
faisant mémoire de toi dans mes prières
5 en entendant parler de la charité et la foi que tu as envers
Vdans le Seigneur Jésus et à l'égard de tous les saints.
5 Voici, depuis que j'ai entendu [parler] de ta foi et de la charité que tu as envers notre Seigneur Jésus et envers tous les saints
6 Puisse ta communion dans la foi être efficace par la reconnaissance de tout le bien qui est en nous pour
V Nesnous dans
TRvous pour le Christ Byz V TRJésus.
6 que la communion dans ta foi donne du fruit dans les œuvres et la connaissance de tout le bien que vous avez en Jésus-Christ !
7 Grande grâce
V Nesjoie et grand réconfort
Vgrande consolation nous avons
V Nesj'ai eu dans ta charité
car les entrailles des saints ont été soulagées par toi, frère.
7 En effet grande joie et grand réconfort nous avons eu
car par ta charité ont été soulagées les entrailles des saints.
8 C’est pourquoi, bien qu’ayant en Christ VJésus toute liberté de te prescrire ce qui convient
Sest juste
9 à cause de la charité je t’exhorte plutôt
tel que je suis, le vieux Paul, Scomme tu sais
qui plus est maintenant prisonnier de Jésus-Christ
Nesdu Christ Jésus,
10 Set je t’exhorte au sujet de mon enfant
V Sfils que j’ai engendré dans mes
V Nesles chaînes
Onésime
11 qui t’était jadis inutile
et qui est maintenant à toi comme à moi, bien utile,
12 Vet que je te renvoie.
Mais toi reçois-le comme mes propres entrailles.
12 Je te l'ai renvoyé
et toi reçois-le comme ma propre progéniture.
12 et que je te renvoie.
ll est mes propres entrailles.
13 Je voulais le retenir auprès de moi
pour qu’il me serve à ta place dans les chaînes de l’Évangile.
14 Mais sans ton avis, je n’ai rien voulu faire
pour que ton bienfait ne soit pas comme imposé mais volontaire.
15 C’est peut-être la raison pour laquelle il a été séparé pour une heure, afin que tu le récupères pour l'éternité
16 non plus comme esclave, mais mieux
Splus qu’un esclave :
comme un
Smon propre frère bien aimé.
Byz V TR NesIl l’est grandement pour moi
combien plus le sera-t-il pour toi, et dans la chair et dans le Seigneur !
17 Si donc tu me tiens comme un compagnon
Ses un compagnon pour moi
accueille-le comme moi-même.
18 Et s’il t’a fait quelque tort ou te doit quelque chose
mets-le sur mon compte.
19 Moi Paul je l’écris de ma propre main :
c’est moi qui rembourserai,
pour ne pas te dire que tu me dois encore quelque chose : toi-même.
20 Oui, Smon frère, puissé-je profiter de
Sêtre soulagé par toi dans le Seigneur.
Soulage mes entrailles dans le Seigneur.
S NesChrist.
21 C'est convaincu de
Sconfiant en ton obéissance, que je t'écris
Sai écrit
en sachant que tu feras même au-delà de ce que je demande.
Splus que ce que je dis.
2a bien-aimée : Byz S TR | V Nes (a A etc.) : sœur D’autres mss. lisent « sœur bien-aimée ».
7 grâce : Byz TR | V S Nes : joie
8 liberté des enfants de Dieu La parrhêsia est un terme technique décrivant la liberté du chrétien et son franc-parler.
2a sœur (V Nes) dans le Christ Nommée « sœur », Apphia est chrétienne.
6 en nous : Byz V Nes (A C D etc.) | S TR : en vous P61 א F G P lisent de même « en vous ».
19a je l’écris Aoriste épistolaire traduit par le présent.
5 Chiasme La phrase est construite en chiasme et peut être comprise de trois manières :
Nous avons retenu la formulation qui maintient l’ambiguïté.
16ad frère + dans la chair — Consanguinité ? Selon les coutumes de l’époque, il n’est pas impossible qu’Onésime soit le demi-frère de Philémon, né d’une esclave au même père. →Serviteurs et esclaves chez Paul
4–7 Action de grâce : un genre littéraire antique Paul christianise l’action de grâce qui était l’un des passages fréquents de la lettre dans l’Antiquité. La plupart du temps, les actions de grâce étaient de simples formulae valetudinis (formules de bonne santé) à l’image du fameux si vales bene est ego valeo des Latins (« si tu vas bien, c’est une bonne chose, moi je vais bien »), tellement entré dans la politesse qu’on pouvait l’abréger par ses initiales : SVBEEV. Souvent amplifiée, chez Paul, l’action de grâce remplit plusieurs rôles :
1) Un rôle pragmatique de mise en évidence du lien qui unit les partenaires de la communication. Ce lien allie la mémoire, l’information auditive et surtout la prière.
2) Un rôle littéraire d’annonce des principaux thèmes de la lettre : le rôle de la communauté et celui de l’action bénéfique de Philémon.
3) Un rôle rhétorique de captatio benevolentiae de Philémon en lui rappelant les liens qui l’unissent à Paul et en le félicitant de ses bonnes actions.
4) Un rôle liturgique : Paul indique bien que le partenaire principal sous-entendu de la communication épistolaire est Dieu.
Il est probable que cette action de grâce fonctionne surtout comme une pression discrète sur Philémon : en louant sa foi et son amour, Paul le force à accomplir davantage.
5ss Philémon, modèle de chrétien
1b–2ab Philémon + Apphia + Archippe — Prosopographie L'accumulation des noms dans la salutation et « l'église qui est dans ta maison » (v.2c) indiquent que la maison de Philémon servait de point de ralliement aux chrétiens de Colosses : c’était donc un homme aisé, dont la maison était devenue une « église domestique ». Sa femme pourrait être Apphia. Archippe est probablement leur fils, qui devient plus tard quelqu’un d’important dans l’Église de Colosses (Col 4,17 parle d’un « ministère » qu’Archippe a reçu).
2c l’église qui est dans ta maison Les églises domestiques primitives Paul écrit à l’une de ces églises domestiques (têᵢ kat’ oikon sou ekklêsiaᵢ) qui jouèrent un rôle fondamental dans le premier christianisme. L’évangélisation paulinienne était en effet essentiellement urbaine et, à défaut de lieux de réunion publics, les chrétiens se retrouvaient dans des maisons privées.
16d et dans la chair et dans le Seigneur Idiolecte paulinien : formules figées Paul oppose comme à son habitude « la chair » (le monde apparent et souvent pécheur, dans lequel l’homme se meut) et le monde spirituel. Aux liens sociaux entre l’esclave et le maître se sont superposés des liens spirituels, une fraternité dans le Seigneur.
15 il a été séparé pour une heure afin qu’éternel, tu le récupères Chiasme On peut comprendre : « il a été séparé pour un temps afin que tu le récupères pour l’éternité », mais la construction rendue par la traduction souligne le contraste entre le caractère transitoire et fragile de sa vie ancienne (« une heure ») et la profondeur de sa condition nouvelle de frère dans la foi (« éternel »).
14b pour que ton bienfait ne soit pas comme imposé mais volontaire La liberté de faire le mal
1ss Genre épistolaire
L’adresse paulinienne marque une christianisation du formulaire épistolaire antique, extrêmement simple (souvent du style « A à B, salut »). Non seulement elle mélange la salutation grecque (« salut », « réjouis-toi ») et la salutation hébraïque (šālôm, « la paix »), mais surtout elle fait de cette salutation une bénédiction puisque la grâce et la paix offertes viennent de Dieu le Père et de Jésus-Christ. →Vocabulaire de la grâce et du bienfait dans la Bible
Paul, alors qu’il a une demande particulière à faire à Philémon (il lui demande d’être indulgent envers son esclave en fuite), adresse sa lettre à la communauté qui s’assemble chez lui. Cette adresse est une manière d’impliquer toute la maisonnée. Elle est plus qu’une simple façon de faire pression discrètement sur Philémon : elle constitue un moyen de présenter à l’assemblée un cas qui affecte toute la communauté et pas un individu.
4–7 Action de grâces : un genre littéraire antique Paul christianise l’action de grâce qui était l’un des passages fréquents de la lettre dans l’Antiquité. La plupart du temps, les actions de grâces étaient de simples formulae valetudinis (« formules de bonne santé ») à l’image du fameux si vales bene est ego valeo des Latins (« si tu vas bien, c’est une bonne chose, moi je vais bien »), tellement entré dans la politesse qu’on pouvait l’abréger par ses initiales SVBEEV. Souvent amplifiée, chez Paul, l’action de grâces remplit plusieurs rôles :
Il est probable que cette action de grâces fonctionne surtout comme une pression discrète sur Philémon : en louant sa foi et son amour, Paul le force à accomplir davantage.
4–7 Actions de grâces devant les dieux Les actions de grâces (Genres littéraires Phm 1,4–7) pouvaient faire explicitement référence à une prière aux dieux, à l’instar des deux textes suivants :
Paul se rapproche de ce dernier modèle et l’amplifie considérablement, pour en faire un véritable morceau de théologie.
1–21 Deuxième lecture du 23e dimanche du TO, année C
Phm 1-21 est précédé ou bien de Jr 18,1-18 ; Ps 139,1-6.13-18 ou bien de Dt 30,15-20 ; Ps 1 ; et suivi par Lc 14,25-33.
Phm 9b-10.12-17 est précédé de Sg 9,13-18b ; Ps 90,3-6.12-14.17 et suivi par Lc 14,25-33.
Le rappel à Philémon de considérer Onésime maintenant comme un frère et non plus comme son esclave prépare l’enseignement de Jésus qui invite dans l’évangile ceux qui veulent le suivre à renoncer aux biens matériels. La requête de Paul à Philémon se comprend alors comme le cas particulier d’un enseignement biblique plus général.
4a Je rends sans cesse grâce Portée de l'adverbe Traduit d’après le sens : pantote (« toujours ») semble se rapporter plutôt à eucharistô (« rendre grâce », « prier ») qu’à mneian (« mémoire »), mais on pourrait aussi traduire « Je rends grâce à mon Dieu, faisant sans cesse mémoire de toi dans mes prières ».
7–20 Lectionnaire quotidien romain
Ce texte se lit avec Lc 17,20-25, où l’enseignement de Jésus sur la venue du fils de l’homme, qui doit souffrir et être rejeté par les hommes, a un lien ténu avec la situation critique d’Onésime.
5 la charité et la foi
Ce petit passage, qui fait mine d’adresser des félicitations à Philémon, brosse le portrait du chrétien idéal que Paul souhaite voir naître : il doit croire au Seigneur Jésus et venir en aide à ses frères chrétiens par amour. Le vocabulaire théologique a fait des désignations employées par Paul des vertus théologales : la foi en Jésus-Christ et la charité envers son prochain.
Il faut cependant être prudent dans l’application des catégories théologiques ultérieures à ce texte, car le chiasme du v.5 (Procédés littéraires Phm 1,5) introduit un certain flottement : faut-il se contenter de la foi en Jésus et de la charité envers ses frères ou doit-on aussi pratiquer la charité envers Jésus et la foi en ses frères ? De même, la « communion dans la foi » du v.6 ne se borne pas à croire en Jésus : c’est un commandement éthique qui invite à connaître ce qu’il y a de bon en chacun afin de le mettre au service du Christ.
10b.11b Onésime + utile — Jeu de mots entre Onêsimos (« profitable ») et euchrêstos (« utile »), qui sont synonymes. Euchrêstos est peut-être aussi un jeu de mots avec Christos (« Christ », v.8-9c) car la voyelle èta commençait à cette époque à se prononcer comme iota (phénomène de iotacisme).
7b.12b.20b entrailles Anthropologies comparées
10a je t’exhorte au sujet de mon enfant que j'ai engendré
On a retrouvé de nombreux écriteaux d’avis de recherche, offrant de l’argent pour l’arrestation d’esclaves évadés. Le refuge auprès d’une autorité sacrée était fréquent, surtout dans la ville d’Éphèse, située dans les environs de Colosses. La situation d’Onésime était donc plutôt courante.
Il semble que le recours à un ami de la famille puisse être une façon de régler les conflits entre maîtres et esclaves :
10b Onésime Prosopographie S’adressant à l’Église d’Éphèse un demi-siècle plus tard, Ignace d’Antioche parle d'un homme appelé Onésime :
La tradition chrétienne a souvent assimilé cet Onésime à l’esclave en fuite, affirmant par là l’efficacité de la lettre de Paul et la sincérité de celui que l’Apôtre engendra dans la chair.
17b comme moi-même Les esclaves Paul et Onésime
15 la raison Un mal tourné en bien
13a.14a Je voulais + je n’ai rien voulu faire — Variation sur les verbes de volonté
19c pour ne pas te dire Prétérition ironique (acte de mentionner sans mentionner ; cf. Phm 8). Procédé qu’affectionnaient les orateurs. Paul présente ironiquement sous la forme d'une dénégation son argument massue, à savoir que Philémon n'aura jamais fini de lui payer sa dette (Milieux de vie Phm 1,19ab), puisqu'il lui doit rien moins que lui-même, si bien que céder Onésime ne devrait pas lui sembler exorbitant.
16a esclave romain Comme toutes les sociétés antiques, la société des provinces de l’Empire romain était fortement hiérarchisée et connaissait l’esclavage.
On pouvait devenir esclave de multiples façons : beaucoup étaient des prisonniers de guerre, d’autres étaient ‘razziés’ par des chasseurs d’esclaves, certains étaient jetés dans la servitude pour dette ; il y avait enfin l’immense population des enfants d’esclaves.
La condition réelle des esclaves dans l’Antiquité variait selon les circonstances. Si certains esclaves étaient soumis à de rudes travaux manuels, beaucoup travaillaient comme domestiques chez des maîtres compréhensifs et devenaient amis de la famille. Les lettres privées révèlent souvent des relations d’affection et de quasi-égalité. Enfin, certains esclaves recevaient une excellente éducation, instruisaient les enfants, géraient les domaines, servaient de secrétaires aux maîtres. Pour la législation grecque et romaine, le statut d’esclave est souvent rapproché de celui de fils.
Onésime semble être un esclave domestique. Le v.18a a suggéré à quelques interprètes qu’il se soit enfui auprès de Paul après avoir volé son maître. Théologie Phm 1,12 ; →Serviteurs et esclaves chez Paul
12 reçois-le comme mes propres entrailles Topos épistolaire Dans les lettres familières, on trouve de nombreuses recommandations. Elles adoptent souvent les mêmes lieux communs. Reçois-le comme si c’était moi :
15 il a été séparé pour une heure Avis de recherche Les cas d’esclaves en fuite étaient fréquents, comme le prouve un avis de recherche datant du 2e s. avant notre ère :
13a Je voulais le retenir Devoir de protection
En fait, cette loi ne s’appliquait qu’à la Terre promise.
12ss Attitude talmudique envers un esclave enfui Les avis des rabbins sont partagés.
Cette difficulté semble exister depuis longtemps. →Tg. Onq. sur Dt 23,16 traduit : « Tu ne livreras pas un esclave des nations à son maître ».
12 MORALE Esclavage
On a souvent voulu faire de cette lettre une prise de position de Paul en faveur de l’esclavage et le manifeste d’un certain conservatisme social. Ce conservatisme apparent doit se comprendre en référence aux épîtres aux Galates et aux Corinthiens, que Paul écrit au même moment : dans l’Évangile, il n’y a ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme, ni Grec, ni Juif (Ga 3,26-28) ; chacun doit rester là où l’Évangile l’a trouvé (1Co 7,20-24). Cette phrase retentit comme une affirmation théologique sur la grâce et peut-être sur la proximité du salut.
En regard de l’importance de la grâce, toutes les déterminations qui traversent le monde social n’ont plus aucune importance. Elles ne sont que des éléments contingents qui ne doivent pas troubler l’esprit du chrétien. On comprend alors l’insistance de Paul sur le couple esclave/frère et non sur le couple esclave/homme libre : l’essentiel pour Philémon est de saisir que son esclave n’est plus un étranger qui le sert, mais un chrétien comme lui.
Si l’on admet que Paul croyait encore à l’imminence du retour du Christ qu’il défendait en 1Th, il est compréhensible de sa part de ne pas pousser outre mesure à l’émancipation : pourquoi se préoccuper de ces questions matérielles, alors que l’on ne restera que peu de temps dans cette chair ?
18a.19c doit + dois — Dérivation sur le verbe indiquant la dette
Paul a manifestement converti Philémon, qui lui doit sa nouvelle vie.
19ab je l’écris de ma propre main : c’est moi qui rembourserai Commerce : acte de reconnaissance de dette Phm 19 donne à la lettre la forme d’un écrit commercial : la lettre se transforme en reconnaissance de dette et en écrit qui oblige. La formule manuelle ressemble à une signature, tout en renforçant la présence de l’énonciateur.
16bd un frère + dans la chair et dans le Seigneur — Enfant de Dieu et de Philémon
21a obéissance Ou : acceptation Le substantif hupakoê « docilité » venant de l’« écoute » (le verbe hupakouô) peut également être traduit par « obéissance » et par « acceptation ».
20a puissé-je profiter Étymologisme Gr : onaimên permet de filer la métaphore par un retour sur le sens étymologique d’Onèsime-Profitable (Procédés littéraires Phm 1,10b.11b) : les rôles sont dès lors renversés et c’est le maître qui est ici sommé de devenir à son tour profitable pour Paul, dans la mesure où Philémon « est encore redevable » à l’Apôtre des gentils (v.19c prosopheileis : Procédés littéraires Phm 1,18a.19c).
20–25 Conclusion La lettre se termine par une conclusion en trois parties :
20a puissé-je profiter de toi La distinction augustinienne entre « jouir de quelque chose » (frui) et « utiliser quelque chose » (uti) V : ego te fruar porte le verbe frui. Augustin pose une distinction cardinale entre « utiliser » (en lat. uti) les choses et « en jouir » (en lat. frui). On ne doit jouir que des choses éternelles et immuables ; tout le reste doit être utilisé. Mais qu’en est-il de nos semblables ? Nous avons l’ordre de les aimer. Mais doivent-ils être aimés pour eux-mêmes ou en vue de quelque chose d’autre ? La réponse d’Augustin est claire :
1–25 Supplique d'un apôtre devenu pater familias
À son accoutumée, Paul profite de l’adresse pour transmettre une bénédiction aux destinataires de l’épître : Genres littéraires Phm 1,1ss.
L’épître est l’occasion de féliciter Philémon de sa foi et de sa charité, qui provoquent joie et consolation à l’Apôtre : Genres littéraires Phm 1,4–7. Elle est mobilisée au service de l'argumentation de Paul : il rappelle que la communion dans la foi ne peut rester une simple adhésion intellectuelle mais doit s’épanouir dans une réflexion éthique (la connaissance du bien qui est en nous pour le Christ) et de véritables actions (la charité qui produit le réconfort).
L’essentiel du corps de l’épître est consacré à la requête de Paul. Tout en affirmant laisser Philémon libre de son choix (v.8), l’Apôtre présente divers arguments pour le convaincre de recevoir Onésime sans le punir. Paul présente ainsi sa demande : que Philémon ne tienne pas rigueur à Onésime de s’être enfui de chez lui pour se réfugier chez Paul. En effet, converti par Paul et devenu chrétien, il est bien plus que le simple esclave de son maître : il est comme son propre frère.
L’épître se clôt par l’assurance d’être entendu de Philémon (v.20-21), une promesse de voyage (v.22), un échange de salutations de la part des collaborateurs de Paul (v.23-24) et une bénédiction finale (v.25) : Genres littéraires Phm 1,20–25.
On peut se lancer dans des considérations de morale sociale (Théologie Phm 1,12), peut-être anachroniques (Milieux de vie Phm 1,16a) ; on peut aussi être sensible à la subtilité des relations humaines tissées par Paul.
Deux thèmes sont à l’œuvre : la prison et les entrailles (le cœur : Milieux de vie Phm 1,7b.12b.20b). Ils construisent une figure subtile d’autorité de l’Apôtre, qui apparaît à la fois comme un modèle de souffrance pour la foi et comme un modèle de paternité. Paul devient pater familias de Philémon et d’Onésime, qui sont maintenant frères (c.-à-d. la paternité de Philémon est relativisée). Plutôt que de faire appel à son autorité apostolique (v.8), Paul préfère se présenter comme un père et comme une victime (v.9).
Il le fait avec une tendre ironie (Procédés littéraires Phm 1,8s), feignant la négociation commerciale (Milieux de vie Phm 1,19ab), multipliant les arguments jusqu’aux limites de la préciosité (comme le jeu de mots sur le nom de l'esclave : Procédés littéraires Phm 1,10b.11b ; Procédés littéraires Phm 1,20a), comme s'il ne voulait pas imposer sa volonté, malgré son insistance (Phm 20-21) et alors qu'il rappelle à Philémon qu'il ne lui doit rien moins que... lui-même : Procédés littéraires Phm 1,19c !
9 Bible hiéroglyphique
Il est touchant de voir que cette Bible hiéroglyphique choisit de représenter l'« amour » ou la « charité » par une famille, du moins par une mère avec ses enfants (le père étant absent) ; de même en 3Jn 1,6.